236 [Assemblée cationale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juin 1191.J (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Gaultier-BIauzat. Il est à craindre que les meubles de M. d’Angiviller ne disparaissent comme sa personne ; pour obvier à cette soustraction, je demande que le décret que vous venez de rendre soit porté dans le jour à la sanction du roi. (Cette motion est décrétée.) M. Salicelti. On distribue aux portes de votre salle une adresse de M. Joseph-Marie Bel-godère, officier municipal de la ville de Bastia en l’île de Corse. Cette adresse contient des inculpations très graves contre le directoire du département de la Corse , qu’elle accuse d’exercer une dictature inquisitoriale, et d’attenter, par des vexations, à la liberté individuelle des citoyens ; elle accuse particulièrement d’intrigues, tendant à perpétuer l’anarchie, M. Arena, procureur général syndic (1). Comme ces faits sont extrêmement graves, et qu’il est infiniment intéressant pour le directoire et pour les patriotes, qui sont en très grand nombre dans l’île de Corse, qu’ils soient éclaircis, je demande que l’adresse dont je vais remettre un exemplaire sur le bureau, soit renvoyée au comité des rapports pour en rendre compte incessamment. Si le directoire est coupable des faits qui lui sont imputés, je prends l’engagement solennel de ne jamais le défendre dans le sein de l'Assemblée nationale ; mais si, au contraire, il n’a fait que déployer le zèle le plus patriotique, il faut qu’il soit solennellement justifié de ces accusations calomnieuses. (L’Assemblée, consultée, ordonne le renvoi de l’adresse du sieur Belgodère au comité des rapports.) M. Millet de Mureau. Messieurs, tandis que votre comité des monnaies s’amuse à faire des expériences au moins inutiles, la chose publique souffre. Je vois d’un côté que les assignats vont être mis en émission avant que nous ayons une quantité suffisante de monnaie de cuivre pour les échanges à bureau ouvert ; de l’autre, qu’on épuise notre cuivre rouge, qu’on le renchérit, et qu’en tardant à vous faire prendre un parti sur le métal des cloches, on le rendra inutile. Le 30 mai, je vous présentai un mémoire sur les moyens de tirer sur-le-champ des cloches un un parti avantageux, en rendant l’alliage dont elles sont composées malléable, ce qui éviterait l’opération dispendieuse de l’extraction du cuivre pur ; vous chargeâtes votre comité de vous en faire, sous huitaine, le rapport ; et depuis dix-huit jours ce rapport n’est pas encore fait. M. l’abbé Rochon, membre de la commission administrative des monnaies, vous a distribué un mémoire extrêmement clair sur cette matière ; il vous a distribué des pièces faites avec du métal de cloches sans aucune opération alchimique. Vous pouvez donc, dès à présent, prendre un parti ; et puisque le comité s’obstine dans un silence aussi funeste, je demande qu’il lui soit expressément enjoint de faire son rapport vendredi, et qu’à son défaut je sois autorisé à présenter mon projet. M. de Cernon , membre du comité des finances. (1) Yoy. cette adresse ci-après, aux annexes de la séance. Messieurs, le comitédes finances, de concert avec celui des monnaies, s’est occupé avec le plus grand zèle des moyeDS de vous présenter des résultats sûrs sur la valeur du métal des cloches; mais il a cru ne pouvoir vous présenter que des calculs appuyés sur des expériences. Nous avons fait plusieurs essais en petit, extrêmement satisfaisants ; mais nous n’avons pas cru qu’ils fussent suffisants; nous devions faire avant hier une expérience en grand sur 12 quintaux de matière de cloches; elle a été retardée par un obstacle involontaire de notre part, c’est-à-dire parle défaut d’une quantité suffisante de matière : mais j’ai la certitude qu’elle se fera vendredi prochain. Je dois en même temps annoncer à P Assemblée que nos premiers essais nous donnent les plus grandes espérances sur le succès de l’opération extrêmement utile, qui consistera à extraire, du métal des cloches, le cuivre pur qui s’y trouve. M. l’abbé Saurine, membre du comité des finances , confirme les faits avancés par M. de Cernon et, pour prouver que ce comité n’a pas cessé de s’occuper de cet objet important, représente un tableau succinct des expériences qui ont été faites. 1! annonce que des pièces, frappées d’après les résultats de ces différentes expériences, seront incessamment distribuées et soumises à l’examen de l’Assemblée, et que le comité sera prêt à rapporter son travail dans la semaine prochaine. M. Gaultler-Blauzat. Mon observation se borne à vous proposer de renvoyer à dimanche le rapport qu’on vient de vous annoncer sur les monnaies. M. Martineau. Moi, je soutiens que nous ne devons pas attendre le résultat des expériences du comité des monnaies. Nous tenons à la main des pièces de M. l’abbé Rochon faites avec le métal des cloches, qui sont plus belles que celles qui sont faites en cuivre pur. Ce départ du cuivre pur exige des opérations longues et dispendieuses; je demande qu’il soit rejeté. (L’Assemblée, consultée, décide que le rapport sur l’utilisation du métal des cloches lui sera présenté dimanche prochain.) M. Defermon, au nom du comité de Constitution, des colonies, de la marine et d'agriculture et de commerce. Vous avez décrété hier sans rédaction le projet que nous vous avons présenté à la suite de l 'instruction sur les colonies. Voici la rédaction que nous vous proposons : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture des instructions proposées par Jes comités réunis des colonies, de marine, de Constitution, d’agriculture et de commerce, « Décrète que son président se retirera par devers le roi, pour le pnerde les faire adresser, ainsi que le présent décret, au gouverneur delà colonie de Saint-Domingue, pour servir de mémoire et d’instruction seulement ; « Que l’assemblée coloniale pourra mettre provisoirement à l’exécution, avec l’approbation préalable du gouverneur, les dispositions des différents décrets rendus pour le royaume, et même celles des instructions qu’ils croiront pouvoir convenir à la colonie, à la charge de rapporter le tout au Corps législatif, pour être soumis à sa délibération et à la sanction du roi. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juin 1791.] 937 « Que pour mettre l’assemblée coloniale à même d’user de cette faculté, il lui sera adressé, à titre d'instruction seulement, ua exemplaire des décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi. » M. de Traey. Je demanderaisseulement qu’on décrétât, en outre, que les décrets rendus expressément pour les colonies doivent y avoir force de loi. Je demande cette addition afin que les décrets rendus expressément pour les colonies ne soient pas confondus avec les décrets rendus pour la royaume et qui ne sont que facultatifs. C’est là l’explication que j’ai donnée hier et que l’Assemblée a paru adopter. M. Gaultier-Bianzat. Au lieu de mettre < expressément », je demande qu’on mette « spécialement ». M. de Tracy. Voici comme je réduis ma proposition ; elle consiste à ajouter au décret la disposition suivante : < Décrète en outre que les décrets rendus spécialement pour les colonies y auront force de loi, et que rien ne peut s’opposer à leur entière exécution. » M. Defermon, rapporteur. J’adopte le sens de l’article additionnel proposé par le préopinant et je crois qu’au moyen d’un léger changement, notre rédaction remplira le vœu de l’Assemblée. Voici ce que nous proposons : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture des instructions proposées par les comités réunis, des colonies, de marine, de Constitution, d’agriculture et de commerce, p Décrète que son président se [retirera par-devers le roi pour le prier de les faire adresser, ainsi que le présent décret, au gouverneur de la colonie de Saint-Domingue pour servir de mémoire et d’instruction seulement; < Que l’assemblée coloniale pourra, en se conformant aux décrets rendus pour les colonies, desquels elle ne pourra arrêter ni suspendre l’exécution, mettre provisoirement à exécution, avec l’approbation préalable du gouverneur, les dispositions des différents décrets rendus pour le royaume, et même celles des instructions qu’ils croiront pouvoir convenir à la colonie, à la charge de raoporler le tout au Corps législatif, pour être soumis à sa délibération et à la sanction du roi; « Que, pour mettre l’assemblée coloniale à même d’user de cette faculté, il lui sera adressé, à titre d'instruction seulement, un exemplaire des décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi. » (Cette rédaction est mise aux voix et adoptée.) M. Chapelier, au nom du comité de Constitution. Messieurs, vous avez chargé votre comité de Constitution de vous rendre compte d’un projet de scrutin qui vous a été présenté par M. Guirault, citoyen de Bordeaux. On a été effrayé de la lenteur avec laquelle ont été faites les dernières élections, et du petit nombre d’électeurs qui y ont concouru. Le projet de M. Guirault tend à accélérer les élections; ne s’appliquant qu’aux scrutins individuels, il sera principalement utile dans les assemblées électorales. il consiste dans un tronc cubique, divisé dans son intérieur par uu plan oblique tracé sur l’une de ses diagonales. C’est dans ce tronc que se jettent les scrutins composés d’une tablette de bois, couverte d’une matière blanche sur laquelle on puisse effacer le crayon ; ces tablettes, en glissant snr le plan oblique, tombent par leur propre poids, lorsqu’elles sont au nombre d’u îe vingtaine, sur la table des scrutateurs. Ceux-ci rangent ces tablettes, dans l’ordre alphabétique des noms qu’elles contiennent, sur un tableau divisé en cases. Ce tableau est partagé en colonnes, et les colonnes coupées par des transversales parallèles formant des divisions de 20 tablettes chacune, et des subdivisions de 10 et 5 tablettes. Toutes les tablettes portant le même nom, étant rangées dans les cases d’une même co'onne, on voit d’un coup d’œil quel est le no n qui a le p us de fois 20, 10 ou 5 tablettes; c’est-à-dire que l’on aperçoit, à l’inspection seule du tableau, ouel est le nom qui réunit le plus de suffrages. Chaque électeur, pouvant faire une marque caractéristique à sa tablette, peut vérifier la fidélité des scrutateurs. Trois tableaux, ayant chacun deux scrutateurs pour lis servir, suffisent pour une assemblée de 600 personnes, et un tour de scrutin se fait en moins de trois quarts d’heure. Les avantages du projet de M. Guirault cousissent donc ; 1° à rendre les opérations des assemblées électorales plus promptes ; 2° à éviter l’inconvénient de laisser les scrutateurs seuls juges du scrutin, en mettant chaque membre de l’assemblée à portée d’en faire le recensement et la vérification ; 3° à empêcher qu’on ne trompe les électeurs qui ne savent ni lire ni écrire, en leur donnant la faculté de tracer sur des tablettes des signes qu’ils peuvent ensuite vérifier et reconnaître. Nous vous proposons en conséquence de décréter qu’il sera fait usage dans les assemblées d’électeurs du tableau scrutateur inventé par le sieur Guirault, et de charger votre comité de Constitution de rédiger une instruction propre à indiquer le mode d’emploi de ce système. M. Ganltier-Biauzat. Quand il serait vrai que nous admettrions le système de scrutin, il sera absolument inutile pour la prochaine élection : tout le monde en doit convenir. Cela posé, il faut examiner actuellement si tous les membres de cette Assemblée ont bien entendu ce développement. J’ai lu dans le temps le mémoire qui a été donné, je viens d’en lire encore un ce matin, et je déclare qu’il s’y trouve des difficultés. J’en trouve une inconstitutionnelle. II semble qu’il y aura lieu et même nécessité de faire distribuer successivement à différentes sections des tablettes au nombre de 50. Or, n’y a-t-il pas une évidence de danger de distribuer dans un temps très prochain d’élection des tablettes à des particuliers? Par exemple un intrigant qui se chargerait de distribuer les tablettes aux électeurs, à mesure qu’ils entreraient dans l’enceinte où seront placées les machines, pourrait souffler des choix à des hommes simples qui croiraient trouver l’opinion publique dans les choix successivement dictés de la même manière à leurs voisins. Quel est Davantage du système actuel? La célérité, dit-on. Messieurs c’est une erreur; car la vérification qui lui sert de base ne peut être effectuée qu’autant que chaque membre de l’Assemblée aura droit successivement d’aller jeter les yeux sur le tableau. Or, je vous demande si dans une assemblée, où il existe des partis différents pour les élections, chaque membre veut aller faire la vérification, quelle longueur vous