SÉANCE DU 2 BRUMAIRE AN III (23 OCTOBRE 1794) - N°s 30-32 377 30 La Convention nationale accorde au citoyen Servonat, représentant du peuple, un congé de six décades qu’il lui demande pour le rétablissement de sa santé (90). 31 Sur la pétition du citoyen Claverie, ancien commissaire des guerres, réformé par la loi du 16 avril 1793, qui demande que la pension de retraite prononcée par la loi, lui soit accordée, La Convention nationale décrète que le comité des Secours fera un rapport dans trois jours sur la pension demandée par le citoyen Jérôme Claverie (91). 32 [Le représentant Ruault, détenu aux Carmes, à la Convention nationale, du 2 brumaire an III] (92) Citoyens collègues, Quoique ma santé soit altérée depuis longtemps, j’ai différé jusqu’à ce jour d’intéresser votre humanité. J’espérois que la Convention nationale prononceroit le premier brumaire sur le sort des représentans détenus. La discussion qui s’est élevée hier sur leur affaire me présage un délai, dont je ne pourrois attendre l’expiration, sans aggraver mon mal. Tourmenté par une sciatique que m’a occasionnée l’humidité des prisons, j’ai besoin de bains et d’autres secours que je ne puis me procurer dans une maison de détention. Accordez moi la faculté de me retirer dans mon domicile à Paris. J’y serai comme ici prêt à exécuter les ordres de la Convention nationale. Ruault. [Le représentant Michet à la Convention nationale, s. d.] (93) Mes collègues, Depuis seize mois, je souffre d’une détention bien rigoureuse, sans que je connoisse aucun motif qui l’ait déterminée. Dans la séance du soir du 11 juillet 1793 (vieux style), la Convention entend un rapport du comité de salut public sur les événemens de Lyon. Je n’y suis pas nommé. Cependant un membre demande mon arrestation, parceque je suis du département dont Lyon est le chef-lieu : l’arrestation est décrétée, le procès verbal n’explique aucun motif. Ce décret ne peut être envisagé que comme une mesure de sûreté générale, et autorise à examiner ma conduite. Mes papiers ont été vérifiés : les informations les plus rigoureuses ont été prises sur les lieux. Ces recherches n’ont fourni contre moi aucun sujet de reproche. Mon nom ne se trouve dans aucun rapport. Je suis détenu sans cause, il ne faut pas d’autre motif, pour vous décider à ordonner ma liberté. Depuis longtems, je sollicite un rapport, en l’attendant, je me trouve obligé de recourir à votre humanité. Seize mois de prison ont altéré ma santé. Elle est dans un état à exiger un traitement incompatible avec le séjour de la prison. Je demande que vous ordonniés que, provisoirement jusques au rapport sur mon arrestation, je serois élargi, sous la condition de me représenter. Michet. [Le représentant Ribéreau à la Convention nationale, de Paris, le 29 vendémiaire an III] (94) Citoyens collègues, Le 3 octobre 1793 (v.s.) j’ai été mis en état d’arrestation avec plus de 10 autres de mes collègues, pour avoir signé un projet d’adresse aux français qui est demeuré informe et n’a point été publié. Le décret qui me privait de ma h-berté ne tarda pas à m’être signifié. Je me battais alors entre la vie et la mort, et quoique pendant plus de six mois après, j’aye resté presque sans force et sans mouvement, cela n’a pas empêché que le comité révolutionnaire de la section des Tuileries m’ait entouré de deux gardiens dont la taxe hors de toute mesure a dévoré mon indemnité. Ma seule et unique ressource, la vie ne tarda pas à devenir pour moi un fardeau. Mon épouse périt de chagrin et de misère sur la fin du mois de germinal, un de nos enfans la suivit immédiatement et ma chambre fut par des ordres rigoureux transformée en un cachot, je nTiabitois que mon grabat où toutes les communications me furent interdites, mes souffrances y ont été nourries et prolongées, j’ai manqué des soins nécessaires à ma longue et dangereuse maladie. Le grand air qui agit si puissamment en garant de la santé, il me fut refusé d’en jouir. J’ai été réduit à contracter des engagemens envers ceux qui m’ont procuré quelques soins. Indépen-demment de tout cela, les scellés sont dans mon ancien domicilie, à 140 lieues de moi, je serai fort heureux si la valeur de mon mobilier suffit pour payer les gardiens qui y sont établis (90) P.-V., XLVIII, 14. Voir 1er brumaire, n° 18. (91) P.-V., XLVIII, 15. (92) C 323, pl. 1381, p. 17. (93) C 323, pl. 1381, p. 16. (94) C 323, pl. 1381, p. 14. 378 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE depuis plus de six mois. Ma ruine n’est donc point douteuse. Daigne, citoyen président, invoquer l’humanité de l’assemblée en ma faveur pour qu’elle ordonne la retraite de mes deux gardiens qui depuis près de 13 mois me coûtent douze livres par jour. Salut et fraternité. Ribéreau. [Copie de l’arrêté du comité révolutionaire de la section des Tuileries, du 21 du premier mois de Van II] (95) Le comité estime qu’il doit être assigné à chacun des citoyens à la garde du citoyen Ribéreau, député de la Charente, la somme de six livres par jour. Signé Pierson, Georges, Pilot, Lacombe, Baudouin, commissaires, Charvet, secrétaire. [Le représentant Forest, détenu aux Carmes, à la Convention nationale, s. d.] (96) Citoyens collègues, Le 11 juillet 1793, dans une séance du soir à laquelle je ne pus pas me trouver, le comité de salut public fit sur la ville de Lyon un rapport à la suite duquel je fus décrété d’arrestation avec Michet et d’autres membres de la députation de Rhône-et-Loire. Le procès verbal de la séance n’en exprime aucun motif et il au-roit été bien difficile d’en présenter un : je ne suis pas de Lyon où je n’avois aucune correspondance. J’étois au Luxembourg lorsque le 6 août de la même année 1793 le comité de sûreté générale prit un arrêté portant qu’attendu que j’étois grièvement attaqué de la goutte, je serois réintégré chez moi sous une garde de deux gendarmes à mes frais. Nonobstant cet arrêté l’administration de police me fit le 24 brumaire suivant, reconduire au Luxembourg où indépendamment des souffrances qui m’étoient communes avec les autres détenus, j’ai été pendant plusieurs mois dévoré de la goutte et privé des secours de ma femme et de mes enfans. Agé de 62 ans, sujet à une maladie cruelle, et prisonnier depuis seize mois sans que je sache pourquoi, je prie la Convention d’ordonner ma sortie de la caserne des Carmes, et que je me retirerai en mon domicile où je resterai sans gardes jusqu’au rapport qui doit être fait sur tous les députés détenus. Forest. [Le représentant Saint-Prix au président de la Convention nationale, de la maison Bel-homme, le 29 vendémiaire an III] (97) Citoyen président, Depuis près de six mois, j’ai été transféré de la maison d’arrêt de la Force à celle de Bel-homme rue de Charonne, au sujet d’une maladie grave dont j’ai failli à mourir et je n’en serai parfaitement rétabli qu’autant que je serai à portée d’avoir les secours qu’exige ma situation tels que bains et autres qui me sont absolument nécessaires. C’est à cette fin que. je prie la Convention d’ordonner ma translation à mon domicile à Paris. Salut et fraternité. Saint-Prix, député à la Convention. [Les représentants Estadens et Rouzet au président de la Convention nationale, de la maison Belhomme, le 29 vendémiaire an III] (98) Citoyen président, La Convention nationale en s’occupant de l’état de ceux de nos collègues dont une longue détention a altéré la santé et en leur accordant la facilité de recevoir chez eux les soins propres à la rétablir n’ignore pas sans doutte qu’elle a d’autres de ses membres qui tranférés dans des maisons de santé pour cause de maladie ne peuvent recevoir qu’à très grands frais et avec beaucoup de difficulté surtout à raison des distances ce qu’on a déjà cru devoir leur accordé. Les députés qui ont été transférés dans la maison Belhomme et à l’extrémité de la rue de Charonne éprouvent ces très graves inconvénients, réclament de leurs collègues la justice que d’autres ont obtenu, leur état suffizamment constaté par leur translation ne leur laisse aucun doutte sur le succès de leur demande. Salut et fraternité. Estadens, Rouzet, députés. [Les représentants Rabaut-Pomier, Laurenceot, Moysset, Ferroux et Descamps à la Convention nationale, s. d.] (99) Citoyens collègues, La longue et cruelle détention à laquelle nous a condamnés la fatalité des circonstances qui vous ont maitrisés vous-mêmes a augmenté les maux de notre collègue Laplaigne détenu avec nous. Une sciatique douloureuse le retient au lit, lui interdit tout mouvement, lui ote le sommeil, ne lui permet pas de vous écrire. Il ne peut dans la prison faire les remèdes propres à opérer même son soulagement. Permettez, citoyens collègues, qu’il aille les faire chez lui. (97) C 323, pl. 1381, p. 12. (95) C 323, pl. 1381, p. 15. (98) C 323, pl. 1381, p. 11. (96) C 323, pl. 1381, p. 13. (99) C 323, pl. 1381, p. 19. SÉANCE DU 2 BRUMAIRE AN III (23 OCTOBRE 1794) - N° 32 379 Que ces verroux qui à votre voix se sont enfin ouverts pour tant de malheureuses victimes de la tyrannie s’ouvrent aussi pour celui qui l’a combattue avec courage et dont vous briserez sans doute bientôt les fers. Rabaut, Laurenceot, Moysset, Ferroux, Descamps. [Le représentant Daunou à la Convention nationale, du 1er brumaire an III] (100) Citoyens collègues, Ma santé déjà délabrée à l’époque de mon arrestation, au 3 octobre 1793 (V.S.), s’est considérablement affaiblie durant ma longue captivité. Le rapport que nous attendions de jour en jour, paraissant éprouver des retards, je me vois obligé à vous demander la faculté de retourner dans mon domicile à Paris, sous ma responsabilité. Salut et fraternité. Daunou, représentant du Peuple. [Les représentants Amyon et Ferroux, détenus à la maison d’arrêt des Anglaises, rue de l’Our-sine, à la Convention nationale, du 1er brumaire an III] (101) Citoyens collègues, Amyon Vieillard cultivateur et Ferroux, députés détenus à la maison d’arrêt dite des Anglaises demandent la liberté de rentrer chez eux pour y rétablir leur santé délabrée par une longue détention et par des privations plus cruelles encore. Ils attendent tout provisoirement et définitivement de la justice et de l’humanité de la Convention nationale. Amyon, Ferroux. [Le représentant Hecquet, détenu aux Carmes, à la Convention nationale, du 2 brumaire an III] (102) Citoyens collègues, Deux fois, depuis ma détention, j’ai été attaqué d’un dépôt considérable à la joue gauche, le mauvais air que je respirais, n’ayant pu d’ailleurs me procurer les remèdes nécessaires, j’ai été mal guéri et le dépôt devenu fistuleux, recommence depuis cinq jours et me cause des douleurs inexprimables, c’est ce qui me porte à solliciter de l’humanité de la Convention nationale l’authorisation d’être transféré en mon domicilie à Paris aux fins de me faire administrer les traitemens convenables. Et là, comme ici, je serai toujours prêt à me conformer aux ordres de l’assemblée. Hecquet. (100) C 323, pl. 1381, p. 5. (101) C 323, pl. 1381, p. 6. (102) C 323, pl. 1381, p. 4. [Le représentant Dabray, détenu aux Carmes, à la Convention nationale, du 2 brumaire an III] (103) Citoyens Législateurs, Le 21 mai 1793 je suis arrivé à Paris après avoir fait 250 lieues pour m’y rendre; le surlendemain j’ai été admis dans le sein de la Convention, qui le 3 octobre suivant me mit en état d’arrestation comme signataire de la déclaration relative aux journées du 31 mai, 1er et 2 juin, que les circonstances louches du mouvement, et ses rapports exagérés me surprirent. On ne croira sans étonnement, que celui, dont le tiran de Turin a mis la tête à prix pour avoir secondé la révolution de tous ses moyens, en faisant même 4 adresses, que le peuple français, et ses représentans ont applaudies, et qui n’a accepté la mision à laquelle les voeux unanimes de ses concitoyens l’ont appelé, que pour se soustraire aux poignards du despotisme, soit emprisonné dans la République depuis 13 mois : Une captivité si longue et si pénible souferte dans un climat si différent du mien et dans un pays, où je ne connois aucun individu, qui puisse me secourir dans mes besoins a altéré mon physique ; presque toutes mes hardes sont d’ailleurs encore sous les scellés, quoique on ait vérifié mes papiers, et je manque de tout sans pouvoir m’en procurer, je crains même que, non obstant le gardien, on ne me les volent, comme il est arrivé à un collègue de la même députation, logé dans le même hôtel, qui vient d’obtenir sa liberté provisoire. Je vous prie donc, citoyens législateurs, à vouloir bien me permettre de tenir les arrêts chez moi, pour que je puisse soigner ma santé, garder mes effets, et m’en servir. Salut et fraternité. Dabray, député. [Le représentant Girault, détenu à la maison des Ursulines anglaises, rue de VOursine, au président de la Convention nationale, du 2 brumaire an III] (104) Citoyens Président, Une ancienne incommodité, fruit de mes longs voyages au nord de l’Europe, et que je croiois entièrement dissipée, s’est renouvellée depuis quelque temps, avec une espèce d’aggravation ; par une année de prison, par le mauvais régime et l’air corrompu que j’y ai respiré ; et sutout par le déffaut de soins et de remèdes convenables. Me reposant constament sur la justice de la Convention, j’attandois avec impatiance qu’elle prononçât sur le sort de mes collègues et le mien : mais ce nouveau délay qu’éprouve le rapport annoncé pour le premier brumaire, me contraint (en quelque sorte malgré moy) de sol-(103) C 323, pl. 1381, p. 7. (104) C 323, pl. 1381, p. 8. 380 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE liciter la liberté de retourner à mon domicile pour y trouver les secours et les commodités qui deviennent nécessaires au rétablissement de ma santé. J’ose donc te prier, citoyen président, de vouloir bien présenter ma demande à la Convention et j’espère que tu ne refuseras point de l’appuyer de ton suffrage. Je suis avec fraternité ton collègue et concitoyen, Girault, député des Côtes-du-Nord, âgé de 58 ans, section de la commune rue de la Mortellerie n° 46. P. S. La faveur que je réclame deviendrait imparfaite, si l’on ne daigne, en même temps, m’accorder le bris ou la levée des scellés, apposés sur la porte de l’appartement même, ce qui depuis un an m’a privé presque absolument de linge et d’habits. [Le représentant Saurine au président de la Convention nationale, du 2 brumaire an III] (105) Citoyen président, Le citoyen Saurine, l’un des soixante douze députés, qui depuis plus d’un an sont sous le décret d’arrestation, tourmenté de douleurs et menacé de la ruine totale de sa santé, faute d’un air libre et salubre, sollicite la Convention nationale de rentrer chez lui, pour y faire les remèdes convenables et absolument nécessaires. Salut et fraternité. Saurine. [Le représentant Gerente, détenu à la maison d’arrêt des Anglaises, rue de l’Oursine, à la Convention nationale, du 2 brumaire an III] (106) Citoyens collègues, Ma santé foible et délicate avant mon arrestation est absolument délabrée par la lon-geur d’une détention de 13 mois. J’avois cependant réuni toutes mes forces pour attendre le terme fixé par la Convention, comme il paroit par ce qui s’est passé hier dans la séance, que ce terme peut être retardé, et que mon état exige des remèdes prompts, et qu’il m’est impossible de les faire dans la maison d’arrêt où je me trouve, je demande qu’il me soit permis de me retirer auprès de ma femme et dans mon domicile à Paris. Olivier-Gerente, député de la Drôme. (105) C 323, pl. 1381, p. 9. (106) C 323, pl. 1381, p. 10. [Le représentant Fleury, détenu aux Carmes, à la Convention nationale, du 2 brumaire an III] (107) Citoyens collègues, J’ai porté dans ma prison une infirmité qui est devenue très grave. Je demande la faculté de me retirer dans mon logement à Paris pour me faire donner des secours. C’est le seul moyen que me permet la médiocrité de ma fortune. Fleury, député des Côtes-du-Nord. Un secrétaire fait lecture des lettres de plusieurs députés détenus qui demandent à être transférés dans leur maison pour rétablir leur santé. Ces demandes, converties en motion par plusieurs membres, la Convention y adhère (108). Un nouveau membre, parmi ceux qui sont détenus, ayant demandé la permission d’aller dans son domicile rétablir sa santé, Goujon a pris la parole pour s’opposer à cette liberté (109). GOUJON : Je demande la parole. Plusieurs membres : C’est pour troubler l’Assemblée. GOUJON : Il se peut que la politique ait des règles que j’ignore ; pour moi, je ne connais que celles de l’égalité. Hier il s’est élevé une discussion sur nos collègues détenus, et la Convention a chargé ses trois comités d’examiner s’ils devaient ou non rentrer dans le sein de la Convention ; cependant, je vois aujourd’hui que, sans un rapport préalable, et sous prétexte de maladie, plusieurs demandent à se retirer chez eux et à y rester sans garde. Déjà, m’a-t-on dit, l’un d’eux s’est présenté ici et a pris sa rétribution comme les autres députés. ( C’est faux! s’écrient plusieurs membres). (110) [Plusieurs voix : Nommez-le, nommez-le : la preuve du fait.] (111) J’ai deux observations à faire sur la demande qui vous est présentée : la première, c’est que, si nous faisons rendre compte à nos prédécesseurs de ce qu’ils ont fait pour la liberté, d’autres viendront après nous, qui nous demanderont compte aussi de nos actions ( On applaudit). La seconde, c’est que, si cette décision blesse l’égalité, tout homme détenu, ayant les mêmes droits aux yeux de l’humanité, doit être également soutenu par la Convention. Il me paraît contraire au régime de l’égalité qu’un fonctionnaire public puisse, lorsqu’il est malade, se faire traiter hors de la prison où il est détenu ( Murmures) . (107) C 323, pl. 1381, p. 18. (108) J. Paris, n” 34; Débats, n” 760, 467; Mess. Soir, n 796. (109) Mess. Soir, n° 796; Moniteur, XXII, 338. (110) Moniteur, XXII, 338. (111) Débats, n° 760, 467.