680 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 avril 1791. J « Art. 10. Tous les artistes pourront concourir à leur gravure et la préférence sera jugée par l'Académie de peinture et de sculpture. « Art 11. Sur le compte qui sera rendu à l’Assemblée nationale par son comité des monnaies, elle prononcera sur l’indemnité qui pourra être due aux artistes, dont le travail ne serait pas jugé utile. « Art. 12. Le ministre des contributions et la commission des monnaies prendront les mesure? nécessaires pour accélérer la fabrication ordonnée par le décret du 11 janvier. En conséquence, il sera remis au ministre copie collationnée des offres faites au comité des monnaies, relativement à la fourniture des flans pour la monnaie de cuivre; et la commission rendra compte à l’Assemblée de ses vues sur la simplification, l’économie et la perfection du monnayage. « Art. 13. L’Assemblée charge son Président de pot ier dans le jour le présent décret à la sanction du roi. M. l’abbé Couturier. Je ne m’oppose pas à ce que vous mettiez sur votre monnaie l’emblème de la liberté; mais j’ai l’henueur de vous avertir que je ven ais avec peine, et même avec douleur, dispaiaître de dessus nos monnaies tout signe de religion. (Murmures.) Les monnaies anciennes retraçaient la religion de nos pères. Messieurs, vous proposera-t-on toujours, je ne dis pas que vous vouliez l’accepter, de supprimer tout ce qui a rapport à la religion, ce qui porte son empreinte...? {Murmures prolongés.) Plusieurs membres : A l’ordre ! Hors de la tribune ! M. l’abbé Couturier... et de le remplacer par tout ce qui est opposé ? J’espère que l’Assemblée n’y consentira pas. Je demande qu’on conserve quelque chose de ces anciens emblèmes qui nous rappellent nos devoirs envers la Divinité. Tout le monde sait que les plus anciens peuples ont toujours fait graver sur leurs monnaies, l'image de leurs dieux ou quelques hiéroglyphes; chez les plus anciens peuples d’Italie, il y avait Janus; chez les juifs, il y avait Jérusalem la Sainte. Un Etat doit, comme individu, donner publiquement des preuves de sa religion. Ce que je vous propose, c’est de conserver un usage consacré parmi nous, car on ne doit changer les choses qui subsistent que pour leur en substituer de meilleures. On a cherché à calomnier l’Assemblée; craignez de donner de nouvelles armes ( Violents murmures ); craignez de donner, je ne dis pas de nouvelles raisons, mais de nouveaux prétextes. Si la religion venait malheureusement à s’affaiblir, les ennemis du bien public se feraient un cruel plaisir d’en faire remarquer la forme sur les monnaies gravées par ordre ne l’Assemblée nationale. Enlin que signifie cette précieuse inscription : Sit nomen Domini benedictum. {Rires.) Que le nom de Dieu soit béni! JN’est-ce pas un témoignage public de notre gratitude, de notre reconnaissance envers un Dieu dont Ja providence paternelle multiplie, autour de ses enfants, tous les signes représentatifs de ce qui peut satisfaire leurs besoins? Je conclus donc à ce que vous mettiez sur une des faces l’empreinte de la liberté, si .vous voulez ; mais que vous conserviez les paroles : Sit nomen Domini benedictum. M. ïllatlly de Château -Renaud. Je demande au contraire que l’on adopte l’empreinte du génie de la France, idée qui me paraît sublime et religieuse. M. Goupil-Pré feln. Messieurs, c’est une ancienne idée sur laquelle ont été fondées des usurpations bien dangereuses, que celle par laquelle on a voulu établir que les lois de la souveraineté ont pour fondement une autre doctrine que la justice que Dieu a gravée dans le cœur de tous les hommes, quel que soit leur culte. Dans l’éloquent discours que vous lit l’autre jour M. Thouret, il vous lit observer que dans la liturgie on avait établi cette maxime : rex per hanc traditionem nostram , comme si un roi ne gouvernait qu’en vertu de la volonté cléricale. Quand nous réclamons les droits de la raison, on nous dit que nous oublions la Divinité. Mais nous ne faisons que réclamer le présent le plus précieux que nous ayons reçu du Créateur; nous réclamons le plus noble de ses attributs. Est-ce bien un théologien, est-ce bmn un prêtre qui pourrait méconnaître que le Verbe divin est la raison universelle? {Applaudissements à gauche ; rires à droite.) On vous propose, sous la faveur de son antiquité une légende latine. Cette légende, tout le monde l’a dans son cœur ; mais tous les sentiments que l’homme porte en lui-même doivent-ils être gravés sur ses monnaies? Mais le peuple entend-il une légende latine, et la raison ne doit-elle pas mettre un terme à cet usage absurde de célébrer le nom de la Divinité dans une langue que nos frères ne connaissent pas et qui ne leur transmet ni idées ni sentiments? {On applaudit.) Je demande si cet usage, parce qu’il subsiste encore dans nos temples, doit être consacré pour nos nouvelles monnaies; et je demande si c’est par aversion pour les idées de justice et de patriotisme que nous représenterons les nouvelles inscriptions, qu’on veut rappeler des légendes qui n’ont pas besoin d’être rappelées et revendiquer un langage inintelligible pour la plupart des hommes ? Je demande qu’on aille aux voix sur le projet du comité des monnaies. M. Prieur. Rien n’est plus essentiel pour la liberté du peuple français que de lui rappeler l’époque heureuse où il l’a conquise. En conséquence, je crois qu’on doit ajouter, après le millésime, l’année de la liberté française. {Applaudissements.) M. Oelzais-Coiirménil, rapporteur. Je crois bon de relever une erreur qui semble avoir fait labasede l’opinion du premier opinant. Iiacru qu’il serait de quelque conséquence de supprimer une légende consacrée depuis le commencement de la monarchie. Je me fais un plaisir de rassurer sa conscience, qui me paraît un peu timorée. Dans un siècle où le clergé était très instruit, où il avait beaucoup d’influence, sous Louis XIV, on a mis, au lieu du sit nomen Domini benedictum , les mots dicant nominis tui gloriam, ce qui était une fade adulation en faveur d’un roi qu’on a appelé grand, je ne sais trop pourquoi. Mais ce qui tranche la difficulté, c’est que, par votre décret du 11 janvier, vous avez formellement décidé que la légende actuelle serait changée. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 19 aval 1791.] 681 Quant à la proposition de M. Prieur, je l’adopte très volontiers. M. Bouche. Comme mon intention n’est pas de parler sacerdotalement, mais en homme public, je répondrai à M. Couturier que ces mots : Sit nomen Domini benedictum , ne sont qu’une exclamation de ceux qui ont beaucoup de louis et d’écus ( Rires et applaudissements.), et que nous qui en avons peu, uous n’avons pas besoin de cette légende. {Rires.) Je pense au reste que si cette monnaie, telle qu’on la propose, ne plaît pas à MM. tes ecclésiastiques, ils feraient bien de ne pas s’en servir et nous en aurons davantage. (Rires.) M. 'Vernier. Il me semble que nous ne devons pas renvoyer à faire rendre le jugement du concours prévu par l’article 8, par-devant l’Académie de peinture et de sculpture; mais il faut que celle-ci donne seulement son avis et que ce soit l’Assemblée nationale qui prononce. (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour sur la motion de M. Couturier et adopte les amendements de MM. Prieur et Vernier.) M. Belzais-Courménîl, rapporteur. En conséquence, voici la rédaction du projet de décret : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des monnaies, décrète ce qui suit : Art. 1er. « L’effigie du roi sera empreinte sur toutes les monnaies du royaume avec la légende : Louis XVI, roi des Français. Art. 2. « Le revers de la monnaie d’or, des écus et demi-écus, aura pour empreintes le génie de la France, debout devant un autel, et gravant sur des tables le mot Constitution, avec le sceptre de la raison, désigné par un œil ouvert à son extrémité ; il aura à côté de l’autel un coq, symbole de la vigilance et un faisceau, emblème de l’union et de la force armée. Art. 3. « Le revers portera pour légende ces mots : Règne de la loi. Art. 4. « Il sera gravé sur la tranche : La nation, la loi et le roi. Art. 5. « Les pièces de 30 et 15 sous porteront les mêmes empreintes et la même légende, à l’exception du coq et du faisceau. Art. 6. « La monnaie de cuivre portera la même effigie du roi et la même légende ; le revers seul sera différent. Art. 7. « L’empreinte du revers sera un faisceau traversé par une pique surmontée du bonnet de la liberté; autour, une couronne de chêue, avec la légende : La nation , la loi et le roi. Art. 8. « Sur toutes les monnaies, le millésime sera en chiffres arabes, suivi de l’année de la liberté. Art. 9. « Il sera sans délai procédé à la formation des nouveaux coins et matrices. Art. 10. « Tous les artistes pourront concourir à leur gravure; et la préférence sera jugée sur l’avis de F Académie de peinture et de sculpture. Art. 11. « Sur le compte qui sera rendu à l’Assemblée nationale par son comité des monnaies, elle prononcera sur l’indemnité qui pourra être due aux artistes dont le travail ne serait pas jugé utile. Art. 12. « Le ministre de l’intérieur et la commission des monnaies prendront les mesures nécessaires pour accélérer la fabrication ordonnée par le décret du 11 janvier. En conséquence, il sera remis au ministre copie collationnée des offres faites au comité des monnaies, relativement à la fourniture des flans pour la monnaie de cuivre; et la commission rendra compte à l’Assemblée de ses vues sur la simplification, l’économie et la perfection des monnayages. Art. 13. « L’Assemblée charge son Président de porter dans le jour le présent décret à la sanction du roi. » (Ce décret est adopté.) M. Malouet, au nom du comité de la marine. Messieurs, je viens, au nom de votre comité de marine, vous rappeler que, par votre décret du 8 décembre dernier, vous avez proscrit sur les côtes de la Méditerranée une sorte de pêche, connue sous le nom dépêché aux bœufs, comme destructive du frai. Les patrons pêcheurs des côtes des ci-devant provinces du Languedoc et du Roussillon ont représenté que, par la nature de leurs côtes et de leurs filets, ce procédé n’est pas nuisible. Nous avons vérifié les faits et, d’après les renseignements des directoires de département, nous avons été d’avis d’accéder à leur demande, hors le temps du frai. C’est le but du projet de décret suivant : Art. 1er. « L’Assemblée nationale, sur la pétition des patrons pêcheurs des ci-devant provinces du Languedoc et du Roussillon, interprétant l’article 2 du décret du 8 décembre, confirme la défense portée par ledit décret, d’exécuter la pêche aux bœufs avec des filets dont les mailles seraient au-dessous de 9 lignes dans la partie inférieure, de 10 lignes dans la partie moyenne et de 8 lignes dans la partie supérieure ; l’usage même de ces filets pour la pêche aux bœufs et toute espèce de pêche à la traîne ne pourra être permis depuis le lur avril jusqu’au 1er juillet; dans toute autre saison de l’année et en se con-formantauxdimensions prescrites pour les mailles des filets, la pêche aux bœufs et celle à la traîne pourront s’exécuter sur les côtes des ci-devant provinces de Languedoc et du Roussillon. Art. 2. « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera établi une juridiction de prud’hommes et patrons pêcheurs dans le port de Saint-Tropez, à la charge