SÉANCE DU 23 FRUCTIDOR AN II (9 SEPTEMBRE 1794) - N“ 60-61 31 coste, datée de Valenciennes [département du Nord] du 21 fructidor, dans laquelle il annonce l’envoi de deux drapeaux par le citoyen Ferroz, et instruit la Convention nationale que peu d’instans après être entré dans la place de Nord-Libre, il a trouvé la grande majorité des citoyens dignes des efforts faits par la République, pour leur rendre la liberté; qu'étant réunis à la maison commune, les citoyennes portant des corbeilles remplies de cocardes de la liberté et de bouquets elles les dis-tribuoient avec profusion; que les enfans entrelacés de guirlandes, ont donné des marques de joie et de la plus vive re-connoissance; qu'il doit rendre un compte particulier de ces citoyennes : c'est que trop foibles pour opposer de la résistance à la garnison ennemie, elles ont eu le courage de se refuser à la voir. Insertion au bulletin (116). Treilhard, au nom du comité de Salut public, a donné lecture de la lettre suivante : [J.- B. Lacoste aux Représentants du peuple et au comité de Salut public, Valenciennes le 21 fructidor an 17] (117) Citoyens-collègues, J’envoie le citoyen Ferroz, adjudant général chef de bataillon, pour vous présenter, et à la Convention, les drapeaux de la garnison de Nord-Libre. Il n’y en a que deux, parce que l’ennemi n’en avoit pas davantage. Il n’a emporté en partant que la terreur que lui a inspirée l’intrépidité de nos armées républicaines, et la honte d’être chassés, non au bruit du canon, mais au bruit mille fois répété de Vive la République! Vive la Convention nationale ! par les braves défenseurs de la patrie et les citoyens de Nord-Libre. Ce spectacle sublime a été une victoire politique par l’impression qu’il a faite sur l’ame des satellites des tyrans. Peu d’instans après je suis entré dans cette place, où j’ai goûté le plaisir inexprimable de trouver la très grande majorité des citoyens dignes des efforts qu’avoit faits la République pour leur rendre la liberté. Tous réunis à la maison commune, les citoyennes, modestement parées, portant des corbeilles remplies de cocardes de la liberté et des faix de bouquets qu’elles distribuoient en profusion; les enfans entrelassés avec des guirlandes et tous transportés de joie, m’ont donné les marques de la plus vive reconnoissance, et m’ont expressément chargé d’être le fidèle in-(116) P.V., XLV, 184. (117) C 318, pl. 1290, p. 2. Bull., 23 fruct. Résumé par Débats, n° 719, 389; J. Mont, n° 133; Ann. R. F., n° 281; J. Perlet, n° 717; Rép. n° 264; C. Eg., n° 752; Mess. Soir, n° 752; J. Fr., n° 715; Ann. Patr., n° 617; Gazette Fr., n° 983. La présentation faite par Treilhard et la lettre sont mentionnées dans M.U., XLIII, 381. La lettre est reproduite dans M.U., XLIII, 389; J. Paris, n° 618. terprette de leurs sentimens républicains auprès de la Convention nationale. Je dois rendre un compte particulier de la conduite des citoyennes, trop foibles pour opposer de la résistance à la garnison ennemie, elles ont eu le courage de se refuser à la voir, de lui manifester leur aversion pour tout ce qui tient à la tyrannie et leur ardent amour pour la liberté. Salut et fraternité. Signé, J. -B. Lacoste. P. S. J’achève le rapport contenant le détail que je vous ai annoncé; vous le recevrez incessamment, ainsi que les renseignemens que vous me demandez sur les émigrés. Tout s’est trouvé dans Valenciennes et Nord-Libre, à la sortie de l’ennemi, dans un si grand désordre, qu’il m’a été impossible de m’en occuper aussitôt que je l’aurois désiré. TREILHARD ajoute que le comité n’attend que ces renseignemens pour présenter à l’Assemblée le rapport sur la reprise de Landre-cies, le Quesnoy, Valenciennes et Nord-Libre (ci-devant Condé); obligation qu’un décret lui a rappelée hier, mais qu’il n’avoit pas oubliée. Dès qu’il aura toutes les instructions qui lui sont nécessaires, il se hâtera de satisfaire au vœu de la Convention. L’Assemblée applaudit, et ordonne l’insertion au bulletin de la lettre lue par Treilhard (118). 60 La Convention nationale après avoir entendu le rapport [de Treilhard, au nom ] de son comité de Salut public, décrète : Que le citoyen Niou, représentant du peuple, sera chargé de hâter, par tous les moyens possibles, la construction, le radoubs et l’armement des vaisseaux et frégates dans les ports de l’Orient [sic pour Lorient], de Rochefort, de la Montagne, de Nantes, de Bordeaux et de Bayonne; en conséquence, il est investi de pouvoirs illimités pour parvenir à ce but (119). 61 Un membre, [PORTIEZ] au nom des comités des Finances, de Salut public et des Domaines, présente un projet de décret tendant à l’établissement d’une agence de trois membres, chargée de surveiller la conservation, location et vente des biens nationaux, meubles (118) Débats, n° 719, 389. (119) P.- V., XLV., 185. C 3 18, pl. 1285, p.13. Décret de la main de Treilhard, n° 10 811. Reproduit dans Bull., 23 fruct.; Moniteur, XXI, 732-733; J. Mont., n° 133; Ann. R.F., n° 281; J. Perlet, n° 717; Mess. Soir, n° 752; Rép., n° 264; M.U., XLIII, 381; J. Fr., n° 715; Rép., n° 264, ajoute La Rochelle à la liste des ports. 32 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE et immeubles de toute espèce, placés dans le département de Paris. Cette agence exercerait spécialement les fonctions qui étaient attribuées pour cet objet à la commission du département de Paris, à celle établie à la maison commune, et à l’agence chargée de la vente des meubles de la liste civile, au Garde-Meuble (120). [Rapport de Portiez (de l’Oise )] (121) Citoyens, De grands, de nombreux abus dans l’administration des domaines nationaux à Paris, furent dénoncés au comité des Domaines et Aliénation. Le comité sentit la nécessité de distraire du département de Paris, tout ce qui concerne la vente des domaines nationaux dans cette commune, pour en charger une agence particulière. Pour se convaincre de l’urgence et de l’utilité de cette mesure, il suffira de jeter un coup-d’œil même rapide sur l’état des choses. Je ne dois pas omettre d’abord que Momoro, conspirateur condamné, étoit à la tête de cette partie intéressante d’administration. Les biens nationaux se divisent naturellement en immeubles et en meubles. Des immeubles. Les maisons de Paris, appartenantes ci-devant aux ordres ecclésiastiques, aux collèges, aux communautés dites religieuses, à de riches conspirateurs frappés du glaive de la loi, c’est à dire une grande partie des maisons et édifices de Paris, sont tombés dans le domaine national; ainsi l’on peut juger de l’immensité des richesses nationales en ce genre. La vente des immeubles dans cette commune est suspendue par un arrêté du comité de Salut public. Plusieurs motifs impor-tans ont déterminé la résolution du comité : je n’en citerai qu’un. Une commission d’artistes est occupée en ce moment d’un plan d’embellissement et d’assainissement de Paris : ce projet doit offrir des lieux destinés aux édifices, le percement des rues, leur largeur, la hauteur relative des maisons, etc. Il est facile de voir que vendre aujourd’hui ce seroit s’exposer à racheter très cher des portions de terrein vendues à un prix souvent inferieur à leur valeur réelle. Il n’existe aucun état exact des biens nationaux immeubles dans l’étendue de Paris. Le comité des Domaines et d’Aliénation a eu l’oc-(120) Moniteur, XXI, 715. Mentionné dans Débats n° 719, 390; Gazette Fr., n° 983; M.U., XVIII, 382; J. Mont., n° 133; Ann. R.F., n° 282; J.Perlet, n° 717; F. de la Républ., n° 430. Voir ci-dessus n° 56. (121) Ce rapport donné par M.U., XLIII, 414-416 et 430- 431, à la date du 23 fructidor, est repris et fait l’objet de débats le 29 fructidor, lors de la présentation du décret (P.-V., 29 fruct., n° 47. C. 318, pl. 1286, p. 37.) Mentionné également dans M.U., XVIII, 382; Débats n° 719, 390; J. Fr., n° 715; Gazette Fr., n°983; J. Mont., n° 133; Ann. R. F., n° 282; J. Perlet, n° 717; F. de la Républ., n°430; Mess. Soir, n° 752; Rép., n° 264; J. Paris, n° 618. casion de remarquer que dans l’état informe qui lui a été présenté, ou plutôt qu’il a arraché par des demandes réitérées, on a indiqué seulement la maison habitée par le condamné ou l’émigré, et nullement les autres maisons qu’il avoit dans Paris. Peut-être importera-t-il, pour connoître toutes les propriétés, de proposer des moyens, soit de déclarations des principaux locataires, soit des relevés de répertoires des notaires de Paris. De ces immeubles, les uns sont occupés par des établissemens de la République, les hôpitaux, les manufactures d’armes, les prisons, les administrations, etc. Il faut veiller à leur entretien, réparations, etc. Quant aux autres, en attendant la vente, leurs loyers n’exigeront pas moins de soins : ils entraînent dans les détails, et appellent une surveillance active et continuelle. Des meubles. Confiés à des mains infidèles, les meubles ont été dilapidés. En général, ils ont été mal gardés, mal vendus. Les scellés ont été apposés dans une même maison par plusieurs autorités, par la municipalité, le département, juge de paix, le comité révolutionnaire, etc. en sorte que souvent des appartemens restoient ouverts. C’étoient précisément ceux qui renfermoient des objets précieux. S’élevoit-il des réclamations, les autorités rejetoient la faute l’une sur l’autre, et le voleur échappoit. L’intérêt public exige qu’il y ait des dépôts de meubles nationaux répandus dans les divers quartiers de Paris, et des encans nationaux où les meubles soient vendus. Ces dépôts de meubles doivent être de plusieurs sortes : d’abord des dépôts de glaces, de lustres, tous ces objets de luxe qui ne peuvent se concilier avec la simplicité républicaine, vous les avez mis à la disposition du comité de Salut public pour faire des échanges avec l’étranger. La seconde nature des meubles à distinguer, ce sont les objets d’arts qui doivent être distraits par la commission temporaire des arts, pour enrichir nos muséum, nos places publiques, nos édifices publics, etc.; les arts ont servi la liberté et peuvent la servir encore. Parmi les autres meubles qui sont suceptibles d’être vendus, il sera nécessaire de conserver ceux qui pourroient être utiles aux diverses commissions; en un mot, au service de la République. Des gardiens. Je n’ai pu vous parler des scellés et des meubles nationaux sans parler aussi des gardiens : ils sont au nombre de plus de 2 000; ils coûtent à la République environ 8 000 L par jour, ce qui fait 240 000 livres par mois, et 2 880 000 livres par an. Cependant plusieurs ne veillent depuis un an qu’à la conservation de quelques meubles qui ne valent pas les frais de garde dépensés dans une seule décade. Il faut diminuer le nombre de ces gardiens en retirant le mobilier des maisons et n’y laisser que des portiers. Il est telle maison SÉANCE DU 23 FRUCTIDOR AN II (9 SEPTEMBRE 1794) - N° 61 33 dans laquelle il y a 2, 3, 4 et jusqu’à 12 gardiens. Souvent même ils sont restés dans les maisons, quoiqu’occupées par une administration, ou tout autre établissement public. Il importe sur-tout de connoître la moralité de ces gardiens, leur état, leurs moyens d’existence avant et pendant la révolution. Il est assez étrange que les gardiens des meubles des ci-devant soient les mêmes hommes qui étoient au service des mêmes ci-devant. Leur zèle peut toujours n’être pas très-désintéressé. Archives. Les archives se composent de titres et papiers trouvés, tant dans les maisons des ci-de-vant ecclésiastiques, que dans celles d’émigrés et condamnés. Ce qui provient des maisons des ci-devant religieuses est recueilli; la municipalité de Paris, dans une maison dite du Saint-Esprit, a rempli de vastes appartemens. Ce qui provient des maisons des condamnés ou émigrés a été reçu dans le local du département; les papiers importans sont répandus dans les corridors et les escaliers. Il y a un triage à faire dans les archives : les sciences et les arts en réclament une partie; ces titres doivent donc être réunis dans les maisons consacrées à cet effet : les autres, devant servir à la liquidation des biens des émigrés et des condamnés, doivent suivre l’agence, qui en a un besoin de chaque jour. La liquidation terminée, les titres devenus inutiles rentrent dans le domaine de l’agence des archives, que vous avez créée dernièrement. Liquidation. Il est une partie non moins délicate, je veux parler de la liquidation de l’actif des condamnés et des émigrés. Si l’on n’accélère pas réddition des comptes de leurs agens et la rentrée des recouvremens qui en résulteront (le nombre par apperçu est de plus de 20 000, sans parler des comptes à rendre par les agens du département) le gage de la dette publique périra par l’insolvabilité des débiteurs, et cette dot de la révolution sera bientôt dissipée. Ce travail exige, de la part de ceux qui s’y consacrent, un patriotisme sévère et des connoissances profondes des affaires. Par l’importance de ces opérations vous pouvez juger du nombre d’agens qui doivent être employés : le total se porte déjà à 188. Dans ce nombre ne sont pas compris les agens occupés à l’extérieur. Je parle des commissaires aux ventes, aux levées de scellés, des inspecteurs et gardiens de scellés, etc. Le choix de tous ces agens mérite toute l’attention; l’épuration devient d’autant plus nécessaire et doit être d’autant plus rigoureuse, que beaucoup ont été nommés et placés par des conspirateurs qui ont expié leurs crimes sur l’échaffaud. L’administration du département de Paris est une machine trop vaste pour que quelques hommes puissent en suivre tous les ressorts. Un petit nombre d’administrateurs, quel-qu’affairés, quelque zélés qu’ils soient, ne pou-voit subvenir à tous les détails; aussi les affaires des citoyens alloient s’ensevelir dans les bureaux et mettaient le magistrat à la merci de chefs qui n’offrent plus la même responsabilité. Ajoutez l’influence que pouvoit obtenir sur cette cité et la République entière une administration publique revêtue d’un pouvoir aussi étendu et d’une prépondérance aussi grande. Ce simple apperçu est suffisant pour convaincre de la nécessité d’une agence particulière uniquement chargée des domaines situés dans l’étendue du département de Paris. Cette agence nécessaire a été instituée par un arrêté du comité de Salut public : déjà les trois agens nommés sont en pleine activité, et l’agence, placée à la maison Coigny, est sous la surveillance de deux représentans du peuple membres du comité des Domaines, Julien Dubois et Portiez. Cependant le comité des Domaines et d’A-liénation a pensé qu’un simple arrêté du comité de Salut public ne pouvoit dépouiller le département d’une partie de ses attributions;il a pensé qu’un loi émanée directement du corps législatif ayant saisi le département de ces attributions, une loi solemnelle émanée directement de la Convention pouvoit seule l’en dessaisir. Il a soumis ces réflexions au comité de Salut public, qui les a partagées. Par-là, les principes sont plus respectés, l’agence elle-même acquiert une plus grande considération, et les citoyens sont avertis de son existence. La saine politique, l’intérêt des citoyens, le bien du service dans l’administration des domaines nationaux, la nécessité d’établir de l’ordre, commandent la mesure proposée aujourd’hui. [L’Assemblée paroit d’abord adopter le projet] (122) déjà plusieurs articles étoient décrétés lorsque Barère [qui n’avoit pas encore eu le tems d’entendre la question] ( 123) a demandé qu’au lieu d’établir une nouvelle agence, on chargeât de ce travail la commission des revenus nationaux (124). BARÈRE : L’ancien comité de Salut public, effrayé des dilapidations qui se commettaient dans l’administraton des domaines nationaux, avait créé une agence semblable à celle qu’on vous propose; puis il s’est bientôt aperçu que ce n’était qu’un moyen d’étendre l’influence de la bureaucratie, d’occasionner des frais immenses pour organiser les bureaux, pour les composer, pour les loger, et le comité renonça à ce projet; je crois que c’est ce que la Convention doit faire dans cte moment. Je crois que, pour simplifier, il faut tout rapporter aux commissions exécutives, qui présentent une (122) J. Paris n° 618. (123) Mess. Soir, n° 752. (124) Rép., n° 264. 34 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE responsabilité plus immédiate, moins disséminée, et une action prompte et plus énergique. Attribuez à la commission des domaines nationaux ce qu’on vous propose d’attribuer à une agence; cette commission formera un bureau particulier pour cet objet; elle le surveillera; il pourra encore y avoir une double surveillance de la part du comité des Domaines. C’est ainsi que vous éviterez de créer des agences, qui ne sont que des rouages inutiles et dispendieux. THIBAULT : Lors de l’organisation des comités, la commision que vous aviez chargée de préparer ce travail discuta la question des commissions exécutives, et elle pensa qu’il était impossible que ces commissions se concil-liassent avec la nouvelle organisation du gouvernement. Leurs attributions empiètent les unes sur les autres, et toutes les fois qu’un comité adresse un arrêté à l’une de ces commissions, l’exécution en est retardée parce que celle là n’est pas compétente. Elle renvoie à une autre; souvent il se fait encore d’autres renvois successifs. Ce sont des cascades interminables, et des retards très préjudiciables à l’action du gouvernement. S’il n’existait que des agences, au contraire, l’activité serait plus grande; les comités leur adresseraient les arrêtés, et ils seraient exécutés sur-le-champ; aucun intermédiaire ne viendrait entraver cette marche. J’observe encore qu’il est des commissions qui sont chargées d’une infinité d’objets qui se confondent aisément, et de cette confusion naissent encore de nouveaux retards. Je sais que, si l’on adoptait ma proposition sur-le-champ, ce serait désorganiser toutes les administrations; aussi je me contente d’en demander le renvoi à l’examen d’un comité. J’applique les réflexions générales que je viens de faire à l’objet particulier dont il s’agit dans cet instant. On s’est plaint de la dilapidation des domaines nationaux; n’est-il pas évident que, si vous en confiez la surveillance à la commission des biens nationaux, cette commission, qui est déjà chargée d’un grand travail, ne pourra pas donner des soins assez précis pour empêcher qu’on ne porte atteinte à cette partie si précieuse de la fortune publique? Si vous créez une agence, au contraire, elle n’aura d’autre occupation que celle-là; elle sera surveillée par les comités des Domaines, des Finances, et vous devez croire qu’alors elle marchera. Je demande que le décret soit maintenu. DUHEM : La proposition de Thibault n’est pas nouvelle; il l’avait faite à la commission chargée de l’organisation des comités, et il ne trouva qu’une personne de son avis. Ce serait bouleverser toutes les administrations et vouloir s’exposer à réorganiser encore une fois le gouvernement; car les douze commissions exécutives sont la base sur laquelle on a établi le plan des comités. Je demande le renvoi de la proposition de Barère au comité, pour examiner s’il est nécessaire d’avoir des agences qui, comme on l’a dit, semblent être des rouages inutiles. CAMBON : La question qu’il s’agit d’examiner dans ce moment est celle de savoir comment on doit remédier à la mauvaise administration des biens nationaux dans le département de Paris. La surveillance en est confiée à un commissaire du département qui a établi un bureau, crée beaucoup de places pour cet objet, et tout cela à une distance extrême du gouvernement. [On doit se passer de ces commissaires qui ont les airs, la morgue, les manières, l’importance des ministres d’ancien régime] (125). C’est un principe reconnu qu’il faut que l’autorité supérieure qui réside à Paris, le corps législatif, ait tout sous la main. La partie des domaines nationaux qui sont dans cette ville est trop considérable, elle nécessite une gestion trop étendue pour qu’on puisse la confier à la commission des domaines nationaux, qui est déjà chargée d’un travail immense. Sachez, citoyens, que la République est propriétaire des deux tiers des domaines qui composent son territoire, et que leur valeur s’élève de 12 à 13 milliards. Il n’y a point ici de nouveaux bureaux; Ils existent déjà, ils sont tout formés au département, et il ne s’agit que de les mettre davantage sous la surveillance de la Convention. BARÈRE : Tout le monde est d’accord avec Cambon. Personne ne veut laisser au département de Paris l’énorme administration des biens que la nation possède dans cette commune; c’est là une première donnée convenue entre nous. Il faut aussi faire surveiller plus directement l’administration de ces biens; et il me semble que rien n’est plus simple, pour opérer ce qu’on se propose, que d’en charger la commission des domaines nationaux, qui fera pour cet objet, à cause de son importance et de son étendue, un bureau particulier qu’elle surveillera. Le rapporteur [PORTIEZ] : Cette proposition avait été faite dans les comités, et l’on a démontré que la commission des domaines nationaux avait déjà une surveillance beaucoup trop étendue. Si vous lui réunissez encore l’administration dont il s’agit, vous lui donnez un travail plus considérable; vous rendez sa surveillance nulle à force de l’augmenter. Vous lui donnez le soin de veiller sur cent quatre-vingts commis, sur un nombre infini de gardiens et d’autres agents, elle ne pourra point assez voir pour empêcher les dilapidations énormes qui se font toujours dans les biens nationaux. Il est encore une autre raison qui doit faire rejeter la proposition de Barère : c’est qu’en l’adoptant on ôterait aux domaines nationaux qui se trouvent dans le département de Paris un degré de surveillance que ceux qui sont situés dans les autres départements auraient de plus qu’eux. En effet, dans le reste de la République, les domaines appartenant à la nation sont d’abord surveillés par les administrations des dépar-(125) J. Mont., n° 133. SÉANCE DU 23 FRUCTIDOR AN II (9 SEPTEMBRE 1794) - N° 62 35 tements, qui le sont à leur tour par la commission des domaines nationaux; et à Paris, où la masse en est plus considérable que partout ailleurs, il n’ y aurait d’autre surveillance que celle de la commission. Je conclus pour l’adoption du projet (126). La Convention nationale décrète que les comités examineront s’il convient de laisser des commissions exécutives intermédiaires entre les agences et la Convention nationale; ou s’il faut supprimer les diverses agences qui ont été créées (127). 62 CAMBON : [Il y a deux jours que] (128) les commissaires civils des sections de Paris réclament l’indemnité qui leur a été accordée, et qui aurait dû leur être payée par la municipalité de Paris, puisqu’un décret du 6 floréal porte : «La Convention nationale, après avoir entendu son comité des Finances sur la pétition des commissaires des sections de Paris, concernant l’indemnité qui leur est due, à raison du travail extraordinaire dont ils sont chargés, décrète que la municipalité de Paris est autorisée à comprendre au nom de ses charges locales, et à payer sur les sous additionnels, la somme de 3 livres à chaque commissaire civil de section par chaque journée qu’il justifiera avoir employée au service public des citoyens de cette commune, dès l’origine de l’établissement de ces commissions.» Les commissaires civils des sections de Paris sollicitent auprès de la commission des revenus nationaux le payement de cette indemnité. Elle ne parait pas devoir leur être refusée, d’après les dispositions précises du décret du 6 floréal; mais l’exécution de ce décret présente plusieurs difficultés. 1° L’indemnité est accordée dès l’origine de l’établissement des comités civils. Des sections en font remonter l’époque à celle de la révolution, c’est à dire au 12 juillet 1789, et d’autres au 10 août 1792. 2° Il est dit par ce décret qu’il sera payé 3 livres à chaque commissaire civil des sections de Paris par chaque journée qu’il justifiera avoir employé au service public. Les extraits des procès-verbaux des assemblées générales des sections prouveront bien la nomination des commissaires; mais comment justifieront-ils de l’emploi de leurs journées au service public? (126) Moniteur, XXI, 715-716. Mentionné par Débats, n° 719, 390; Gazette Fr., n°983; J. Mont., n° 133; Ann. R.F., n° 282; Le J.Perlet, n° 717 omet de citer les deux interventions de Barère. Rép., n° 264; M. U., XLIII, 382; F. de la Républ., n° 430; Mess. Soir, n° 752; J. Fr., n° 715. J. Paris, n° 618. (127) P. V., XLV, 185. C 318, pl. 1285, p. 14. Décret n° 10 825 de la main de Cambon. (128) Mess. Soir, n° 752. 3° Le décret porte aussi que les 3 livres d’indemnité seront comprises dans les charges locales et payées sur les sous additionnels. Il n’a pu en être imposé pour cet objet dans les rôles de 1789, 1790, 1791 et 1792, et les rôles de 1793 ne sont pas même encore entièrement en recouvrement. Pour l’exécution littérale de ce décret, il est indispensable de déterminer; 1° Depuis quelle époque précise cette indemnité doit être payée; 2° De quelle manière les commissaires civils justifieront des journées par eux employées au service des citoyens; Et enfin, attendu qu’il n’a pas été imposé de sous additionnels dans les rôles des années antérieures à 1793, et que le recouvrement de ceux qui ont du être compris dans les rôles de cette dernière année n’a pas encore eu lieu, si c’est sur les fonds du trésor public que le payement réclamé doit être ordonné. Votre comité des Finances a pensé que la loi ne pouvait avoir un effet rétroactif; cependant il a cru que l’époque de l’établissement de la République, qui a exigé le renouvellement de presque tous les fonctionnaires, pouvait s’accorder avec l’exécution du décret du 6 floréal. Depuis cette époque les fonctions publiques ont été très multipliées; ainsi il y a lieu de croire que tous ceux qui en ont été chargés sont restés en permanence à leur poste; cependant il faut prendre des précautions, afin d’éviter que ceux qui n’auraient pas rempli leur devoir reçoivent une indemnité qui ne leur serait pas due. Votre comité a pensé que la présence des commissaires devait être prouvée par leur signature aux registres des délibérations ou dans leurs fonctions. Enfin cette dépense doit être provisoirement payée par le trésor public, jusqu’à ce que vous ayez réglé le mode pour subvenir aux dépenses municipales de Paris. Voici le projet que je suis chargé de vous présenter (129) : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [Cambon, au nom de] son comité des Finances, décrète : Article premier. - L’indemnité accordée aux commissaires civils des sections de Paris, par la loi du 6 floréal, ne sera payée qu’à ceux qui sont actuellement en exercice ou qui seront nommés à l’avenir; elle ne sera payée que depuis l’époque du décret qui a déclaré que la France se constituoit en République; Art. II. - Cette indemnité n’aura lieu que pour les journées qui auront été employées au service public; Les membres qui la réclameront, prouveront leur service par la signature aux registres des délibérations ou dans leurs fonctions. (129) Moniteur, XXI, 714-715. Résumé par Débats, n° 719, 389-390; Mentionné J. Mont., n° 133; Ann. R.F., n° 282; J. Perlet, n° 717; J. Fr., n° 715; J. Paris, n° 618; Gazette Fr., n° 983.