765 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l*r mars 1790.] et même sur les testards que vend un particulier : ce droit a causé beaucoup de procès qui ont été portés devant les parlements des juges intéressés puisqu’ils sont seigneurs. Ce droit s’étend jusque sur les matériaux des maisons qu’on fait démolir. Je demande que ce droit soit aboli, et je fais de cette demande l’objet d’un amendement exprès. M. Goupil de Préfelx, député d'Alençon. Je demande que ce droit, qui s’est établi dans ma province, par la jurisprudence du parlement de Rouen, soit aboli sans indemnité. M. le marquis de Foucault propose de déclarer ce droit rachetable; il dit qu’il peut être l’effet d’une convention et qu’il a pour objet de récupérer le seigneur de la diminution que souffre son fonds lorsque les arbres sont coupés. M. Garat l’ainé considère les arbres comme les fruits de la terre, en sorte que le seigneur n’est pas en droit de prétendre à des lods et ventes, parce que le propriétaire du sol vend sa récolte. M. Moreau, député de Touraine. Les arbres ne sont que les fruits de la terre, ils sont une récolte accumulée pendant plusieurs années et cette récolte est perçue à l’époque de la coupe. M. le marquis de Foucault. Je demande l’ajournement de la motion et son renvoi au comité féodal. M. Regnaud {de Saint-J ean-d' Angèlij). L’Assemblée est suffisamment instruite et l’injustice du droit est généralement sentie. Pourquoi des Français seraient-ils punis pour être propriétaires de biens dans les parlements de Rouen et de Bordeaux ? Pourquoi seraient-ils assujettis à des droits injustes qui ne sont établis sur aucune loi, sur aucune convention et qui ont pour principe une jurisprudence désastreuse, que la cupidité a introduite et que la justice doit proscrire ? L’amendement est mis aux voix et adopté. L’article 12 est ensuite décrété en ces termes : « Art. 12. Les droits sur les achats, ventes, importations et exportations de biens-meubles, de denrées et de marchandises, tels que les droits de cinquantième, centième, ou autre denier du prix des meubles ou bestiaux vendus, les lois et ventes, treizième, ou autres droits semblables sur les vaisseaux, sur les bois et arbres futaies, testards ou fruitiers, coupés ou vendus pour être coupés, sur les matériaux de bâtiments démolis ou vendus pour être démolis, les droits de leyde sur les poissons, les droits d’accise sur les comestibles, les droits de bouteillage, d’umgeld, ou autres, sur les vins et autres boissons, les impôts et billots perçus au profit des Seigneurs, et autres de même nature, sont abolis sans indemnité, sans rien préjuger, quant à présent, sur les droits de péage, de minage, et de tiers-denier. L’article 12 est lu, mis aux voix et adopté sans discussion, en ces termes : « Art. 13. Tous droits exigés sous prétexte de permissions données par les seigneurs pour exercer des professions, arts ou commerces, ou pour des actes qui, par le droit naturel et commun, sont libres à tout le monde, sont supprimés sans indemnité.» M. le Présldeul annonce que M. Bruet, curé d'Arbois, député d’Aval en Franche-Comté a donné sa démission et que son suppléant, M. Royer, curé de Chavanne, est arrivé et que ses pouvoirs sont vérifiés. La discussion est ensuite reprise sur les droits féodaux. M. Merlin, rapporteur , donne lecture des deux articles suivants : « Art. 14. Toutes banalités de fours, moulins, pressoirs à vins ou à huile, de boucheries, de taureau, de Verrat, de forge, et autres, ensemble le droit de verte-moute, usité en Normandie, soit qu’elles soient fondées sur la coutume ou sur un titre, ou acquises par prescription, sont abolies et supprimées sans indemnité, sous les seules exceptions ci-après. « Art. 15. Seront exceptées de la suppression ci-dessus, et seront rachetables : «1° Les banalités purement conventionnelles, c’est-à-dire qui seront prouvées avoir été établies par une convention souscrite entre le seigneur et la communauté des habitants pour l’intérêt et l’avantage desdits habitants ; 2° celles qui seront prouvées avoir eu pour cause une concession faite par le seigneur à la communauté des habitants, de droits d’usages dans ses bois ou près, ou de communes en propriété. » M. Fegrand, député du Berry, propose de rédiger ces articles ainsi qu’il suit : « Toute banalité de four, etc., ensemble le droit de vert moute, sont supprimés sans indemnité, à l’exception de celles qui contiennent des avantages réciproques entre le seigneur et les censitaires, ou qui proviennent d’une concession de fonds prouvée par les titres primordiaux ou par les titres probatifs des titres primordiaux. » M. Frochot, député de Châtillon-sur-Seine. Votre comité vous propose, Messieurs, par l’article 14 de son projet de loi, de décréter en principe général la suppression, sans aucuneindemnité, desdiverses espèces de banalités; et cependant, par dérogation à cette loi générale, il demande aussitôt, par l’article 15, une exception en faveur des banalités purement conventionnelles. J’avoue, Messieurs, que je ne pressens pas les motifs de cette exception, qui me paraît contraire à tous les principes d'après lesquels votre comité devait se décider en cette matière. Les lois que vous avez à rendre sur la féodalité ne peuvent être qu’une interprétation scrupuleuse des textes que vous avez précédemment consacrés. C’est dans vos arrêtés du 4 août dernier que vous devez chercher les motifs de l’exception proposée ; si ce texte y répugne, l’exception doit être rejetée. Vous avez dit alors, Messieurs, que tous les droits féodaux qui tenaient à la servitude personnelle étaient abolis sans indemnité ; il vous est impossible aujourd’hui d’altérer la force et l’étendue de ce premier décret. Si donc la banalité conventionnelle est elle-même une servitude féodale personnelle, on ne peut hésiter à en prononcer l’abolition sans aucune indemnité. Or, messieurs, il est d’abord évident que toutes les banalités, considérées en elles-mêmes, sont de véritables servitudes personnelles, et qu’elles ne peuvent être considérées comme un droit réel dans les mains de celui au profit de qui elles sont établies, qu’autant que leur établissement est le prix delà cession d’un droit réel. De là, il résulte que les banalités purement conventionnelles ne peuvent être considérées comme des droits réels; et votre