$06 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 mai 1790.] déjà bien manifesté le matin. Après tous les compliments qu'une pareille circonstance peut amener de part et d’autre; les chefs me témoignèrent, de la part de M. le maire et de toute la municipalité, combien elle serait enchantée si je voulais, ainsi que le corps de la marine, satisfaire au désir que l’on avait de nous voir aller à la comédie. Nous ne pouvions mieux répondre à toutes les marques d’affection que l’on nous avait manifestées qu’en les chargeant d’assurer la municipalité que nous irions à la comédie. Et le même soir la plus grande quantité des officiers y accompagnèrent M. de Durfort. Je fus trop fatigué pour y aller aussi. Ils y furent très applaudis. J’y fus hier : la salle de spectacle était pleine à cette occasioa : j’y entrai avec le maire; il me fit placer dans sa loge ; j’y fus reçu avec un applaudissement général, et lorsque je sortis, je fus suivi de tout le peuple battant encore des mains et fus ramené de même à l’hôtel. « Je suis avec respect, -etc., Signé : Commandant de Glandèves. Pour copie, Signé : de La Luzerne. » L’Assemblée renvoie toutes les pièces au comité des rapports. M. Ricard de Séalt, député de Toulon. Ces détails ne laissent aucun doute sur la manière dont la municipalité et la garde nationale se sont conduites. Je demande que M. le président soit chargé de témoigner à ces corps la satisfaction de l’Assemblée. : M. d’André. Je propose que M. le président témoigne à M. de Glandèves la part que l’Assemblée a prise à ce qui le concerne dans cet événement. (Ces deux propositions sont adoptées.) M. Delley d’Agier, rapporteur du comité fi our l’aliénation des biens nationaux , fait une eclure générale des articles délibérés dans les séances précédentes, concernant les formes et les conditions de l’aliénation. L’ordre dans lequel le décret est rédigé est définitivement adopté comme il suit, et le président est chargé de le présenter incessamment à la sanction du roi : « L’Assemblée nationale, considérant qu’il est important de répondre à l’empressement que lui témoignent les municipalités et tous les citoyens pour l’exécution de ses décrets des 19 décembre 1789 et 17 mars 1790, sur la vente des domaines nationaux, et de remplir en même temps les deux objets qu’elle s’est proposés dans cette opération, le bon ordre des finances et l’accroissement heureux, surtout parmi l’habitant des campagnes, du nombre des propriétaires, par les facilités qu’elle donnera pour acquérir ces biens, tant en les divisant qu’en accordant aux acquéreurs des délais suffisants pour s’acquitter, et en dégageant toutes les tram-actions auxquelles ces ventes et reventes pourront donner lieu, des entraves gênantes et dispendieuses qui pourraient en retarder l’activité, a décrété et décrète ce qui suit ; TITRE PREMIER. Des ventes aux municipalités. * Art. 1er. Les municipalités qui voudront acquérir, seront tenues d’adresser leurs demandes au comité établi par l'Assemblée nationale pour l’aliénation des domaines nationaux. Ges demandes seront faites en vertu d’une délibération du conseil général de la commune, « Art. 2. Les particuliers qui voudront acquérir directement des domaines nationaux, pourront faire leurs offres au comité, qui les renverra aux administrations ou directoires de départements, pour en constater la véritable valeur et les mettre en vente, conformément au règlement qui sera incessamment donné à cet effet. « Art. 3. Le prix capital des objets portés dans les demandes sera fixé d’après le revenu net, effectif ou arbitré, mais à des deniers différents, selon l’espèce de biens actuellement en vente, qui, à cet effet, sont rangés en quatre classes. « Première classe. Les biens ruraux consistant en terres labourables, prés, vignes, pâtis, marais salants, et les bois, les bâtiments et autres objets attachés aux fermes ou métairies, et qui servent à leur exploitation ; « Deuxième classe. Les rentes et prestations en nature, de toute espèce, et les droits casuels auxquels sont sujets les biens grevés de ces rentes ou prestations ; « Troisième classe. Les rentes et prestations en argent, et les droits casuels dont sont chargés les biens sur lesquels ces rentes et prestations sont dues ; « La quatrième classe sera formée de toutes les autres espèces de biens, à l’exception des bois non compris dans la première classe, sur lesquels il sera statué par une loi particulière. « Art. 4. L’estimation du revenu des trois premières classes de biens sera fixée d’après les baux à ternie existants, passés ou reconnus par-devant notaire, et certifiés véritables par le serment des fermiers devant le directoire du district; et, à défaut de bail de cette nature, elle sera faite d’après un rapport d’experts, sous l’inspection du même directoire, déduction faite de toutes impositions dues à raison de la propriété. « Les municipalités seront obligées d’offrir, pour prix capital des biens des trois premières classes, dont elles voudront faire l’acquisition, un certain nombre de fois le revenu net, d’après les proportions suivantes : « Pour les biens de la première classe, 22 fois le revenu net; « Pour ceux de la deuxième, 20 fois ; « Pour ceux de la troisième, 15 fois; « Le prix des biens de la quatrième classe sera fixé d’après une estimation. c Art. 5. Les municipalités déposeront dans la caisse de l’extraordinaire, immédiatement après leur acquisition, quinze obligations payables d’année en année, et montant ensemble aux trois quarts du prix convenu. « Elles pourront rapprocher le terme desdits payements, mais elles seront tenues d’acquitter une obligation chaque année. « Les fermages des biens vendus auxdites municipalités, les renies, loyers et le prix des bois qu’elles auront le droit d’exploiter, seront versés dans la caisse de l’extraordinaire ,ou du district, à concurrence des intérêts par elle dus. « Art. 6. Les obligations des municipalités porteront intérêt à 5 0/0, sans retenue, et cet intérêt sera versé, ainsi que les capitaux, dans la caisse de l’extraordinaire. « Art. 7. Les biens vendus seront francs de toutes rentes, redevances ou prestations foncières, comme aussi de tous droits de mutation, tels que [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 mai 1789.] 507 qüint et requint, lods et ventes, reliefs, et généralement de tous les droits seigneuriaux ou fonciers, soit fixes, soit casuels, qui ont été déclarés rachetables par les décrets du 4 août 1789, et 15 mars 1790, la nation demeurant chargée du rachat desdits droits, suivant les règles prescrites, dans les cas déterminés par le décret du 3 de ce mois : le rachat sera fait des premiers deniers provenant des reventes. « Art. 8. Seront pareillement lesdits biens affranchis de toutes dettes, rentes constituées et hypothèques, conformément aux décrets des 10, 14 et 15 avril 1790. « Dans le cas où il serait formé des oppositions, elles sont, dès à présent, déclarées nulles et comme nou-avenues, sans qu’il soit besoin que les acquéreurs obiennent de jugement. « Art. 9. Les baux à ferme ou à loyer desdits biens qui ont été faits légitimement et qui auront une date certaine et authentique, antérieure au 2 novembre 1789, seront exécutés selon leur forme et teneur, sans que les acquéreurs puissent expulser les fermiers, même sous l’offre des indemnités de droit et d’usage. Art. 10. Les municipalités revendront à des particuliers, et compteront de clerc à maître avec la nation, du produit de ces reventes. Art. 11. Les municipalités seront chargées de tous les frais relatifs aux estimations, ventes, subrogations et reventes. Il leur sera alloué et fait raison par le receveur de l’extraordinaire, du seizième du prix capital des reventes qui seront faites aux particuliers, à mesure et à proportion des sommes payées par les acquéreurs. « Art. 12. Si, pour compléter le payement des obligations aux époques fixées, quelques municipalités avaient besoin de recourir à des emprunts, elles y seront autorisées par l’Assemblée nationale ou par les législatures, qui en régleront les conditions. ; « Art. 13. Les payements à faire par les municipalités, ou par les acquéreurs à leur décharge, ne seront reçus à la caisse de l’extraordinaire qu’en espèces ou en assignats. « Art. 14. La somme totale des ventes qui seront faites aux municipalités en vertu du présent décretr ne pourra excéder la somme de 400 millions; l’Assemblée nationale se réservant de prescrire les règles qui seront observées pour les ventes ultérieures qui pourraient avoir lieu. TITRE II. De la préférence réservée aux municipalités sur les biens situés dans leurs territoires. « Art. lor. Toute municipalité pourra se faire subroger, pour les biens situés dans son territoire, à la municipalité qui les aurait acquis; mais cette faculté n’arrêtera pas l’activité des reventes à des acquéreurs particuliers, dans les délais et les formes prescrites ci-après. Les municipalités subrogées jouiront cependant du bénéfice de cette subrogation, lorsqu’elle se trouvera consommée avant l’adjudication définitive. « Art. 2. Toutes les terres et dépendances d’un corps de ferme seront censées appartenir au territoire dans lequel sera situé le principal bâtiment servant à son exploitation. « Une pièce de terre non dépendante d’un corps de ferme, et qui s’étendra sur le territoire de plusieurs municipalités, sera censée appartenir à celui qui en comprendra la plus grande partie. « Art. 3. Pour éviter toute ventilation entre les municipalités, la subrogation devra comprendre la totalité des objets qui auront été réunis dans une seule et même estimation. « Art. 4. Les municipalités qui auront acquis hors de leur territoire, seront tenues de le notifier aux municipalités dans le territoire desquelles les biens sont situés, et de retirer de chacune un certificat de cette notification, qui sera envoyé au comité. « Les municipalités, ainsi averties, auront un mois, à dater du jour de la notification, pour former leurs demandes en subrogation; et, le mois expiré, elles n’y seront plus admises. « Art. 5. La demande en subrogation faite jiar délibération du conseil général de la commune requérante, contenant la désignation de l’objet, sera adressée au comité, et notifiée à la municipalité qui aurait précédemment acquis. « Art. 6. Lorsque la demande en subrogation aura été admise par l’Assemblée nationale, la municipalité subrogée déposera dans la caisse de l’extraordinaire ; 1° des obligations pour les trois quarts du prix de l’estimation des biens qui lui sont cédés; 2° la soumission de rembourser à la municipalité sur laquelle elle exercera la subrogation, la part proportionnelle des frais relatifs à la première acquisition, lesquels, en cas de difficultés, seront réglés par le Corps législatif, ou les commissaires par lui nommés. « Art. 7. Le receveur de l’extr aordinaire prendra pour comptant les obligations de la municipalité subrogée et donnera décharge d’autant à la municipalité évincée par la subrogation. « Art. 8. Les municipalités admises à la subrogation seront tenues de remplir les conditions énoncés par l’article 7, dans le délai de deux mois pour celles qui ne sont pas à plus de cinquante lieues de la municipalité évincée;, « De deux mois et demi pour celles oui sont distantes depuis cinquante jusqu’à cent lieues; > « Et de trois mois pour les autres ; >< Le tout, à compter du jour de la notification prescrite par l’article 4. Ces délais expirés, elles seront déchues de la subrogation. « Art. 9. Toutes les municipalités qui, dans le délai d’un mois, àdater de la publicaiion du présent décret, se seront fait subroger pour les fonds situés dans leurs territoires, aux municipalités qui auraient fait des soumissions antérieures, jouiront de la totalité du bénéfice porté par l’article 11 du titre Ier. f « Art. 10. Les municipalités qui se serontfait subroger après le délai ci-dessus, jouiront pareillement dudit bénéfice; mais il en sera distrait un quart au profit delamunicrpalité qui, après avoir fuit sa soumission la première, se tiouvera évincée par la subrogation, pourvu qu’elle ait consommé l’acquisition dans le mois qui suivra cette soumission. « Art. 11. L’acquisition sera censée consommée lorsqu’après l’estimatiorr des biens, faite dans’ la forme prescrite par l’article 4 du titre 1er, les offres auront été acceptées par le Corps législatif. TITRE III. Des reventes aux particuliers. « Art. 1er. Dans les quinze jours qui suivront l’acquisition, les municipalités seront tenues de faire afficher aux lieux accoutumés de leur ter- 508 [Assemblée nationale.] territoire, à ceux des territoires où sont situés les biens, et des villes chefs-lieux de districts de leur département, un état imprimé et détaillé de tous les biens qu’elles auront acquis, avec énonciation du prix de l’estimation de chaque objet, et d’en déposer des exemplaires aux hôtels de ville desdits lieux, pour que chacun puisse en prendre communication ou copie, sans frais. « Art. 2. Aussitôt quïl sera fait une offre au moins égale au prix de l’estimation, pour totalité ou partie des biens vendus à une municipalité, elle sera tenue de l’anDoncer par des affiches dans tous les lieux où l’état des biens aura été ou dû être envoyé, et d’indiquer le lieu, le jour et l’heure auxquels les enchères seront reçues. « Art. 3. Les adjudications seront faites dans le chef-lieu et par devaat le directoire du district où les biens seront situés, à la diligence du procureur ou d’un fondé de pouvoir de la commune venderesse, et en présence de deux commissaires de la municipalité dans le territoire de laquelle se trouvent lesdit? biens; lesquels commissaires signeront les procès-verbaux d’enchères et d’adjudication, avec les officiers du directoire et les parties intéressées, sans que l’absence desdits commissaires dûment avertis, de laquelle sera fait mention dans le procès-verbal, puisse arrêter l’adjudication. « Art. 4. Les enchères seront reçues publiquement; il y aura quinze jours d’intervalle entre la première et la seconde publication ; et il sera procédé, un mois après la seconde, à l’adjudication définitive, au plus offrant et dernier enchéri seur, sans qu’il puisse y avoir ouverture, ni au tierce-ment, ni au doublement, ni au triplement. Les jours seront indiqués par des affiches où le montant de la dernière enchère sera mentionné. « Art. 5. Pour appeler à la propriété un plus grand nombre de citoyens, en donnant plus de facilité aux acquéreurs, les payements seront divisés en plusieurs termes : * La quotité du premier payement sera réglée en raison de la nature des biens, plus ou moins susceptibles de dégradation. « Dans la quinzaine de l’adjudication, les acquéreurs des bois, des moulins et des usines paieront 30 0/0 du prix de l’acquisition à la caisse de l’extraordinaire ; « Ceux des maisons, desétangs, des fonds morts et des emplacements vacants dans les villes, 200/0. «f Ceux des terres labourables, des prairies, des vignes et des bâtiments servant à leur exploitation et des biens de la seconde et troisième classe, 12 0/0 « Dans le cas où des biens de cés diverses nature* seront réunis, il en sera fait ventilation pour déterminer a somme du premier payement. « Le surplus sera divisé en douze annuités égales, payables en douze ans, d’aunée en année, et dans lesquelles sera compris l'Intérêt du capital à 5 0/0, sans retenue. « Pourront néanmoins les acquéreurs accélérer leur libération par des payements plus considérables et plus rapprochés, ou même se libérer entièrement, à quelque échéance que ce soit. « Les acquéreurs n’entreront en possession réelle qu’après avoir effectué leur premier payement. « Les enchères seront en même temps ouvertes sur l’ensemble ou sur les parties de l’objet compris en une seule et même estimation ; et si, au moment de l’adjudication définitive, la somme des enchères partielles égale l’enchère faite sur la [limai 1790.] masse, les biens seront, de préférence, adjugés divisément. « Art. 7. A chacun des payements surleprixdes reventes, le receveurde l’extraordinaire se* a tenu de faire passer à la municipalité qui aura vendu» un duplicata de la quittance délivrée aux acquéreurs, et portant décharge d’autant sur les obligations qu’elle aura fournies. « Art. 8. A défaut de payement du premier à-compte ou d’uneannuité échue, il sera fait, dans le mois, à la diligence du procureur de la commune venderesse, sommation au débiteur d’effectuer son payement, avec les intérêis du jour de l’échéance; et si ce dernier n’y a pas satisfait deux mois après ladite sommation, il sera procédé, sans délai, à une adjudication nouvelle, à sa folle enchère, dans les formes prescrites par les articles 3 et 4. « Art. 9. Le procureur de la commune de la municipalité poursuivante se portera premier enchérisseur pour une somme égale au prixdel’es-mation, ou pour la valeur de ce qui restera dû à sa municipalité, si cette valeur est inférieure au prix de l’estimation; il sera prélevé, sur le prix de la nouvelle adjudication, le montant de ce qui se trouvera échu avec les intérêts et les frais, et l'adjudicataire sera tenu d’acquitter, au lieu et place de l’acquéreur dépossédé, toutes les annuités à échoir. « Art. 10. Si une municipalité croyait devoir conserver, pour quelqu’objet d’utilité publique, une partie des biens par elle acquis, elle sera tenue de se pourvoir, dans les formes prescrites par le décret du 14 décembre 1789, pour obtenir l'autorisation nécessaire, après laquelle elle sera admise à enchérir concuremment avec les particuliers; et, dans le cas où elle demeurerait adjudicataire, elle paiera dans les mêmes formes et dans les même délais que tout autre acquéreur. «Art. 11. Pendant les quinze années accordées aux municipalités pour acquitter leurs obligations, il ne sera perçu pour aucune acquisition, adjudication, vente, subrogation, revente, cession et rétrocession des biens domaniaux ou ecclésiastiques, même pour les actes d’emprunts, obligations, quittances et autres frais relatifs aux dites translations de propriété, aucun autre droit que celui de contrôle, quiBera fixé à 15 sols* » M. Lefort, député d'Orléans , demande, par une lettre sans date» un congé d’un mois pour raison de santé. (Ce congé est accordé.) M. d’Aguesseau de Fresnes, député de Meaux , prie l’Assemblée, par lettre, d’accepter sa démission pour cause de santé et d’admettre à sa place M. du Buat, son suppléant. (L'Assemblée accepte la démission deM.d’Agues-seau.) M. Fer nier, membrè du comité des finances, propose successivement trois décrets, au nom de ce comité : 1° pour ordonner la construction d'un ont de bateaux sur la Sarre à Sarguemines ; ° pour autoriser dans la utile de Caudrot une imposition de 1 ,200 livres destinée à ses charges locales ; 3a pour permettre aux officiers municipaux de la mille d'Amiens , un emprunt de 15,000 livres. Ces trois décrets sont successivement mis aux voix et adoptés ainsi qu’il suit: « L’Assemblée nationale, sur le rapport de soit comité des finances, vu l’adresse présentée par ARCHIVES PARLEMENTAIRES,