745 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {25 novembre 1790.] que la Société royale de médecine a l’honneur de lui présenter un nouveau plan de constitution pour la médecine en France, duquel plan un exemplaire est déposé sur le bureau. (L’Assemblée nationale en ordonne le renvoi au comité de Constitution.) M. le Président. L’ordre du jour est un rapport du comité d'agriculture et de commerce sur la franchise de Bayonne, Saint-Jeen-de-Luz et une partie du Labour (1). M. Lasnier de Vanssenay, rapporteur, Messieurs, votre comité d’agriculture et de commerce vous a proposé, pour l’avantage du commerce national, le reculement des barrières aux frontières extrêmes du royaume. L’article 10 do votre décret constitutionnel, du mois d’août 1789, déclare : que tout privilège particulier des provinces, principautés, pays, cantons, villes et communautés d’habitants, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, sont abolis sans retour, et demeureront confondus dans le droit commun de tous les Français. C’est d’après ce principe, que vous avez déjà décrété la suppression de la franchise du port de Lorient. Les villes de Bayonne et de Saint-Jeau-de-Luz, aiusi qu’une parïie du pays de Labour, ont obtenu, en 1784, une franchise. Laisserez-vous subsister, moditierez-vous ou supprimerez-vous ce privilège? Tel est l’objet de votre attention. Votre comité d’agriculture et de commerce ne peut fixer la place des barrières qu’après le décret que vous allez prononcer. Cette question intéresse autant les manufactures du royaume et. les pays voisins, que le territoire qui jouit de la franchise. La ville de Bayonne, ainsi que le pays de Labour, sont divisés en deux fartions : l’une pour la franchise et l’autre contre. Le rapporteur est prêt à vous donner lecture d’une infinité de pièces qui justifient cette division d’opinions; mais, comme il faudrait un temps considérable pour les lire, et que le vôtre est précieux, je vais me borner à vous en faire une analyse juste et concise. Les partisans de la franchise de la ville de Bayonne vous exposent que le commerce de leur ville a augmenté, d’un quart au moins, depuis l’établissement du privilège, que, sans lui, la ville de Bayonne verra son commerce s’appauvrir, et que le pays presque stérile a besoin de cette faveur; que son port, dont l’entrée est difficile et périlleuse, cessera d’être fréquenté, s’il perd sa franchise; que, sans elle, le commerce d’étranger à l’étranger lui devient impossible; que tous ses rapports avec l’Espagne vont s’anéantir; que les acheteurs, qui venaient de l’Aragon, de la Castille et de la Navarre, par les défilés des Pyrénées, s’approvisionner dans les magasins des Bayonnais, iront porter leurs achats à Saint-Ander, Bilfiao et Saint-Sébastien qui jouissent d’une franchise, et s’enrichiront de leurs dépouilles. Le parti contraire soutient que la franchise n’est utile qu’à quelques gros négociants qui font la fraude avec l’Espagne et la France; qu’elle est destructive du commerce national, en introduisant dans les deux royaumes, exemptes de droits, les marchandises du Nord et de l’Angleterre; qu’elle a détruit beaucoup de foires et de marchés utiles au commerce national, et qu’enfin elle a plongé dans la misère la classe nombreuse des marchands et des ouvriers qui vivaient du commerce légitime des articles de nos manufactures. Ils ajoutent qu’elle a détruit les pêches, ressource précieuse à l’industrie des Bayonnais, en comblant leur ville des produits de la pêche étrangère. Les armateurs de Saint-Jean-de-Luz et de Giboure prétendent que la franchise écrase leur industrie pour la pêche; qu’elle ruine 3,000 matelots, l’élite de la marine française, qu’elle empêche d’en former, faute de travail, et que c’est un objet digne de l’attention des législateurs. La partie du Labour, hors de la franchise, le pays des Landes, le pays de Soûle vous exposent : que, depuis l’établissement de la franchise, les campagnes se désertent ; que les laboureurs quittent la charrue pour courir à lafraude ; que leurs terres ne sont pas cultivées ; que la population des campagnes diminue rapidement ; que la franchise de Bayonne obstrue le débouché de leurs denrées, gêne leurs approvisionnements et porte un préjudice effrayant à leur pays. Ils se plaignent qu’une cabale, soudoyée par les partisans de la franchise, a forcé les bons citoyens à garder le silence, par la crainte des menaces qu’on leur faisait. MM. les députés du pays des Landes à l’Assemblée nationale, au nombre de quatre, ont signé cette réclamation. Enfin, Messieurs, dix-sept municipalités voisines, dont les délibérations sont en bonne forme, ainsi qu’une autre des habitants de Bayonne, qui a huit pages de signatures, en sollicitent l’anéantissement. Plusieurs villes de manufactures réclament contre les franchises en général, et particulièrement contre celle dont jouit la ville de Bayonne, en ce qu’elle facilite l’introduclion en fraude, dans le royaume, des toiles de la Silésie, des étoffes de laine, de la quincaillerie et autres objets fabriqués dans l’Allemagne et l’Angleterre. L’administration des finances a fait remettre à votre comité un mémoire très détaillé, dans lequel elle représentequ’il est impossible de garder la fraude à Bayonne, que ses efforts ont été infructueux, et que le commerce national en souffre autant que le produit du fisc. Votre comité a consulté les députés extraordinaires des villes de commerce près l’Assemblée nationale, et leur avis est de supprimer la franchise de Bayonne, comme aussi contraire à l’intérêt général du commerce, qu’à celui de Bayonne, et de son voisinage en particulier.il ne reste donc plus qu’à vous présenier ses réflexions. Le décret mémorable du mois d’août 1789 prescrit textuellement toutes les franchises : mais votre comité a pensé qu’il ne devait frapper que ces privilèges odieux qui favorisaient des individus, ou une partie du royaume, aux dépens des autres, et qu’il était, peut-être, des privilèges politiques qui, ne nuisant à personne et favorisant le commerce particulier d'une place, pouvaient mériter leur conservation. S’il existait, en effet, qu’un de nos ports eût, par le bonheur de sa position, un avantage réel dans le trafic des marchandises étrangères, sans nuire au commerce général ou particulier de la nation, le comité n’a pas pensé que la rigueur absoluede la loi dût lui refuser la jouissance d’un profit individuel, effet de sa position ou de l’objet singulier deson commerce; car ce serait la frustrer d’un avantage que lui offrait la nature, parce qu’elle ne l’offrait qu’à lui seul, et cette privation deviendrait injuste et douloureuse. Entrant plus avant dans cette hypothèse, Messieurs, nous avons estimé que lorsqu’un de vos (1) Ce rapport est incomplet au Moniteur.