100 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Insertion au bulletin (1). [Les off. mun. de la comm. de Lorgues, à la Conv.; Lorgues, 4 therm. II] (2) Citoyens représentans, La commune de Lorgues avait déjà envoyé dans son temps 47 marcs 2 onces 1/2 d’argenterie provenant du culte. Elle en avait instruit la Convention. Les cy-devant prêtres, par une suite du fanatisme dont ils étoient pétris, avaient voulu qu’il leur en fût laissé une quantité suffisante et nécessaire pour exercer des fonctions que tous ont ensuite abdiqués. Maintenant que le fanatisme est détruit, qu’il n’en existe plus en cette commune aucune trace, nous n’avons rien eu de plus empressé que de faire passer au district le restant de l’argenterie du culte s’élevant à 58 marcs 1 once, de manière que notre commune a fourni à la République 105 marcs 3 onces 1/2 d’argenterie et une once 2 gros et quelques deniers d’or. Cabasson (off. mun.), Maille (off. mun.), Mou-nier (off. mun.), Arnaud (off. mun.), Gras (off. mun.). 24 Les administrateurs du district de Crécy [sic pour Crépy (3)] rendent compte du dévouement d’une commune de leur arrondissement, qui, requise par erreur de fournir 20 quintaux de grains, pauvre, et n’en possédant que 21, s’en dépouille et les livre. Mention honorable, insertion au bulletin (4). [Les administrateurs du distr. révolutionnaire de Crépy, aux représentants du peuple français composant le c. de salut public; Crépy, 10 mess. II] (5) Les habitans de ce district chérissent la liberté, l’égalité et sçavent fraterniser. En voici un exemple, citoyens représentans, qui mérite de vous être raconté. Une commune pauvre est requise, par erreur, d’apporter 20 quintaux de grains sur le marché de la commune de Crépy. Quoiqu’elle n’en aye que 21, elle s’en dépouille, obéit au réquisitoire et vient demander à ses administrateurs la permission d’en acheter sur le marché. Vous (1) P.V., XLHI, 232. (2) C 311, pl. 1235, p. 10. Bm, 2 fruct. (suppl1); C. Eg. , n° 733. . (3) Oise. P.V., XLIII, 232. Mention finale datée par erreur du 28 'i�eàsidor. (€>1 V 313, pl. 1251, p. 28. B"1, 1er fruct. et 2 fruct. Moniteur IfF-éimpr.), XXI, 538; Débats, n° 698, 14; Rép. , n° 244. applaudirez sans doute, ainsi que nous l’avons fait, à ce trait de générosité. S. et F. ! Thirria, Gatté, Prebours, Roussel (1). [Applaudissements ] 25 Le représentant du peuple Le Carpentier, en mission, envoie une copie de la proclamation par lui faite sur la conspiration de Robespierre. Insertion au bulletin (2). [Le Carpentier, repr., au prêsid. de la Conv.; Port-Malo (3), 1 7 therm. II] (4) Citoyen président, Tu peux assurer la Convention nationale que, selon ma dernière lettre, le calme, la joie et la confiance régnent ici plus que jamais depuis le grand événement qui a soustrait la représentation nationale au poignard des conjurés et la République au joug du triumvirat. Le camp de Paramé et la rade de Port-Malo où j’ai publié la proclamation de la Convention avec une autre à la suite, ont offert le spectacle de soldats et de marins les plus dévoués au maintien de la liberté, qui venait d’être si grandement menacée. Le peuple et les autorités constituées sont de plus ensérées (sic) autour de la patrie. Ainsi et toujours les complots dirigés contre le peuple français n’ont servi qu’à mieux développer la grandeur et la fermeté de son caractère. Cependant comme il est partout des trem-bleurs, des allarmistes, et qu’il reste encore des aristocrates déguisés au milieu de patriotes, ces ennemis de la Montagne et du gouvernment révolutionnaire n’ont pas manqué d’employer en secret des suggestions perfides pour provoquer la défiance et le discrédit sur l’un et sur l’autre. Quoique ces nouvelles manœuvres ne pussent être aussi dangereuses que mal intentionnées, j’ay cru devoir les déjouer et, à cet effet, j’ai publié à la suite de ma proclamation les instructions que je joins ici. Vive le gouvernement révolutionnaire jusqu’à l’anéantissement du dernier ennemi du peuple ! S. et F. ! Le Carpentier. Réflexions du représentant Le Carpentier, faisant suite à la proclamation sur la conspiration de Robespierre et de ses complices. Une conspiration aussi monstrueuse dans son principe qu’extraordinaire dans ses moyens, (1) On lit au dessus du texte : renvoi au comité des procès-verbaux le 3 thermidor an second de la République une et indivisible. (2) P. U, XLIII, 232-233. (3) Ille-et-Vilaine. (4) C 311, pl. 1231, p. 29, 30. J. Sablier, n° 1501; Bin , 1 er fruct.;Arm. R. F. , n° 256; J. Fr. , n° 690. Moniteur (réimpr.), XXI, 537. SÉANCE DU 28 THERMIDOR AN II (15 AOÛT 1794) - N° 25 101 vient declater au centre de la République. Des hommes qui avoient usurpé le titre de patriotes par excellence, ont été saisis au suprême degré de la perfidie. Robespierre, Saint-Just, Couthon, et autres grands scélérats, ont conspiré contre la liberté, et la mort n’a été rien auprès de l’énormité de leurs crimes. Il n’y a pas de doute que de tous les complots tramés contre l’indépendance du peuple français, celui-là ne soit le plus étonnant, le plus remarquable. Il a été regardé comme un phénomène dans la République, et la postérité fera plus d’une pause en le lisant dans les annales de la révolution française. Mais, lors même qu’il est déjoué dans ses premiers effets, il lui reste une action secondaire qu’il n’est pas indifférent de combattre; c’est dans cette intention que j’ai rédigé les réflexions suivantes. Les extrêmes sont dangereux en tout, particulièrement en politique. La confiance et la défiance ont des inconvénients respectifs, lorsqu’elles sont poussées à l’excès. Voyons ce qu’il faut faire pour trouver la ligne de la sagesse. Avant la connaissance de la conspiration, beaucoup d’hommes ne prononçaient pas sans engouement les noms de Robespierre et de ses complices. Il est vrai que l’apparence de leurs fausses vertus était fortement spécieuse, que 5 années de travaux réputés constamment patriotiques, que le coloris trompeur de leur moralité, de leurs principes, de leurs talents, prêtaient grandement à l’illusion; mais, en faisant, pour un moment, outrage à la vérité, mais en supposant qu’ils fussent aussi vertueux qu’ils ont été réellement criminels, auraient-ils fait autre chose que ce qu’il eût été de leur devoir de faire ? Non, sans doute. On avait donc tort, dans cette supposition même, de proclamer si haut le nom de Robespierre et des autres. Voilà le premier excès. Depuis la connoissance de la conspiration, les mêmes et beaucoup d’autres esprits sont prêts à tomber dans l’extrême opposé. « à qui se fier à présent ? » se demandent des individus malveillants ou pusillanimes. Ainsi une défiance outrée succède à une trop grande confiance. Voilà le second excès. A qui se fier à présent ! C’est à vous que je réponds, êtres sans consistance, qui avez la bonhomie ou la mauvaise foi de faire une pareille question. Ecoutez ma réponse, il ne faut plus, il n’aurait jamais fallu se fier à la réputation de tel ou tel homme, car un homme ou quelques hommes, isolément pris, ne sont rien dans une République, car la réputation des hommes en général n’est trop souvent qu’un perfide appât; mais il faut avoir confiance à la masse de vos représentants, aux lois de la république, au caractère du peuple français, au génie de la liberté. Voilà vos guides. Que si, néanmoins, en satisfaisant à ce mouvement naturel qui vous porte à acquérir une opinion sur chacun des hommes avec lesquels vous entretenez des relations, et surtout avec ceux de vos représentants qui sont au milieu de vous et dont vous entendez parler de loin, si, dis-je, vous voulez déjà porter un jugement quelconque sur eux, embrassez de vos regards leur caractère et leurs actions autant que vous pourrez les connoître; et si rien n’est contr’eux, s’ils ont toujours rempli leurs devoirs, dites en vous mêmes « ils ont bien fait jusqu’à ce jour », mais attendez la fin de leur carrière, pour les juger définitivement. Et parce que les uns vous ont trompé, ne croyez pas, mais prenez garde que les autres ne vous trompent aussi ! A cet effet, constituez-vous en surveillance permanente. Vous effraierez le crime et ne déconcerterez pas la vertu, car l’un aime les ténèbres et l’autre se plaît dans la lumière. Quelque soit, au reste, l’activité de votre surveillance sur tous les membres de la représentation nationale comme sur les autres individus, ayez toujours soin de distinguer la loi des personnes. Quand la loi commande, il faut obéir; et si, contre toute apparence, un organe ou un agent infidèle la tournait évidemment et sans aucun doute, contre la liberté et le bonheur du peuple, vous trouveriez alors votre conduite tracée dans les droits de l’homme, dont il n’appartient à personne d’abuser. Tels sont, citoyens, les principes conservateurs de l’ordre public : telle est, ce me semble, la mesure de la sagesse politique et morale. Portons maintenant nos regards sur la scène du grand événement qui vient d’avoir lieu et dont vous connaissez les surprenants détails. Voyez les odieux cadavres des Robespierre, des Saint-Just, des Couthon et de leurs satellites, précipités des hauteurs du crime dans la fosse de l’infamie. Voyez la Convention nationale, plus imposante que jamais, victorieusement assise sur les débris des conspirations. Voyez le peuple de la ville centrale, toujours digne interprète des autres sections du peuple souverain, toujours fidèle et glorieux dépositaire de la représentation commune, investir de sa force, de son amour, de son respect, les fondateurs et les sauveurs de la République, et loin de concevoir quelques alarmes, livrez-vous à la civique allégresse que doit inspirer aux amis de la patrie la découverte et l’anéantissement du plus grand attentat qui ait été médité contre la liberté nationale. Oui, qu’elle disparaisse la vile bande des allarmistes, et qu’il ne reste autour de nous que les patriotes qui savent apprécier les succès sans négliger de prévenir les revers. Mais que dis-je ? des revers ! Pourquoi en craindrions-nous plus aujourd’hui qu’auparavant ? Certes, une telle appréhension n’est pas à l’ordre du jour, et la prudence la plus circonspecte ne peut se dissimuler que la découverte d’une grande conspiration ne soit pour la République un grand degré d’acheminement vers son terme de fixité. Que pourrait-on dire de nos armées, sinon que toutes entières à la défense de la liberté et à l’impulsion du gouvernement national, elles marchent à de nouvelles victoires, en félicitant la Convention d’avoir abattu les traîtres tandis qu’elles abattent les esclaves ? Elles ont vu La Fayette, Dumouriez, Custine, et assez d’autres conspirateurs, et nous venons de voir nous-mêmes la scène intéressante du camp de Paramé et de la rade du Port-Malo. Mais craignons de faire outrage aux défenseurs de la Patrie, et au lieu d’oser un seul instant mal présumer de leur clairvoyante fidélité ou d’en 102 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE faire un inutile éloge, ne songeons qu’à suivre leur exemple. Il me reste, citoyens, quelque chose à dire sur les ennemis de l’intérieur, car c’est là spécialement la partie adverse de ceux des républicains qui n’habitent pas les camps. Avez-vous remarqué qu’ils ont pris eux-mêmes l’initiative de la joie, lorsqu’ils ont appris la conspiration et la chute de Robespierre ? Il n’est pas naturel cependant que les patriotes et les aristocrates se réjouissent du même sujet. Voyons donc si, toujours opposés jusqu’à ce moment, ils peuvent être d’accord aujourd’hui. Je considère pour un instant deux espèces d’hommes dans Robespierre et ses complices : des patriotes chauds en apparence, jusqu’à la découverte de leurs crimes, et des conspirateurs reconnus à la fin de leur carrière. Jusqu’alors ces grands coupables, ces odieux artisans du triumvirat (1), voulant dominer les 2 partis, s’étaient déclarés contre le plus foible, pour usurper la confiance du plus fort. De là les coups que leur politique avoit portés d’abord contre la coupable aristocratie, de là la haine qui s’en est naturellement suivie contr’eux de la part des aristocrates, d’où il résulte que cette classe en général n’ayant vu long-temps, comme nous-mêmes, que d’ardens patriotes dans Robespierre et autres conjurés, se réjouit de leur supplice à cause du mal qu’ils lui ont fait, au nom de la liberté outragée; tandis que par une raison contraire, nous nous réjouissons de leur terrible châtiment à cause du mal qu’ils vou-loient faire à la République, en dernier résultat. Ainsi et toujours la joie des aristocrates n’est qu’une haine liberticide ou une vindicte personnelle; l’amour de la patrie n’y entre pour rien, lorsque ce sentiment est pour tous dans l’alé-gresse comme dans la sollicitude des patriotes. Ce n’est pas tout : indépendamment de leur ressentiment particulier, peut-être dans leur folie, auront-ils cru entrevoir l’ébranlement de la Montagne dans la chute de quelques-uns de ses faux habitants. C’est comme si les gros seigneurs de Naples avaient espéré la destruction du Vésuve qui vient de renverser leurs palais, parce qu’il s’est dégagé de ses matières séditieuses. Qu’ils ne s’y trompent pas, les ennemis de la Montagne : c’est alors qu’elle s’est déchargée du fardeau des crimes que sa masse est plus inébranlable; elle continuera à lancer ses laves dévorantes sur les trônes et sur les complots; toujours elle fera l’effroi des tyrans et des conspirateurs; roche Tarpéïenne pour les forfaits, elle reste Montagne pour les vertus : c’est le peuple français lui-même qui l’habite, c’est lui qui la soutient de sa force, et lui seul la domine par sa souveraineté. (1) En note : on appelle triumvirat le gouvernement de 3 hommes qui régissent ensemble la République à leur volonté. Ainsi Antoine, Octave et Lépide tyrannisèrent l’empire romain. Le dictateur est un autre tyran, qui maître par le fait du peuple et du sénat, vexe à son gré l’un et l’autre. Tel on vit le monstre Scylla désoler la patrie par les plus affreuses proscriptions. Ces noms abominables ne peuvent être prononcés qu’avec horreur, et s’ils sont rappelés ici c’est pour faire connaître de tout le monde le but et l’énormité des attentats de Robespierre et de ses complices. Ainsi n’espérez pas plus qu’auparavant, ou plutôt, n’espérez rien du tout, aristocrates, et vous tous, faux patriotes ! N’allez pas croire que la Convention qui a frappé le crime dans son sein, l’épargne ailleurs. N’allez pas croire que les représentants du peuple et les bons citoyens, en s’occupant à rechercher et à saisir tous les fils de la conspiration du triumvirat, négligent de suivre les manœuvres secrettes du royalisme, de l’intrigue et de la malveillance en général ! N’allez pas croire enfin que, si une nouvelle organisation du tribunal révolutionnaire ôte tout sujet d’inquiétude aux républicains persécutés, les traîtres doivent cesser d’être surveillés et traduits devant la justice nationale. Qu’avez-vous de commun avec les amis de la patrie, vous qui avez conspiré contr’elle ? pourquoi la punition d’un forfait produirait-elle l’impunité d’un autre ? Au contraire, la liberté doit frapper tous les ennemis à la fois, et le fer de la loi ne peut s’émousser qu’après le supplice du dernier conspirateur. Pour vous, citoyens, ne l’oubliez pas, aucun événement dans le cours de la révolution ne peut rapprocher réellement l’ami et l’ennemi du peuple. Ne vous laissez donc séduire par aucune apparence. Que le gouvernement provisoire ne s’écarte pas de son principe. Que la Convention nationale et les autorités qui en émanent soient de plus en plus respectées. Que la probité, la sagesse soient à l’ordre des cœurs . Que le dévouement à la patrie soit la passion dominante. Que la fermeté ne quitte pas le républicain, et la terreur, l’incorrigible ennemi de la République : en un mot, que les grandes réputations ne produisent plus les grands crimes, et que la liberté triomphe par les grandes vertus. Port Malo, 15 therm. 11(1). Le Carpentier. 26 Les administrateurs du district de Quin-gey, département du Doubs, annoncent qu’un bien ecclésiastique vendu à un émigré, en 1791, 61 100 liv., vient d’être revendu à la folle enchère 214 180 liv. Insertion au bulletin, renvoi au comité des domaines (2). [Les administrateurs du distr. de Quingey, à la Conv.; Quingey, 2 therm. II] (3) Citoyens représentants, La vente des biens nationaux se continue avec succez : un bien ci-devant ecclésiastique, vendu à un émigré en 1791 61 100 liv., vient d’être vendu par folenchère 214 180 liv. S. et F. ! Dugourd ( agent nat.), Roze ( présid .), R. Bertin ( secrêt .) et 3 autres signatures. (1) De l’imprimerie du citoyen Hovius fils, imprimeur de la représentation nationale. (2) P.V., XLIII, 233. (3) C 313, pl. 1251, p. 29. Bm, 1er fruct. Moniteur (réimpr.), XXI, 538.