[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 juillet 1790.] Qg dés, non pour cause d’entretien, mais pour cause de construction de canaux ou autres ouvrages d’art, entrepris sous cette condition. Vous avez en même temps ordonné, article 16, que les possesseurs de péages, qui se prétendraient dans celte exception, ne pourraient continuer leur perception que sur le pied du tarif de la création primitive, et qu’ils seraient tenus de représenter leurs titres par devant les assemblées de département, sur l’avis desquelles il serait ensuite statué définitivement par le Corps législatif. Dès lors, Messieurs, il est évident que si, ce qu’on ignore, le péage confirmé à M. de Croypar l’arrêt du conseil, du 16 octobre 1734, lui a été originairement concédé pour dédommagement de la construction d’un pont fait sous cette condition, ce péage se trouve excepté de la suppression ; que cependant la perception n’en peut être continuée, même provisoirement et en attendant l’avis du département du Nord, que sur le pied du tarif de 1734. En conséquence, le tarif de 1788 et l’arrêt du conseil auquel il doit l’existence, sont rentrés, par votre décret même du 15 mars, dans le néant dont les avait tirés l’abus de la faveur. C’est sur ces motifs qu’est basé le projet de décret que nous vous proposons. M. le Président met le décret aux voix. Il est adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités de féodalité et de commerce réunis, sur les réclamations qui lui ont été adressées contre la perception que le ci-devant seigneur de Quesnoy, près de Lille, continue de faire d’un péage et pontonage sur la rivière de Deule, a décrété et décrète : « 1° Que l’arrêt du conseil, du 28 septembre 1788, portant extension dudit péage et pontonage, est et demeure comme non-avenu ; « 2° Que, provisoirement et jusqu’à ce que, sur l’avis de l’assemblée du département du Nord ou de son directoire, il ait été statué definitivement à cet égard par le Corps législatif, le ci-devant seigneur de Quesnoy peut continuer la perception des droits énoncés dans l'arrêt du conseil du 16 octobre 1734, en se conformant à l’article 16 du titre II du décret du 15 mars dernier, et à la charge de restitution, s’il y a lieu. » M. Cfiabroud, organe du comité des rapports 1 rend compte des désordres qui se sont produits à Lyon. Messieurs, on a cbercbé à persuader au peuple de Lyon qu’il dépendait des officiers municipaux de supprimer tous les droits d’aides et barrières qui se perçoivent aux entrées de cette ville. Les barrières auraient, en effet, été forcées sans les efforts qu’a fait la municipalité pour désabuser le peuple. Cependant, comme il y a toujours du danger, tant que l’Assemblée lie se sera pas expliquée à ce sujet, c’est par ce motif que nous vous proposons un projet de décret. M. Regnaud {de Saint-Jean-d' Angèly). Il est impossible de ramener le calme dans la ville de Lyon, tant qu’il subsistera des privilèges. Les cabaretiers paient à Lyon et dans plusieurs villes des provinces méridionales, un droit particulier de détail qui n’est pas acquitté parles bourgeois ; de manière que, pendant tout le temps que le bourgeois a du vin à vendre, le cabaretier n’en vend pas. Je demande qu’à la suite du décret proposé par le comité des rapports, on décrète la suppression de ce privilège. M. Périsse. Le droit qui appartient aux bourgeois de Lyon n’est pas un privilège; ils vendent leur vin en gros ou en détail sans payer de droit, au même titre que d’autres propriétaires vendent leurs blés, leurs bois ou leurs bestiaux. M. Bouche. La faculté accordée aux propriétaires de vignes de vendre leurs vins sans payer les droits du détail, est un puissant encouragement à l’agriculture ; cette faculté est en usage dans presque toutes les contrées méridionales et ce serait les mettre en feu que de vouloir y por ter atteinte. M. d’André. Nous aurions peut-être à parler longuement sur cette question qui ne saurait être traitée avec maturité à propos d’une affaire locale. Je demande l’ajournement et le renvoi au comité d’imposition. D'autres membres proposent le renvoi au comité des finances. L’Assemblée prononce le renvoi aux comités réunis d’imposition, d’agriculture et des finances. Le projet de décret proposé par M. Ghabroud est ensuite mis aux voix et adopté dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï le compte qui lui a été rendu de la part de son comité des rapports, de ce qui s’est passé le 8 de ce mois dans la ville de Lyon ; « Considérant qu’il importe de maintenir, selon ses différents décrets, la perception des impôts subsistants, jusqu’à ce qu’elle puisse faire jouir le peuple du bienfait d’un régime nouveau; qu’il est du devoir des municipalités, d’en protéger le recouvrement de toute l’autorité qui leur est confiée, et que le peuple de la ville de Lyon a été induit en erreur, lorsqu’il a pensé qu’il dépendait de ses officiers municipaux de l’exonérer des droits d’aides, octrois et barrières ; « A décrété et décrète que son président se retirera dans le jour vers le roi, pour supplier Sa Majesté de faire donner des ordres, afin d’assurer la perception des droits d’aides, octrois et barrières, établis aux entrées de la ville de Lyon. « Au surplus, l’Assemblée autorise son président à écrire aux officiers municipaux et conseil général de la commune de Lyon, pour leur témoigner qu’elle approuve la conduite qu’ils ont tenue, et leurs efforts pour le maintien de la tranquillité, publique, et du bon ordre. M. le Président. M. Barrère de Vieuzac demande à faire un rapport sur les ruines de la Bastille, au nom du comité des domaines. M. Barrère. Vous avez décrété, il y a quelques jours, l’aliénation des biens domaniaux; votre comité des domaines va solliciter une exception à cette règle générale. Vous ne voulez pas que la main de l’homme élève jamais pierres sur pierres sur un lieu qui a été l’opprobre de l’humanité. La municipalité de Paris a présenté deux ou trois adresses relatives au terrain de la Bastille. Elle désire élever un monument sur ce rempart du despotisme. Aux cris de la liberté naissante, ces murs formidables se sont écroulés, et de leurs débris sont sortis les droits de la natioa. Il faut imprimer sur cette terre le signe de votre liberté, pour instruire les hommes et effrayer les 70 {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 juillet 1790.) tyrans. On va admirer les restes de la magnificence romaine, et le voyageur se console de ce qu’ils ne sont plus, par le souvenir de ce qu’ils ont été. On vous a déjà proposé d’élever, sur ce terrain, de superbes pyramides. Ce n’est point à une nation accablée d’une dette énorme, que nous présenterons ce projet ..... Nous vous proposerons de laisser dans la capitale un monument d’un genre nouveau, qui atteste votre haine pour les tyrans. Quelle plus heureuse époque pouvons-nous choisir, que celle où toutes les gardes nationales du royaume viennent jurer, au pied de l’autel de la patrie, de maintenir cette Constitution à laquelle vous travaillez avec tant de zèle? Voici en conséquence le projet de décret que votre comité des domaines a l'honneur de vous présenter : « 1° Que le terrain qu’occupait la forteresse de la Bastille ne sera pas aliéné ; « 2° Que les ruines en seront conservées, et qu’il y sera élevé au milieu d’elles, aux frais de la nation, un simple obélisque des pierres mêmes de la Bastille, sur lesquelles seront gravées la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’époque de la prise de la Bastille, et celle de la fédération générale des Français,» M, Martineau. Pourquoi nous enchaîner par un décret? Le vaste terrain dont il s’agit peut être utile sous divers rapports. Je demande l’ajournement. M. (�avenue. Pour conserver le souvenir de l’époque mémorable que nous traversons l’obéi lisque est inutile; il ne durerait pas autant que la déclaration des droits qui se suffit à elle-même. (L’ajournement est prononcé.) M. le Président. L’Assemblée passe à la suite de la discussion du titre II , relatif aux juges de paix, du projet dedécret sur l'ordre judiciaire. Les articles 1 à 9 de ce titre ont été adoptés dans les séances des 7 et 8 juillet. M. Thouret, rapporteur. Vous avez accordé une juridiction contentieuse aux juges de paix, vous leur avez donné une compétence jusqu’à la concurrence de 50 livres, sans appel, et de 100 livres à la charge d’appel; il s’agit maintenant de compléter cette juridiction d’une manière qui réponde à l’attente du peuple, qui espère en tirer les plus grands avantages. L’article 10 renferme le détail des divers objets qui leur sont attribués; je vais en faire la lecture : « Art. 10. Il connaîtra de même, sans appel jusqu’à la valeur de 50 livres, et à charge d’appel a quelque valeur que la demande puisse se monter : 1° Des actions pour dommages faits, soit parles hommes, soit par les bestiaux, aux champs, fruits et récoltes ; 2° Des usurpations de terres, arbres, haies et fossés, commises dans l’année ; 3° Des réparations locatives des maisons et fermes ; 4» Des indemnités prétendues par le fermier ou locataire, pour non-jouissance, et des dégradations alléguées par le propriétaire ; 5° Du paiement des salaires des gens de travail et des gages des domestiques ; Des actions pour injures verbales, rixes, et voies de faits, pour lesquelles il n’y aurait pas lieu à la poursuite criminelle; » M. Garat aîné. La rédaction de cet adicle neremplit sûrement point l’intention du comité, il soumet à la décision du juge de paix des objets susceptibles de la plus grande difficulté, tels que ceux de la possession. Je demande le renvoi au comité lui-même, pour nous présenter une nou-* velle rédaction. M. de Lachèze. Tout le monde est d’accord sur le principe, on peut différer d’opinion sur les. objets de détail. Je demande qu’on mette successivement aux voix les divers objets qui doivent être de la compétence des juges de paix. La première division de l’article est mise aux voix et décrétée. On fait lecture de la seconde partie de l’article : « 2° Des usurpations de terres, arbres, haies et fossés, commises dans l’année ». M. Mouglns de Roquefort. Je propose d’ajouter cette disposition « et de tout action en complainte et en réintégrandes ». M. Ramel-Hogaret, Une autre addition est nécessaire, elle consiste à dire, « ainsi que des entreprises sur les eaux destinées à l’irrigation des prairies communes et privées », M. liavenue. En se servant des mots haies et fossés, le comité a entendu les clôtures. En effet, les clôtures de toute espèce doivent être de la compétence du juge de paix, pourquoi ne se servirait-on pas du mot clôture ? M. Moreau. Il est également important de comprendre dans l’attribution les limites des héritages; c’est dans ce sens que le comité parle des arbres, haies et fossés. Tous ces objets ne donneront pas lieu à des contestations pour une valeur au-dessus de 50 livres, les juges de paix pourront juger sans appel. M. Goupil. Pour ne pas s’écarter de la sagesse des principes qui vous ont dirigés dans vos décrets sur les juges de paix, il me paraît convenable d’adopter cette disposition, «sans que, sous aucun prétexte, ils puissent connaître du droit de la propriété ». M. Tronchet. Je ne ferai porter mes réflexions que sur la rédaction de l’article. On est d’accord du principe que les juges de paix doivent connaître des affaires locales, qui n’exigent que la vérification des lieux et l’audition des témoins, ce qui exclut, àmon sens, tout ce qui regarde la propriété. Sous ce point de vue, j’adopte l’amendement, qui a pour objet les limites d'héritage. 11 ne s’agit pas làde juger la propriété, mais d’une simple vérification locale. Je trouve l’expression commises dans l'année très équivoque ; je suis le maître de me pourvoir au simple possessoire, ou tout de suite au pétitoire; or, eu mettant commises dans Vannée, on autorise le juge de paix à juger dans l’un et l’autre cas; pourquoi, lorsqu’il y a des expressions consacrées par la jurisprudence, ne pas s’en servir? Je demande qu’on ajoute « au possessoire seulement ». Après quelques autres observations, la seconde partie de l’article est décrétée en ces termes : « 2° Des déplacements de bornes, des usurpations de terres, arbres, haies, fossés et clôtures, des entreprises sur les cours d’eau servant à l’arrosement des prairies, commises dans l’année, et de toutes autres complaintes possessspires »,