ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juin 1789.] [États généraux.] 127 pour s’occuper de l’exaruen de la constitution du royaume. En vertu de ces derniers arrêtés, elle renvoie à des commissaires chargés d’en conférer avec ceux des deux autres, les contestations sur les députations communes ou faites par les trois ordres réunis, telles que celle du Dauphiné. Enfin, il est fait lecture de la réponse du Roi à la communication qu’il a reçue des arrêtés de la noblesse. Elle est ainsi conçue : « J’ai examiné l’arrêté de l’ordre de la noblesse que vous m’avez remis ; j’ai vu avec peine qu’il persistait dans les réserves et les modifications qu’il avait mises au plan de conciliation proposé par mes commissaires. Plus de déférence de la part de l’ordre de la noblesse aurait peut-être amené la conciliation que j’ai désirée. » La séance est levée. COMMUNES. Séance du matin. M. le Doyen. Je vais mettre aux voix les différentes motions relatives à la manière dont l’Assemblée doit se constituer. On a demandé hier que choque membre apposât sa signature au bas de la délibération, j’ose présenter à l’Assemblée quelques réllexions sur cette demande. La signature, au lieu de fortifier notre résolution, pourrait l’affaiblir ; car, prise par l'Assemblée, elle est censée prise unanimement ; au lieu que la signature, si elle n’est pas universelle, montre que la résolution n’a été arrêtée que partiellement. De plus, la signature pourrait devenir un germe funeste de division entre nous, et commencer, en quelque manière, deux partis dans une Assemblée dont l’union a fait jusqu’ici la plus grande force. Ces réflexions sont approuvées par l’Assemblée, et la demande des signatures n’a pas de suite. L’Assemblée arrête que la délibération sera seulement signée du doyen et de deux secrétaires. 11 est fait lecture des cinq motions de MM. l’abbé Sieyès, de Mirabeau, Mounier, Legrand et Pison du Gaiand, sur lesquelles on a à délibérer. La première motion mise à l’opinion est celle de M. l’abbé Sieyès, en décidant qu’on ira aux voix successivement sur les autres, si la première ne réunit pas la majorité absolue des voix. La motion de M. l’abbé Sieyès est admise à la majorité de 491 voix, contre 90. L’Assemblée, en conséquence, arrête la délibération suivante: « L’Assemblée, délibérant après la vérification des pouvoirs, reconnaît que cette Assemblée est déjà composée des représentants envoyés directement par les quatre-vingt-seize centièmes, au moins, de la nation. « Une telle masse de députation ne saurait rester inactive par l’absence des députés de quelques bailliages, ou de quelques classes de citoyens ; car les absents qui ont été appelés ne peuvent point empêcher les présents d’exercer la plénitude de leurs droits, surtout lorsque l’exercice de ces droits est un devoir impérieux et pressant. « De plus, puisqu’il n’appartient qu’aux représentants vérifiés de concourir à former le vœu national, et que tous les représentants vérifiés doivent être dans cette Assemblée, il est encore indispensable de conclure qu’il lui appartient, et qu’il n’appartient qu’à elle, d’interpréter et de présenter la volonté générale de la nation; il ne peut exister entre le trône et cette Assemblée aucun veto, aucun pouvoir négatif. « L’Assemblée déclare donc que l’œuvre commune de la restauration nationale peut et doit être commencée sans retard par les députés présents, et qu’ils doivent la suivre sans interruption comme sans obstacle. « La dénomination éd Assemblée nationale est la seule qui convienne à l’Assemblée dans l’état actuel des choses, soit parce que les membres qui la composent sont les seuls représentants légitimement et publiquement connus et vérifiés, soit parce qu’ils sont envoyés directement par la presque totalité de la nation, soit enfin parce que la représentation étant une et indivisible, aucun des députés, dans quelque ordre ou classe qu’il soit choisi, n’a le droit d’exercer ses fonctions séparément de la présente Assemblée. « L’Assemblée ne perdra jamais l’espoir de réunir dans son sein tous les députés aujourd’hui absents; elle ne cessera de les appeler à remplir l’obligation qui leur est imposée, de concourir à la tenue des Etats généraux. A quelque moment que les députés absents se présentent dans le cours de la session qui va s’ouvrir, elle déclare d’avance qu’elle s’empressera de les recevoir et de partager avec eux, après la vérification de leurs pouvoirs, la suite des grands travaux qui doivent procurer la régénération de la France. « L’Assemblée nationale arrête que les motifs de la présente délibération seront incessamment rédigés pour être présentés au Roi et à la nation. » L’Assemblée vote une adresse au Roi pour lui faire part de la délibération arrêtée. Alors des cris multipliés de vive le Roi! se font entendre. Après la délibération prise, M. le doyen et les secrétaires observent à l’Assemblée qu’ils n’ont plus de pouvoirs, n’ayant été établis que pour le temps où l’Assemblée ne serait pas encore constituée. L’Assemblée déclare qu’ils doiven t exercer leurs fonctions jusqu’à ce que ses officiers soient définitivement nommés. On annonce une députation de la part de MM. de c la noblesse. L’Assemblée ayant décidé qu’on irait au devant d’eux, quatre de MM. les députés vont les recevoir, et les introduisent. La députation était composée de MM. le baron de Montboissier, le marquis de Lencosne, le marquis de Grussol, le baron Daurillac, le vicomte de Malartic, le comte de Ruillier. Ils prennent place sur les bancs delà noblesse. M. lebaron de Montboissier annonce qu’ils sont porteurs d’arrêtés de la noblesse, relatifs à des difficultés qui s’étaient élevées sur des députations entières, lis font lecture de ces arrêtés, et les laissent sur le bureau. En voici la teneur : du 16 mai 1789. (La copie laissée sur le bureau le porte ainsi; il semble qu’on doit lire juin 1789.) « Arrêté queles arrêtés des 13 mai et 9 juin 1789, relatifs à la double députation du bailliage d’Auxerre, et à la députation du Dauphiné, serunt portés à l’ordre du clergé et à celui du tiers-état, avec prière de s’expliquer immédiatement sur ces arretés, afin que les commissaires puissent s’assembler sans délai en cas d’acceptation, ou que l’ordre de la noblesse puisse prendre un parti ultérieur en cas de refus. » Extrait du procès-verbal du mercredi 3 mai 1789. « MM. les commissaires vérificateurs des pouvoirs des députés ont repris la suite de leur rap- [États généraux. [ port, et ont dit que quoiqu’ils eussent vérifié les pouvoirs de MM. les députés d’Auxerre, parce que ces pouvoirs leur avaient paru réguliers quant à la forme, ils avaient cru devoir observer à la Chambre, que, suivant le règlement du 7 février dernier, fait pour la Bourgogne, il n’avait été accordé qu’une députation pour Auxerre; que, cependant, les trois ordres de ce bailliage avaient jugé à propos de s’en donner deux, en nommant deux députés de l’ordre du clergé, deux de la noblesse et quatre du tiers-état; le tout sans y avoir été autorisés par aucune décision postérieure, et même sans l’avoir sollicité : qu'ils se croyaient d’autant plus obligés de remettre cette observation sous les yeux de la Chambre, que cette double députation ayant eu lieu dans les trois ordres du bailliage d’Auxerre, son résultat intéressait chacun des trois ordres aux Etats gé-n£pau � « M. le comte d’Arsy, second député de l’ordre de la noblesse du bailliage d’Auxerre, a fait lecture d’un mémoire contenant l’exposé des raisons qui avaient déterminé la double députation de ce bailliage. « La matière ayant été soumise à la discussion, on a mis en délibération s’il ne convenait pas, vu l’intérêt qu’avaient les trois ordres au fait dont il s’agissait de le renvoyer aux commissaires que la Chambre avait décidé de nommer par son arrêté du jour d’hier, pour se concerter avec les autres ordres ; et il a passé à la pluralité des voix de renvoyer l’examen de cette affaire aux commissaires qui viennent d’être indiqués. » Du mardi 9 juin 1789. t MM. les commissaires vérificateurs ont terminé le rapport de l’affaire relative à la députation de la province de Dauphiné, en faisant connaître à la Chambre le résultat de leurs déterminations. « La question, après avoir été profondément discutée, a été réduite à savoir si cette députation serait admise dès à présent, ou si la difficulté à laquelle elle avait donné lieu, serait préalablement soumise à l’examen des commissaires des trois ordres. Et, délibération prise, il a été décidé, à la pluralité des voix, que cette affaire serait préalablement soumise à l’examen des commissaires des trois ordres. « Signé : MONTMORENCY-LUXEMBOURG, président ; BoüTHILIER, secrétaire. » M. le Président, après la lecture de ces arrêtés, a répondu en ces termes à celui de MM. de la noblesse qui avait porté la parole : Monsieur, je suis chargé de vous répondre au nom de l’Assemblée nationale qui siège dans cette salle commune, que tous les députés de la noblesse ont été appelés et invités à la vérification commune des pouvoirs, et à se réunir à I’Assemblée nationale. Elle ne cessera de désirer qu’ils viennent les présenter, et elle le désire particulièrement pour délibérer en commun sur les moyens de soulager la misère publique. MM. de la noblesse ont été reconduits de la même manière qu’ils avaient été reçus. Plusieurs personnes observent que le premier acte de l’Assemblée, après s’être constituée, doit ttre de procéder à la nomination de ses officiers; mais l’importance des objets compris dans les [17 juin 1789.] motions exigeant qu’on se livre sans délai à leur examen, il est déclaré, après une délibération, que M. le président et les secrétaires sont confirmés pour remplir provisoirement les fonctions de ces offices. M. le Président jure et promet, entre les mains de l’Assemblée, de remplir fidèlement le& fonctions que l’Assemblée vient de lui conlier. Les secrétaires font les mêmes serments. Par rapport au serment à prononcer par l’Assemblée, il est proposé différentes formules, entre lesquelles la suivante est préférée : , « bous jurons et promettons de remplir avec zèle et fidélité les fonctions dont nous sommes chargés. « M. le Président annonce qu’il va faire prêter le serment selon cette formule, et que le serment sera regardé comme prêté en cette forme par quiconque ne se présentera pas pour signer une déclaration contraire. Alors, tout le monde étant debout et la main levée, M. le président prononce la formule du serment. L'Assemblée répond : Nous le jurons et promettons. M. Target présente deux motions sur le parti que l’Assemblée doit prendre relativement à la perception des impôts subsistants. M. Chapelier en présente aussi une sur le même objet, et il ajoute des dispositions relatives à la dette nationale et à la cause de la misère publique. Comme ces motions paraissent devoir être réunies, présentant les mômes objets, M. Target propose de les fondre ensemble; ce que l’ Assemblée approuve. MM. Target et Chapelier se retirent dans une salle voisine pour les joindre en une seule; ils rentrent, et la présentent à l'Assemblée qui l’adopte en ces termes : « L’Assemblée nationale , considérant que le. premier usage qu’elle doit faire des pouvoirs dont la nation recouvre l’exercice, sous les auspices d’un monarque qui, jugeant la véritable gloire des rois, a mis la sienne à reconnaître les droits de son peuple, est d’assurer, pendant la durée de la présente session, la force de l’administration publique; « Voulant prévenir les difficultés que pourraient traverser la perception et l’acquit des contributions ; difficultés d’autant plus dignes d’une attention sérieuse qu’elles auraient pour base un principe constitutionnel et à jamais sacré, authentiquement reconnu par le lAoi, et solennellement proclamé par toutes les Assemblées de la nation ; principe qui s’oppose à toute levée de deniers et de contributions dans le royaume, sans le consentement formel des représentants de la nation ; « Considérant qu’en effet les contributions, telles qu’elles se perçoivent actuellement dans le royaume, n’ayant point été consenties par la nation, sont toutes illégales, et, par conséquent nulles dans leur création, extension ou prorogation; « Déclare, à l’unanimité des suffrages , consentir provisoirement, pour la nation, que les impôts et contributions, quoique illégalement établis et perçus, continuent d’être levés de la même manière qu’ils l’ont été précédemment, et ce, jusqu’au jour seulement de la première séparation de cette Assemblée, de quelque cause qu’elle puisse provenir. ' « Passé lequel jour, l’Assemblée nationale en-ARCHIVES PARLEMENTAIRES.