BAILLIAGE DE CALAIS ET ABDRES. CAHIER DE L’ORDRE DU CLERGÉ DU CALAISIS ET DE ' L’AR-DRÉSIS . Au roi et nosseigneurs des États généraux. Cahier des doléances , plaintes et remontrances de l’ordre du clergé au Calaisis et de VA rdrésis, rédigé dans ses assemblées, les onze, douze, treize, et dix-huit mars mil sept cent quatre-vingt-neuf, et arrêté dans celle du même mois et année (1). RELIGION ET MOEURS, « Chargés par état du dépôt sacré de la religion et des mœurs, les ecclésiastiques du Galaisis et de l’Ardrésis observent avec peine parmi les citoyens une foule d’abus destructeurs de ces objets également précieux à l’Eglise et à la patrie. Ils désirent avec autant de vérité que d’ardeur en voir la réforme. Les vues bienfaisantes du Roi pour l’établissement de l’ordre dans toutes les parties les encourageant à manifester les causes qui les troublent, ils croient devoir dénoncer à la sollicitude de Sa Majesté la profanation des jours consacrés à Dieu, la facilité accordée aux artisans de travailler et aux marchands de vendre durant les heures assignées au culte public ; les irrévérences dans le lieu saint, et en général l’inobservation des lois de l’Eglise, le débit des mauvais livres, l’étalage des tableaux obscènes , la facilité de domicile laissée à un grand nombre de femmes sans aveu, dont la débauche énerve, corrompt et ruine la jeunesse, et entraîne le renversement des familles ; le concubinage notoire, l’autorisation de certaines assemblées nocturnes où la confusion de tous les ordres qui y sont reçus indistinctement, dans les jours surtout qui précèdent le carême, engeudre une licence effrénée dont gémit tout âme honnête-, la tolérance de certaines pièces de théâtre remplies de maximes propres a fomenter la sédition, l’impiété et le libertinage; les jeux ruineux, etc. Ces maux demandent un remède aussi prompt que certain, puisqu’ils empoisonnent la source au bonheur public. Le remède existe depuis longtemps. Les règlements ont rétabli l’ordre dans les temps auxquels ils ont été faits et suivis, et l’expérience donne lieu d’espérer qu’ils le ramèneront encore lorsqu’on leur rendra leur vigueur originelle. Le député du clergé demandera donc à Sa Majesté quelle enjoigne aux magistrats de tenir la main à l’exécution rigoureuse des lois du royaume sur la religion et les mœurs, etc. Que la liberté de la presse ne s’étende pas aux objets contraires à ces articles essentiels et au respect dû à la majesté royale. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire, DISCIPLINE. Le député demandera qu’en matière purement spirituelle, les ecclésiastiques soient jugés par leurs juges naturels, conformément aux articles 34 et 35 de l’édit de 1695, et que le délit connu, lesdits ecclésiastiques soient, dans les oflicialités, jugés par leurs pairs. Que les monitoires, à cause de leur inutilité reconnue et du trouble qu’ils jettent dans les consciences, soient supprimés, excepté pour certains crimes rares et énormes que Sa Majesté sera priée de spécifier. Que Sa Majesté soit suppliée d’engager le souverain pontife à donner aux prélats du royaume les induites qui leur sont nécessaires pour dispenser tant des empêchements occultes des mariages que de ceux de consanguinité et d’affinité jusqu’au second degré exclusivement, et à modérer dans ce degré les frais de componendo pour tous les cas, de manière qu’on naitpointàse plaindre que la modération ne tourne pas en faveur de la vertu. Que l’on prenne en considération de faire exécuter pleinement et entièrement la loi du Concordat touchant la résignation en faveur des bénéfices de toute nature, de manière qu’elle ne rencontre d’autres entraves ou obstacles à son exécution que ceux déterminés par la loi. Que les ordinaires se rendent plus faciles dans la concession des lettres d ’exeat. Que Sa Majesté soit suppliée d’avoir plus d’égard, dans la nomination des bénéfices et nommément des évêchés, au vrai mérite qu’à la naissance, et de ne point laisser accumuler sur une même tête plusieurs bénéfices consistoriaux ou autres, lorsqu’un seul pourra suffire à l’honnête subsistance du pourvu. Que les droits et pouvoirs des pasteurs du second ordre soient constatés par une loi solennelle, à l’effet d’éviter toutes discussions et contestations entre les différents ordres du clergé. Que les maîtres et maîtresses d’école dans les campagnes soient approuvés par les curés et destitués par eux, en cas de mauvaise conduite, sans préjudice aux droits de l’ordinaire, et ce pour le grand bien de l’instruction de la jeunesse, objet qui intéresse spécialement les pasteurs. Le député du clergé demandera à qui de droit que les règles des conciles et ordonnances de nos rois soient observées pour la convocation annuelle des synodes diocésains, auxquels MM. les curés demandent à être admis par députés par eux choisis. Il suppliera Sa Majesté d’aviser aux moyens d’empêcher totalement la mendicité de profession, à cause des abus, des troubles et des forfaits qu’elle occasionne. 11 représentera que les ecclésiastiques chargés de porter la consolation dans les prisons, dépôts de mendicité, gémissent depuis longtemps sur le mauvais état et le mauvais ordre de la plupart de ces séjours de l’infortune ou du crime, sur l’air [États gén, 1789. Cahiers,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Calais et Ârdres.] 505 pestilentiel qu’on y respire, sur la modique et mauvaise nourriture de ceux qui y sont détenus, enfin sur le peu de distinction qu’on met entre les différentes classes de prisonniers. TEMPOREL. Le député du clergé représentera que les dîmes ont été ‘consacrées primitivement à la subsistance des pasteurs, aux besoins des églises et au soulagement des pauvres -, que, contre le droit commun et leur destination naturelle, la plus grande partie est possédée par des chapitres, communautés, abbés, prieurs et autres bénéficiers qui ne contribuent à l’acquittement du service paroissial que par le payement d’une trop modique pension ; que, quoique les pasteurs du second ordre aient droit de réclamer contre cet abus, ils se bornent à désirer que le Roi, dans l’assemblée des Etats généraux, arrête d’une manière irrévocable qu’à la mort des titulaires possesseurs actuels de bénéfices simples, il n’y sera plus pourvu; que l’excédant de leurs revenus, après en avoir préalablement retranché la quotité nécessaire aux paroisses de leur fondation, refluera sur celle où il est prouvé que les ministres n’ont qu’une de-mi-subsistance, et quant aux bénéfices attachés aux chapitres et communautés, si la sagesse de Sa Majesté ne lui permet pas d’en changer le régime et la destination actuelle, le député représentera qu’au moins ils devront être assujettis à une augmentation de portions congrues; que cette nouvelle augmentation est devenue d’autant plus nécessaire que l’insuffisance de celle accordée par la déclaration dernière du 19 septembre 1786 a été généralement reconnue ; que depuis cette époque le prix des choses les plus nécessaires à la vie s’est accru continuellement; que la pénurie des ecclésiastiques congruistes du royaume est peu propre à leur conserver la considération due à leur état et à leurs services essentiels ; qu’un grand nombre d’entre eux, loin de jouir d’une aisance qui les mette à portée de soulager les malheureux avec lesquels ils ont des rapports plus intimes et plus fréquents que tout autre citoyen, ont à peine une subsistance qui n’est le fruit que des privations les plus pénibles, enfin qu’ils ne peuvent voir dans l’avenir que des besoins plus nombreux et moins de ressources. Le député demandera qu’il est plus que jamais indispensable de pourvoir à la dotation des curés et autres prêtres établis dans les paroisses des villes, à cause de la diminution progressive de leurs honoraires, des dépenses plus grandes auxquelles les exposent des circonstances locales et l’accroissement de leurs charges. Il représentera que la décadence des maisons religieuses rend très-juste la nécessité de conserver, surtout dans les villes, le même nombre d’ouvriersévangéliques qui y sont déjà établis ; que l’unique moyen de les y arrêter est de leur assurer, par une rétribution fixe, proportionnée et indépendante, s’il est possible, des droits casuels, un sort honnête. 11 suppliera donc Sa Majesté d’étendre le bienfait des portions congrues à tous et chacun des prêtres consacrés au ministère dans les villes, citadelles, forts, hôpitaux, prisons, bourgs et villages de son royaume, proportionnellement à leurs besoins respectifs. Et pour y pourvoir, Sa Majesté sera suppliée d’arrêter pareillement qu’à l'avenir il ne sera plus donné de bénéfices en commende ni assigné de pension, pour ces revenus être employés à l’amélioration du sort des pasteurs, après avoir prélevé les sommes nécessaires à l’acquittement des charges originelles dèsdits bénéfices. Le député demandera que tous les gros décimateurs, quels qu’ils soient, autres que les curés, contribuent, au prorata de leurs possessions, au payement de la pension de MM. les vicaires et autres charges ; que MM. les curés du Galaisis soient exempts de payer la portion congrue desdits vicaires, parce qu’ils ne possèdent aucune dîme assujettie aux charges des dîmes ecclésiastiques. Il suppliera Sa Majesté de déclarer dans quel cas les dîmes ecclésiastiques sont censées épuisées pour que les décimateurs inféodés soient tenus subsidiairement , aux termes de l’édit de 1695, aux charges des gros décimateurs, Il demandera que MM. les curés à portion congrue soient autorisés à conserveries dîmes qu’ils possèdent, sur une estimation qui fera partie de la totalité de la pension, et que ceux d’entre eux qui, depuis 1768, ont été forcés d’opter la congrue, aient la liberté d’entrer en possession des" dîmes ou terres qu’ils ont abandonnées pour l’option, afin de faciliter aux uns et aux autres les moyens d’administrer à temps, à leurs paroissiens, les secours spirituels et temporels dont ils peuvent avoir besoin. Que le nouvel édit à intervenir sur cet objet rende aux curés qui n’ont point opté la portion congrue, le droit de percevoir seuls et à l’exclusion de tous autres, les dîmes novales dans la possession desquelles les gros décimateurs sont entrés en vertu de l’édit de 1768, contrairement à l’ancien droit. Il demandera la révocation de l’arrêt sur requête obtenu en conseil en 1749, lequel charge MM les curés de l’entretien et reconstruction des bâtiments distingués de leurs presbytères, disposition qui a donné lieu à ce que plusieurs desdits curés ont été indûment imposés, même pour leur logement personnel. il demandera que Sa Majesté veuille bien exnli-quer ce que, dans la déclaration sur les défrichements donnée en 1766, les décimateurs doivent entendre par les mots landes, terres inutiles et dé non -valeur, en fixer le sens de manière à prévenir tous les subterfuges de la cupidité, et déterminer toutes les interprétations de la mauvaise foi. Que Sa Majesté veuille bien décider si la dîme des nouveaux fruits est due aux décimateurs. ADMINISTRATION. Le député demandera que ia composition des bureaux diocésains soit changée, de manière que MM. les curés y aient des représentants entièrement de leur choix, et en nombre égal à celui des autres classes réunies. U réclamera la faveur accordée aux pasteurs du second ordre pour la répartition des décimes, et rétablissement de règles fixes et invariables pour cette opération; conséquemment, il demandera qu’il soit fait par tous les intéressés un nouveau tarif de répartition. Il demandera pour MM. les curés leur admission en nombre égal à celui des évêques et des titulaires de bénéfices sans charge d’âmes aux assemblées ordinaires du clergé. Il demandera que ces assemblées soient tenues d’une manière moins dispendieuse, et que les frais de recette soient considérablement diminués. Qu’il soit pourvu par Sa Majesté à la prompte extinction de la dette totale du clergé, et que la 506 [États gén. 1789 Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Calais et Ardres. subvention ecclésiastique soit payée au Roi chaque année et non par anticipation. • Que le clergé pour la passation des baux soit assimilé aux deux autres ordres du royaume. Que les frais de scellé des registres à la mort des curés ne soient pas supportés par leurs héritiers, sauf au gouvernement à prendre dans ce cas les mesures nécessaires pour la sûreté des actes publics qu’ils contiennent. Que si le vœu général pour le reculement des barrières n’était point exaucé, les ecclésiastiques employés dans les ministères ne soient point assujettis pour leurs meubles, lors des changements ordonnés par leurs évêques, au payement des droits de transit de province à autre dans le même diocèse. Le député assurera Sa Majesté et nosseigneurs des Etats généraux que le clergé, dont il est le représentant, consent volontiers, pour l’extinction de la dette nationale, à contribuer, proportionnel» lement aux facultés de chacun de ses membres, aux besoins de l’Etat, sauf toutefois le privilège de voter ses subsides et de répartir lui-même sa cotisation, avec les modifications relatives à l’organisation de ses assemblées. Il exprimera les vœux de tout l’ordre pour la rédaction d’un cadastre exact de tous les biens des trois Etats du royaume. Il assurera l’assemblée que les membres du clergé sont convenus d’adopter toutes les dispositions, projets, plaintes et doléances tendantes au bien général et commun aux deux autres ordres, notamment leur désir pour le retour périodique des Etats généraux au plus court délai possible, en un mot, toutes les remontrances de messieurs de la noblesse et du tiers-état, lesquels ne sont point contraires aux privilèges et observations particulières du clergé. Enfin il laissera aux lumières et au zèle de l’assembléé la décision de la question et la manière d’y opiner. Remontrances et demandes du clergé régulier. Le clergé régulier, qui adhère avec joie à toutes les demandes et déclarations du clergé séculier ci-devant énoncées, prend la liberté de remontrer que, contribuant à toutes les charges du clergé et s’occupant, avec l’agrément des évêques, des principales fonctions du ministère ecclésiastique, il paraît juste qu’il ait ses députés en nombre compétent dans les assemblées tant générales que diocésaines du clergé, et qu’il n’y soit plus représenté par des abbés eommendataires ou autres ecclésiastiques dont les intérêts ne sont pas toujours d’accord avec ceux des religieux. Il demande que, conformément aux décisions des conciles généraux et des souverains pontifes, au Concordat , semblable en ce point à la pragmatique sanction, et pour obvier à une multitude de procès et de dissensions scandaleuses, les abbayes et les prieurés ne soient dorénavant conférés" qu’à des réguliers choisis selon les canons, parmi les religieux du monastère dépourvu de supérieur ; et comme ce n’est ni la cupidité ni l’avarice qui le guide dans cette pétition, mais le désir de voir les choses rentrer dans l’ordre, il fait connaître qu’il souhaiterait que le bien des abbayes continuât d’être partagé en trois portions : la première serait destinée à l’entretien des religieux, y compris l’abbé ; la seconde aux réparations des bâtiments, aux dépenses éventuelles et inattendues, et au soutien des pauvres du lieu ; la troisième au soulagement des monastères ou communautés pauvres, des hôpitaux, écoles pies, curés hors d’état de continuer leurs fonctions, vicaires de campagne et prêtres habitués des villes auxquels le nécessaire manque souvent. Le clergé régulier désirerait qu’on employât aussi aux mêmes usages les prieurés simples qui ne dépendent d’aucun monastère actuellement existant. Pour entrer dans les vues des fondateurs, il demande qu’on ait soin que le bien des abbayes, prieurés, etc., ne sorte du district oit du diocèse où les bénéfices sont situés. Demandent, en outre, les religieuses bénédictines de la ville d’ Ardres, qu’au cas où Sa Majesté acquiesce à la pétition du tiers-état de cette ville touchant ses fortifications, elle veuille bien dans cette concession arrêter qu’il sera restitué à ladite commune une portion de terrain égale à celle qu’elle a cédée ci-devant de ses propres pour les besoins de la ville ou le service du Roi. Arrêté en l’assemblée tenue à Calais le 23 mars 1789, en présence et du consentement unanime de tous les membres du clergé des villes et gouvernement desdits Calais et Ardres, connus et mentionnés en notre procès-verbal dudit jour, par nous président et commissaires soussignés ; ont aussi signé Chavam , curé doyen de Calais ; Antoine Fasquel,curé d’Ardres; Riccaille, curé deFrethun; Délatre,curé deNielle-les-Ardres; Pirou ; Faudier, prêtre secrétaire, et Chavain, ne varietur. Collationné et délivré la présente expédition par nous, greffier de la justice générale de Calais, soussigné, audit Calais, le 6 avril 1789. Signé François. Nous, Eustache-Antoine Richard de Béhague, écuyer, seigneur deRocmontCroixi, et autres lieux, conseiller du Roi, président lieutenant général et seul commissaire au siège de la justice générale de Calais et pays reconquis, certifions à tous qu’il appartiendra que Me François, qui a collationné et délivré l’expédition ci-dessus, est greffier en chef de cette juridiction et qu’aux actes qu’il collationne signe et délivre en cette qualité, foi est et doit être ajoutée, tant en jugement que dehors, en témoin de quoi nous avons signé ces présentes, icelles fait contre-signer par ledit greffier et sceller du sceau de cette justice, audit Calais le 13 avril 1789. Signé Béhague. Par mondit sieur, signé François. CAHIER De l’ordre de la noblesse du Calaisis et de l’Ardré -> sis (1). Du 23 mars 1789. Ce jourd’hui23 mars 17 89, huit heures du matin, les membres de la noblesse de la justice générale de Calais, pays conquis et reconquis, du bailliage secondaire de la ville d’Àrdres et de l’Ardrésis, étant assemblés en l’hôtel commun dudit Calais, sous la présidence de messire Antoine Charles Jacomet de Bienassise, chevalier, maréchal des camps et armes du Roi, sous-lieutenant commandant des villes, forts, citadelle de Calais et en second dans la province du Calaisis, pays conquis et reconquis, assisté de messire Louis-Marie Blan-quart de Sept-Fontaines, écuyer, procureur syndic de la noblesse de l’assemblée du département de Calais, Montreuil et Ardres, secrétaire nommé par délibération du 11 du présent mois, MM. Delabou-lie, Dalantum, Filley de Labarre, Blanquart de Bailleul, de LaGorgue de Rony, commissaires choi-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.