[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ® 31V0SrShan !,<» 463 duit au tribunal du département de Paris, un jugement du mois de juin l’a condamné à Huit années de fers, et a ordonné la restitution au Trésor public des assignats, or et bijoux trouvés chez Maurel lors de son arrestation. Sous prétexte de violations de formes, Maurel s’est pourvu en cassation. Le jugement du tri¬ bunal criminel du département a été cassé, et l’instruction du procès a été renvoyée au tribu¬ nal oriminel du département de Seine-et-Oise. Maurel avait connu, lors des débats qui avaient préoédé le premier jugement, toutes les preuves qui existaient contre lui. Il en a profité, et, par des moyens insidieux et par des ressources que vraisemblablement la complaisance lui a proourées, il est parvenu à dérober au second tribunal la conviction des faits qui l’avaient fait condamner par le premier. Maurel avait été reconnu lorsqu’il s’était présenté pour toueher le montant du faux man¬ dat. Son signalement avait été donné d’une manière peut-être peu fidèle. Il a fait paraître, lors de la seconde instruction des témoins affidés qui ont dit connaître des individus signalés à peu près de la même manière que Maurel l’avait été dans le principe. Les êtres se sont trouvés par conséquent multipliés, et ont laissé dans l’esprit des jurés une incertitude qui a opéré l’acquittement de cet accusé. Pour produire cette diversion dans l’esprit des jurés, il a introduit nombre d’autres témoins qui ont déposé conformément au système qu’il avait établi, et qui ont eonséquemment encore atténué les charges qui existaient contre lui. Trouvé saisi de sommes considérables en or et assignats dont il ne pouvait prouver l’origine, il a fait paraître deux témoins qui ont eu l’im¬ pudeur de déclarer qu’ils lui avaient prêté 7,000 louis en or, quoique jamais leur fortune ne se fût élevée à la 20® partie d’une somme aussi considérable; et Maurel, supposant ensuite la vente par lui faite de ces 7,000 louis à un taux très avantageux, a cru par là justifier sa posses¬ sion de plus de 400,000 livres trouvées chez lui. Ce prétendu prêt de 7,000 louis pouvait pa¬ raître invraisemblable; la vente de ces louis supposée faite le 4 avril, jour du faux mandat payé à la Trésorerie nationale, pouvait paraître équivoque. Fertile en agents comme en moyens, Maurel a encore eu l’adresse de faire paraître deux témoins qui ont déposé de la vente par lui faite en leur présence de ces 7,000 louis; il a été même jusqu’à faire donner par ces deux témoins le signalement de l’acheteur, qui s’est trouvé parfaitement conforme au signalement qu’a¬ vaient donné de Maurel ceux qui l’ont reconnu lorsqu’il a touché à la Trésorerie nationale les 600,000 livres enlevées à la faveur d’un faux mandat. C’est ainsi que Maurel a donné le change aux jurés du second tribunal, qui ont connu de son procès; c’est ainsi qu’ après avoir commis un délit très répréhensible, il est parvenu à se faire déclarer propriétaire du corps du délit. Le juré a déclaré qu’il était constant qu’il existait au procès un faux mandat, en vertu du¬ quel il avait été touché à la Trésorerie nationale une somme de 600,000 livres; mais qu’il n’était pas constant que ce fût Maurel qui ait touché cette somme et qui en eût profité. En consé-uence, il a été jugé que Maurel était acquitté e l’accusation contre lui portée, et il a été or¬ donné que l’or et les assignats trouvés dans sa maison lui seraient rendus lors de sa mise en liberté. Maurel, avant le 4 avril, avait contracté des engagements qu’il n’avait pu payer jusqu’alors et qui, tous, ont été acquittés ledit jour 4 avril ou le lendemain. Il ne s’est pas contenté de payer à ses fournisseurs ce qu’il leur devait, il leur a donné en outre des sommes d’avanoe, notam¬ ment à un 9,000 livres. Tous les assignats trouvés ohez Maurel ne sont sortis de la fabrication, pour entrer au Trésor public, que le 30 mars 1793, c’est-à-dire cinq jours seulement avant le paiement des 600,000 li¬ vres. Quatre personnes attachées à la trésorerie ont reconnu Maurel pour être celui qui a touché le mandat de 600,000 livres. Ledit jour 4 avril, Maurel a acheté des louis au taux de 62 livres quoique le cours ne fût qu’à 54 livres. A l’instant de son arrestation il avait cherché à soustraire les assignats qui étaient chez lui; il s’en est trouvé pour environ 372,000 livres; 1,000 louis d’or et beaucoup de bijoux. Une note enfin trouvée [chez Maurel annonce des dépenses considérables faites du 4 au 6 avril. Comment se fait-il que de deux tribunaux qui ont connu de la même affaire dans l’espace de trois mois, l’un trouve Maurel coupable et le condamne à huit années de fers, et l’autre inno¬ cent et l’acquitte ? Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (1). Merlin (de Douai), au nom des comités de législation et des finances, fait un rapport dont voici l’objet : Le 4 avril dernier, il fut volé à la trésorerie nationale, sur un faux mandat, une somme de 600,000 livres. D’après les renseignements et les signalements donnés, Antoine Maurel, nouvel¬ lement parvenu au grade de commissaire des guerres, fut soupçonné d’être l’auteur du vol. On se transporta chez lui; on y trouva 372,000 livres en assignats pareils à ceux volés, 1,000 livres ou environ en or, provenant sans doute de la conversion d’une partie du vol, et une grande quantité de bijoux. Traduit devant le tribunal criminel du dépar¬ tement de Paris, Maurel fut condamné à cinq années de fers par un jugement du 15 juin. Sous prétexte d’une violation des formes, Maurel appela de ce jugement au tribunal de cassation. Le jugement fut cassé et une nouvelle instruction fut renvoyée devant le tribunal criminel du département de Seine-et-Oise. On instruit : Maurel est acquitté. L’examen du tout est renvoyé aux comités de législation et des finan¬ ces. Merlin, après avoir rapproché les circonstances du fait, les détails de la procédure et avoir exposé à la Convention le résultat des délibérations des comités, propose le décret suivant. Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus, d’après le procès-verbal. Le décret est adopté. (1) Journal des Débats et des Décrets (nivôse an II, n» 467, p. 142).