305 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 septembre 1791.] volontiers à son opinion. J’observe toutefois que son raisonnement ne détruit, en rbn, ni la force, ni l’essence de la loi que nous vous proposons. On peut dire que, lorsque le juré de jugement aura rapporté coupable mais excusable, ce sera pour le juge un avertissement qu’il doit prononcer la peine la moins rigoureuse après celle qu’aurait subie le coupable s’il n’avait pas été déclaré excusable. Je crois qu’avec cette modification nous pouvons laisser subsister le décret; mais M. Martineau est bien rigoureux en le rejetant entièrement. M. Martineau. Je ne suis pas trop rigoureux, je veux éviter l’arbitraire : je demande que le projet soit au moins renvoyé au comité. M. Chabroud. 11 ne faut pas confondre la loi civile avec la loi militaire. En matière civile, on peut déclarer l’accusé excusable : un meurtre, par exemple, peut être commis involontairement. Eu matière militaire, au contraire, une désobéissance est toujours l'effet d’une volonté qui rend le fait notoire, et du moment que l’indiscipline est prouvée, elle doit être punie : il faut que la loi militaire soit rigoureusement appliquée, sans cela vous u’avez pas d’armée. Il faut donc aller franchement à la source du mal, aussi je propose de supprimer de la loi la disposition qui donne aux jurés militaires la faculté de dire : le délinquant est coupable mais excusable ; il faut qu’il dise : le délinquant est coupable ou non coupable. MM. Régnier, Prieur et Lanjninais estiment qud cette dernière proposition est trop rigoureuse et qu’il faut laisser aux juges la faculté de graduer les peines, selon les nuances d’excu-sabiliié. Ils observent qu’ils ne voient pas de différence entre les soldats et les citoyens devant le juré; ils n’admettent pas des lois particulières, et, considérant que le décret proposé doit faire partie du Gode pénal, ils en demandent le renvoi au comité de Constitution pour l’examiner et le classer à son rang. M. Emniery, rapporteur. Je conviens que le code militaire ne doit pas être établi sur les mê nés principes que le code civil. Il est important cependant de laisser dans l’un et dans l’autre, aux jurés de jugement, la faculté de prendre en considération les circonstances atténuantes. Il est indispensable, en effet, de nuancer les peines, car, même en fait de délit militaire, un accusé peut être plus ou moins coupable : puisque vous avez ôté au chef suprême de l’armée le droit de faire grâce, il faut que, sur une déclaration du juré, le juge puisse atténuer la peine, c’est ce but que remplit le décret que nous vous proposons en permettant aux juges de prononcer dans l’application de la loi une peine moins rigoureuse. Au surplus, pour me rapprocher davantage de l’opinion de M. Ghabroud, je propose de modifier le projet de décret en ce sens que, dans le cas où les jurés seraient unanimes dans la déclaration que l’accusé est coupable mais excusable, les juges pourront l’absoudre. M. Tronchet. Je crois qu’il y a de l’inconvénient à faire des lois par morceaux. Il aurait été plus à propos de présenter à l’Aasemblée, l’ensemble du code pénal militaire et de déterminer par une loi générale l’usage que le juge pourra faire de la déclaration du juré, portant que l’accusé est excusable. Mais, comme il peut exister des circonstances pressantes pour porter une loi actuelle qui puisse servir à réprimer et à prévenir l'insubordination et l'indiscipline dont on se plaint chaque jour dans l’armée, je pense que l’on peut*sans danger, adopter le projet de décret qui nous est présenté par le comité militaire et qui, à mon sens, concilie les principes de justice avec ceux de prudence et d’humanité. Toutefois, comme l’importance de la loi proposée demande qu’elle soit méditée et sa bonté reconnue par l’expérience, je fais la motion qu’elle ne soit décrétée que provisoirement. (La motion de M. Tronchet est mise aux voix et adoptée.) M. Einmcry, rapporteur , donne en conséquence lecture du projet de décret modifié dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale s’étant réservé, par l’article 71 du décret du 22 septembre 1790, sanctionné par le roi le 29 octobre suivant, de déterminer ce que les juges de la cour martiale auraient à faire lorsque les jurés de jugement leur rapporteraient que l’accusé est coupable, mais excusable, décrète provisoirement : 1° qu’en pareil cas les juges doivent user d’indulgence dans l’application de la loi, et prononcer une peine moins rigoureuse, à raison des circonstances qui atténuait le délit ; 2° que désormais la modification excusable , ajouiée au rapport des jurés, ne pourra servir de motif pour suspendre l’exécution des jugements qui interviendront : mais que, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, il sera sursis à l’exécution de ceux rendus jusqu’à présent en semblables circon-tau-ces, et que le ministre de la guerre en donnera l’état dans la huitaine, au plus tard. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) L’ordre du jour est un rapport , présenté au nom du comité des finances , sur les finances du royaume. M. de Montesquiou, rapporteur, fait lecture de ce document qui est interrompu à différentes reprises par les applaudissements réitérés de l’Assemblée. ( Voir ce document ci-après aux annexes de la séance, page 308.) M. llougins demande l’impression de ce travail et son envoi aux différents districts et départements du royaume. (Celte motion est adoptée.) M.Je Président lève la séance à trois heurt s. 1- Série. T. XXX. Première Annexe. 20