lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 mars 1791.] 260 diligentes qui, aux termes de vos décrets, se trouvent avoir acquis la priorité sur celle de Paris. Si tous ces motifs réunis vous déterminent, Messieurs, à accorder un supplément, voici le projet de décret que vous pourrez adonter : « L’Assemblée nationale, sur ce qui lui a été exposé par son comité d’aliénation des domaines nationaux, que les 400 millions auxquels elle avait (par son décret du 14 mai 1790, sanctionné par le roi le 17 du même mois), borné la somme des ventes de domaines nationaux aux municipalités, étaient insuffisants pour remplir l’attente de celles qui, ayant fait leur soumission avant le 16 septembre dernier, ont salis fait depuis à toutes les formalités prescrites pour parvenir à l'acquisition de ces domaines, autorise son comité d’aliénation à lui proposer des décrets de vente au profit de toutes les municipalités qui se sont mises en règle dans le délai prescrit par son décret du 31 décembre dernier. » (Ce décret est adopté.) M. Andrieu. Messieurs, un membre de cette Assemblée, c’est M. Ramel-Nogaret, a fait à l’article 14 du décret du 9 mars, séance du soir, un amendement tendant à ce que les droits incorporels, compris dans les ventes faites aux municipalités, fussent exceptés de la surséance prononcée par ledit article; cet. amendement fut alors renvoyé au comité d’aliénation, mais on a omis d’en faire mention dans le procès-verbal de ce jour. Je demande que l’oubli soit réparé, que ce décret de renvoi soit rétabli dans le procès-verbal, et que le comité d’aliénation soit chargé d’en faire incessamment son rapport. (Cette motion est adoptée.) M. l-avle. J’ai l’honneur de représenter à l’Assemblée que les troubles de Colmar ont empêché les municipalités de ce département de se mettre en règle, de faire leurs soumissions et d’envoyer leurs procès-verbau k. Je demande donc que l’Assemblée renvoie cet objet au comité d’aliénation pour qu’il prenne ces circonstances en considération et pour qu’une disposition juste nous soit présentée sans peu de jours. M. Brillat-Sa varia. Je consens au renvoi de la proposition de M. Lavie au comité d’aliénation, mais dans ce sens qu’il n us présentera les moyens de venir au secours des municipalités qui, ayant fait des soumissions pour l’acquisition des biens nationaux, n’ont pu y donner de suite. (L’Assemblée décrète le renvoi de la motion de M. Lavie au comité d’aliénation.) M. de lia Rochefoucauld, au nom du comité d'aliénation , présente un projet de décret relatif à la vente de la maison conventuelle et des biens dépendant de la ci-devant abbaye de Royaumont . Ce projet de décret est ainsi conçu : i L’Assemblée, après avoir entendu le rapport de son comit1 d’aliénation, et vu l’avis du directoire du département de Seine-et-Oise, et ceux des différents districts qui en dépendent; Décrète : 1° qu’il sera procède à la vente de la maison conventuelle et des biens dépendant de la ci-devant abbaye de Royaumont, sise district de Gonesse, dans les formes prescrites par les décrets sur l’aliénation des domaines nationaux; 2° Que les religieux actuellement résidant dans l’abbaye de Royaumont, et qui dé-ireot vivre en commun, se retireront dans la maison conventuelle de la ci-devant abbaye des \aux-de-Cernay, sise district de üourdan, et dont la vente sera provisoirement suspendue ». (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est un rapport du comité de Constitution sur la régence du royaume. M. Thouret, au nom du comité de Constitution, Messieurs, la royauté, la plus éminente des ma-gi-tralures, est essentiellement une fonction publique. C’est pour l’intérêt de la nation que cette magistrature suprême a été déléguée héréditairement; mais cet ordre de succession héréditaire, adopté pour mode de la délégation, ne fait pas ue la royauté puisse être ne sa nature un sujet e patrimonialité. A côté des grands avantages de la délégation héréditaire est cet inconvénient, que l’individu, à qui la royauté est dévoiue, peut se trouver, par la faiblesse de son âge, hors d’état d’en remplir les hautes fonctions. De là, la nécessité de la régence, qu’on peut définir: « la délégation temporaire des fonctions « de la royauté pour les faire exercer utilement « pour la nation, tant qu’un roi mineur ne peut « pas, à raison de sa miuorité, les exercer lui « même. » Le droit de constituer la régence, c’est-à-dire de régler la délégation temporaire des fonctions royales pendant la minorité du roi, appartient à la nation au même titre et par h s mômes raisons qu’e le a eu primitivement le droit de déléguer la royauté elle-même. Comme ce n’est pas pour l’intérêt du roi et de ses parents que la royauté a été déléguée héréditairement dans sa famille, de même ce n’est pas pour l’intérêt du roi mineur que les fonctions royales sont déléguées à titre de régence; de même encore, lorsque la régence est déférée aux parents du roi, ce n’est ni pour leur avantage, ni à raimn d’un droit indépendant de la nation qui leur soit acquis de leur chef ou qui appartienne à leur famille. Dans tout ce qui tient à l’exercice de la royauté, il n’y a et on ue peut voir primitivement que l'intérêt national; et c’est par là que la régence diffère essentiellement de la tutelle qui a pour objet direct l’intérêt individuel du pupille. Il s’agit dans celle-ci de conserver le patrimoine destiné à l’avantage du propriétaire : mais il s’agit dans l’autre d’exercer une magistrature établie pour l’avantage du peup'e. L’Assemblée nationale est donc libre d’adopter, pour la constitution de la régence, toutes les dis osiLons qu’el e jugera les plus propres à remplir les vues d’utilité publique qui sont dans l’objet de celte institution. Elle n’est gênée à cet égard par aucun droit préexistant. Le principal intérêt est de prévenir, par un mode de délégation simple et fixe, les incertitudes et les débats qui, au témoignage de l'histoire, ont si souvent occasionné des troubles, lorsqu’il y a eu lieu de disputer sur le fait de la régence. Le comité vous pronose de déléguer cette importante fonction à raison de la proximité du degré de parenté *n ligne masculine, et de primo-géniture en parité de, degré. Ce mode est le même que celui qui est établi pour la délégation de la royauté. Il a les mêmes avantages, et il y a aussi [22 mars 171)1.] 261 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. �es mêmes raisons de l’adopter dans le cas de la régence. Il fixe clairement et invariablement l’ordre de préférence entre les concurrents, et il défère l’administration du royaume à celui qui a l’intérêt le plus prochain à ce que le royaume soit bien administré. Les motifs puissants qui commandant l’exclusion des parents du roi mineur, qui ne seraient pas Français et regnieoles, ou qui seraient héritiers prémmptifs d’une autre couronne, n’ont pas besoin d’être développés : j’observerai seulement, pour lever tout embarras sur ce point, qu’autre chose est la régence et autre chose est la royauté; que si le mode de délégation peut être le même sous certains rappoits j our la royauté et pour la régence, il n’est pas nécessairement commun en tout; et que l’Assemblée nationale pouvant y mettre des différences, on ne sera jamais fondé à conclure des dispositions qu’eJIe aura adoptées sur la régence, qu’elle ait préjugé par là des questions re atives à la délégation de la royauté, qu’elle a réservées ailleurs par un décret formel. Quant à l'exclusion absolue des femmes et de leurs descendants, elle nous paraît être une conséquence indubitable de ce qu’elles sont exclues absolument de la royauté, dont la régence confère l’exercice. Le cas où le roi mineur n’aurait aucuns parents et celui où aucun des parents du roi ne serait admissible à la régence doivent être prévus et décidés. La régence alors devient élective par le peuple, comme le trône le serait lui-même, si le dernier roi n’avait laissé aucuns parents capables de succéder à la royauté, suivant la loi constitutionnelle de l’Eiat. Comment le peuple élira-t-il le régent? Le comité n’a entendu élever, par le mode d’élection qu’il propose, aucun préjugé sur celui qu’il pourrait être convenable d’établir pour l'élection d’un roi ••fia reconnu que l’élection d’un régent, administrateur temporaire, a infiniment moins d’importance que celle d’un roi, magistrat à vie, et qui appelle après lui tous les individus de sa famille : nous ne vous proposons ici que ce qui nous a paru suffisant pour la formation d’un corps électoral, borné à la nomination d’un régent. Nous n’avons pas cru que cette nomination pût être attribuée au Corps législatif, parce qu’elle n’entre pas naturellement dans la mission des députés qui le composent; parce que trop rarement elle entrerait dans l’intention formelle des électeurs qui les nomment; et surtout parce qu’un concours de circonstances possibles mettrait une législature, investie du droit d’élire le régent, en état de détruire l’équilibre des deux pouvoirs, établi par la Constitution. Les considérations polit ques et le respect du droit national obligent donc de reconnaître la nécessité d'un corps électoral formé exprès, et chargé d’une mission spéciale, pour nommer le régent du royaume; mais il faut prendre aussi des précautions qui empêchent les membres de ce corps, envoyés par la nation, d’abuser des ressemblances matérielles de leur nomination avec celles des représentants au Corps législatif, pour entrep endre de rivaliser ce dernier et de troubler, en sortant de leur fonction unique, l’action des pouvoirs constitutionnels. Pour signaler d’une manière ostensible et frappante la différence d’un corps électoral à une législature, nous désirerions que les membres du corps électoral fussent nommés au nombre fixe de dix par chaque département, au lieu que ceux des législatures sont nommés aux nombres variables qui résultent des (rois bases du territoire, de la population et de la contribution directe; qu’il y eût ainsi une différence dans Je nombre total des membres du corps électoral, qui se trouverait porté à 830, pendant que celui des membres d’une législature n’est que de 745; qu’il fût donné aux premiers un mandat formel et spécial, borné à la mission d’élire le régent, et qu’ils fussent qualifiés mandataires , au lieu qu’il ne peut être donné aucuns mandats aux membres des législatures, et qu’à eux seuls appartient proprement le titre de représentants ; qu’enfîn il soit statué par une disposition très formelle du décret que vous allez rendre, que les membres du corps électoral ne pourront s’occuper que de l’élection, et que tout autre acte qu’ils auraient entrepris de faire, soit déclaré inconstitutionnel et do nul effet. Voici maintenant deux nouvelles difficultés qui s’offrent à résoudre. La première s’élève dans le cas où le régent, appelé de droit, ne pourrait pas, à raison de maladie, ou par tout autre empêchement momentané et légitime, commencer aussitôt l’exercice de stjs fonctions; elle s’élève surtout dans le cas où, à défaut de parents du roi, il faudrait essuyer les délais d’une élection. Le gouvernement ne peut pas cependant demeurer paralysé, ni la marche des affaires rester entièrement suspendue. L’impossibilité de commettre provisoirement aux fondions de la régence ne laisse plus d’autres agents que les ministres, qui puissent entretenir la portion de mouvement nécessaire à la vie dn corps politique. C’est donc ici la né-eessiié impérieuse qui oblige de leur confier, so s leur responsabilité, l’exercice du pouvoir exécutif seulement, quoiqu’il se trouve sans chef, pour tous les actes qui sont indispensables à la suite de l’administration du royaume. Le i as de la seconde difficulté est celui-ci : le plus proche parent du roi, se trouvant mineur au moment de l’ouverture de la régence, a été primé par un parent plus éloigné, majeur; ou bien le seul parent du roi qui pût être régent, s’étant trouvé mineur, il a été nécessaire de déférer la régence par élection; dans cette double hypothèse, le parent qui n’aura été écarté d’abord que par la seule raison de son défaut d’âge, restera-t-il exclus péremptoirement lorsqu’il aura atteint sa majorité? Nous avons pensé, et nous vous proposons de décréter, que ce parent, qui était apprléde droit et qui n’a été exclus d’abord qu’à raison de sa minorité, revient à la régence lorsqu’il est majeur. Cette décision est conforme au principe général, suivant lequel la minorité ne fait que suspendre l’exercice des droits et des actions du mineur; elle est aussi plus favorable à la tranquillité publique, en prévenant la cause des troubles qui pourraient naître du ressentiment trop vif d’une aussi grande privation. J’ajoute une observation dont l’importance assez grave pourrait mériter un article additionnel à ceux qui vous sont proposés. Il peut arriver qu’un roi mineur, qui n’avait aucuns parents admissibles à la régence, meure, soit pendant, soit après sa minorité, sans laisser encore aucun parent appelé de droit au trône; en ce cas, Je régent qui avait été élu, pourra-t-il, ou non, être réputé élu à la royauté? Celte question n’est pas problématique en principes : car celui qui a été élu régent, n’a pas été élu roi; le seul défaut [Assemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 mars 1791.] 262 d’intention dans les électeurs fait qu’il n’y a pas eu réellement d’élection pour la royauté : et d’ailleurs celui qu’on veut bien nommer régent, parce qu’il ne s’agit que d’une fonction qui lui est personnelle, on pourrait ne pas vouloir l’élire roi, à couse de ses descendants ou de ses collatéraux, qui seraient tous élus en sa personne. Malgré l’évidence de ces raisons, qui semblent écarter la possibilité même de la question, il pourra vous paraître sage de la décider expressément; parce que la considération spécieuse, que la nation aura élu pour régent celui qui a été jugé le plus capable de bien gouverner, et l’influence de l’exercice des fonctions royales, si le trône vaquait pendant la durée de la régence, pourraient autoriser à élever sur ce point des prétentions alarmantes pour la Constitution. Les fonctions du régent doivent encore être précisément déterminées. Le régent représente le roi; il est institué pour que l'exercice des fonctions royales, nécessaires au peup!e, ne soit pas suspendu au détriment du peuple. C’est donc pour l’intérêt général que le régent doit être autorisé à exercer toutes les fonctions de la royauté. La perfection d’un système de régence est que l’action du gouvernement et l’état de l’organisation politique ne souffrent aucune altération pendant la minorité du roi. Ainsi le régent, exerçant les fonctions royales, doit les exercer cou, me le roi majeur, dans la même latitude, sous les mêmes conditions, et en se conformant en tout aux règles établies par la Constitution. Il est dans les principes, et il entre dans les motifs de cette assimilation nécessaire, que le n'gent ne soit pas, plus que le roi, personnellement responsable de son administration. Les i nt rets de la nation l’exigent sous les plus grands rapports, et ils n’en souffriront sous aucun, puisque la liberté politique et civile est établie par la Constitution sur d’autres fondements que celui de la responsabilité du chef suprême du pouvoir exécutif. Nous avons examiné si nous devions vous proposer l’établissement d’un conseil de régence, et nous nous sommes déterminés pour la négative. Voici en peu de mots nos raisons : L’usage des anciens conseils de régence procédait de deux causes. Lorsqu’on voulait faire considérer le trône comme une propriété, il était conséquent à cette idée d’organiser la régence comme une tutcdle. On donnait alors un conseil au régent, comme on en donne aux tuteurs pour surveiller l’administration du patrimoine pupillaire : sous ce premier rapport, la conservation des conseils de régence serait arnsi dangereuse que le paradoxe anticonstitutionnel, dans lequel l’usage de ces conseils avait pris naissance. Sous un autre rapport, les conseils de régence étaient un besoin de la politique et un produit des intrigues de la cour; ils fournissaient un moyen d’accorder les prétentions et d’assoupir les factions des grands, qui, dans ces temps malheureux où la force et le crédit dominaient par l’ignorance des principes et des droits, s’agitaient sans cesse pour partager l’autorité. On les en rendait participants en les admettant au conseil de régence : c’était le pacte de la faiblesse avec l’ambition. La Constitution a tari la source des désordres qui firent autrefois une si lâcheuse nécessité des conseils de régence. Jamais l’intérêt du royaume n’entra dans les motifs de leur établissement; et il est aisé de reconnaître que ces conventicules, où les intérêts individuels et les passions particulières étouffent I esprit public, sont bien plus propres à troubler et à entraver l’administration, qu’à la rendre active et bienf.ii ante. Dans notre Constitution actuelle, à quoi servirait un conseil de régence, quelle que fût sa composition? Serait-ce à veiller sur les actes personnels du régmt? Aucun de ces actes ne pourra être exécuté, s’il n’est contresigné par un ministre qui en sera personnellement responsable. Donneriez-vous au conseil une autorité coercitive sur les ministres? Vous détruiriez la responsabilité ministérielle, sauvegarde beaucoup plus certaine contre Ips abus du pouvoir exécutif, que toutes les garanties que vous croiriez trouver dans un conseil formant un corps, et agissant collectivement. N’est-il pas plus simple, et plus sûr en même temps, de laisser la Constitution du pouvoir exécutif, la môme, relativement au regent, qu’elle est par rapport an roi? Dans les deux cas, rien n’étant changé à l’organisation politique, la sûreté nationale repose sur les mêmes bases; et elle n'en peut pas acquérir, dans l’an, qui soient plus solides que celles qui lui suffisent dans l’autre. Je ne dirai qu’un mot sur la formule que nous proposons pour le serment du régent. L’obligation du roi envers la nation est d’employer tout le pouvo r qui lui est délégué par la loi constitutionnelle de l’Etat à maintenir la Constitution et à faire exécuter les lois; et telle devra être désormais la substance du serment de nos rois à leur avènement au trône. L’obligation du régent devient ainsi déterminée à employer aux mêmes tins tout le pouvoir délégué à la royauté, dont l’exercice lui est confié pendant la minorité du roi. C’est cet engagement que tout régent devra sceller par la solennité de son serment prêté à la nation, représentée par le Corps législatif. Le comité a pensé que les lois, les proclamations et les autres actes du gouvernement, émanés de l’autorité royale pendant la régence, ne doivent pas être intitulés primitivement du nom du roi mineur; mais de celui du régent, au nom du roi mineur. Cette formule, qui est la seule conforme à la vérité du fait, e t aussi la seule concordante avec la raison. Par là sera sauvée l’inconvenance dérisoire de faire parler au peuple, dans les actes du gouvernement, un roi enfant, presque toujours hors d’état de comprendre la valeur et l’objet de ces actes, souvent même incapable d’en lire ou d’en balbutier le contenu. La loyauté est une institution trop respectable et trop solidement affermi • par la Constitution, pour avoir besoin d’être é ayée par ces dehors mensongers. Ses vrais ennemis seraient ceux qui, s’efforçant de lui transpmter les caractères et les formes qui ne sont unies qu’au despotisme, affaibliraient les vrais motiis de la vénération qu’elle mérite, en substituant à ces motifs raisonnables les impostures de l’avilissante adulation, et le charlatanisme des formules hypocrites. Il importe à la nation que le roi mineur soit initié de bonne heure à la science du gouvernement, et qu’il puisse exercer ses facultés naissantes au traitement des affaires. Il est donc nécessaire qu’il assiste au conseil sans y avoir voix délibérative, dès qu’il aura atteint l’âge de mettre à profit les leçons qu’d y puisera. Le comité a pensé que cet âge est celui de 14 ans. Il ne vous restera plus, Messieurs, pour avoir épuisé cette matière, qu’à déterrai1 er la majorité du roi, époque intéressante où finit la ré- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 mars 179I.J 263 gence et où commence l’activité personnelle du premier magistrat du royaume. Le comité vous propose un terme moyen entre la trop grande précocité de l’âge de 14 ans et le trop long retard de la majorité civile ordinaire. Les dangers de la régence dans l’ancien désordre politique de l’Etat l’avaient emporté sur toute autre considération pour faire réputer les rois majeurs à 14 ans : on avait tout sacrifié à l’intérêt de rendre le cas de la régence moins fréquent, ou d’abréger du moins sa durée. Mais dans l’état de fixité que la Constitution donne aux pouvoirs politiques, à l’ordre de leur délégation et aux règles de leur exercice, quand un Corps législatif permanent, des administrateurs citoyens, et la .nation elle-même organisée en force intérieure ne laisseront aucune prise, soit aux abus de la régence, soit aux tentatives ambitieuses d’un régent, les motifs de précipiter l’époque de la majorité du roi avant l’âge des connaissances, de la raison et de la capacité ne subsistent plus. Ajoutons que l’accroissement d'importance que les fonctions royales ont acquis par la Constitution, dans les cas surtout où elles concourent avec celles du Corps législatif, exige qu’elles ne soient remises qu’à un roi capable de les exercer avec un plein discernement. Quand il ne s’agira plus d’annuer aux projets si souvent superficiels d’un ministre, mais de peser les motifs des décrets profondément discutés par les législatures, n’y aurait-il pas une inconvenance grave aux yeux de la nation et fâcheuse pour la royauté dans l’opinion publique à ce que les plus mûres délibérations des représentants du peuple se trouvassent arrêtées par le veto d’un roi de 14 ans? Le terme le plus prochain auquel la majorité de nos rois puisse être fixée pour l’avenir a paru au comité être au moins celui de la dix-huitième année accomplie. Je finis en observant que nous avons distingué la régence du royaume de la garde du roi mineur, parce qu’il est utile, pour le maintien des principes, de différencier encore par ce trait caractéristique la régence de la tutelle; parce que la régence, étant la suppléance temporaire aux fonctions publiques de la royauté, n'a aucun rapport nécessaire avec la vigilance domestique sur l’individu appelé de droit à ces fonctions, mais qui en est séparé tant qu’il ne peut pas les remplir ; parce que l’assiduité et les soins qu’exige celte vigilance domestique sont même incompatibles avec les grandes et laborieuses occupations du gouvernement; parce qu’enfin la loi, devant écarter toutes les tentations et prévenir tous les dangers, ne doit pas confier la garde du roi à celui qui, exerçant déjà la royauté, ne trouve pas d’autre intermédiaire entre le trône et lui que la seule personne du roi. Telles sont, Messieurs, les bases de notre travail dont les développements reparaîtront au besoin dans la discussion successive des articles. PROJET DE DÉCRET De la régence du royaume. < Art. 1er. Au commencement de chaque règne, le Corps législatif, s’il n’était pas réuni, sera tenu de se rassembler sans délai. « Art. 2. Si le roi est mineur, il y aura un régent du royaume. « Art. 3. La régence du royaume appartiendra de plein droit, pendant tout le temps de la minorité du roi, à son parent majeur le plus proche par les mâles, et, en cas de parité de degré, à l’aîné. « Art. 4. Aucun parant du roi, ayant les qualités ci-dessus, ne pourra cependant être régent, s’il n’est pas Français et régnicole, ou s'il est héritier présomptif d’une autre couronne. ■< Art. 5. Les femmes sont exclues de la régence. « Art. 6. Si un roi mineur n’avait aucun parent réunissant les qualités ci-devant exprimées, le régent sera élu ainsi qu’il va être dit aux articles suivants. « Art. 7. Les citoyens actifs convoqués en assemblées primaires, nommeront des électeurs conformément aux vingt premiers articles de la section première du décret du 22 décembre 1789- « Art. 8. Les assemblées primaires seront convoquées d’après une proclamation du Corps législatif, s’il est réuni; et s’il était séparé, le ministre de la justice sera tenu de faire cette proclamation dans la première semaine du nouveau règne. « Art. 9. Les électeurs, nommés par les assemblées primaires de chaque département, se réuniront en une seule assemblée, et nommeront, au scrutin individuel et à la majorilé absolue des suffrages, 10 citoyens éligibles à l’Assemblée nationale. « Art. 10. Les 10 citoyens nommés en chaque département seront tenus de se rassembler dans la ville où le Corps législatif aura tenu sa dernière séance, le cinquantième jour au plus tard, à partir de celui de l’avènement du roi mineur au trône; et ils y formeront le corps électoral qui procédera à la nomination du régent. « Art. 11. L’élection du régent sera faite au scrutin individuel et à la majorité absolue des suffrages. « Art. 12. Le corps électoral ne pourra s'occuper que de l’élection, et se séparera aussitôt qu’elle sera terminée. « Art. 13. Si, par quelque cause que ce soit, le régent ne pouvait pas commencer sur-le-champ l’exercice de ses fonctions, ou si, aux termes de l’article 6 ci-dessus, la régence devenait élective, les ministres pourront faire provisoirement, sous leur responsabilité, les actes du pouvoir exécutif qui seront nécessaires à la suite de l’administration du royaume. « Art. 14. A cet effet, les minisires seront tenus de se réunir en conseil pour délibérer sur tous les actes qui excéderont les détails d’expédition journalière confiés à chaque département ministériel. Ils tiendront registre de ces délibérations qui seront signées par tous ceux dont les suffrages auront concouru à les former. « Art. 15. Si, à raison de la minorité d’âge du parent appelé à la régence, elle avait été déférée par élection, ou dévolue à un parent plus éloigné, celui qui n’avait été exclu d’abord que par son défaut d'âge, deviendra régent aussitôt qu’il aura atteint sa majorité; à cette époque, le régent élu, ou moins proche en degré de parenté, cessera ses fonctions. « Art. 16. Le régent sera tenu de prêter à la nation, entre les mains du Corps législatif, le serment d’employer tout le pouvoir délégué au roi par la loi constitutionnelle de l'Etat , et dont V exercice lui est confié pendant la minorité du roi , tant à maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale constituante aux années 1789, 1790 et