[12 novembre 1789.1 [Assemblée nationale. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « Mais il est une propriété mille fois plus chère à notre cœur: la seule idée de nous en voir dépouiller nous remplit d’effroi, et d’une amertume profonde. Ce bien si précieux pour nous, et pour lequel nous avons sacrifié tout le reste, c’est notre état : et qu'avons-nous fait pour mériter de le perdre ? Qu’il nous soit défendu de nous donner des successeurs par la profession religieuse, c’est à nous d’obéir, et non de discuter si cette loi est sage et utile. Mais pourquoi nous forcerait'on de sortir de notre retraite? Pourquoi nous réduirait-on à l’impuissance de remplir nos saints engagement ? « Vous travaillez, Nosseigneurs, avec un courage et une persévérancequi étonnent l’Europe, à rétablir à consolider, à rendre pour jamais inviolable la liberté publique et particulière; vous nous laisserez donc jouir de la nôtre ; or, nous en faisons consister l’exercice et les douceurs, non à rentrer dans le siècle, non à y vivre au gré de nos désirs, mais à remplir les devoirs de notre profession, à vivre et à mourir dans l’état que nous avons embrassé sous la garantie des lois, dans un état dont la religion et la patrie avaient assuré à chacun de nous la stabilité et la durée. « En devenant religieux, nous n’avons pas cessé d’être citoyens; nous n’avons abdiqué ni les droits ni lès sentiments dont cette honorable dénomination réveille l’idée: or, vous l’avez solennellement consacré ce grand principe, que tout citoyen peut faire librement ce qui ne nuit à personne ; et, nous le disons avec confiance, l’existence de notre maison ne nuit en rien à la chose publique : qu’on nous y laisse donc en paix si on veut respecter ces droits éternels de l’homme auxquels l’auguste Assemblée a rendu un si éclatant hommage. « Vous ne souffrirez donc pas, Nosseigneurs, qu’au milieu de la régénération universelle, de la joie et de la prospérité qui en doivent être le fruit, nous n’ayons pour notre part qu’une affreuse calamité, et la perte de ce que nous avons de plus cher au monde. Si, faute d’héritiers, nous ne pouvons plus nous flatter de transmettre le dépôt des observances régulières, qu’on nous permette au moins de le conserver nous-mêmes jusqu’au dernier moment, de terminer paisiblement notre carrière dans l’asile que nous avons choisi. « Mais la conservation de notre maison ne serait qu’un bienfait illusoire : que dis-je? ce serait pour elle un malheur pire que la destruction, si l’on nous forçait d’en ouvrir indifféremment les portes à ceux qui, revêtus du même habit que nous, et liés par les mêmes engagements, n’auraient ni les mêmes habitudes, ni les mêmes goûts, ni les mêmes sentiments que nous. Ce mélange forcé d’esprits hétérogènes aurait bientôt banni de notre maison l’ordre et la paix qui y régnent ; le séjour en deviendrait insupportable aux gens de bien : cette déplorable association les contraindrait de désirer, de solliciter eux-mêmes la suppression d’un monastère dont ils demandent aujourd’hui la conservation avec tant d’instance. Ainsi, Nosseigneurs, que vos décrets, en frappant une multitude d’établissements religieux, assez insensibles pour ne pas redouter la mort, assez aveugles peut-être pour la désirer, épargnent notre maison, puisque son existence nous est infiniment chère, et que vous n’avez pas plus la volonté que le pouvoir de faire des malheureux. Mais en la sauvant du naufrage, laissez-lui une entière liberté de remplir sa première et plus essentielle destination, qui a toujours été de recueillir de nos diverses provinces les reli-3 gieux qui voudraient remplir avec plus d’exactitude les devoirs qu’ils ont voués au pied des autels, et de repousser constamment ceux qui seraient ennemis de la subordination et de la régularité. « Nous sommes avec un très-profond respect, Nosseigneurs, Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs : « Les religieux DOMINICAINS du noviciat général, rue du Dac. « A Paris, ce 12 novembre 1769. « F. Louis Breymand, prieur; F. Adrien Le Roy, sous-prieur , maître des novices ; F. Thomas Jacob, prêtre et procureur de la maison ; F. Jean -Joseph Giraud, prêtre ; F. Jean-Pierre Lacombe, prêtre ; F. Pierre Lizanet, prêtre ; F. Bernard Lambert, prêtre ; F. Claude Motet, prêtre ; F. Claude-Antoine de Lisle, prêtre ; F. Pierre-François Janneney,y>re>e ; F. Dominique Debar, prêtre ; F. François Mercier, prêtre ;F. Nicolas Giraud, prêtre ; F. Jacques Debadts, prêtre ; F. Vendelin Baa r, prêtre ; F. Dominique Bielhi, prêtre ; F. Antoine Chay-ron, prêtre ; F. Jean-François Chabert, prêtre; F. Thielbaud Baour, prêtre; F. Martin Bonnefoux, prêtre ; F. Louis Lafon, novice; F. Jean Chalot, novice ; F. Antoine Albert, novice ; F. Jacques Bollotle, novice ; F. Jean-Baptiste Denvs, novice ; F. Pierre Chauvigné, novice ; F. Jean Pipon, novice ; F. Michel Bardoul, novice ; F. François-Nicolas Mossay, novice ; F. Jacques Plaigers, novice; F. Ferdinand Faffet, novice. » ( Voy ., annexé à la séance, le Mémoire des Dominicains SUR LE PROJET DE DÉTRUIRE LES ORDRES RELIGIEUX.) M. Gillet de la Jacqueminière, au nom de la section du comité d’agriculture et du commerce, chargée par l’Assemblée nationale de l’examen de la réclamation des députés de Saint-Domingue, relative à l’approvisionnement de Vile, annonce qu’il est prêt à faire le rapport de cette affaire, mais que l’importance de la question, la longueur indispensable du rapport et des annexes qui le complètent, réclameront un temps assez long pour la lecture. L’Assemblée décide que le rapport sera imprimé et distribué avant d’être lu. (Voy. le rapport annexé à la séance .) M. Thouret annonce que, son élection à la présidence ayant laissé une vacance parmi les secrétaires, il a dû être procédé à un scrutin pour compléter le bureau. M. de Lachèze, ayant réuni le plus de voix dans ce scrutin, est proclamé secrétaire de l’Assemblée. M. Simon de Malbelle, député de Douai , donne sa démission ; elle est acceptée. M. Wartel, député de Lille, demande un passeport illimité ou offre sa démission ; l’Assemblée accepte la démission. M. Guiraudez de Saint-llezard , archi-prêtre de Laver din, député d'Auch, offre également sa démission. L’Assemblée, consultée par M. le président, refuse de l’accepter, parce qu