[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 août 1790.] 581 M. Goupil. L’ordonnance de 1 667 indique précisément que sur l’appel il ne doitpas y avoir d’instance en garantie. Il me semble iim-iortant d’établir ce principe par un décret particulier que je propose en ces termes : « Il ne pourra être fait sur l’appel, pour raison de garantie, assistance en cause, ou déclaration de jugement commun, aucune évocation d’une personne qui n’était pas en cause en première instance. » On fait lecture du 3e des articles proposés par le comité de Constitution, ensuite du décret du 23 juillet dernier. M. Rrillat-Savarin. Je vais présenter un article qui rendra inutiles l’article 3 et tous les autres. Par le premier de ceux qui ont été décrétés, vous avez fait participer tous les tribunaux à la puissance réformatrice; par le second, vous avez donné une grande latitude au choix des pat lies. 11 me semble qu’ainsi vous avez fait tout le bRn que vous pouviez attendre du système de M. Ghabroud. L’article 4 et l’article 5 portent que les parties, quand elles ne s’accorderont pas, choisiront entre sept tribunaux, dont l’un au moins sera hors du département. Ainsi, quoique vous ayez voulu rapprocher les tribunaux des justiciables, il arrivera souvent que ces derniers seront obligés d’aller chercher très loin la justice, car il y a beaucoup de départements qui ne sont composés que de quatre districts. L’article 7 présenteunerécusaiiondetribunaux ; mais je ne vois pas de récusation de juges. Les articles 8, 9 et 10 donneront lieu à beaucoup de procès intermédiaires, pour savoir dans quel tribunal l’appel doit être porté. Dans l’un, il est dit que s’il y a plusieurs appelants ou intimés consorts qui ont eu les mêmes défenseurs, ils s’accorderont pour proposer leur récusation. L’article suivant statue sur la manière dont les parties, qui auront des intérêts divers, présenteront leur récusation. L’autre article établit les délais dans lesquels se feront les exclusions et les significations de l’appel : on préviendrait une guerre de sommations et d’écrits, qui serait tout entière au profit des praticiens et au désavantage des parties, en adoptant un article conçu en ces termes : « Faute par les parties de s’accorder sur lechoixdu tribunal, sous quinzaine après la signification de l’appel, ledit appel sera porté circuiairement à l’un des tribunaux du département, suivant le tableau qui sera dressé et annexé sous le contre-scel de la présente. » M. Mougins. Ce n’est point ainsi qu’on peut écarter des articles dans lesquels il existe une sagesse de vues qui ne saurait être contestée. M. Delley d’Agier. Un des grands avantages du système que vous avez adopté, c’est d’établir, de district à district, de département à département, des liens, des rapports, un esprit général qui unit d’une manière salutaire toutes les parties de l’Empire, et qu’on ne saurait trop maintenir. Celte grande vue de M. Chabroud doit être suivie. Quant aux cas où les parties ne pourraient pas s’accorder sur le choix d’un tribunal, les articles suivants les ont prévus avec sagesse. M. Rewbell. Les localités de l’Empire s’opposent à l’exécution de l’article qui présente au choix des parties sept tribunaux les plus voisins du tribunal de première instance. Le district du Haut-Rhin n’est qu’une langue de terre qui se trouve entre le Rhin et les Vosges : il n’y a que trois districts voisins. Pour en trouver quatre autres, i l faudra parcourir en longueur une étendue de 40 lieues. Je propose en amendement de fixer à trois ou à sept au plus le nombre des tribunaux parmi lesquels on pourra choisir. M. Prieur. D’après l’organisation nouvelle, toutes les personnes employées à l’administration de la justice seront animées d’une émulation qui tendra au bien général. Sous ce point de vue, M. Chabroud remplittousles désirs de l’Assemblée. Je demande qu’on aille aux voix. (Cette demande est fortement appuyée.) M. Régnier. Suivant le projet de ceux qui combattent M. Chabroud, les parties seraient obligées de sVn tenir à un tribunal déterminé. Ce projet s’oppose absolument à ce que ce soit la confiance des parties qui désigne le tribunal. Celui de M. Ghabroud se concilie avec la liberté, avec l’intérêt des parties, et avec le décret que vous avez rendu. Il n’y a donc pas à délibérer sur les amendements qui sont proposés. (La discussion est fermée.) Les amendements sont écartés par la question préalable, et les articles suivants sont décrétés sans autre discussion : « Art. 3. Si les parties ne peuvent s’accorder pour le choix d’un tribunal, il sera déterminé selon les formes ci-après prescrites. « Art. 4. Le directoire de chaque district proposera un tableau des sept tribunaux les plus voisins du district, lequel tableau sera rapporté à l’Assemblée nationale, revu par elle, arrêté, et ensuite déposé au greffe et affiché dans l’auditoire. « Art. 5. L’un des sept tribunaux au moins sera choisi hors du département. « Art. 6. Lorsqu’il n’y aura que deux parties, l’appelant pourra exclure péremptoirement, et sans en donner aucun motif, trois des sept tribunaux composant le tableau. « Art. 7. Il sera libre à l’intimé de proposer une semblable exclusion de trois tribunaux composant le tableau. « Art. 8. S’il y a plusieurs appelants ou plusieurs intimés consorts, ou qui aient eu en première instance les mêmes défenseurs , ils seront respectivement tenus de se réunir et de s’accorder, ainsi qu'ils aviseront, pour proposer leur exclusion. » M. Chabroud fait lecture de l’article 9, conçu en ces termes : « Art. 9. Lorsqu’il y aura en première instance trois parties ayant des intérêts divers, et défendues séparément, chacune d’elles pourra exclure seulement deux des sept tribunaux du tableau; et s'il y a plus de trois parties divisées d’intérêt et de défense, chacune d’elle exclura seulement l’un des sept tribunaux. » M. de Saint-Martin. Je demande ce qui arrivera quand il y aura plus de sept parties? M. Chabroud. L’expérience démontre que c’est par extraordinaire qu’il y a trois ou quatre parties dans la même cause, et qu’il est presque impossible qu’il y en ait davantage. On cite autour de moi les" instances d’ordre et de distribution; elles sont en effet les plus susceptibles delà multiplicité des parties; mais il est facile d’apercevoir que quand il y aura appel, la division des intérêts sera peu étendue. Dans l’appel du jugement, il y a un intérêt commua de la [Assemblée nationale.] part de ceux qui prétendent devoir être placés dans un ordre antérieur à ceux qui l’ont été avant eux. M. liegrand, député du Berry. Dans l’ordre naturel des choses, quand les sept tribunaux sont récusés, à qui s’adressera-t-on ? M. Cochard. Les successions, les hypothèques, les distributions et nantissements de deniers, présenteront un grand nombre de petites chicanes, pourront avoir un intérêt direct à la réformation du jugement; il en sera de même des faillites et banqueroutes, des divisions de sociétés, des successions, etc. Quelle marche tiendront les parties quand leur nombre excédera le nombre sept? M. Delley d’Agler. Il se présente trois moyens : 1° dire que le tribunal qui aura éprouvé le moins de récusation sur sept, sera choisi; 2° que le sort en décidera; 3° que les parties réunies au greffe, soit par elles, soit par leurs procureurs fondés, choisiront à la pluralité le tribunal qui leur conviendra. M. Martineau. Je demande le renvoi au comité de Constitution. M. Chaforoud. Nous avons bien pensé aux difficultés qui s’élèvent, et un moyen s’était présenté. Il consistait à faire un tableau de supplément au-dessus de sept, de manière qu’il y aurait toujours eu un tribunal qui eût survécu aux récusations des parties. Par exemple, dans le cas où il se trouverait sept parties, le directoire de district indiquerait un huitième tribunal; s’il y en avait huit, il lui en indiquerait un neuvième, etc., ainsi de suite : au reste, j’assure que le cas prévu n’arrivera jamais. (L’Assemblée ordonne le renvoi de l’article 9 au comité de Constitution.) M. Tliouret. Je prie l’Assemblée de ne pas regarder le renvoi au comité comme irrévocable: il ne servirait qu’à retarder un travail qu’il est important d’accélérer. Il y a deux parties dans l’article : la première ne peut faire aucune difficulté, la seconde est contestée : il y a un moyen très simple de trancher la difficulté. Lorsqu’il y aura plus de parties que de tribunaux, l’appelant ou la partie qui voudra aller en avant, présentera sa requête au directoire, auquel vous donnerez le droit d’augmenter le nombre de sept tribunaux, d’un nombrede tribunaux égal àcelui des parties excédant six; ainsi, chaque partie exercera son exclusion, et l’on a un tribunal pour juger. M. Moreau. 11 me paraît plus convenable de former un tableau de supplément, pour ne pas laisser aux directoires la liberté de désigner à leur gré un tribunal. M. Tliouret lit un article qui est décrété en ces termes : « Art. 9. Lorsqu’il y aura eu en première instance trois parties ayant des intérêts divers, et défendues séparément, chacune d’elles pourra exclure seulement deux des sept tribunaux du tableau. Si le nombre des parties est au-dessus de 3 jusqu’à 6, chacune d’elles exclura seulement l’un des 7 tribunaux; et lorsqu’il y aura plus de six parties, l’appelant s’adressera au directoire du district, qui fera un tableau de supplément d’au-[3 août 1790.] tant de nouveaux tribunaux des districts les plus voisins, qu’il y aura de parties au-dessus du nombre six. » Les articles suivants sont décrétés presque sans discussion : « Art. 10. L’appelant proposera, dans son acte d’appel, l’exclusion qui lui est permise, et les autres parties seront tenues de proposer les leurs par acte au greffe, signé d’elles ou de leurs procureurs spécialement fondés, dans la huitaine franche, après la signification qui leur aura été faite de l’appel ; et à l’égard de celles dont le domicile sera à la distance de plus de vingt lieues, le délai sera augmenté d’un jour pour dix lieues. « Art. 11. Aucunes exclusions ne seront reçues de la part de l’appelant après l’acte d’appel, ni de la part des autres parties, après le délai prescrit dans l’acte précédent. t Art. 12. Lorsque les parties auront proposé leurs exclusions, si des sept tribunaux du tableau il n’en reste qu’un qui n’ait pas été récusé, la connaissance de l’appel lui sera dévolue. « Art. 13. Si les parties négligent d’user de leur faculté d’exclure en tout ou en partie, ou si, eu égard au nombre des parties, les exclusions n’atteignent pas six des sept tribunaux du lableau, le choix de l’un des tribunaux non exclus appartiendra à celle des parties qui ajournera la première au tribunal d’appel ; et en cas de concours de date, l’ajournement de l’appelant prévaudra. » M. Boutteville-Dumeta, un de MM. les secrétaires, fait lecture du bulletin de la santé du roi. « La fluxion du roi se dissipe à vue d’œil ; il est sorti ce matin un peu de matière louable du fond de l’abcès ; il subsiste encore un boutelet qui se dissipera bientôt. Le roi a eu hier, vers le milieu du jour, un saignement de nez assez fort. L’état des entrailles est aussi meilleur : le petit lait a opéré avec succès, et nous en continuons l’usage. S. M. prendra incessamment une première médecine. » A Saint-Cloud, le 3 août 1790. Signé: Le Mounier, Vicq-d’Azir, LasëRvolle. M. Bouttevllle-Dumetz lit ensuite une lettre de M. de Montmorin à M. le président. En voici l’extrait : Paris, 3 août. S. M. m’a ordonné d’instruire l’Assemblée qu’un courrier, venant de Madrid et allant à Londres, a apporté copie d’une déclaration de l’Espagne et de la signature de l’Angleterre. Il y a lieu de croire que ces dispositions pacifiques apporteront du changement aux armements que fait l’Angleterre, et dont j’ai entretenu hier l’Assemblée. (Il s'élève beaucoup d'applaudissements.) A cette lettre sont jointes deux pièces dont voici la substance ; Déclaration de la cour de Madrid, du 24 juillet 1790. Sa Majesté britannique s’élant plainte de la capture de certains vaisseaux appartenant à ses sujets, faite dans la baie de Nootka, le soussigné conseiller, premier secrétaire d’Etat et ministre de Sa Majesté catholique, déclare, au nom et par ordre de son maître, que Sa Majesté catholique, est disposée à donner satisfaction de l’injuredont se plaint Sa. Majesté britannique, bien assurée qu’il en serait fait de même en pareil cas, et à ARCHIVES PARLEMENTAIRES.