22 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [âo octobre 1790.1 après avoir pris l’avis des directoires de district; et les rédactions qui seront prononcées, seront imputées sur les deux derniers termes, conformément à l’article 2 du décret du 27 mars dernier. Art. 6. « Les directoires des départements seront tenus d’énoncer, dans leurs ordonnances, les motifs qui auront déterminé les réductions qu’ils auront prononcées ; et dans le cas où ils seraient arrêtés par quelques difficultés, ils en référeront au commissaire du roi, chargé du département de la caisse de l’extraordinaire, auquel ils enverront, chaque mois, un étal exact et certifié d’eux, tant des réductions qui auront été prononcées, que du montant des payements faits pendant ledit mois, et des sommes qui restent dues; ils auront soin d’énoncer, dans cet état, le nom des districts et des municipalités dont dépendent les contribuables qui auront obtenu des modérations, et les motifs qui y auront donné lieu. Art. 7. De ces différents états particuliers , il en sera formé un général, qui sera mis, chaque mois, sous les yeux de l’Assemblée nationale, à l’effet de lui faire connaître le montant des déclarations par département, celui des payements faits dans chacun d’iceux, le retard ou lès progrès du recouvrement, et le résultat des mesures prises pour maintenir l’ordre et l’exactitude dans la rentrée de ce secours extraordinaire et patriotique. « M. le Président. L’ordre du jour est un rapport du comité militaire sur les congés donnés dans l'armée. M. de Rostalng, président du comité militaire . Je ne m’explique pas comment ce rapport se trouve à l’ordre du jour, car nous n’avons eu encore aucun des états nécessaires pour y travailler. M. Duboig-Crancé. Le comité militaire n’est point assez nombreux. Plusieurs membres ne s’y rendent pas; M. Alexandre de Lameth, dont le talent est connu, vient de donner sa démission parce qu’il a été nouvellement élu à celui de révision. Je demande qu’il soit adjoint six nouveaux membres au comité militaire. M. de Rosîaing. C’est moins le nombre que les absences fréquentes qui ralentissent les travaux du comité militaire; je ne m’oppose cependant pas qu’il lui soit adjoint des membres. M. d’André. L’absence de M. Alexandre de Lame tli ne me paraît pas un motif suffisant pour nommer six membres nouveaux; la monnaie en serait trop chère. M. de Noaillcs insiste p ur qu’il soit adjoint six membres nouveaux. o D'autres demandent qu’il n’en soit adjoint que trois. Cette dernière proposition est adoptée. M. Louis de Grieux, député du ci-devant bailliage de Rouen, demande et obtient un congé pour un mois, auquel ü donne, pour cause, des raisons d’affaires et de santé. M. le Président. L’ordre du jour est un rapport du comité de Constitution sur la haute cour nationale et le tribunal de cassation. M. Le Chapelier, rapporteur. Le comité cle Constitution doit vous exposer les principes qui l’ont dirigé dans son travail. Il a pensé d’abord qu’étant nécessaire que tous les fonctionnaires publics fussent surveillés par chaque citoyen en particulier, il fallait cependant, pour éviter les dangers des accusations téméraires, conférer le droit de les intenter aux seuls et légitimes représentants du peuple. La haute cour nationale sera composée d’un haut jury et de cinq grands juges pris dans le tribunal de cassation. A l’égard de ce dernier tribunal, le comité a pensé qu’il devait être divisé en plusieurs sections, d’abord pour éviter le danger de l’esprit de corps, en second lieu pour exciter l’émulation entre les juges. Il a pensé ensuite que la cassation des jugements eu contravention à la loi n’était pas un droit du pouvoir exécutif, auquel appartenait seulement celui de réprimande envers les juges, mais à un tribunal de cassation qui, placé entre les tribunaux particuliers et la loi, serait chargé d’en surveiller constamment l’exécution. Ce droit de surveillance doit être conféré par le Corps législatif, parce qu’après le pouvoir de faire la loi venait naturellement celui d’en surveiller l’observation, de telle manière que, si cela était possible, il serait dans les véritables principes que les jugements contraires à la loi fussent cassés par des décrets. C’est donc au Corps législatif à faire le choix des trente membres qui devront composer le tribunal de cassation, sur les quatre-vingt-trois qui seraient élus par les départements. Avant que de discuter, article par article, le projet de décret que je vais vous soumettre, je demande qu’il soit permis de faire sur l’ensemble du plan des observations générales. Voici le projet de décret du comité ; « Art. 1er. La haute cour nationale sera composée d’un haut jury et de cinq grands juges qui dirigeront l’instruction et qui appliqueront la loi après la décision du haut jury sur le fait. « Art. 2. Lors des élections pour le renouvellement d’une législature, les électeurs de chaque département, après avoir nommé les représentants au Corps législatif, éliront au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages, un citoyen ayant les qualités nécessaires pour être député au Corps législatif, lequel demeurera inscrit sur le tableau du haut jury pendant tout le cours de cette législature. « Art. 3. Chaque nouvelle législature, après avoir vérifié les pouvoirs de ses membres, dressera la liste des jurés élus par les départements du royaume, et elle la fera publier. « Art. 4. La haute cour nationale connaîtra de tous les crimes et délits dont le Corps législatif jugera nécessaire de se rendre l’accusateur. Nulle autre affaire ne sera portée à la haute cour nationale. « Art. 5. La haute cour nationale ne se formera que quand le Corps législatif aura porté un décret d’accusation. « Art. 6. Elle se réunira à une distance de quinze lieues au moins du lieu où la législature tiendra ses séances. Le Corps législatif indiquera (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 octobre 1790.) 23 la ville où la haute cour nationale s’assemblera. « Art 7. Le décret du Corps législatif portant accusation n’aura pas besoin d’être sanctionné par le roi. « Art. 8. Avant de porter le décret d’accusation, le Corps législatif pdurra appeler et entendre à sa barre les témoins qui lui seront indiqués; il ne sera point ténu d’écritures des dires des témoins. « Art. 9. Lorsque le Corps législatif aura décrété qu’il se rend accusateur, il fera rédiger l’acte d’accusation de la manière la plus précise et la plus claire, et il nommera deux de ses membres pour, sous le titre de grands procurateurs de la nation, faire auprès delà haute cour nationale la poursuite de l’accusation. « kvt. 10. Les cinq grands juges qui présideront à l’instruction seront pris parmi les membres du tribunal de cassation : leurs noms seront tirés au sort dans la salle où la législature tiendra publiquement ses séances, ën présence de deux conàmissaires que le roi sera invité d’y envoyer. « Art. lî. Le haut jury sera de vingt-quatre metnbres, et pourra juger à vingt. « Art. 12. Les accusés auront huit jours pour déclarer leurs récusations. « Art. 13. Aussitôt que les récusations auront été proposées et le haut jury déterminé, les grands juges feront convoquer les vingt-quatre membres dont il sera composé, lesquels seront tenus de se rendre, dans quinze jours après la notification du mandement des grands juges, dans la ville qui sera désignée. c Art. 14. Les grands juges adresseront, pour le faire notifier, leur mandement aux procureurs généraux syndics des départements où auront été nommés les hauts jurés convoqués. « Art. 15. La forme de procéder qui sera établie pour les jurys ordinaires sera suivie pour le haut jury. « Art. 16. Le commissaire du roi auprès du tribunal du district dans le territoire duquel la haute cour nationale s’assemblera fera auprès d’elle lés fonctions de commissaire du roi; elles seront les mêmes respectivement à l’instruction et au jugement, que celles qu’il exercera auprès du tribunal criminel ordinaire. » Cour de cassation. « Art. 1er. Il y aura un tribunal de cassation établi auprès du Corps législatif. « Art. 2. Ce tribunal sera composé de trente juges, qui, par la voie du sort, se diviseront en trois sections de dix chacune. « Art. 3. Tous les deux ans les sections seront composées de nouveau par la voie du sort. « Art. 4. Les fonctions du tribunal de cassation seront de prononcer sur toutes les demandes en cassation contre les jugements rendus en dernier ressort, de juger les contestations de compétence entre les tribunaux, les demandes de renvoi d’un tribunal à un autre pour cause de suspicion légitime, les demandes de prise à partie formées contre un tribunal entier ou contre un commissaire du roi, de juger la conduite et les fautes d’un tribunal, de quelques-uns des juges qui le composent, ou du commissaire du roi. « Art. 5. Toutes les sections auront des fonctions parfaitement semblables, et jugeront sépa-rémétit les demandés en cassation; les affaires, tant celles qui existent que celles qui surviendront, seront partagées également entré les sections. « Art. 6. Elles se réuniront et jugeront en commun toutefois qu’il s’agira de prononcer sur utié demande de prise à partie, ou sur la conduite d’un tribunal, de quelques-uns des juges oti du commissaire du roi. « Art. 7. Avant que la demande en cassation ou en prise à partie soit mise en jugement, il sera préalablement examiné et décidé si la requête doit être admise et la permission d’assigner accordée. « Art. 8. A cet effet, il sera tous les six mois nommé par chacune des sections deux de ses membres, pour former un bureau dont la fonction sera d’examiner et de juger si les requêtes en cassation ou en prise à partie doivent être admises ou rejetées. « Art. 9. Ce bureau, composé de six membres, ne pourra juger qu’au nombre de cinq juges au moins; si la maladie ou quelque autre empêchement légitime s’opposait à ce que quelques-uns d’eux remplissent leurs fonctions, il en sera envoyé d’autres par la section à qui appartiendront les juges qui ne pourront pas faire leur service. « Art. 10. Si, dans le bureau, les trois quarts des voix se réunissent pour rejeter une requête en cassation ou en prise à partie, elle sera définitivement rejetée. Si les trois quarts des voix se réunissent pour admettre la requête, elle sera définitivement admise, l’affaire sera mise en jugement, et le demandeur en cassation ou en prise à partie sera autorisé à assigner. « Art. 11. Lorsque les trois quarts des voix ne se réuniront pas pour rejeter ou admettre une requête en cassation ou en prise à partie, la question sera portée à toutes les sections rassemblées, s’il s’agit d’une demande en prise à partie, et à celle des sections qui, suivant le rôle de distribution, devra en connaître, s’il s’agit d’une re-qqête en cassation : la simple majorité des voix' Suffira pour former la décision. « Art. 12. Celui qui aura rapporté au bureau la requête en cassation sur laquelle il y aura eu partage en jugera l’admission concurremment avec les autres membres de la section, quoiqu’il n’en fasse pas partie. « Art. 13. Lorsque les sections se réuniront pour juger en commun, les membres composant le bureau des requêtes se joindront à elles. « Art. 14. Chacune des sections ne pourra juger qu’au nombre de cinq juges au moins; les sections et le bureau réunis qu’au nombre de vingt : la majorité des voix fera décision. « Art. 15. Si, par la mort, la démission, la maladie ou quelque empêchement légitime de quelques-uns de ses membres, l’une des sections se trouvait tellement dépourvue qu’elle ne pût plus faire son service, elle empruntera des juges dans les deux autres sections. « Art. 16. Les demandes de renvoi d’un tribunal à un autre, pour cause de suspicion légitime, les contestations de compétence entre les tribunaux, seront portées devant le bureau composé des deux commissaires de chaque section, et jugées définitivement par lui, sans frais, sur simples mémoires, par forme d’administration, et à la pluralité des voix. « Art. 17. Les sections du tribunal de cassation, soit qu’elles jugent séparément, soit qu’elles se réunissent, suivant les cas qui viénnent d’être spécifiés, de même que le bureau des requêtes, tiendront leurs séances publiquement. « Ait. 18. Les parties pourront, par elles- 24 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 octobre 1790.} mêmes ou par leurs défenseurs, plaider et faire les observations qu’elles jugeront nécessaires à leur cause. « Art. 19. Mais la discussion de l’affaire sera toujours précédée du rapport, sans que le rapporteur énonce son avis; les parties ou leurs défenseurs ne pourront prendre la parole que quand ce rapport sera terminé : il sera libre aux juges de se retirer en particulier, pour recueillir leurs opinions. Cette forme sera celle de tous les tribunaux du royaume. « Art. 20. L’intitulé du jugement portera toujours, avec le nom des parties, l’objet de leur demande, et le dispositif contiendra le texte de la loi ou des lois sur lesquelles la décision sera appuyée. « Art. 21. Le ministre du roi chargé du département de l’administration de la justice sera président du tribunal de cassation, et y aura voix délibérative ; il pourra entrer à chacune des sections comme aux sections réunies. Partout où il assistera, il sera président; il n’aura point entrée au bureau des requêtes. « Art. 22. Chacune des sections se nommera tous les ans un vice-président ; celui qui l’aura été pourra être réélu. Le bureau des requêtes se nommera un président. « Art. 23. Lorsque les sections seront réunies, si le ministre du roi n’est pas présent, le plus ancien d’âge des vice-présidents des sections ou du bureau présidera; les autres membres du tribunal se placeront sans distinction et sans aucune préséance entre eux, « Art. 24. Si le ministre du roi est instruit qu’un tribunal, quelques-uns des juges ou un commissaire du roi mettent de la négligence dans l’exercice de leurs fonctions, qu’ils tiennent une conduite contraire à l’honneur et à la dignité des tribunaux, à la bonne administration de la justice et à l’intérêt des justiciables, il emploiera les avertissements et les réprimandes pour rétablir l’exactitude du service. Si ce moyen est inefficace, il rassemblera toutes les sections du tribunal de cassation, et leur donnera connaissance des faits qui lui auront été dénoncés, et des preuves qui lui auront été remises. Le tribunal pourra demander au directoire du district des renseignements nouveaux; et si les faits sont prouvés et de nature à mériter quelque reproche, il pourra, suivant la gravité des cas, prononcer des injonctions, ordonner qu’elles seront inscrites sur les registres des tribunaux ou affichées dans le lieu de leur résidence, condamner à des amendes, même suspendre de ses fonctions un juge ou un commissaire du roi, pour un temps qui n’excédera pas trois mois. Cette suspension entraînera la perte des honoraires, lesquels seront employés à salarier celui qui remplacera le juge ou le commissaire du roi contre lequel la suspension aura été prononcée. « Art. 25. Le délai pour se pourvoir en cassation d’un jugement ne sera que de trois mois, du jour de la signification du jugement à personne ou à domicile. « Art. 26. Dans le cas où il aurait été rendu un jugement qui paraîtrait évidemment contraire aux lois, et contre lequel cependant aucune des parties n’aurait réclamé dans le délai fixé, le ministre du roi, après ce délai expiré, en donnera connaissance au tribunal. S’il est prouvé que les formes et les lois ont été violées, lè jugement sera cassé, sans que les parties puissent s’en prévaloir pour éluder les dispositions de ce jugement, lequel vaudra transaction pour elles. « Art. 27 Tout jugement du tribunal de cassation sera imprimé et inscrit sur les registres du tribunal dont la décision sera cassée. « Art. 28. Chaque année, une députation de huit membres de la Cour de cassation sera admise à la barre de l'assemblée du Corps législatif, et lui présentera l’état des jugements rendus, à côté de chacun desquels sera la notice abrégée de l’affaire et le texte de la loi qui aura décidé la cassation. « Art. 29. Un greffier sera établi auprès du tribunal de cassation ; il sera nommé par les membres de ce tribunal; il choisira des commis qui feront le service auprès des sections et du bureau, et qui prêteront serment; il ne sera révocable que pour prévarication jugée. « Art. 30. L’installation du tribunal de cassation sera faite par deux commissaires du Corps législatif et deux commissaires du roi, qui recevront le serment individuel de tous les membres du tribunal, d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de remplir avec exactitude les fonctions qui leur sont confiées. Ce serment sera lu par l’un des commissaires du Corps législatif, et chacun des membres du tribunal de cassation, debout dans le parquet, prononcera : Je le jure. « Art. 31. Provisoirement et jusqu’à ce qu’il ait été autrement statué, le règlement qui fixait la forme de procéder au conseil des parties sera exécuté au tribunal de cassation, à l’exception des points auxquels il pourrait être dérogé par le présent décret. « Art. 32. Le conseil des parties est supprimé, et il cessera ses fonctions le jour que le tribunal de cassation aura été installé. « Art. 33. L’office de chancelier de 'France est supprimé. » Forme de l'élection au tribunal de cassation. « Art. 1er. Huit jours après la publication du présent décret, les électeurs de chaque département se rassembleront pour élire le sujet qu’ils croiront le plus propre à remplir une place dans le tribunal de cassation. « Art. 2. L’élection ne pourra être faite qu’à la majorité absolue des suffrages. Si les deux premiers scrutins ne produisent pas cette majorité, au troisième scrutin les électeurs voteront sur les deux sujets qui auront réuni le plus de voix au second ; et, en cas d’égalité de suffrages, le plus ancien d’âge sera élu. « Art. 3. Pour être éligible, lors de la première élection, il faudra avoir trente ans accomplis, et avoir pendant dix ans exercé les fonctions de juge dans une cour supérieure, un présidial, sénéchaussée ou bailliage, et, pour la suite, dans un tribunal de district, ou avoir, pendant le même temps, rempli les fonctions d’homme de loi auprès de ces mêmes tribunaux, l’Assemblée nationale se réservant de déterminer, pour la suite, les autres qualités qui pourront rendre éligible. « Art. 4. Le procureur général syndic de chaque département enverra à l’Assemblée nationale Je nom du sujet choisi par les électeurs; à cet effet, le président ou les secrétaires de l’assemblée électorale remettront au procureur général-syndic le procès-verbal de leur élection. « Art. 5. Les noms des élus des départements seront inscrits sur un tableau qui sera affiché dans la salle des séances de l’Assemblée natio- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 octobre 1790.] 25 nale, imprimé et envoyé à chacun des membres huit jours avant que Je scrutin pour l’élection commence. « Art. 6. Sur ce tableau, l’Assemblée nationale choisira au scrutin quarante sujets. « Art. 7. Les quarante sujets seront présentés au roi, qui en choisira trente pour former le tribunal de cassation. « Art. 8. Tous les six ans on procédera à l'élection de la moitié des membres du tribunal de cassation; les mêmes juges pourront être continués. A la première élection, dans six ans, la moitié qui devra sortir sera déterminée par le sort ; aux élections suivantes, elle le sera par tour d’ancienneté. « Art. 9. A cette élection de six ans en six ans, le Corps législatif choisira au scrutin, sur le tableau des éligibles nommés par chaque département, vingt sujets, sur lesquels le roi en choisira quinze. « Art. 10. Ceux qui, par le choix des électeurs des départements, auront été inscrits sur le tableau des éligibles au tribunal de cassation, y referont inscrits. « Art. 11. Pour les élections qui suivront la composition du tribunal, en tête du tableau seront placés les quinze juges sortant qui peuvent être réélus; ensuite indistinctement tous les sujets choisis par les électeurs des départements. « Art. 12. Tous les quatre ans, les électeurs de chaque département, après avoir nommé les députés pour la législature, feront un scrutin préalable pour décider s’il y a lieu de désigner un nouveau sujet. Il ne sera fait aucune addition à la liste pour les départements où les électeurs n’auront pas trouvé lieu à une nouvelle désignation; et, dans le cas contraire, les noms des sujets nouvellement élus seront ajoutés aux anciens . « Art. 13. Lorsque six places vaqueront dans le tribunal de cassation, il sera procédé, dans la forme prescrite pour les élections, à la nomination dés sujets qui rempliront ces places. Le Corps législatif choisira huit personnes sur le tableau des éligibles; sur ces huit, le roi en choisira six. « Art. 14. Les membres intermédiairemeut élus dans le cours des six années seront, à l’époque du renouvellement par moitié, quelque peu de durée qu’ait eu leur exercice, sujets à réélection, comme l’eussent été les juges qu’ils remplaceront; et, pour l’exercice de leurs fonctions, ils seront attachés à la section à laquelle appartenaient les juges dont ils prendront la place. « Art. 15. Lorsque huit jours seront écoulés depuis l’impression, la distribution et l’aftiche du tableau des éligibles, le scrutin sera ouvert; il sera donné à chaque membre du Corps législatif un billet de scrutin signé de l’un des secrétaires de l’Assemblée, sur lequel le votant écrira les noms de ceux sur lesquels il portera son suffrage; il déposera son billet dans une urne disposée à cet effet dans un des secrétariats, et fermant à trois clefs différentes, dont l’une sera entre les mains du président, et les deux autres dans celles de deux des secrétaires. « Art. 16. Pour être élu, il faudra avoir la majorité absolue des suffrages, « Art. 17. Si les deux premiers scrutins ne donnent pas cette majorité pour tous les sujets à élire, on procédera à un troisième, lors duquel les voix ne se porteront plus que sur ceux qui auront eu le plus de voix au second scrutin, et on prendra les sujets en nombre double defe juges qui resteront à nommer, de manière que, s’il faut encore six personnes pour compléter le nombre fixé, on votera sur les douze qui auront eu le plus de voix, et ainsi pour tous les autres nombres; l’élection sera alors décidée à la pluralité relative. « Art. 18. Le premier scrutin sera ouvert pendant quinze jours, le second pendant huit, le troisième pendant trois jours seulement. « Art. 19. Le nombre des votants sera, après la clôture de chaque scrutin, publiquement con staté par le président, dans une des séances du Corps législatif; il sera nommé douze commissaires pour faire le dépouillement des scrutins. « Art. 20. Le roi fera, dans trois jours francs, notifier son choix au Corps législatif. Si la notification n’est pas faite dans les trois jours, ceux qui, par la majorité absolue des suffrages, auront été nommés au premier et au second scrutin, seront membres du tribunal de cassation ; et, en cas que le nombre des membres du tribunal ne soit pas complet, il sera rempli par ceux qui auront eu le plus de voix au troisième scrutin. « Art. 21. Le roi fera expédier aux membres du tribunal de cassation des lettres patentes dans la même forme que celles fixées pour les autres juges du royaume. » M. Robespierre (1). Messieurs, j’ai quelques observations à vous soumettre sur l’organisation de la haute cour nationale. Le crime, en général, peut être défini : un attentat aux droits d’autrui. Les crimes de lèse-nation sont les attentats commis directement contre les droits de la nation, différents des crimes ordinaires qui sont des attentats aux droits des particuliers. Ainsi que les délits ordinaires, les crimes de lèse-nation sont de diverses espèces et de divers degrés que les lois doivent soigneusement distinguer. Us peuvent attaquer ou les propriétés, la vie du corps politique comme les autres propriétés, la sûreté, la vie des individus. Ceux qui peuvent compromettre la vie et la sûreté du corps politique sont ceux qui méritent toute l’attention du législateur, et peut-être les seuls qui puissent motiver l’institution d’un tribunal particulier, d’une cour martiale. On ne peut attaquer à la sûreté, à la vie des individus, que par des moyens physiques et par la violence ; mais on peut atteindre de deux manières la sûreté et la vie de la nation : parce qu’elle a en même temps une existence physique comme collection d’hommes, et une existence morale, comme corps politique; celui qui attente à la liberté du peuple , c’est-à-dire aux lois constitutionnelles qui lui assurent l’exercice et la conservation de ses droits, est coupable de parricide envers la nation ; comme celui qui immole les citoyens par le fer et par le feu ; car dès que la liberté est anéantie, le corps politique est dissous; il n’y a plus ni nation, ni magistrats, ni roi : il ne reste qu’un maître et des esclaves. Dans l’état habituel des peuples ; c’est-à-dire quand la Constitution est affermie par le temps, et l’ordre public établi sur des bases solides, les crimes de Jèse-nation doivent être nécessairement rares ; du moins, ceux qui peuvent être (1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire du discours do M. Robespierre: nous insérons ici la version du Journal le Point-du-Jour, tome XV, pages 384 et suiv.