642 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 1790.] la mauvaise administration des régiments. Cette plainte est trop générale pour qu’elle soit sans fondement, ou du moins sans prétexte : il est important que les comptes soient vérifiés avec le plus grand soin et la plus grande authenticité. Se montrer rigoureusement juste est le meilleur et le plus infaillible moyen de tout calmer. Cet objet forme encore un article du projet de décret. Ce qui agite beaucoup les soldats et répand parmi eux la plus vive fermentation, c’est la distribution arbitraire qui s’est faite de cartouches jaunes, qui portent toujours avec elles le déshonneur. L’honneur d’un citoyen demande de plus grands ménagements : Nul ne peut être attaqué en cette partie, ou dépouillé de ses biens, sans un jugement préalable : Le soldat a, plus que tout autre, à raison de ses grands travaux, ce droit commun de la société. Je ne vous dirai pas combien, dans ces derniers temps, on s’est permis ces actes atroces : Je rends justice au ministre qui a donné, à cet égard, des instructions très utiles aux commandants des régiments; mais il ne faut pas, Messieurs, que vous vous en teniez là : il faut que vous abolissiez cet infâme usage qui fait avoir au soldat le déshonneur pour prix d’une longue carrière. La conduite des officiers envers les soldats peut être encore un sujet de mécontentement pour ceux-ci. Il faut qu’ils apprennent qu’on n’a jamais plus de droits à la soumission de ses inférieurs, que quand on a pour eux les égards qu’ils sont en droit d’attendre ; c’est encore un des objets du décret proposé. Les officiers verront qu’on s’est occupé également de leurs droits et de leurs devoirs. On ne peut se dissimuler que plusieurs des insurrections qui, dans l’origine, auraient pu facilement être étouffées, se sont développées parce que le soldat a trop peu de moyens de se faire entendre. 11 faut qu’il passe, pour obtenir justice, par des intermédiaires qui souvent sont intéressés à étouffer sa plainte. Vous le savez, Messieurs, l’injustice produit toujours l’indépendance. Les soldats, choqués de ces difficultés, ont tenté, quelquefois avec succès, de faire triompher leurs plaintes. Votre comité, guidé par les plus pures vues du bien public, a adopté à l’unanimité le projet de décret qu’il vous présente aujourd’hui. ( Ces développements sont très applaudis). M. Emmery poursuit et rend compte de l’affaire du régiment de royal-Champagne, d’après les procès-verbaux qui ont été envoyés au comité. Les officiers du régiment de Champagne ont donné le 1er août un bal aux gardes nationales. Quelques cavaliers mécontents, ayant à leur tête un sieur Point, adjudant-major, ont profité de cette occasion pour s’attrouper et faire des menaces au sieur Odille qui venait d’être nommé officier dans le régiment. Le lendemain, ils se sont encore attroupés et le sieur Point leur a fait prêter serment de ne pas reconnaître le sieur Odille dans son grade. M. Emmery lit deux projets de décrets. Le décret concernant les régiments de royal-Gham-pagne et de Poitou est ajourné à demain. L’Assemblée décide qu’elle discutera immédiatement le décret concernant les troubles qui régnent dans plusieurs corps de l’armée. M. Emmery lit l’article 1er et prévient l’Assamblée qu’il ne s’agit en ce moment que d’une loi de circonstance. L’article 1er est adopté sans discussion. M. de Foucault. Je demande qu’on ajoute à l’article 2 une disposition par laquelle les arrêtés pris par les comités formés dans les régiments seront déclarés illégaux. M. de llurinais. Il faudrait prévoir également le cas où les soldats seraient en butte à des jeunes gens comme officiers. C’est un sujet sur lequel j’ai toujours gémi depuis que je suis au serVice. Il faudrait que quiconque aura infligé une peine fût tenu d’en rendre compte dans les vingt-quatre heures, dès les huit heures du matin. M. de Noailles. Je ne puis que rendre hommage au mobile qui a fait parler le préopinant ; mais je dois lui faire remarquer, de nouveau, que ce que nous décrétons aujourd’hui n’est qu’une loi provisoire, et qu’il y a une extrême urgence à ce que le décret soit rendu sans retard. (L’article 2 est adopté.) M. Emmery donne lecture de l’article 3. M. de Tracy. Cet article relatif à la reddition des comptes dit que les vérifications seront faites sur une période qui comprendra les six dernières années. Je propose qu’on remonte jusqu’à 1776. Cette époque me paraît particulièrement favorable, parce qu’elle répond à une nouvelle organisation, et que c’est de ce moment que commencent les craintes du soldat. M. de Rochebrune. On ne parviendrait certainement pas à trouver des pièces authentiques si l’on devait remonter jusqu’à l’année 1776, ce qui permettrait de supposer des erreurs là où il n’y en aurait pas. En conséquence, je demande que les inspecteurs reçoivent la mission de revoir tous les comptes qu’ils trouveront, sans exception, quelle que soit leur date, sans avoir à reconstituer ceux qui n’existeront pas. Quant au nombre des soldats qui doivent assister à la vérification, il n’est pas nécessaire qu’il y en ait quatre; il suffit d’en admettre trois de chaque régiment, un de la tête, un du centre, un de la queue. M. Emmery présente une nouvelle rédaction de l’article 3. Elle est adoptée. M. de Foucault demande l’ajournement de l’article 4 ainsi que celui de l’article 5, jusqu’au moment où l’Assemblée décrétera un code pénal sur les délits militaires. Toutefois, si l’Assemblée croit devoir décréter les deux articles, il propose d’ajouter au cinquième, dont les dispositions sont trop vagues, après les mots : les cartouches jaunes, ceux-ci : expédiées depuis le 1er mai 1789. Cet amendement est adopté. L’article 6 est adopté sans discussion. L’article 7 est également adopté sans changement. M. Robespierre. Vous venez de décréter dans l’article 7 qu’on informera contre les auteurs et participes des troubles qui auront lieu dans les corps, et qu’ils seront punis suivant la rigueur des ordonnances. C’est le moment de vous faire remarquer combien sont vicieuses la forme et