[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 octobre 1789.] 589 ASSEMBLÉE NATIONALE. � PRÉSIDENCE DE M. FRÉTEAU. Séance du mardi 27 octobre 1789 (1). Il a été fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, et de diverses adresses des villes et communautés, portant adhésion aux différents ► décrets de l’Assemblée nationale, dont la teneur suit: Délibération du curé et habitants du bourg de Grandela en Brie, où, pénétrés de respect pour l’Assemblée nationale, soumis et adhérant à tous ses décrets qui obtiendront la sanction royale, ils s’engagent de payer avec empressement les impôts qu’elle décrétera. Us offrent à l’Assemblée deux de leurs cloches, dont ils feront verser le ? montant dans la caisse patriotique, si mieux elle n’aime les recevoir en nature, pour en faire convertir le métal en monnaie. Adresses des députés, électeurs et autres notables habitants de la province de Roussillon, con-tenant félicitations, remerciements et adhésion aux , décrets de l’Assemblée nationale. Adresses d’adhésion aux arrêtés de l’Assemblée J nationale, pour les villes d’Ambert, Besse, Brioude, Issoire, Montaigu en Combrailles, Nonette, Olliergues, Saint-Amand le Cher, Salers, Thiers, Vodable, et par les bourgs d’Antoin, Apchon, Aubusson, Augerolles, Authézat, Besse en Ghan-deze, Gebazat, Ghanonat, Ghambon, Colamines-le-Bourg, Colamines-le-Puy, Gompains, Condaten Ferrières, Gondittes, Montpeyroux, Espinchal, , Granderolles, l’Etang et Village, la Chabasse, Madriat, Manlieu, Marret, Mozerat, Mémont, Me-zel, Montrodat, Murols, Olenet, Oreines, Piche-rande, Reignal, Sailhems, Saint-Anastaze, Saint-Barthélemy, Aydat, Saint-Genest, Ghampespé, Saint-Julien-sur-Aydat, Saint-Nectaire, Saint-Tours, Saint-Victor, Sayat, Sermentison, Tréjioux, Trijat, Valbeleix, Vozeilles, et Villemonteix en Auvergne. Toutes ces adresses expriment le désir de voir établir à Clermont-Ferrand le tribunal souverain de la province. Les villes d’Ambert, liesse, Brioude, Issoire, Mauriac, Montaigu, Saint-Amand, Lecheire, Salers, Thiers et les communes des bourgs d’Ap-chon et Condat-en-Ferrières demandent chacune l’établissement d’un tribunal royal dans leurs murs. k M. le Président rend compte des ordres qu’il a donnés pour raccommoder la tribune, dont la chute a blessé hier plusieurs députés. Elle est actuellement rétablie avec toute la solidité possible; mais le scellement des barres de fer qui la soutiennent est encore trop frais pour qu’aujour-d’hui ces places soient occupées. M. le Président est allé voir les députés ► blessés. M. Soustelle l’est très-légèrement; M. Viard, un curé de l’Anjou et M. de Montcalm ont reçu des blessures plus considérables, mais qui n’auront pas de suite. L’Assemblée témoigne le désir que deux de ses membres soient spécialement chargés de visiter les malades et de lui rendre compte tous les jours de leur état. M. le Président désigne M. de Golbert-de-Sei-gnelay, évêque de Rodez, et M. Salle, médecin, député de Nancy. M. le Président, après avoir annoncé que M. de Marsanne, député de Romans, a été assailli à Montélimar par le peuple, et que la milice nationale l’a mis hors de toute atteinte, est chargé d’écrire à ce sujet à la municipalité de cette ville. Les arrêtés d’hier ont été présentés à la sanction ; le Roi a répondu qu’il s’en occuperait incessamment. Sa Majesté a dit que la permission de convoquer les états du Dauphiné lui avait en effet été demandée, mais qu’il n’avait pas eu l’intention de l’accorder sans consulter l’Assemblée. Le décret concernant la nomination des suppléants est accepté. Le scrutin fait hier, pour l’élection d’un président, n’a encore accordé la majorité absolue à personne. M. Ernmery et M. Camus, ayant constamment obtenu le plus grand nombre de voix, seront seuls admis au troisième scrutin, auquel on procédera après la séance. Plusieurs personnes demandent à parler sur des objets étrangers à l’ordre du jour. Il est arrêté que cet ordre, concernant les municipalités, ne sera point interverti, et qu’on passera à la discussion des conditions de V éligibilité'. M. Thibault, propose, afin d’accélérer les délibérations, d’arrêter que l’article sera combattu d'abord par un membre de l’Assemblée, qu’un membre du comité de Constitution lui répondra ensuite et qu’enfin l’Assemblée prononcera en allant aux voix. M. Bouche. Ce moyen est sans doute convenable pour mettre dans les débats plus d’ordre et de célérité; mais je pense qu’on pourrait remplir ces deux objets en s’écartant du projet présenté par le comité, et je vais proposer un plan plus convenable, plus facile à discuter, et dont l’exécution pourrait être beaucoup plus prompte. On observe à M. Bouche que l’ordre du jour a pour objet unique l’examen de la cinquième condition d'éligibilité, et qu’il a été décrété qu’on suivrait pour la discussion le plan du comité. M. Pétion de Villeneuve. Le comité propose cette qualité : « N’être pas dans une condition servile. » Dans une des séances précédentes, on a proposé de dire : « N’être pas dans un état de domesticité. » Ges deux expressions demandent quelque interprétation. Par domestiques, on entend les. commensaux, tels que les instituteurs, secrétaires, bibliothécaires, etc., et par serviteur, celui qui vaque à des œuvres serviles. Gelui-ci ne peut être élu ; mais cette exclusion ne doit pas s’étendre aux commensaux, etc. Cependant beaucoup de raisons politiques doivent déterminer à exclure les agents directs du pouvoir exécutif. Les Anglais nous en offrent l’exemple, et nous devons comme eux ne placer jamais un homme entre son devoir et le bien public. Le3 ministres surtout ne peuvent être élus, ou, s’ils le sont, ils ne doivent avoir que voix consultative dans les Assemblées nationales. On observe à M. Pétion qu’il ne s’agit ici que (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 590 [Assemblée nationale.] des assemblées primaires. Là partie de sa motion relative à ce dernier objet est ajournée. M. le «jointe de Mirabeau présente une exclusion nouvelle pour les électeurs et les éligibles. On l’engage à se renfermer dans la question, qui n’a pour objet que l’éligibilité. 11 développe, sous unautre point de vue, la distinction entre domesticité et état servile. M. Barrère de Vleuzac (1). Messieurs, l’état de serviteur à gages comprend, d’une manière plus expresse et plus concise, la classe des individus qui doivent être exclus de la représentation politique, parce que les serviteurs à gages n’ont pas une volonté propre, libre et indépendante, telle qu’elle est nécessaire pour l’exercice du droit de .cité, Le nom de domestique, plus rapproché de l’expression vulgaire, est un mot vague dont l’acception est trop étendue. Domesticité et domestique comprennent, en effet, dans l’idiome des lois, une foule de citoyens respectables que votre intention n’est pas de priver de l’exercice des droits politiques. Les domestiques sont ceux qui vivent dans la même maison et mangent à la même table sans être serviteurs. Aussi les diverses ordonnances du royaume, entre autres celles qui ont trait aux preuves civiles et aux procédures criminelles, donnent une grande latitude au mot domestique . Chez le Roi, ce mot comprend une infinité de personnes distinguées qui ont des charges ou des emplois considérables ; chez les autres citoyens, il comprend une foule de personnes dignes d’égards, telles que des instituteurs, des secrétaires, etc. Il faut donc employer d’autres expressions que celles de domesticité et restreindre la condition sous un rapport plus exact. 11 faut que l’exclusion de la loi frappe expressément sur les serviteurs à gages , ce qui comprendra les individus attachés aux personnes des citoyens, aux valets de service, aux valets laboureurs et aux valets vignerons. Mais il faut bien distinguer de cette classe les fermiers particuliers et les colons partiaires. Ces hommes utiles et nécessaires, qui exercent le premier des arts, ne peuvent pas être compris parmi ces hommes dépendants, dont la volonté n’est pas libre ; il serait aussi injuste qu’impolitique de décourager ainsi les campagnes, on ne saurait répandre trop d’émulation parmi les agriculteurs. Le Dauphiné avait élevé cette question dans un temps où des privilèges odieux existaient encore, mais depuis qu’il n’y a plus ni privilèges, ni privilégiés, les fermiers sont plus libres et ces agriculteurs méritent plus d’égards ; je propose donc d’exprimer ainsi la cinquième condition, de n’être pas alors serviteur à gages. M. le marquis de Foucault. Dans ma province on exclut les vignerons, les colons, les métayers, et sans doute cette injustice ne peut être consacrée; ils doivent être admis à toutes les assemblées ; ils doivent élire et être élus, pourvu qu’ils ne soient aux gages de personne. M. Regnaud de Satnt-Jean-d’Ângélÿ n’adopte point l’opinion deM. Barrère ; dans plusieurs provinces beaucoup d’habitants des cam-(1) Le discours de M. Barrère de Vieuzac n’a pas été inséré au Moniteur. [27 octobre 1789.] pagnes rendent des services momentanés et reçoivent une rétribution en nature; ils ne sont pas pour cela serviteurs; il faut expliquer qu’on entend seulement par ce mot, « celui qui est payé annuellement en argent et qui est nourri chez celui qui le paye. » M. l’abbé *** propose de rédiger ainsi : « Dans un état de domesticité servile. » M. de La Fîlle-au-Bois. Les ordonnances royales excluent de plusieurs fonctions civiles les serviteurs et domestiques indéfiniment. Les uns et les autres doivent être éloignés des assemblées primaires. M. Camus. Pour concilier les diverses opinions, on pourrait dire : « N’être pas serviteur, domestique à gages, sans domicile personnel. » La rédaction conforme à la proposition deM. Barrère est adoptée comme il suit : « N’être pas dans un état de domesticité, c’est-à-dire serviteur à gages. » M. le eomte de Mirabeau. Avant que vous finissiez l’examen des caractères à exiger pour être électeur ou éligible, je vais vous proposer une loi qui, si vous l’adoptez, honorera la nation. (11 s’élève quelques murmures.) Si la loi que je vous propose est faite pour relever la morale nationale, c’est moi qui aurai raison, et ceux qui murmurent auront eu tort. Je reprends. Avant que vous finissiez l’examen des conditions d’éligibilité, je vais, Messieurs, vous en proposer une qui, si vous l’adoptez, honorera la nation. Tirée des lois d’une petite république non moins recommandable par ses mœurs et par la rigidité de ses principes, que florissante par son commerce et par la liberté dont elle jouissait avant que l’injustice de nos ministres la Ini eût ravie, elle peut singulièrement s’adapter à un Etat comme la France, à un Etat qui, aux avantages immenses de la masse, de l’étendue et de la population, va réunir les avantages plus grands encore de ces divisions et de ces sous-divisions, qui le rendront aussi facile à bien gouverner que les républiques mêmes dont le territoire est le plus borné. , Je veux parler de cette institution de Genève, que le président de Montesquieu appelle avec tant de raison une belle loi, quoiqu’il paraisse ne l’avoir connue qu’en partie ; de cette institution qui éloigne de tous les droits politiques, de tous les conseils, le citoyen qui a fait faillite, ou qui vit insolvable, et qui exclut de toutes les magistratures, et même de l’entrée dans le grand conseil, les enfants de ceux qui sont morts insolvables, à moins qu’ils n’acquittent leur portion virile des dettes de leur père. Cette loi, dit Montesquieu, est très-bonne. Elle a cet effet qu’elle donne de la confiance pour les magistrats ; elle en donne pour la cité même. La foi particulière y a encore la force de la foi publique. Ce n’est point ici, Messieurs, une simple loi de commerce, une loi fiscale, une loi d’argent ; c’est une loi politique et fondamentale, une loi morale, une loi qui, plus que toute autre, a peut-être contribué, je ne dis pas à la réputation, mais à la vraie prospérité de l’Etat qui l’a adoptée, à cette pureté de principes, à cette union dans les familles, à ces sacrifices si communs entre les parents, entre les amis, qui le rendent si recom-ARCHIVES PARLEMENTAIRES.