[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 juillet 1790.] 425 Les malheurs d’Avignon, ces malheurs multipliés par des proscriptions sanguinaires vous sont connus... l’esprit répugne à les retracer. En vain, M. Bouche (car il faut le nommer) chercherait-il à atténuer, par des calomnies dépourvues de toutes preuves et de toute vraisemblance, le mérite d’une secourable hospitalité, accordée, par des voisins, aux citoyens fugitifs de cette ville infortunée, échappant aux peines, aux excès d’une populace effrénée, ivre de sang et de fureur (1) et qui peut-être encore n’en est pas rassasiée ? Cette vertu compatissante, la première que prescrivent les lois de la nature et de 1a société, serait donc devenu un crime au mépris des droits de l’homme que vous avez consacrés par vos préceptes? Eh bien l Messieurs, ce secours hospitalier exercé envers des voisins, des amis, des parents de tout état, de toute profession, n’a pu être publiquement reproché aux citoyens de Villeneuve; il a fallu des prétextes sans doute pour s'en venger, et, par une prévarication vraiment criminelle, on n’a pas craint d’y substituer des délits imposteurs dont une bouche impure a osé souiller le sanctuaire de la vérité, en y donnant une publicité légale, qui a propagé dans toutes les parties du royaume. M. Bouche accuse les citoyens de Villeneuve, « qui ont seuls entendu les cris des malheureux, de n’avoir pas volé à leur secours : » et quel secours ! plus efficace que de les soustraire à la mort qui les poursuivait, aux affreux supplices dont ils avaient été les témoins et qui peut-être leur étaient préparés ? Les citoyens de Villeneuve n’ont pas volé à leur secours et quand un premier mouvement des officiers principaux des gardes nationaux les a portés de se rapprocher des murs ensanglantés d’Avignon, qu’ont-ils rencontré sur leur bord ? le cadavre d’un de leurs anciens citoyens immolé à une fureur vengeresse. Qu’ont-ils éprouvé pour prix de leur empressement ? Des obstacles, des menaces dont ils eussent été les victimes, s’ils avaient tenté de les surmonter. Et ce secours si voisin, et qui pouvait être si prompt, a-t-il été demandé par le corps municipal d’Avignon qui les réclamait au loin?... Il a reconnu le tort qu’il a fait à l’empressement de ses généreux voisins (comme il conte par la lettre qu’il écrivit de mouvement à la municipalité de Villeneuve), et par laquelle il attribue le défaut d’une invitation si naturelle « à un oubli plutôt qu’à un sentiment d’indifférence si contraire au patriotisme et aux liaisons d’amitié qui ont toujours existé entre les deux villes. » (2) Non content d’une inculpation si authentiquement démentie, M. Bouche se permet encore d’avancer outrageusement « que dix-huit mille cartouches ont été fabriquées, à ce qu’on assure, à Villeneuve, où l'on ourdit de noirs et perfides complots. » Cette accusation devient d’autant plus grave qu’elle semble tenir à la cause des troubles qu’il attribue aux provinces méridionales, dont il se déclare l’organe, que cet accusateur si dangereux par la place qu’il occupe prouve de pareils forfaits: et les citoyens de Villeneuve se dévouent tous aux justes punitions que la rigueur des lois leur inflige, ou qu'il nomme les dénonciateurs. (1) Expression de la lettre de la municipalité d’Orange, à MM. leurs députés, du 12 juillet 1790. (2) Cette lettre est jointe à la présente adresse. Mais si une accusation aussi téméraire est faussement hasardée, quelle doit être la peine du calomniateur et d’une prévarication d’autant plus criminelle, qu’elle prostitue le ministère le plus saint, le temple sacré de la loi? Ce n’est point ici un simple particulier compromis par une fausse inculpation, c’est une cité entière, c’est un corps estimable de citoyens exposés à la flétrissure de toute la nation, pour avoir préparé des complots ténébreux et les moyens de les exécuter. Serait-ce à l’instigation ou par les pratiques de fugitifs Avignonnais renfermés dans leur enceinte que ces infâmes projets auraient été tramés? Hélas! les infortunés, paisibles dans leur asile, encore tremblants parle souvenir des plus cruels spectacles et des dangers qu’ils ont couru, leur esprit accablé ne laisse à des cœurs déchirés que le sentiment d’une gratitude pour des hôtes attendris. Quoi ! c’est l’élan, c’est l’expression cent fois répétée de leur reconnaissance qui agite, qui irrite des ennemis cruels? ce tourment du crime multiplie des jactances et des menaces qui eussent exigé des nrécautions, si la barrière qui sépare les deux villes n’avait rassuré les citoyens de Villeneuve sur des entreprises redoutées encore par ceux d’Orange, dont l’entremise et les secours dirigés par un magistrat aussi vertueux que patriote ont arrêté des (lotsdesang et arraché à la mort de malheureux proscrits, qui gémissent encore dans les fers. Qu’il soit permis de le dire ; ces généreux citoyens doivent être auprès de vous les oracles de la vérité comme ils ont été les anges tutélaires de la malheureuse ville d’Avignon. C’est dans leurs sentiments secourables que les citoyens de Villeneuve trouveront l’apologie de ceux qui les ont animés. Quelle que puisse donc être la cause suggérée ou intéressée, connue ou secrète des téméraires inculpations de M. Bouche, les citoyens de Ville-neuve, fiers du sentiment de leur conscience, rassurés par celui de leur patriotisme, peuvent donc avancer avec une hardie confiance, que si la calomnie est un crime dans l’ordre civil, le crime augmente dans l’ordre politique quand il émane de l’abus du plus saint des devoirs, et bien plus encore quand un des représentants de la nation l’accrédite par le poids de son affection au mépris d’une probité, qui, épurée par vos principes, devait être à l’abri d’un pareil genre de prévarication ; la sagesse, la justice du pouvoir suprême que vous exercez, vous font un devoir de la proscrire, de faire punir, comme une forfaiture, l’abus d’un üiiuistère sacré, et comme un attentat national qui porte atteinte à l’honneur d’une cité sage, fidèle et soumise, honneur qui intéresse toutes celles du royaume exposées à la même diffamation. Mais si la nation entière doit attendre cette justice de l’auguste Assemblée nationale, les citoyens de Villeneuve la réclament avec une confiance égale à leur soumission et à leur respect. Copie de la lettre écrite par la municipalité d'Avignon, à celle de Villeneuve-lés-Avignon , le 15 juin 1790. Messieurs, au moment où se fit dans notre ville l’explosion qui l’a mise à deux doigts de sa perte, la plupart de nous, se trouvant dispersés, écrivirent aux gardes nationales françaises, nos alliées, 426 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 Juillet 1790.] et aux municipalités pour leur demander des secours. Vous avez su avec quelle célérité ce secours est venu et combien il nous a été utile pour ramener le calme parmi nos malheureux concitoyens. Nous n’aurions pas manqué, Messieurs, de vous demander le même Service, persuadés d’avance de votre générosité; mais la préoccupation dans laquelle nous nous trouvions, nous lit perdre de vue ce secours le plus prochain. Nous serions au désespoir que vous pussiez attribuer cet oubli à quelque sentiment d’indifférence; nous connaissons trop votre patriotisme et les liaisons d’amitié qui ont toujours existé entre nos deux villes, et nous ne désirons que de les voir resserrer encore plus par une fédération positive, qui ne fasse de vos citoyens et de vos gardes nationales, ainsi que des nôtres, qu’un peuple de frères. Nous verrons arriver ce moment avec ta plus grande et la plus douce satisfaction. Nous sommes, avec les sentiments de la plus inviolable fraternité, vos très humbles et obéissants serviteurs. Les maire et officiers municipaux d’Avignon : Richard, Raphaël, Aüdiffret, le jeune, Lamy, Gérard, officiers municipaux. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TREILHARD. Séance du vendredi 30 juillet 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Megnand (de Saint-Jean-d' Angèly), secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 28 juillet. (Ce procès-verbal est adopté.) M. DuJ>ont (de Nemours) lit le procès-verbal de la séance du jeudi 29 de ce mois, au matin. M. Utegnâud (de Saint-Jean-d’ Angély) propose d’ajouter au décret rendu pour l’examen des réclamations de l’ordre de Malte, une disposition portant que le comité de Constitution aura pour adjoints, dans cette affaire, deux membres du comité des affaires étrangères. Cette proposition est adoptée et le décret suivant est rendu : « Il sera adjoint au comité, nommé hier, pour faire à l’Assemblée un rapport sur l’ordre de Mal te, deux membres du comité, dont on a décrété aussi hier la nomination pour examiner nos traités et nos relations politique, avec les puissances, et en rendre compte à l’Assemblée. » M.BouttevilIe-Dumetz, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au soir. Plusieurs membres demandent que M. l’abbé de Barmond soit désigné par son nom propre* celui de Perrotin. M. Dupont (de Nemours). 11 me semble qu’on pourrait dire : M. Perrotin, dit ci-devant l’abbé de Barmond. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. tin membre dit que l’abbé de Barmond avait pris un passeport pour lui et deux domestiques. M. l’abbé Gouttes. En ce cas, les deux domestiques pourraient bien n’être que ses deux compagnons de voyage. M. Rewbell. Vous avez décrété que le sieur Riolle, détenu dans les prisons de Lyon, serait conduit à Paris. Je demande que le particulier qui a été arrêté avec lui soit également traduit en justice. (Cette proposition est adoptée.) M. Merlin. Je viens d’apprendre que les ci-devant états du Gambrésis sont toujours en fonction et qu’ils refusent de les cesser, quoique la nouvelle administration soit en activité. Je demande que M. le Président soit autorisé à se retirer par devers le roi pour le prier de donner les ordres nécessaires pour faire cesser ces fonctions qui sont en opposition avec vos décrets. M. d’Estoufrmel. J’ai également à faire une proposition, c’est que le comité des finances présente, au premier jour, un décretsur le payement des frais des assemblées bailliagères dont l'ajournement a été prononcé le 4 juin, jusqu’après la formation des assemblées de département et de district. J’appuie, en môme temps, la motion de M. Merlin. M. Dupont (de Nemours). J’ajoute que les anciens corps administratifs doivent remettre tous leurs papiers, en bon ordre, aux assemblées de département. La motion de M. d’Estourmel est renvoyée au comité des finances. Celle de M. Merlin est décrétée en ces termes : « L’Assemblée nationale charge son président de se retirer par devers le roi, pour supplier Sa Majesté de donner des ordres aux ci-devant états du Gambrésis de cesser, dès ce moment, toute fonction, conformément au décretdu 22 décembre 1789, concernant la formation des assemblées administratives, et de remettre incessamment, sous inventaire, au directoire du département du Nord, tous les titres et papiers afférents à l’administration du Gambrésis. » M. Guillotin, au nom des commissaires des bureaux. Les archives de l’Assemblée s’étendent tous les jours et le local qui leur a été primitivement affecté est tout à fait insuffisant. Le dépôt des archives doitêtre permanent, afin d’éviter le danger de déplacements continuels. D’autre part, on se plaint des retards du service de l’ imprimerie Baudouin ; ces retards disparaîtraient en partie, si on lui accordait un emplacement plus vaste qui lui permît d’avoir un personnel plus nombreux. Vos commissaires ont considéré que les maisons religieuses des Jacobins et des Récollets, qui ont des bibliothèques très précieuses, allaient disparaître et qu’il y avait intérêt à les réunir dans un local spacieux : ils vous proposent donc d’affecter à ces divers usages la maison des capucins de la rue Saint-Honoré qui présente les moyens de remplir l’objet déterminé par les circonstances que je viens d’énoncer. J’ajoute que la garde placée autour de l’Assemblée veillerait également sur lé bâtiment qui serait affecté à votre usage. M. de FoIIeville. Je demande ce que vous feriez du jardin des capucins, par qui il serait