158 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] par la France dans les diverses partie du globe, et ce sont ces lettres de change qui ont fait passer en Angleterre une partie si considérable du numéraire en or qui existait dans le royaume, et qui aujourd’hui dans la banque d’Angleterre porte les empreintes de cette couronne, et a relevé ses moyens d’une manière aussi incompréhensible après la guerre désastreuse que cette nation venait de terminer. « J’ai cru, dit lord Landson, qu’il fallait sacrifier un peu de gloire, qui ne pouvait pour la nation avoir aucune utilité réelle, à l’avantage certain de relever ses finances épuisées, de lui rendre un numéraire quelle n’avait plus. » Il savait, ce ministre, qu’en signant le traité, sa chute était inévitable; il l’a signé, et pourquoi? c’est qu’en effet l’intérêt public l’animait, et qu'il tenait peu à une place qui n’a d’attrait que dans un pays où la nation n’est rien et les ministres des hommes absolus. L’ administration en France Fit encore à cette époque une faute qui n’a pas peu contribué à relever les finances de l’Angleterre, de se charger du solde de l’Espagne avec plusieurs nations, en échangeant l’argent qui se fabriquait dans les monnaies de France, pour faire ce solde contre du papier qui, retiré par l’Angleterre et pour des marchandisses, lui a valu un numéraire considérable, au payement fait en France de ces lettres de change. Si l’on voulait énumérer toutes les fautes faites par l’administration des finances en France, dix volumes suffiraient à peine pour en faire le tablaeu. ( N° 19) Cette disposition serait le plus sûr moyen de faire tomber l’intérêt des fonds puisqu’ils prendraient infailliblement le taux des fonds publics, que l’on préférerait au prêt avec un gage certain même à taux d’intérêt modique lorsqu’il assurerait de recevoir ses fonds, chaque année. (N° 20 et 24) « La priorité que l’on propose « en faveur de la banque serait injuste, ainsi que « l’est aujourd’hui, celle qui est établie en faveur « des deniers royaux, car qui pourrait savoir « pour quelle somme la banque pourrait avoir « escompté d’un individu? toute hypothèque « deviendrait une caution incertaine, pour ne pas « dire nulle. » Cette priorité ou privilège qui existe aujourd’hui en faveur des deniers royaux n’a lieu, en effet, que parce que ces deniers appartiennent à la nation; ceux de la banque appartenant de même à cette nation, doivent avoir le même avantage ; j’ajouterai qu’il est d’autant plus intéressant de le lui conserver, que ce sera le moyen décisif pour engager tous les capitalistes à verser tous leurs fonds dans les caisses de la banque, premier objet que je me suis proposé dans cet établissement de banque. (N° 22) En effet, dans tous les temps le commerçant bien famé pourrait se procurer à quatre pour cent toutes les sommes nécessaires aux spéculations auxquelles il voudrait se livrer. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Seance du samedi 21 novembre 1789 au matin (1). M. Rabaud de Saint-Etienne, l'un des (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. secrétaires , donne lecture du procès-verbal de la séance de la�veille. Il lit ensuite les adresses, savoir : Adresse de félicitations, remerciements et adhésion des habitants de Guerlesquin en Bretagne et de plusieurs paroisses voisines qui [demandent une justice royale. Adresse du même genre de la baronnie deMon-tignac, composée de vingt et une paroisses. Adresse de la ville de Cuiseaux, qui présente à l’Assemblée nationale le tribut de son nommage, en l’assurant d’une obéissance entière pour l’exécution de tous ses décrets. Adresse du même genre du comité permanent de la ville de Lavalette en Angoumois. 11 adhère notamment au décret de l’Assemblée nationale concernant la contribution patriotique, et la conjure de hâter ses travaux pour rendre le calme intérieur à tous les citoyens. Adresse du même genre de la ville de Darney en Lorraine ; elle demande l’établissement dans son sein d’un district ou chef-lieu d’arrondissement. Adresse du même genre de la ville de Dôle en Franche-Comté; elle réclame une cour supérieure de justice, et d’être, à l’avenir, le chef-lieu d’un département. Adresse du même genre de la commune de Dijon ; elle espère que l’Assemblée fixera dans son sein des établissements nationaux capables de lui offrir des ressources qui la mettront à l’abri des révolutions politiques. Adresse du même jour des électeurs du bailliage principal de Dijon; ils réclament avec instance l’exécution pleine et irrévocable des arrêtés du 4 août et jours suivants. Adresse du même genre de la ville de Pont-de-Veaux en Bresse. Elle expose que s’étant conformée, avec une soumission respectueuse, aux décrets de l’Assemblée nationale, relatifs à la libre circulation des grains, elle est sur le point d’en être entièrement dépourvue, parce qu’elle a fourni presque seule, depuis la récolte, l’approvisionnement de la ville de Lyon, qui ne peut recevoir des subsistances de la Bourgogne, par la désobéissance de plusieurs villes riveraines de la Saône qui arrêtent journellement les bateaux de blé destinés pour cette grande ville; elle réclame le pouvoir de l’Assemblée nationale contre ces villes rebelles. Elle fait en outre le don patriotique d’un contrat de rente., sur l’hôtel-de-ville de Paris, de 4 à 500 livres. Délibération de la ville d’Orthez, l’une des principales villes du Béarn qui, en confirmant celle du 4 septembre, déjà adressée à l’Assemblée nationale, porte l’adhésion la plus formelle et la plus absolue à tous les décrets pris et à prendre par l’Assemblée nationale, et la renonciation à tous ses privilèges. Il est également pris des mesures pour fixer et distinguer les secours patriotiques. M. Bailly, maire de Paris , demande pour la ville l’autorisation d’accepter le don qui vient de lui être fait de la bibliothèque de l’abbaye de Sainte-Geneviève. M. Muguet de Manthou. L’offre des Géno-véfains ne peut être acceptée en ce moment; ce serait un exemple dangereux. Sans contredit l’emploi qu’ils font d’une propriété aussi précieuse est très-convenable ; mais n’est-il pas certain que, d’après votre décret, la disposition en appartient à la nation? Je propose l’ajournement de cette question. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 novembre 1789.] |gg M. Target. Je demande que la bibliothèque reste provisoirement en dépôt dans les mains de MM. de Sainte-Geneviève. (L’ajournement mis aux voix est prononcé.) M. le baron Mahy de Cormeré demande à être admis à la barre pour expliquer à l’Assemblée un plan de finances. Plusieurs membres demandent que M. de Gor-meré soit entendu. M. le comte de Castellane. Le temps de l’Assemblée est précieux, et tout ce qui est de nature à ralentir ses travaux doit être soigneusement évité. Je demande, en conséquence, que le plan de M. de Cormeré soit imprimé, qu’il soit renvoyé au comité des finances qui l’examinera et en fera rapport. Cette proposition est mise aux voix et adoptée. {Voir aux annexes de la séance le plan de finances de M. de Gormeré.) M, Darche, député d’Avesnes, demande un passe-port pour un voyage de quinze jours. Le passe-port est accordé. La commune de Sisteron se plaint de ne pas recevoir les décrets de l’Assemblée nationale. Les députés de Nîmes et de Montargis formulent la même plainte au nom de leur province. M. Rabaud de Saint-Etienne dit que dans sa province beaucoup de municipalités n’ont pas encore reçu divers décrets de l’Assemblée, notamment les arrêtés du 4 août, tandis que la loi martiale y a été très-exactement publiée. M. de Robespierre. Des troubles agitent le pays et des semences de guerre civile sont jetées dans les esprits par les ennemis du bien public. Pour déjouer toutes ces manœuvres, il est indispensable qu’un concert s’établisse entre l’Assemblée et les ministres du Roi. M. Rabaud de Saint-Etienne, Je propose le décret suivant : « Il sera nommé un comité de quatre membres, chargés de communiquer avec le garde des sceaux et les secrétaires d’Etat ayant le département des provinces, pour s’assurer de l’envoi des décrets sanctionnés ou acceptés, prendre connaissance des récépissés qui constatent cet envoi et rendre compte à l’Assemblée. » M. le marquis de Eoucault de Eardinalic. Je réclame la question préalable. La question préalable est mise aux voix et rejetée. La motion de M. Rabaud est ensuite mise aux voix et adoptée. M. Mounier, député du Dauphiné , écrit au président et envoie sa démission. Il ajoute qu’il sera prochainement remplacé par un suppléant. — La démission est acceptée. M. Rouche, organe des députés de Provence, renouvelle sa motion pour la restitution de l’Etat d’Avignon et du Comtat-Yenaissin.— L’Assemblée autorise l’impression du mémoire ( Voyez ce document annexé à la séance de ce jour). Un membre a observé que le tribunal du Châtelet, nommé provisoirement pour juger les accusations de crimes de lèse-nation, paraissait négliger les poursuites dont il était chargé, notamment sur l’affaire du sieur évêque de Tré-guier. L’un des commissaires du comité des recherches a demandé la parole pour deux heures après midi sur les travaux du comité. M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance du soir ainsi que les nominations à faire dans les bureaux tant pour le président et les secrétaires que pour des membres de plusieurs comités. M. le Président annonce que, conformément au décret d’hier, le plus grand nombre des députés a remis ses boucles sur le bureau, que plusieurs religieux qui n’en portent pas ont remplacé cette contribution par une somme équivalente en argent, et que plusieurs personnes qui assistent à la séance dans les galeries publiques viennent de joindre leur offrande à celle de l’Assemblée. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le projet au ministre des finances , tendant à convertir la caisse d’escompte en banque nationale. M. le comte de Castellane. Je n’examinerai ni les torts de la caisse d’escompte, ni ses droits à notre reconnaissance. Je dirai seulement que je ne crois pas que la révolution soit sortie de ses bureaux, et qu’une banque ne pouvant exister que par la confiance, si l’on a retiré la confiance à la caisse d’escompte, il ne lui reste d’autre ressource que sa liquidation judiciaire; que je ne crois pas non plus qu’il suffise, pour délibérer, de la lecture du plan de M. Necker. Les inconvénients de ce plan sont faciles à apercevoir; on pourrait en trouver à chercher le crédit dans une caisse qui manque de crédit, à encombrer cette banque de 170,000,000 de res-criptions, quand elle est déjà surchargée d’effets publics; on pourrait en trouver à l’influence de ce projet sur les charges, à cet intérêt de six pour cent que la nation garantirait aux actionnaires ..... Le premier ministre des finances, sacrifiant l’amour-propre d’auteur, désire que vous cherchiez un autre plan. Quel que soit celui que vous adoptiez, il faudra toujours payer les actionnaires ..... 11 sera nécessaire, avant que de prendre un parti, de connaître l’état actuel de la caisse d’escompte ; c’est dans cette vue que je propose les dispositions suivantes : L’Assemblée nationale charge son président de faire au premier ministre des finances les questions que voici : 1° Les actionnaires de la caisse d’escompte ont-ils consenti au plan proposé par M. Necker? 2° Quelle est la totalité de ce qui est dû par le Trésor royal à la caisse d’escompte? 3° Quelle est la totalité des sommes dues par les particuliers à la caisse d’escompte? 4° A combien montent les effets royaux qui y sont déposés, et quelles sont les raisons de ce dépôt? 5° Quel est le montant des dettes de cette caisse? 6° Quelle est la masse des billets mis en circulation? L’Assemblée nationale demande qu’il lui soit fait rapport de tous les plans présentés au comité des finances, afin de les comparer avec celui du ministre. M. Eecouteulx de Canteleu rend compte d’une délibération par laquelle la caisse d’escompte demande à faire connaître son état au