218 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE mais seulement d’inculquer aux élèves un mode simple et clair de se servir des livres élémentaires qui par les soins que l’on y avoit mis, feroient les trois-quart de l’éducation.] (106) COLLOT D’HERBOIS : Si le terme est trop court, l’instruction sera imparfaite; si vous le prolongez vous ne satisferez pas à l’impatience de tous les citoyens qui vous demandent cette instruction. Je ferai une observation que je soumets au comité lui-même ; je crois pouvoir remédier au double inconvénient que je vois à craindre. Il faut que les besoins les plus pressants soient satisfaits les premiers. Je serai donc d’avis que l’on choisît parmi les élèves instructeurs qui seront envoyés aux écoles normales ceux qui auront montré le plus de sagacité ; à mesure qu’ils seraient suffisamment instruits d’une partie des sciences qui doivent composer les cours de ces écoles, on les renverrait dans leurs départements pour y former de nouvelles écoles, et on les ferait sur-le-champ remplacer ici par d’autres élèves ; de cette manière, la propagation de l’instruction serait infiniment plus prompte. Je voudrais que ce remplacement eût ainsi lieu jusqu’à l’entier achèvement des cours des écoles normales. THIBAUDEAU : L’observation du préopinant part d’une base qu’il a supposée et qui n’existe pas dans le projet du comité. Il ne s’agit point de plusieurs cours sur diverses sciences, mais d’un cours unique sur la meilleure manière d’enseigner ce qui doit faire l’objet des écoles primaires, comme la lecture, l’écriture, l’arithmétique et la morale. Or ces points d’instruction ne peuvent être divisés sans inconvénients. En effet, si l’on renvoyait dans son département un élève qui n’aurait appris qu’à enseigner à lire, le but ne se trouverait pas rempli. Je pense au reste que le terme est trop court. On peut adopter celui que le comité propose, sauf à le prolonger ensuite. COLLOT D’HERBOIS : Les observations de Thibaudeau ne détruisent pas les miennes... Plusieurs membres : Aux voix l’article! GRÉGOIRE : Je crois qu’il vaudrait mieux ne point fixer de terme. L’expérience nous éclairera là-dessus, il sera toujours temps d’y revenir. Cet amendement est décrété. Le projet de décret est adopté en entier en ces termes (107) : Un membre [LAKANAL], au nom du comité d’instruction publique, fait un rapport sur l’établissement des écoles nor-(106) Mess. Soir, n° 804. (107) Moniteur, XXII, 388-389. Débats, n° 767, 571-572; J. Mont., n° 17 ; Rép., n° 40 ; J. Perlet, n° 767 ; Ann. Patr., n° 668 ; Ann. R. F., n° 39 ; Mess. Soir, n° 804 ; J. Fr., n° 765 ; C. Eg„ n° 803; J. Univ., n° 1799; F. de la Républ., n° 40; M. U., XLV, 156. males et présente à la suite un projet de décret qui est adopté ainsi qu’il suit : La Convention nationale, voulant accélérer l’époque où elle pourra faire répandre d’une manière uniforme, dans toute la République, l’instruction nécessaire à des citoyens français, décrète : Article premier. - Il sera établi à Paris une école normale, où seront appelés, de toutes les parties de la République, des citoyens déjà instruits dans les sciences utiles, pour apprendre, sous les professeurs les plus habiles dans tous les genres, l’art d’enseigner. Art. II. - Les administrations de district enverront à l’école normale un nombre d’élèves proportionné à la population : la base proportionnelle sera d’un pour vingt mille habitans; à Paris les élèves seront désignés par l’administration du département. Art. III. - Les administrateurs ne pourront fixer leur choix que sur des citoyens qui unissent à des moeurs pures un patriotisme éprouvé et les dispositions nécessaires pour recevoir et répandre l’instruction. Art. IV. - Les élèves de l’école normale ne pourront être âgés de moins de 21 ans. Art. V. - Ils se rendront à Paris avant la fin de frimaire prochain; ils recevront pour ce voyage, et pendant la durée du cours normal, le traitement accordé aux élèves de l’école centrale des travaux publics. Art. VI. - Le comité d’instruction publique désignera les citoyens qu’il croira les plus propres à remplir les fonctions d’instituteur dans l’école normale : et en soumettra la liste à l’approbation de la Convention; il fixera leur salaire de concert avec le comité des Finances. Art. VII. - Ces instituteurs donneront des leçons aux élèves sur l’art d’enseigner la morale et former le coeur des jeunes républicains à la pratique des vertus publiques et privées. Art. VIII. - Ils leur apprendront d’abord à appliquer à l’enseignement de la lecture, de l’écriture, des premiers élémens du calcul, de la géométrie pratique, de l’histoire, de la grammaire française, les méthodes tracées dans les livres élémentaires adoptés par la Convention nationale et publiés par ses ordres. Art. IX. - La durée du cours normal sera au moins de quatre mois. Art. X. - Deux représentans du peuple désignés par la Convention nationale, se tiendront près l’école normale, et correspondront avec le comité d’instruction publique sur tous les objets qui pourront intéresser cet important établissement. Art. XI. - Les élèves formés à cette école républicaine rentreront, à la fin du cours, dans leurs districts respectifs : ils ouvriront dans les trois chefs-lieux de canton désignés par l’administration de district, SÉANCE DU 9 BRUMAIRE AN III (30 OCTOBRE 1794) - N° 47 219 une école normale , dont l’objet sera de transmettre aux citoyens et aux citoyennes qui voudront se vouer à l’instruction publique, la méthode d’enseignement qu’ils auront acquise dans l’école normale de Paris. Art. XII. - Ces nouveaux cours seront au moins de quatre mois. Art. XIII. - Les écoles normales des départemens seront sous la surveillance des autorités constituées. Art. XIV. - Le comité d’instruction publique est chargé de rédiger le plan de ces écoles nationales et de déterminer le mode d’enseignement qui devra y être suivi. Art. XV. - Chaque décade le comité d’instruction publique rendra compte à la Convention de l’état de situation de V école normale de Paris, et des écoles normales secondes qui seront établies, en exécution du présent décret, sur toute la surface de la République (108). 47 Un membre du comité de Salut public [THURIOT] obtient la parole et dit : Représentans du peuple, Depuis quelques jours les ennemis du bien public répandent, dans l’intérieur, que l’armée des Pyrénées-Occidentales n’est pas dans un état imposant et qu’elle a reçu un échec considérable. Les Espagnols s’honorent aussi de victoires dans leurs papiers publics. Vous allez connoître la vérité et apprendre avec plaisir que les armes françaises sont toujours triomphantes. L’armée espagnole est en fuite devant l’armée des Pyrénées-Occidentales : sa déroute est complète; toutes ses lignes sont forcées; ses redoutes sont évacuées ou emportées ; deux mille cinq cents Espagnols sont restés sur le champ de bataille; deux mille cinq cents sont prisonniers. Nous avons pris cinquante pièces de canons avec leurs caissons, beaucoup d’effets de campement un grand nombre de fusils, des munitions de guerre et de bouche et plusieurs magasins de fourrage. Nous sommes en possession des fonderies d’Orbeycette et d’Eguy, estimées 25 à 30 millions. Nous sommes aussi en possession de la fameuse mâture royale d’Irati. Cette manière de répondre aux nouvelles mensongères est la seule qui convienne à des républicains qui ont juré de combattre jusqu’à la mort pour le (108) P.-V., XL VIII, 117-120. Rapporteur Lakanal selon C* II 21, p. 19. Moniteur, XXII, 389; Ann. R. F., n° 43; Rép., n° 49; M. U., XLV, 221-223. triomphe de la liberté et le bonheur de leur patrie (109). Voici les lettres (110) : Garrau et Baudot, représentants du peuple près l’armée des Pyrénées-Occidentales, aux membres composant le comité de Salut public. A Eguy, le 30 vendémiaire, l’an 3e de la République une et indivisible. L’armée des Pyrénées-Occidentales, citoyens collègues, vient de remporter sur les Espagnols une victoire complète, et remarquable autant par la bravoure ordinaire aux troupes de la République que par les difficultés qu’il a fallu vaincre pour arriver aux positions de l’ennemi. L’attaque a été faite sur une ligne de plus de quarante lieues, et par douze points différents, sur les montagnes les plus escarpées, et à travers les précipices les plus impraticables. Les Espagnols avaient ajouté aux obstacles de la nature toutes les ressources d’une fortification depuis longtemps préparée : chaque montagne était chargée d’une redoute, d’un camp retranché ; chaque passage, d’un fossé ou d’un chemin couvert ; l’ardeur de nos frères d’armes s’est partout frayé des chemins ; partout leur courage a franchi les retranchements et la baïonnette a détruit en un jour les remparts d’une année. La victoire a été à nous dans une circonférence de plus de quatre-vingts lieues ; de Lecumberry à Orchegayia, de Bedaritz à Oubiri, d’Eguy à Orbeycette, d’Ysoya à Aoyen et d’Attaniscar à Villa-Nova; partout l’Espagnol a été forcé et mis en fuite. Le résultat général de ses pertes porte les morts à deux mille cinq cents et à peu près autant d’otages. Le nombre en eût été plus grand, si la suite n’eût pas été précipitée, et surtout si nous eussions mieux connu les sentiers et les défilés ; un brouillard continuel d’ailleurs a beaucoup favorisé sa retraite; mais nous sommes restés maîtres de tous les postes, de cinquante pièces d’artillerie, de deux drapeaux, de quelques munitions de guerre et de bouche, et de plusieurs magasins de fourrages. L’ennemi a eu le temps d’en brûler un plus grand nombre. La belle mâture d’Irati, les superbes fonderies d’Eguy, et d’Orbeycette sont au pouvoir de la République ; ces deux établissements avaient coûté 32 millions à l’Espagne. (109) P.-V., XLVIII, 120-121. Moniteur, XXII, 383. Cette gazette indique que de vifs applaudissements, et des cris de Vive la République, interrompirent Thuriot. Bull., 9 brum; J. Mont., n° 17; Rép., n° 40; J. Paris, n° 40; J. Perlet, n° 767; Ann. Pair., n° 668 ; Ann. R. F., n° 39 ; Mess. Soir, n° 804 ; J. Fr., n° 765 et n° 766; C. Eg., n° 803 et 804; J. Univ., n° 1799; F. de la Républ., n° 40; Gazette Fr., n° 1032; M. U., XLV, 154-155 et 164-165. (110) Moniteur, XXII, 383-384. Débats, n° 767, 567-571; Bull., 9 brum; J. Mont., n° 17; Rép., n° 40; J. Paris, n° 40; J. Perlet, n° 767 ; Ann. Patr., n° 668 ; Ann. R. F., n° 39 ; Mess. Soir, n° 804; J. Fr., n° 765 et n° 766; C. Eg., n° 803 et 804; J. Univ., n° 1799 ; F. de la Républ., n° 40 ; Gazette Fr., n° 1032 ; M. U., XLV, 154-155 et 164-165.