SÉANCE DU 29 VENDÉMIAIRE AN III (20 OCTOBRE 1794) - Nos 7-9 303 Mutius Scaevola dépose sur l’autel de la patrie une somme de 200 L pour la construction d’un vaisseau et une de 150 L pour les victimes de l’explosion de Grenelle. Cette offrande est modique, il est vrai, mais cette société n’est composée que de citoyens peu fortunés, et c’est leur intention plutôt que la somme qu’ils déposent, qui doit faire le prix de leur offrande. Vive la justice! vivent les moeurs! vive la République! vive la Convention nationale! Suivent les signatures sur une page. 7 La commune d’Auxerre [Yonne] témoigne à la Convention nationale sa re-connoissance sur son Adresse au peuple, et l’engage à ne pas souffrir qu’aucune autorité rivale s’élève à côté d’elle, et jure de ne reconnoître d’autre autorité supérieure que la Convention. Mention honorable, insertion au bulletin (16). Maure lit l’adresse suivante : [Le conseil général de la commune d’Auxerre à la Convention nationale, du 24 vendémiaire an III] (17) Législateurs, Les plus vifs applaudissemens de nos concitoyens ont accueilli votre Adresse au peuple français; c’était l’élan sublime et naturel de la vertu rendant hommage à la vérité. Une proclamation solemnelle, faite par la municipalité dans tous les quartiers de la commune, a consacré ce monument de sagesse et de justice. Le Peuple toujours bon juge, quand il n’est point égaré par les intrigans, a apprécié les grandes vérités que lui disent ses représentai; et il se tiendra soigneusement en garde contre ces hommes outrés, qui, se disant exclusivement ses amis, ne chercheraient qu’à le tromper. Législateurs, l’esprit public est excellent dans cette commune ; le patriotisme y triomphe ; nous n’y connaissons d’autre guide que le pur amour de la liberté, d’autres principes que ceux de l’égalité, de la probité et de l’humanité, d’autre centre de réunion que la Convention nationale. Ces sentimens se sont manifestés par l’enthousiasme général, aux cris de vive la république! vive la Convention nationale! La plus douce émotion règne dans les coeurs depuis que vous avez aboli ce féroce système de terreur qu’on voulait propager jusques dans (16) P.-V., XL VII, 273-274. C. Eg., n° 799; J. Fr., n° 755; Mess. Soir, n” 793; M. U., XLIV, 458. (17) C 321, pl. 1348, p. 16. Bull., 29 vend. ; Moniteur, XXII, 291-292; Débats, n" 758, 431-432. nos fêtes. Un gouvernement populaire doit être à la fois fondé sur l’amour du peuple et sur la justice, et soutenu par la fermeté. Nous abhorrons également les noyeurs, les égorgeurs et les agitateurs. Le nom proscrit de roy n’a point été prononcé dans nos murs, comme l’a dit un journaliste ; s’il l’eût été, le Peuple, qui est toujours là pour maintenir la liberté, n’eût pas manqué de nous désigner les traîtres; et nous aurions fait alors notre devoir. Continuez, Législateurs, à déployer cette énergie active et imperturbable qui devient de plus en plus nécessaire pour déjouer toutes les trames des conspirateurs de milleformes dont nous espérons que l’existence ne sera pas longue. Restez fermes à votre poste et surtout ne souffrez pas qu’aucune puissance usurpatrice, s’élève à côté de la seule véritable puissance du peuple, la représentation nationale. C’est à elle que les plus chers intérêts de la République sont confiés. Elle seule est dépositaire de l’autorité, et nous n’en reconnaîtrons jamais d’autre. J. Robinet, maire, Poussard, agent national, Faultrier, secrétaire général et une demi-page de signatures. 8 Le citoyen Bochart, remplaçant par intérim le vérificateur-général, prévient la Convention qu’il sera brûlé aujourd’hui, au local des ci-devant Capucins, la somme de dix-sept millions en assignats, provenant des échanges, lesquels joints aux deux milliards quatre cent huit millions six cent quatre-vingt-trois mille livres déjà brûlés, forment un total de deux milliards quatre cent vingt-cinq millions six cent quatre-vingt-trois mille livres brûlés jusqu’à ce moment. Insertion au bulletin, renvoi au comité des Finances (18). 9 La société populaire d’Auxerre [Yonne] félicite la Convention nationale sur son Adresse au peuple, l’engage à ne pas souffrir qu’on avilisse les sociétés populaires, et l’invite à rester à son poste. Mention honorable, insertion au bulletin (19). (18) P.-V., XL VII, 274. Bull., 29 vend. J. Fr., n 755; J. Perlet, n” 757; M. U., XLIV, 458. (19) P.-V., XLVII, 274. F. de la Républ., n" 30; J. Fr., n" 755; Mess. Soir, n 793; M. U., XLIV, 458. 304 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [La société populaire d’Auxerre à la Convention nationale, du 26 vendémiaire an III] (20) Liberté ou la Mort Législateurs, Vous avez proclamé les vrais principes du gouvernement et de la morale publique. La gloire de la nation, ses triomphes militaires, sa prospérité intérieure, ses vertus reposent sur ces maximes étemelles. Recevez notre adhésion unanime. Quel contraste entre cette déclaration sincère et les manifestes équivoques des rois ou les déclamations hypocrites des tyrans que vous venez de renverser. Cet appel à l’humanité et à la justice doit être l’effroi des ennemis de la révolution, car ce sont eux qui les ont violés, ce sont eux dont la rébellion a embrasé l’Europe des feux de la guerre la plus générale dont l’histoire des hommes ait à conserver le souvenir. C’est pour vaincre eux et les ennemis qu’ils nous ont faits, que le sang de nos frères, de nos enfans, coule sur les frontières de l’Etat. Ah ! tous les sacrifices que la guerre impose, tous les malheurs qu’elle traine à sa suite, n’est-ce pas à eux qu’il faut les imputer. Ce sont eux qui dépréciaient la monnoie nationale, dispersaient les agens de révolte dans le midy, embrasaient des torches du fanatisme. Les départements de l’ouest, destinaient de sang froid les horreurs de la famine à une immense population. Partout poursuivis, vaincus, désarmés, désespérant du succès de leur audace, ils y substituent l’intrigue, ils veulent diviser les patriotes que le péril commun a rassemblés, et les écarter du centre de l’autorité nationale. Législateurs, ces projets concertés à Londres, tourneront à la honte de nos ennemis. Toujours ralliés à la voix de la Convention nationale, nous ne connaîtrons jamais d’autorité publique qui ne serait point émanée de son sein. Nous rivaliserons de respect et de confiance pour elle avec tous les patriotes de la République. C’est parmi nous que siègent ses plus ardents défenseurs. Elle ne comptera parmi les détracteurs des sociétés populaires que des amis impuissants et timides, ou plutôt que des ennemis secrets, que des hommes dissimulés qui n’ont jamais exprimé leur véritable pensée et qui cachent sous des noms empruntés, le dessein de proscrire l’égahté et d’avilir la démocratie. C’est nous qui sommes tous dévoués à la Convention nationale de fiance, parce que nous le sommes à la liberté publique ; qui sommes prêts à tout entreprendre, à tout braver, à verser notre sang pour la défendre contre les rois, leurs satellites et leurs agents; c’est nous qui la proclamons la première autorité légitime qui existe parmi les grandes nations de (20) C 322, pl. 1356, p. 5. Bull., 29 vend. ; Moniteur, XXII, 292; Débats, n* 758, 432-433. ce continent, et qui saurions tirer vengeance de toute atteinte portée à sa dignité. Restez, Législateurs, dans la courageuse résolution de faire triompher la justice et de fixer la morale publique. Effacez les ravages des haines et des factions, désarmez la vengeance personnelle, rappelez la nation au travail, aux arts utiles et à l’industrie ; proscrivez l’oisiveté corruptrice ; que le nom français soit autant honoré par l’éclat des vertus que par le succès des armes. Eclairez les patriotes sincères, ne souffrez pas qu’on avilisse les sociétés populaires; prévenez les égarements du zèle et repoussez toute mesure qui tendrait à la comprimer. Pardonnez à l’erreur, mais punissez les excès qui font frémir la nature, et qui souilleraient les pages de notre histoire. Gardez, jusqu’à l’époque de la ruine de nos ennemis, le poste que la patrie vous a confié, soyez l’effroy des rois et conservez la glorieuse habitude de renverser la tyrannie. Tels sont nos sentiments, nos opinions, nos voeux : le triomphe de l’égalité, la gloire du peuple français, et celle de la Convention nationale qui le représente. Les membres composant la société populaire d’Auxerre. Suivent deux pages de signatures. MAURE : Quoique cette société n’ait pas encore reçu le décret de la Convention nationale, qui ordonne que toute adresse soit signée individuellement, elle a néanmoins fait signer celle-ci par tous ses membres, selon la coutume; ce qui prouve qu’elle a toujours professé les principes qui ont suscité le décret de la Convention. La Convention décrète la mention honorable de cette adresse et l’insertion au bulletin de correspondance (21). [En achevant la lecture de cette adresse, Maure a observé qu’elle étoit signée individuellement par tous les membres de la société, quoique le décret de la Convention ne leur fut pas connu, puis il a fait l’éloge de l’excellente composition, et des principes orthodoxes de la société d’Auxerre, qui s’est toujours fait remarquer par dessus toutes les autres sociétés de la république, par son obéissance aux décrets de la Convention nationale et par son respect pour les autorités constituées. Mention honorable et insertion au bullletin à l’exception pourtant de ce qui est du fond du citoyen Maure.] (22) 10 La société populaire de La Ferté-Lou-pière [Yonne] félicite la Convention d’avoir terrassé les triumvirs, l’invite à écraser les malveillans, à rester à son poste, et à donner une interprétation à la question intentionnelle admise dans le code criminel. (21) Moniteur, XXII, 292; Débats, n° 758, 433. (22) Mess. Soir, n“ 793.