[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, qu’en vertu de permis des directeurs qui les délivreront sans frais, et ne pourront en refuser à personne. « 3° L’article 79 du bail des anciens Etats de Bretagne, est supprimé en ce qu’il a de contraire aux précédents décrets de l’Assemblée nationale. « 4° Aucun individu, aucune ville ou communauté, ne pourront, à l’avenir, prétendre droit de banc et étanche ; ce privilège demeure supprimé, sans exception, par le présent décret, sauf indemnité, s’il y a lieu, et ainsi qu’il sera vu appartenir. « 5° Les exemptions de devoirs ci-devant accordées, par l’article 33 du bail, aux concierges et buvetiers de divers tribunaux et de la chancellerie, sont également supprimées. « Art. 7. M. le président de l’Assemblée nationale se retirera très-incessamment vers le Roi pour demander à Sa Majesté la sanction du présent décret. » M. le Président lève la séance, et l’ajourne à lundi 14, à neuf heures du matin. lre ANNEXE. à la séance de l'Assemblée nationale du 12 décembre 1789. Mémoire historique et justificatif de m. le comte d’Albert de Rioms, sur l'affaire de Toulon (1). Je suis parvenu par quarante-six années de bons services, à la tête de mon corps. Le Roi m’a honoré du commandement de ses escadres, il m’a confié depuis cinq ans l’administration d’un de ses principaux ports, et les témoignages de bonté et de satisfaction que Sa Majesté m’a donnés en diverses occasions, me donnent le droit de croire que je ne me suis point montré indigne de la confiance qu’elle a daigné mettre en moi. Cependant, sans délit comme sans accusation, sans formes juridiques quelconques, j’ai été traité ainsi que les principaux officiers à mes ordres, comme si nous avions été convaincus des plus grands crimes. Outragés d’une manière qui n’a pas d’exemple, on a dû s’attendre que nous élèverions la voix pour nous plaindre. Oui, sans doute, nous devons le faire; mais avant que d’entrer dans le détail des injustices contre lesquelles nous avons à réclamer, il m’importe de remonter à l’origine des troubles qui depuis plus de neuf mois agitent la ville de Toulon. Je veux mettre sous les yeux demesjuges, etsurtoutsousceuxdu public, la conduite que j’ai tenue depuis le 23 mars dernier, époque du premier tumulte. On verra quels sont mes principes et si je m’ensuis départi; on jugera si l’homme qui, sans mission expresse, dans plusieurs occasions s’est toujours mis en avant pour maintenir l’ordre ou rétablir la tranquillité, et qui n’a jamais craint de s’opposer aux méchants qui cherchaient à les troubler, est un mauvais, un dangereux citoyen. J’ai rendu compte de ces troubles à mon ministre, dans un temps où ma conscience ne me laissait pas craindre que j’eusse (l)Le mémoire de M. le comte d’Albert de Rioms n’a pas été inséré au Moniteur. lra Série, T. X. [12 décembre 1789.] 529 jamais besoin de me justifier. Ces comptes sont authentiques; les originaux doivent exister dans les bureaux de la marine; je porterai d’ailleurs au soutien les témoignages de satisfaction et de reconnaissance, qu’en divers temps la municipalité de Toulon m’a donnés; on jugera par eux du cas qu’on doit faire des inculpations dont elle me charge aujourd’hui. Je vais donc commencer ma justification par l’exposé des comptes officiels rendus par moià l’occasion de la première émeute; ensuite je donnerai l’historique de tout ce qui s’est passé jusqu’à l’étonnante catastrophe du 1er décembre. Lettre à M. le comte de La Luzerne, du 24 mars 1 789. « Monseigneur, « Hier, dans l’après-midi, les rédacteurs des cahiers du tiers s’étant assemblés, il survint dans la salle de l’hôtel de ville, lieu de l’assemblée, quelques femmes qui s’écrièrent qu’il fallait assom mer M. Lan tier, ancien consul, l’un des rédacteurs et M. Baudin, secrétaire de l’hôtel de ville, et qui en cette qualité a la plus grande influence dans l’administration des revenus delà ville. Vainement les valets de ville voulurent faire sortir ces femmes dont le nombre devint bientôt plus considérable, et auquel quelques bommess’étaientjoints. On futde-mander du secours dans un poste voisin ; il en vint 8 soldats qui furent désarmés à l’instant et bientôt le trouble fut extrême. La générale fut battue; un des régiments qui composent la garnison se porta sur la place de l’hôtel de ville, pleine d’une populace effrénée qui disait vouloir absolument massacrer MM. Lantier et Baudin, réfugiés pour lors dans un cabinet dont on m’a assuré qu’un homme armé d’un fusil avait eu le courage de défendre la porte. Pendant ce temps, ou à peu près, un semblable attroupement eut lieu devant le palais épiscopal ; les mutins entrèrent dans les cours, s’emparèrent de la voiture de M. l’Évêque, la mirent en pièces et furent en jeter les débris dans le port; je ne sais point encore quels ont été les autres excès commis dans ce palais. Les mutins de l’hôtel de ville n’y trouvant plus rien à détruire (MM. Lantier etM. Baudin ayant, je ne sais comment, trouvé le moyen de leur échapper), furent à la maison du dernier, qu’il dégradèrent. Ils en arrachèrent jusqu’aux balcons et aux fers des fenêtres. Vous serez sans doute étonné, Monseigneur, que de pareils excès se soient commis dans une ville de guerre, où il n’y a pas moins de 3,000 hommes de troupes et un corps considérable d’officiers. Jesens que je me dois une justification, j’espère que vous la trouverez dans le détail particulier de la conduite que moi et tous ceux qui sont à mes ordres ont tenue. « J’étais sorti de la ville à 4 heures après-midi; à 5 ont vint me dire qu’on battait la générale, que les portes étaient fermées, et qu’il y avait ordre de me laisser entrer. On me dit en entrant que M. de Goincy me priait de passer chez lui; j’y courus : il me dit l’état de choses tel qu’on le lui avait rendu. MM. Lantier et Baudin étaient morts, disait-on. J’offris à ce commandant tous les secours qui dépendaient de moi : il avait déjà demandé qu’une partie des canonniers matelots fût se mettre en bataille sur le quai de la Patache. Je sortis sur-le-chamf) pour donner des ordres en conséquence, et après m’être assuré à la porte de l’arsenal que M. du Castellet y était, et qu’il avait six compagnies de nos canonniers I sous les armes, je m’acheminai vers l’hôtel de 34