482 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j f% Suit la lettre adressée à Merlin (de Thion ville), “par les citoyens Bemy Gury et Sébastien-Pierre Frutiaux (I). Les citoyens Sébastien-Pierre Frutiaux et Bemy Gury, ci-devant prêtres et maintenant officiers de * morale, an citoyen Merlin, député de la Mo¬ selle à la Convention nationale, et en son absence au citoyen Président de ladite Assemblée. Salut et fraternité. « Chambley, quintidi, 25 brumaire, l’an II de la République française, une et indi¬ visible. o Puisque le trône et l’autel s’étaient coalisés pour asservir les peuples, il faut, citoyen, que le premier écrase le second par sa cbute : il faut en effacer jusqu’au moindre vestige. Que les titres de la superstition religieuse subissent donc le même sort que ceux de la royauté et ses coad-jutrices dans la tyrannie! Il faut enfin tout régénérer. « Pénétrés de ces sentiments et d’horreur pour ce qui a fait le malheur de l’espèce humaine, nous t’envoyons nos lettres de prêtrise avec tou¬ tes celles qui ont rapport. Nous ne voulons d’au¬ tre dénomination que celle officier de morale ; d’autre titre que celui de républicain français ; d’autre considération que l’estime de nos con¬ citoyens. Désormais, nous ne voulons prêcher au peuple d’autre morale que celle des droits de V homme et du citoyen, d’autre culte que Y ado¬ ration en esprit et en unité de Y Etre suprême. Voilà les seules divinités que nous ferons et fai¬ sons adorer au peuple qui nous est confié; aux rêveries et aux fables de la Bible, nous substi¬ tuerons le culte simple et la morale sublime de Jésus-Christ, et de l’immortel Jean-Jacques Rousseau. «l Compte, citoyen, sur notre dévouement aux lois de la République; haine de la tyrannie et de la superstition, obéissance à la représen¬ tation nationale, voilà nos serments, nous les maintiendrons, tu peux en assurer la Conven¬ tion nationale. « Nous te prions de nous accuser réoeption des présentes et lettres y contenues, pour repré¬ senter à nos communes. « Salut. « Frutiaux, officier de morale ; Gury, officier de morale, à Sponville. « Notre adresse est : chez le eitoyen Duvilly, ibraire à Metz, rue Fournière, Moselle. » Extrait des registres des délibérations de la municipalité de Chambley et Bussière. Aujourd’hui quartidi, vingt -quatrième bru¬ maire, Fan deuxième de la République française, une et indivisible, s’est présenté Sébastien -Pierre Frutiaux, curé de la paroisse dudit Chambley, déclarant qu’il ne voulait plus d’autre dénomina¬ tion que celle d’officier de morale, et d’autre titre que la confiance et l’estime de ses concitoyens, déclare en conséquence qu’il envoie ses lettres de prêtrise et autres y adhérant à la Conven¬ tion nationale, demain vingt -cinquième jour de (l) Archives nationales , carton G 286, dossier 842. brumaire, et a signé sa déclaration dont il a-requis acte. Signé au registre : Frutiaux, officier de morale, et J.-M. Roger, secrétaire-greffier. Collationné aujourd’hui 25 de brumaire, Van II de la Bépublique, une et indivisible. J.- M. Roger, secrétaire greffier. Le citoyen Gury n’ayant pu produire ses let¬ tres, il promet vous les faire passer incessam¬ ment; eomptez-le toujours pour déprêtrisé. Frutiaux, officier de morale. Les représentants du peuple Lejeune et Roux, dans le département de l’Aisne, écrivent de Laon que par les mesures vigoureuses qu’ils ont prises ils oat fait avorter le projet de livrer ce départe¬ ment à l’Autriche. L’esprit public commence à se raviser ; déjà plusieurs prêtres ont renoncé à leur métier d’imposteurs et de charlatans, et l’arbre de la liberté a été planté aux cris de : Vive la Bépublique ! Insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre de Lejeune et Boux, représentants du peuple dans le département de V Aisne (2). S. -B. Lejeune et Boux, représentants du peuple dans le département de V Aisne, à la Convention nationale. « Laon, le 27e jour du 2e mois de l’an II de la République. « Le département de l’Aisne, citoyens collè¬ gues, était plongé dans la pins funeste apathie; tout était combiné par les malveillants et les fédéralistes, pour le livrer à PAutriehe, si les satellites des tyrans eussent eu quelques succès importants. Les mesures vigoureuses que nous ne cessons de prendre ont déconcerté cette ligue sacrilège; les nombreuses arrestations que nous faisons faire ont rompu leurs perfides combi¬ naisons. L’esprit publie commence à remonter à la hauteur des circonstanees ; déjà plusieurs prêtres ont renoncé à leur métier d’imposteurs et de charlatans. « Nous avons fait distribuer aux femmes et aux parents des braves défenseurs de la patrie qui se trouvent dans le besoin des secours pro¬ visoires; ee sont les aristocrates et les riches, qui n’ont donné aucune marque d’attachement constant à la Révolution, qui nous en ont fourni les moyens. « Plusieurs officiers municipaux de la com¬ mune de Soissons -se permettaient, de leur pro¬ pre autorité, sans aucune délibération de leur leur corps, d’arrêter les eourriers, de s’emparer de leurs dépêches et de retarder leur départ. Le sceau de la Convention nationale n’était pas même sacré pour eux ; nous les avons fait mettre (1) Procès-verhaux de la Convention , t. 25, p. 319. (2) Archives nationales, carton G 283, dossier 801 ; Bulletin de la Convention du IQe jour de la 3° dé¬ cade du 2e mois de Fan II (mercredi 20 no¬ vembre 1793). Aulard i Recueil des actes et de ta correspondance du comité de Salai public , t. 8, p, 492, [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j $ SoÿembVira? 483 en état d’arrestation et conduire à Mgcdité-sur-Marne ; nous pensons qn’il importe à la chose publique qu’ils soient promptement jugés, pour que des abus aussi criminels ne se renouvellent pas. « Nous espérons aussi faire, dans ce départe¬ ment, une riche moisson de toutes les guenilles sacrées. La voix de la philosophie et de la rai¬ son est plus forte que celle de l’imposture et du mensonge. L’empire des prêtres est détruit; et les droits imprescriptibles du peuple sont éternellement assurés. « Nous avons planté ici l’arbre de la liberté, aux acclamations des sans-culottes de Laon et de Paris. Cette fête a été brillante, en dépit des aristocrates qui étaient au désespoir; les airs ont retenti de chants joyeux, d’hymnes patriotiques ; on n’entendait que ces exclamations, si conso¬ lantes et si douces pour le cœur de l’homme libre ; Vive la République ! vive la Montagne ! Maine implacable aux tyrans et aux fanatiques! a Nous ne quitterons pas ce département sans l’avoir complètement purgé des aristocrates qui l’infectaient. « Salut et fraternité. « S. B. Lejeune; Roux. « P. S. Nous attendions à vous parler de l’arrestation que nous avons faite de Sainte-Foy, il y a quinze jours, ainsi que nous en avons instruit le comité de Salut public, que les ren¬ seignements dont nous avions besoin pour dé¬ couvrir ses complices nous fussent parvenus. Nous allons maintenant vous le faire passer sous bonne et sûre garde. « Notre collègue Dumont a dû voir avec plai¬ sir que nous avions rempli à l’avance la mis¬ sion dont vous l’aviez chargé. « Nos mesures sont également prises pour le changement de plusieurs membres des adminis¬ trations, et nous espérons déposer aussi à notre retour à Paris des objets dignes de figurer à l’Hôtel des Monnaies. » On insérera de même au « Bulletin » une lettre de Roux-Fasillac [Roux-Fazillac], représen¬ tant du peuple, qui donne à peu près les mêmes détails sur Périgueux et le département de la Dordogne (1). Suit la lettre de Roux-Pazillac, représentant du peuple dans le département de la Dordogne (2). Roux-Fazillac, à la Convention nationale. « Périgueux, le 23e brumaire de l’an II de la République une et indivisible. « Citoyens mes collègues, « Des intrigants et des prêtres ont un moment refroidi le patriotisme des citoyens de ce dépar¬ tement, et particulièrement de la commune de Périgueux; mais ces hommes, qui étaient dan¬ gereux, même dans le lieu de leur détention, (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 319. (2) Archives nationales , 'carton C 283, dossier 801. Aulard î Recueil des actes et de la correspondance du 'comité de Salut public , t. 8, p. 405. _ ont été transférés dans d’autres départements, et le thermomètre du patriotisme est remonté à sa première hauteur. « L’administration du département, fédérali-sée par le perfide Pépaud, est renouvelée ; celles des districts vont être épurées, et généralement tous les fonctionnaires publics, ou inciviques, ou fédéralistes, ou modérés vont céder leurs places à des citoyens plus dignes de les remplir. « La machine terrible inventée par Guillotin est en permanence. Un agent, un valet d’aris¬ tocrates, provocateur de la royauté, a supporté la peine due à son crime. « Mandarid, ancien commissaire du roi, con¬ tre-révolutionnaire et conspirateur reconnu, su¬ bira sans doute la même sort; il a été trans¬ féré de Bordeaux à Périgueux, et j’ai pensé que, pour imprimer la terreur dans l’âme de ses com¬ plices, il fallait qu’il fût jugé dans le lieu même où il avait cherché à exciter la guerre civile. « A mesure que le patriotisme reprend ici son énergie, la superstition s’affaiblit et s’éteint dans la même proportion, et le philosophe révolution¬ naire doit voir avec plaisir que dans ces pays, autrefois dominés par le fanatisme, l’empire des prêtres n’a pas survécu longtemps à celui des rois. « J’ai nommé des missionnaires d’un nouveau genre; ils vont dans les églises des campagnes recueillir les vases, ci-devant sacrés ; la collecte est déjà considérable, elle augmente chaque jour, à chaque instant. Elle paraîtra un jour, au moins en partie, à votre barre. On persuade aux faibles qui veulent encore des miracles, que le vin ne se change pas moins en sang dans un vase d’étain que dans un calice d’or. Ainsi, la Convention nationale peut croire que dans quel¬ ques mois tous ces petits monuments de la fourberie sacerdotale seront, si elle le veut ainsi, transformés en monnaie républicaine. « Mais que le culte de la liberté, qui n’est point une divinité factice, succède prompte¬ ment et dans nos temples mêmes, à ces vaines et ridicules parades qu’on y a jouées trop long¬ temps, que Marat et Pelletier soient désormais les saints que nous invoquions. « Le premier jour de cette décade, on a cé¬ lébré dans l’ancienne cathédrale de cette com¬ mune, en l’honneur de ces deux martyrs de la liberté une fête, en même temps simple et ma¬ jestueuse; une montagne escarpée en était la seule décoration, Pelletier et Marat la gravis¬ saient pour aller couronner la liberté et, arrêtés dans leur marche, ils succombaient sous le fer de leurs assassins. « Un jeune orateur, qui sans doute un jour brillera à la tribune du corps législatif, a loué ces deux grands hommes d’une manière digne d’eux, et la fête a été terminée par un feu de joie dans lequel une immensité de titres féo¬ daux ont été réduits en cendres. Autour de ce nouvel autodafé, ont dansé en chantant l’hymne à la liberté, les autorités et des députations des Sociétés populaires de tout le département. De semblables fêtes raniment en un jour l’esprit public pour longtemps. « Autant qu’il est en moi, j’ai cherché à faire aimer ici la liberté qui est incompatible avec les rois; mais quoique je n’y sois que depuis peu de jours, et que ce que j’y avais à faire ne soit pour ainsi dire qu’ébauché, vous me rappelez à mon premier poste, je m’y rends; cependant, je le dis avec vérité, le moment n’est pas encore venu de laisser ce département sans un repré-