086 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembre 1790.] PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 10 SEPTEMBRE 1790. Adresse de la ville de Lyon sur les assignats-monnaie, à V Assemblée nationale. Messieurs, les justes alarmes répandues sur notre place par la proposition qui vient d’être faite à l’Assemblée nationale d’une émission nouvelle de 1900 millions d’assignats, ne nous permettaient pas d’être indifférents sur les événements qui peuvent résulter d’un plan aussi destructeur du commerce en général, et particulièrement de celui de cette ville. Nous n’avons pas aussi perdu un instant pour en démontrer les nombreux inconvénients-, ils sont exposés avec détail dans le mémoire que nous adressons par ce même courrier, àM. Tour-naclion, notre député. Les moments étaient trop instants pour nous laisser le temps de vous en faire passer une copie; mais nous chargeons expressément M. Tournachon d’avoir l’honneur de vous la présenter de notre part. Quoique MM. les officiers municipaux aient déjà, Messieurs, réclamé votre appui pour le même objet, en mettant sous vos yeux les observations d’un grand nombre de nos négociants manufacturiers, il s’agit d’un intérêt trop majeur et trop général, pour ne pas nous presser de réunir nos sollicitations, et de recourir également à votre zèle pour faire accueillir avec bonté et les observations de nos manufacturiers et nos représentations particulières. Nous osons espérer, Messieurs, qu*en développant auprès de l’Assemblée nationale les connaissances particulières que vous avez de la nature du commerce de cette ville, vous le garantirez des maux qui font le sujet de ses craintes, et que tous les négociants de cette place devront ce nouveau témoignage de votre zèle à votre amour pour le bien et la prospérité de votre patrie. Nous sommes, avec respect, Messieurs, etc. Les maire, officiers municipaux, syndics et directeurs de la Chambre du commerce de la ville de Lyon. Signé : Palerne-Savy, maire, Dupont, neveu ; Bruyset, Giraud, Mongez, Falsan, aîné; P. Maupetit, Landan. Opinion de la chambre du commerce de la ville de Lyon , sur la motion faite, le 27 août 1790, dans l'Assemblée nationale, par M. RiQUETTl l'aîné (ci-devant DE Mirabeau), pour la liquidation de la dette exigible de l’Etat. Un projet inattendu, l’une des spéculations les plus vastes que puisse présenter l’intérêt d’une grande nation, i’extinction entière et subite d’une dette immense, accumulée pendant des siècles, fixe dans cet instant l’attention de l’Assemblée nationale; tels sont les rapports et l’influence de cette grande question, qu’elle intéresse également et l’Europe entière et l’universalité de toutes les classes de la société, et que, dans l’étendue du royaume, elle embrasse également et les créanciers de l’Etat et ceux qui ne le sont pas. Sans doute, on ne peut qu’applaudir à l’idée grande, vaste et simple de réduire à un seul titre, à une seule espèce de papier national, les titres nombreux et variés épars dans les mains de ceux qui ont pris ou acquis quelque intérêt dans les fonds publics; c’est le moyen le plus direct de reconnaître la dette nationale, une précaution sage pour rehausser le cours de ces effets, pour en ranimer la circulation; c’est rajeunir des titres dont on appréhendait la caducité. En leur ouvrant un emploi dans l’acquisition des biens nationaux, en n’y attachant qu’un intérêt très médiocre pour en mieux déterminer la destination, on provoquait, en accélérait une aliénation dont les circonslances sollicitent la prompte exécution; et l’Etat, en peu d’années, marchait d’un pas assuré à l’époque do la liquidation d’uue partie de sa dette. Ges effets transmissibles, substitués dans le commerce aux effets royaux, et revivifiés sous les auspices de la garantie nationale, eussent offert aux créanciers de l’Etat la facilité d’être négociés, échangés à meilleur prix, et réalisés à leur avantage. Nous ne sommes pas appelés à examiner jusqu'à quel point ces vues pourraient être favorables aux créanciers de l’Etat ; mais ce n’est plus eüx que regarde seuls la création d’un nouveau papier-monnaie , jusqu’à la concurrence de la dette exigible ; elle intéresse désormais tous les individus de la société; elle atteint, jusque dans sa chaumière ou dans son atelier, le pauvre qui a servi et qui sert l’Etat de ses sueurs ; et par une disposition dont les conséquences n’ont sans doute pas été prévues, elle associe l’indigent aux risques et aux pertes du capitaliste qui souvent, aidant la fortune publique du secours de son superflu, n’a cherché qu’à l’augmenter , ou s’est déjà récupéré par de longues jouissances. Témoins de l’alarme vive que la seule nouvelle de ce projet a répandue dans la seconde ville du royaume, et destinés à en être les organes, nous essayerons d’étouffer nos craintes, pour n’admettre dans cet écrit qu’une discussion froide et raisonnée des maux que nous devons prévoir. Cette ville est appelée plus que toute autre, à ressentir la commotion violente que nous appréhendons, par la fixité de l’époque de ses payements et par la rigueur avec laquelle ils s’exécutent ; elle se trouve précisément arrivée à l’ouverture de son payement d’août, et telle est l’organisation de son commerce alimenté par les fonds des capitalistes, que le seul mouvement d’appréhension d’une création indéfinie d’assignats, en fermant les canaux de la circulation, peut dès ce moment même décider de la défection totale de la place et de la chute de son crédit. Dès à présent, l’argent est demandé vainement à 4 0/0, remboursable dans les premiers jours d’octobre; on ne trouve point de fonds libres dans une ville opulente où le défaut de travail laisse l’argent sans emploi. Si les besoins impérieux du moment appellent vainement l’argent par l’appât d’un intérêt sans exemple, quelle gêne ne devait pas éprouver habituellement une ville où 10 millions d’espèces suffisent annuellement à peine pour le payement journalier du salaire des ouvriers, qui ne doit souffrir aucun retard et ne peut s’exécuter qu’en espèces ? Tel a été l’effet progressif de la seule introduction des premiers assignats, dans une ville ma-1 facturière où ils ont été accueillis avec empressement comme un moyen de revivifier le commerce et d’accélérer le payement des créances arriérées. Aucun discrédit n’a pu les frapper; leur conversion en espèces n’a acquis de prix que [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembre 1790.) $87 par celui qu’on a mis à l’argent dont la rareté a déterminé le cours excessif ; ils ont perdu, ils perdent aujourd’hui 4 à 5 0/0 contre espèces. Jusqu’à présent, le commerce s’est chargé seul de cette perte qui n’a influé ni sur l’ouvrier ni sur le consommateur; les négociants ont compté que la variation du cours de l’argent, plus abondant et redescendu à peu près à son taux ordinaire, remettrait bientôt un équilibre convenable entre la monnaie fictive et la monnaie réelle* Avant d’examiner, dans cet état de choses, quel. serait en général l’effet d’une introduction d’assignats-monnaie dont la quotité sextuplerait la première émission de 400 millions, cherchons le principe d’une disette qui n’existe que pour le numéraire effectif. La défaveur que nous éprouvons dans ce moment-ci dans la balance du commerce, qui définitivement ne peut être soldée qu’en argent ; la cherté des piastres, la nullité presque totale de leur extraction, qui provoquent la fonte de nos espèces d’argent ; l’éloignement des capitalistes les plus opulents du royaume, le séjour indispensable de notre numéraire dans l’étranger par le bénéfice qu’il trouve à payer dans l’intérieur de la France en assignats ; la méfiance qu’inspirent les grands mouvements de la Révolution aux capitalistes qui ont des fonds à disposer ; enfin, le bénéfice que présente l’écbange de l’assignat, sont autant de causes qui, indépendantes de la création des nouveaux assignats, se seraient peu à peu affaiblies par le laps du temps, et que l’admission de ce projet aggraverait encore, loin de les dissiper. Les premiers assignats répandus dans le commerce ont également été accueillis par le patriotisme et par la faveur de l’opinion : le commerce, toujours bon juge quand il apprécie ses sûretes et ses intérêts, a vu dans leur émission un moyen de plus de circulation, une hypothèque imposante dont la quotité ne laissait aucun doute : en calculant la proportion de 400 millions de papier mis en circulation avec la somme du numéraire effectif existant dans le royaume, le négociant a vu que ce papier-monnaie pourrait toujours être représenté; qu’il tiendrait momentanément, comme il y était appelé par sa destination, la place du numéraire égaré momentanément aussi dans les coffres de nos voisins. Trouverons-nous ici les mêmes rapports? Le numéraire effectif n’est la mesure et la représentation de toutes les autres valeurs, que parce qu’il a lui-même une valeur indépendante de cette représentation; jamais, à cet égard, le papier-monnaie ne peut remplir ses fonctions ; jamais il ne peut représenter les valeurs elles-mêmes : il ne peut êire que la représentation du signe qui leur a été affecté. G’est ainsi que les billets des banques étrangères, ceux de la caisse d’escompte, quand elle payait à bureau ouvert, ont été mis en circulation avec succès; et tant que la conversion du billet en espèces a ôté prompte et facile, la confiance la plus entière a suivi des effets qui, par cette transmutation subite, se prêtaient ainsi à toutes les convenances et à tous les besoins du possesseur. Ici, ce n’est plus un numéraire effectif que les nouveaux assignats vont représenter ; c’est une masse d’immeubles, des terres éloignées, dispersées, qu’une aliénation forcée va dégrader, qui ne se réaliseront qu’avec lenteur, que les acquéreurs hésiteut à marchander, jusqu’à ce qu’ils connaissent l’impôt qui doit peser sur leur possession : comment des assignats qui ne pourront se réaliser que par des moyens placés dans un avenir éloigné, et dont l’effet successif, échappant aux yeux des porteurs, n’entretiendra pas leur confiance comme la transmutation journalière et réciproque de l’argent et du papier-monnaie; comment disons-nous, de semblables effets ne portant aucun intérêt n'éprouveraient-ils pas, dès leur naissance, une perte énorme? la solidité de leur hypothèque dispenserait-elle et de la perte des intérêts et des variations que les convenances apporteraient au prix de leur acquisition? Cette perte indispensable, amenant à sa suite un discrédit absolu, entraînerait avec elle la ruine du plus beau royaume de l’univers. Législateurs de la France, dépositaires des pouvoirs et des intérêts d’une nation libre, mais esclave de l’honneur, vous n’avez fait qu’exprimer son vœu, en mettant les créanciers de l’Etat sous la sauvegarde de l’honneur et de la loyauté française. Vous ne tromperez ni leur attente ni celle de la nation qui a ratifié avec tant d’empressement rengagement que vous avez pris en son nom : vous ne souffrirez pas qu’un payement illusoire anéantisse le droit des créanciers de l’Etat sans les avoir satisfaits; vous n’exposerez pas la nation, dont les intérêts vous sont confiés, au danger de voir interrompre le grand ouvrage de sa législation par la subversion totale et brusque de la fortune publique. Sans doute il est des intérêts que la création subite des nouveaux assignats pourrait favoriser : des capitalistes puissants, des agioteurs adroits, habiles à décréditer eux-mêmes les effets qu’ils veulent accaparer, peuvent agrandir leur fortune des désastres publics; leur voix insidieuse peut colorer de prétextes spécieux le plan proposé ; elle peut substituer à l’opinion publique les clameurs de leurs adhérents, mais elle n’ébranlera pas votre sagesse. Si dans une hypothèse plus favorable on suppose que les assignats qu’on propose de créer n’éprouvent ni perte ni discrédit, et qu’ils circulent au pair, concurremment avec le numéraire existant, comme si la facilité de leur conversion en espèces les eût établis à ce taux avantageux, voyons quels seraient les effets de l’introduction dans la circulation de deux milliards et demi de numéraire fictif, ajoutés à pareille somme de numéraire effectif. Le prix des denrées, des salaires et des marchandises s’établit partout en proportion de l’abondance, des reproductions et de la quantité de numéraire existant. Cette quantité vient-elle à doubler, le prix de toutes choses va croître en proportion? et par cela seul la chute des manufactures dans toute l’étendue du royaume est prononcée. Plus de concurrence possible avec la main-d’œuvre de l’étranger, et notre misère va naître de l’excès de notre opulence factice. Les dépenses de l’Etat, la solde des troupes suivront la même proportion, et lorsque vous assiérez l’impôt qui doit être supporté par la nation, vous serez effrayés de la nécessité de présenter à l’imagination d’un peuple déjà surchargé d’impositions, un fardeau double de celui qu’il eût dû supporter dans le moment présent. Mais cet effet si naturel à prévoir se combinera avec la perte et le discrédit des assignats proposés : bientôt la chute de nos manufactures amènera l’évasion dans l’étranger de nos commerçants eux-mêmes; la voix puissante de l’intérêt les y appellera, puisqu’ils pourront s’approprier avec tant d’avantage nos propres productions, en acquérant à vil prix, pour les payer, des assignats projetés, tant que le progrès successif de leur 688 [Assemblée nationale.) discrédit permettra cette lucrative spéculation, aidée de tout l’avantage que leur offrira le bénéfice d’un change défavorable pour nous. C’est en avançant rapidement à cette époque désastreuse que nous verrons le numéraire effectif se cacher, s’il est possible, plus profondément, et n’être plus remplacé que par un numéraire fictif et surabondant qui, répandu dans toutes les classes de la société, portera partout le désespoir et la misère. Délibéré à Lyon, en la chambre du Commerce de ladite ville, le 4 septembre 1790. Signé: Palerne-Savy, Dupont, neveu ; Bruyset, Giraud, Mongez, Falsan aîné, P. Maupetit. Par la Chambre , Morin père. Adresse des députés du département de Rhône-et-Loire, à l’Assemblée nationale. Messieurs, les négociants de la ville de Lyon nous ont adressé un mémoire sur la nouvelle émission d’assignats-monnaie. Comme cet objet intéresse essentiel lemen t les villes de manufactures qui sont dans l’étendue de notre département, nous croyons devoir soumettre ce mémoire à l’Assemblée nationale, et la prier de peser dans sa sagesse les observations qu’il renferme. JNous avons l’honneur de vous prévenir que nous adressons la copie du même mémoire à M. le Président de l’Assemblée nationale et à MM. les membres composant le comité des finances. Nous sommes, avec respect, Messieurs, etc. Les membres composant le directoire du département de Rhône-et -Loire. Signé : Vilet, président; Janson, Finquertin, Dumas le jeune, Devant, Charat, procureur-général-syndic ; Focard, secrétaire. Adresse des citoyens et négociants de Lyon , à l'Assemblée nationale. Messieurs, nous soussignés, citoyens et négociants de Lyon, croyons devoir porter à vos pieds nos réflexions et nos alarmes sur la proposition qui vous a été faite ü’une nouvelle émission d’assignats-monnaie, pour la somme de dix-neuf cents millions. On vous a dit, Messieurs, que la première émission de quatre cents millions d’assignats avait ranimé le crédit; que l’événement avait justifié la doctrine de ces assignats; que c’était une mine à épuiser. Il nous en coûte, Messieurs, de vous dire le contraire, et nous allons réfuter ces assertions par des faits de notoriété publique. Le crédit général dont la France est si digne, est si peu ranimé, que l’emprunt de 80 millions n’a pas pu se remplir, et que les effets royaux, dont la solidité ne devrait pas être la matière d’un doute, sont offerts à des prix tels qu’aucun commerce en marchandises ne présente de si grands bénéfices, et qui, si l’on voulait répondre que la malveillancedes aristocrates en est la seule cause,' nous demanderons pourquoi les étrangers n’achètent pas nos fonds publics :si le Génois, si tes Hollandais refusent de s’intért sser à un commerce aussi lucratif, nous croyons que le crédit n’est pas ranimé. Les assignats ont cours légal dans les provinces [10 septembre 1790.) depuis le commencement du mois de mai ; c’est une vérité inattaquable, qu’avant cette époque, l’argent nécessaire à toutes les transactions, circulait dans les provinces; les moments de rareté étaientcourts, les moments d’abondance n’étaient pas rares, et le taux de l’intérêt, toujours fort rapproché de 5 0/0 par an, tombait souvent au-dessous. Depuis la circulation des assignats, l’argent a disparu par degré ; il gagnait ici 2 0/0 le premier jour de juillet, à présent il gagne 5 0/0, et, à ce prix, nos manufacturiers n’en trouvent qu’avec des recherches très pénibles et toujours très inquiétantes. Nos rnlations avec les autres départements ne nous permettent pas de douter que l’argent n’y soit aussi fort rare et fort cher. Nous en concluons que la généralité des Français cache l’argent, et que la doctrine des assignats n’a pas été justifiée par l’événement. Si tel a été l’effet de la première extraction, à quoi devrait-on s’attendre, si l’on épuisait cette mine ? Non, Messieurs, nous l’espérons, vous ne vous déterminerez point à remplacer par un numéraire fictif le plus abondant numéraire réel de l’Europe. Nos monnaies doivent encore exister en grande partie; ce n’est point une pénurie réelle: vous n’avez à vaincre que la tête des hommes ; jamais la défiance ne pourra s’alimenter, quand la somme de nos revenus et de nos charges sera manifestée avec la dernière évidence, quand le bon ordre régnera tellement dans tout l’empire, que la perception ne pourra plus être regardée comme problématique. Certes, les biens nationaux qui servent de prétexte à la proposition d’inonder la France de papiers, sont une précieuse ressource; mais si nous ne l’avions pas, faudrait-il en conclure que la banqueroute est infaillible ? Serons-nous insolvables dans vingt ans, si nous avons vendu ces biens, et si des circonstances possibles nous ont mis dans le cas d’emprunter l’équivalent de leur prix? Alors, sans doute, l’honneur, le patriotisme et la raison nous fourniraient des ressources solids s ; nous en avons de pareilles dès à présent : sachons en user et nous ne languirons pas longtemps sous la détresse qui nous afflige. Le riche a besoin de prêter ; sa défiance ne tiendra pas contre son besoin, quand il aura l’opinion de sa sûreté. Nous ne devons pas négliger d’unir aux considérations générales les renseignements particuliers qui doivent, Messieurs, vous peindre Jes dangers des villes de manufactures de ce département. Lyon, Saint-Etienne et Saint-Chamont payent de grandes sommes par semaine et par jour, à une immense quantité d’ouvriers de tous les genres. il y a tel salaire qui ne se monte qu’à de petites sommes, comme 6, 9, 12, 15 livres; l’argent est indispensable pour cet emploi, et l’impossibilité d’y pourv oir, si elle était éprouvée simultanément par cinq ou six chefs de manufactures un peu occupées, exposerait à une insurrection dangereuse. Ces ouvriers sont pauvres, sans argent ; leur subsistance est compromise ; la faim ne peut pas raisonner; une sédition est toujours condamnable : mais de quel courage ne faudrait-il pas être pourvu pour sévir avec rigueur contre nés frères que la faim seule aurait rendus coupables ? Nous dirons avec vérité que les achats de blés ne se font presque généralement qu’avec de l’argent, et que les hommes des campagnes, assujettis ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 septembre 1790.] @eg à des dépenses de détail, refusent de vendre leurs denrées contre des assignats, soit qu’ils les apportent dans nos marchés, soit qu’on aille chez eux pour les acheter : nos maisons de charité sont par là exnosées à manquer des approvisionnements nécessaires. < Oq vous suggère, Messieurs, de diviser les assignats en petites sommes, jusqu’à vingt-quatre livres. Nous osons vous prédire qu’une telle division ferait disparaître le peu d’écus qui circulent encore. Vous le voyez, on recherche et on paye Iesassignatsde200etde300 livres: dans quelle vue? Dans la vue de donner en payement le moins d’écus possible. iSi nous n’avions que des billets de 1000 liv., les écus seraient moins rares. Si vous décrétiez des assignats de 24 liv., nous n’en verrions plus du tout; alors les ouvriers, qui ne peuvent s’en passer, seraient obligés, pour en avoir, de subir un cours d’échange d’autant plus usu-raire, que le métier de vendeur d’argent deviendrait plus à la portée de la classe des hommes la moins bien élevée; on ferait perdre sur un assignat, d’un louis deux fois plus que sur un assignat de 200 livres. Que deviendrions-nous, Messieurs, si vous décrétiez une plus grande émission d'assignats ? Que deviendraient les manufacturiers du Beaujolais qui déjà ne nous apportent plus leurs toiles, parce que nous n’avons plus d’écus à leur donner en payement? Et les matières premières si nécessaires à nos fabriques, comment pourrions-nous les acquérir? Déjà nous l’éprouvons depuis longtemps ; les Piémontais riches, ci-devant habitués à faire vendre ici leurs soies pour un terme fort long, ont changé de méthode; ils exigent le payement comptant, et il serait à craindre qu’ils ne voulussent plus nous les envoyer, si le discrédit des assignats augmentait encore. Dans nos provinces voisines, les propriétaires ne veulent pas vendre contre des assignats, et leur refus, fondé sur l’impropriété d’une pareille monnaie pour eux, les livre à la merci de tout possesseur d’écus qui voudra mettre un prix à leurs soies, ce qui peut, en peu de temps, décourager de s’adonner à la culture du mûrier et à l’éducation des vers. Nous vous supplions, Messieurs, de ne point vous laisser séduire par une idée qui offre le danger le plus évident pour le royaume, pour la Constitution et pour notre liberté ; par une idée qui, sous l’apparence d’une liquidation commode et sans embarras, cache le germe de toutes les commotions et de mille injustices pour les créanciers de l’Etat, qui ne pourraient pas acheter les biens nationaux. Il ne nous appartient pas, sans doute, de traiter la grande question des créanciers de la dette exigible; nous nous bornerons à dire que les ressources de ce royaume sont immenses: votre comité des finances ne vous laisse à cet égard aucun doute. Vous avez requis M. Necker de vous proposer ses plans, et nous ne balançons pas à croire que la réunion des lumières et du patriotisme, la parfaite intelligence de votre comité avec le premier ministre des finances ne rappellent promptement ce crédit dont les plus grands empires ne peuvent plus se passer, et ne lassent jaillir des moyens non moins calqués sur les lois de la morale que sur celles de la nécessité du moment, pour satisfaire les créanciers. Nous présumons trop bien de leur patriotisme, pour ne pas croire qu’ils supporteront sans murmurer le court délai que nous supposons néces-1M Série, T. XVIII. saire pour rappeler la confiance générale: alors, Messieurs, si le Trésor national ne peut pas encore rembourser, cent nouveaux prêteurs achèteront au pair une créance productive réputée solide, et qui pourra encore devenir attrayante par la préférence qu’on vous propose d’y attacher pour l’acquisition des biens nationaux; alors enfin nous serons affranchis des sollicitudes de tous genres qui nous obsèdent; toutes les diversités d’opinions s’affaibliront, et la France entière, couronnant vos travaux par une adhésion unanime, vous devra sa liberté et son bonheur. A Lyon, le 6 septembre 1790. Et ont signé ; Finguerlin et Scherer, P. Dubois-Boy-de-la Tour et compagnie, Paul Sain et fils, Gloira-Benavent et c., Odille, agent de change; Jean Conioux et c., Pillichody et Reboul, Miège l’aîné, P. Jordan, veuve de la Font, fils, et Roussel; Couderc père, fils et Passavant; La-pène, agent de change; Joseph Morel, agent de change; Augustin Miège, agent de change; Pierre Miège, F.-H. Landoz, Malechard, Paul Aulagnier, Duchard, Babou et Bouland, Pierre Morel, Ghevrottier et c., J.-B. Brun, JosephVidal, Porte l’aîné, Trollier, Alexandre Morel, les frères Dian et fils, Colas frères, Colomb et c., Le Bœuf frères, Jean-Joseph Miège, agent de change ; Louis Mounier, Viollet, Martinon frères et Lambert, Brossan, Braun, Bergasse frères et c. ; P. Galliat et c. , Dumoulin, agent de change; Lacostat aîné, Richard, Sain, Gostart et Pinet frères, Perrin et Gamel, Laugier et Gérard, Berger oncle, Garcin, Laveur et c., Jean-Louis Sabllé l’aîné et c., Monterrad, Gauget, Scerb et c., F. Jacquier, G. Gamel, Mémo, Ducailar, Pinch et c., Roche frères, Albert et c., Gassignol, agent de change; Charles Roi, Guyette et c., P. Gourajod et c., A. Sperafico, Ghabrier-Biolet et c., Seignoret frères, Ghirut père, fils et c., Finielz et fils et Beniqué; Fayolle, Jacquier, Bouquet et c.; Blasse, Serripuy et Romauet, Faure et Arnaud père et fils, Albert frères, Aubert, Labeaume, Perrinet et Girier, Parent père, fils, et Aprin; Bousquet, Viala et c. ; Picot, Fa-zy et c.; Pierre Olivier, Vegrin, Lieutaud et c.; Droliman et Duport, J.-L. Vernet, Joseph Gran-deau, Joseph Steinman, Tansar l’aîné, Bianchi et c.; Henri Jordan l’aîné et c. ; J.-G. Durand et Aataud, P. Jacquier, Gaulis et David, Perrin et Gamel, G. Lavater, Gh. Audiffret et c., Maurice et Ant. Giraud, Reverony frères, Giraud et Tournu, J.-Ant. Guyot et c., veuve Bardet, Recourt et c. ; Lanfrey, Giraudier, L. Sourdil-lon, Longue, Pellegrin et Vialletton, B. Goste père et fils, Dupont neveu et Danthoise, J.-J.- P. Reinaud, Gizeron, J.-P. Reinaud, Fulchiron frères, Recamin père et fils, G.-A. Vincent. Pour copie collationnée conforme à l’original, adressée à M. le président de l’Assemblée nationale. Signé , ocard, secrétaire du département de Rhône-et-Loire. 44