[26 décembre 1789.] 20 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. tumax, soit parce qu’il n’a pas comparu sur le décret; soit parce que, sur plusieurs co-accusés décrétés, il y en a seulement quelques-uns qui ont comparu ; soit parce que l’on est dans le cas de rendre une nouvelle plainte, et de faire une nouvelle information contre une personne qui n’avait point été comprise dans la première; soit, enfin, parce que l’accusé qui avait comparu, refuse ensuite de se présenter, ou prend la fuite. On a cru, ce semble, trancher la question, et rejeter la présence des adjoints dans tous ces cas, en proposant, par le comité de constitution judiciaire, un nouvel article conçu en ces termes : « Le rapport des procès instruits par contumace sera fait publiquement, et le jugement sera aussi prononcé publiquement. j> fit comme la publicité de la procédure est, suivant le rapport fait à l’Assemblée nationale, l’esprit et la base du décret des 8 et 9 octobre, la présence des adjoints devient inutile dans toutes les espèces proposées. La publicité de la procédure est la plus puissante sauvegarde de l’innocence, comme elle est le plus sûr garant de la vindicte qui intéresse la société. On convient que la publicité de l’instruction criminelle est une des portions fondamentales de la loi ; mais elle n’est pas la seule, et son esprit indique la nécessité de la présence des adjoints toutes les fois que les accusés absents seraient exposés à souffrir du défaut de leur assistance. On doit, en effet, supposer que la loi est disposée à ne pas plus sacrifier les accusés absents que les présents. L’auteur du rapport dit lui-même qu’il suffit que l’absence puisse être quelquefois excusable , pour que l'un ne puisse pas [ dire qu’elle rende l’accusé indigne de toute protection de la loi. Or, les accusés présents ont, indépendamment de l’avantage de la publicité, celui, d’être présents aux récolements, de pouvoir se défendre eux-mêmes, et d’avoir aussi des défenseurs. L’absent, au contraire, ne peut se défendre, puisqu’il est absent, et n’a point de défenseurs. Si les adjoints assistaient à l’instruction, ils pourraient, en leur âme et conscience, prendre les intérêts de l’absent, et faire des observations aux témoins dans le moment le plus important de la procédure, lors du récolement, même aux juges après le rapport. La publicité de la procédure est donc une considération insuffisante. Comment se ferait-il qu’en matière aussi grave, quand il s’agit de l’honneur et de la vie d’un citoyen, on le privât de cette ressource, tandis qu’en matière civile on veille aux intérêts des absents avec tant de soin? On reconnaît assurément que, dans l’esprit de la loi, les adjoints sont particulièrement établis pour être les représentants du peuple pendant la partie de l'instruction qui doit être secrète. Mais leur présence n’est pas réduite à jouer un rôle muet. L’auteur du rapport observe, avec toute vérité, que les adjoints ont aussi la double fonction de protéger l’innocence, et de s’opposer à l’indulgence qui épargnerait le coupable. Or, on le demande, si on instruit, si on juge les procès contumaces sans adjoints, si on se contente de le faire publiquement, le peuple sera bien présent; mais la loi ne donnant pas au peuple le droit d’observation au juge, l’absent sera sans protecteur s’il est innocent, et sans surveillant s’il est coupable. Cela arrivera publiquement, mais cela n’en sera pas moins contre l’esprit d’humanité de la loi, contre cet esprit de bienfaisance et de justice, qui est l’âme de la loi créatrice des adjoints. — L’absent peut être innocent, et le peuple verra qu’il est condamné sans être défendu; s’il est coupable, le peuple dira que s’il avait pu parler dans les informations, ou des adjoints pour lui, l’accusé n’aurait pas été renvoyé absous. Ainsi, les deux grands motifs qui ont fait désirer une procédure criminelle publique pourront être illusoires, soit pour l’intérêt particulier des accusés, soit pour celui général de la société, faute d’adjoints qui aient la faculté : 1° d’observer aux témoins dans les dépositions, et aux juges avant et après le rapport; 2° de répondre aux charges que les accusés présents chercheraient à faire tomber sur les absents; 3° enfin, de soutenir avec impartialité les intérêts des absents, qui, accusés incidemment dans une procédure publique, ne pourraient jouir de la protection accordée aux accusés présents. Quel inconvénient d’ailleurs, dans l’incertitude, y aurait-il d’appeler les adjoints à toute l’instruction de contumace ? Les juges sont, en général , trop animés du bon esprit de leur état pour trouver que cette assistance les contrarie. Les adjoints, de leur côté, ne murmureront sûrement pas non plus d’avoir des fonctions qui ajoutent à leurs travaux, puisqu’ils sauront qu’elles sont nécessaires et quelles les honorent. On ne peut apporter trop de soins, trop de vigilance et trop de veilles, pour rassurer les citoyens contre des surprises qui pourraient entraîner involontairement les juges à prononcer des jugements qui, quoique par défaut, auraient des suites évidemment funestes. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DÉMEÜNIER. Séance du samedi 26 décembre 1789 (1). M, Massieu, l’un de MM. les secrétaires , commence la lecture du procès-verbal de jeudi 24 décembre. Plusieurs membres demandent que la motion de M. de Gouy-d’Arsy, concernant le ministre de la marine, ne soit pas mentionnée au procès-verbal. M. de Foncault dit que M. le secrétaire est entré dans de trop longs détails au sujet des non catholiques et des comédiens. Par suite de ces réclamations la lecture du procès-verbal est renvoyée à lundi prochain. On fait lecture d’une adresse de la ville de Seure en Bourgogne ; elle contient félicitation à l’Assemblée nationale, adhésion à tous ses décrets; demande à être le chef-lieu d’un district et Je siège d’une justice royale. — Les députés envoyés par cette ville offrent, en son nom, le don patriotique de la somme de 3,377 liv. 17 s. 4 deniers. — M. le président, au nom de l’Assemblée, leur accorde la séance. M. Lesurc, député de Vitry et de Sainte - Menehould , demande qu’une erreur qui s’est (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 décembre 1789.1 21 glissée dans le procès-verbal du 10 décembre soit rectifiée, en ce qu’jd est dit que la somme de 3,734 livres provient des communautés de Florent et d’Annevaux; tandis que 1,709 liv. 11 s. 6 d. proviennent de la libéralité des citoyens; en con-séquence, il demande que l’article soit rédigé en ces termes : « Ensuite un député pour la ville de Sainte-Menehould a fait lecture d’une lettre du comité patriotique de cette ville, adressée à l’Assemblée nationale, et a offert un don patriotique de 3,744 liv. 11 s. 4 d. savoir : 1,709 liv. 11 s. 6d. en argent et effets provenant de la libéralité des citoyens, et 2,035 livres de celle des habitants et communautés de Florent et d’Annevaux, à toucher sur le prix de leurs bois, en vertu de délégations sur le receveur général des domaines et bois de la généralité de Champagne ; ce qui a été agréé par l’Assemblée. » Le même député offre également un don patriotique, de la part du comité de cette ville, de la somme de 1,495 liv. 6 s. 6 d. en argent et effets savoir : 595 liv. 16 s. 6 d. provenant de la libéralité des citoyens de la ville et de l’élection; 300 livres de celle des habitants de Vaudieulet, portée en leur délibération, dont il fait lecture; et 600 livres en une délégation des habitants de Braux-Sainte-Cohière, à toucher, sur le prix de leurs bois, du receveur des domaines et bois de la généralité de Champagne. Ce même député demande, au nom du même comité, que la liste des dons patriotiques qu’il représente soit imprimée avec l’extrait du registre des dons faits à l’Assemblée, ainsi que l’Assemblée l’a ordonné les 20 novembre et 10 décembre, lors des offres et dons faits par la même ville, ce qui est agréé et décrété par l’Assemblée; ainsique les listes des dons qui pourront être offerts par la suite dans le même comité. On annonce un don patriotique de la ville de Château-Ghinon. M. le duc de Mailly, député de Péronne, donne sa démission. M. de Folleville, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis pour le remplacer. Un membre demande qu’il n’y ait point d’assemblée pour le soir afin de pouvoir hâter le travail de la division des provinces ; l’Assemblée décrète qu’il n’y aura pas d’assemblée pour le soir. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. le contrôleur général, en ces termes : Paris, le 26 décembre 1789. « Je ne puis me dispenser, Monsieur, de vous demander avec instance de faire parvenir au plus tôt à la municipalité de Dreux, les intentions de l’Assemblée nationale sur la perception des impôts et des droits dépendants de la régie générale. Ces intentions ne sont pas douteuses ; elles sont très-connues et très-manifestées par l’Assemblée nationale à plusieurs reprises. Cette Assemblée a donné plusieurs décrets qui ordonnent formellement la continuation du payement de tous les impôts subsistants, jusqu’à ce qu’elle ait pourvu à la réforme de tout le système des impositions. Ce système présente certainement bien des motifs de désirer la réforme que l’Assemblée projette; mais l’Assemblée nationale sent que le changement de cette vaste organisation exige de la maturité et du temps, et qu’en attendant, il est essentiel que les sources de la subsistance du Trésor public ne se tarissent pas subitement, et elle a eu droit de compter que l’assurance même qu’elle présentait aux peuples de ses soins, pour leur procurer, d’une manière prochaine, un soulagement solide et compatible avec le soutien des finances publiques , exciterait, entraînerait, autant par sentiment que par devoir, l’acquiescement des contribuables à la continuation momentanée de leurs contributions ordinaires, Cependant, Monsieur, quelques municipalités ou comités administratifs de plusieurs villes se refusent absolument à l’acquittement des impôts, ou veulent en ramener dès à présent la prestation à des modes nouveaux de perception que chacune de ces villes veut se donner à elle-même, en refusant tout payement exigé dans les formes anciennes. Les unes veulent bien payer, mais pourvu que ce soit entre les mains de citoyens chargés du recouvrement, et non entre les mains de commis de la ferme ou de la régie; les autres ne veulent point payer les droits tels qu’ils sont établis, mais veulent les abonner dès à présent. Toutes ces nouvelles formes, précipitamment exécutées, entraîneraient, comme vous le jugerez aisément, Monsieur, des difficultés, des inconvénients, des non-valeurs inappréciables. Point de connaissance des lois, de la matière et des tarifs de la part des citoyens qui seraient chargés de la perception/au lieu des commis; point de garantie assurée du versement dans la caisse publique des deniers recouvrés par ces citoyens qui n’auraient jamais une solvabilité suffisante pour en répondre, et dont la solidité ne serait pas plus garantie par l’engagement de la municipalité même qui, dans la plupart des lieux, n’a point de revenus. Voilà pour la première proposition, de charger des citoyens au lieu de commis ; même inconvénient de défaut de sûreté du versement des deniers d’après u-n abonnement, ce recouvrement aux échéances convenues ne portant que sur la bonne foi des municipalités, partout où elles n’ont pas de revenus communs, et mille circonstances survenues pouvant même, sans compromettre leur bonne foi, les mettre cependant au dépourvu des sommes qu’elles se seraient engagées de verser dans le Trésor public. Il y a encore d’autres inconvénients inévitables, et par-dessus lesquels il n’est pas possible de passer, dans l’acceptation d’abonnements locaux. 11 est dans les perceptions de la régie générale des droits qu’il est indispensable, ou de percevoir en nature partout, ou d’abonner partout, mais qu’on ne peut pas percevoir en nature dans une ville, et suppléer par abonnement dans une autre ville : tels sont les droits sur les cuirs, sur les papiers et cartons, etc. L’une ou l’autre forme de perception, ou même l’alternative, au gré des. villes, pourrait être égale au fisc, mais ne le serait pas au commerce, parce que si les cuirs payent dans une ville, et ne payent pas de même dans une autre, le commerce des cuirs se détruira entièrement en peu de temps ; dans les premières, il ne s’y défendra quelque temps qu’à la faveur de la fraude, et tous les commerçants honnêtes en cuirs, dans ces villes, seront ruinés, ne pouvant pas soutenir la concurrence avec les autres. Les villes ou les comités, peu versés dans ces sortes de vues d’administration, n’aperçoivent. rien de ces différentes difficultés, s’enivrent de l’idée vaguement conçue d’une décharge qu’ils croient intéressante pour les contribuables, et indifférente au Trésor royal, et de la spéculation