[11 mars 1791.} 35 [Assemblée nationafe.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Plusieurs membres : Non ! Don ! M. D auchy, rapporteur. Je fais observer à M. Delavigne, malgré î-oii désir et le mien, qu’il y aura en France beaucoup de propriétaires et de fermiers qui ne se concilieront pas. 11 faudra bien que la question soit décidée s’il doit tenir compte sur l’universalité du terrain qu’il exploite, ou bien si on en doit distraire la portion du terrain qui accidentellement ne produisait pas des fruits déclinables. Ensuite sur le second article il faudra bien fixerquelssont les fruits décimables ou non décimables. M. llongins de Roquefort appuie la motion de M. Delavigne. M. de Tracy. De quoi s’agit-il ? D’établir la contribution foncière. La contribution foncière. était ci-devant, pour ainsi dire, répartie entre les fermiers, propriétaires et colons, sous différents noms. Actuellement l’Assemblée veut la donner uniquement au propriétaire. Il s’agit de savoir la manière dVn faire la répartition jusqu’à fin de bail sans léser ni propriétaires, ni fermiers, ni colons. Il faut donc que les fermiers et colons tiennent compte au propriétaire de la portion à laquelle ils comptaient contribuer, lorsqu’ils ont fait leurs baux. Les propriétaires doivent recevoir la portion que les colons et fermiers doivent payer, pour ensuite verser au Trésor public la totalité de la contribution foncière. Je ne vois rien à changer sur l’article et je demande la question préalable sur tous les amendements. Il vous faut, dit M. le rapporteur, une échelle commune. Eh bien, c’est précisément par l’impossibilité d’avoir une échelle commune, et par l’impossibilité d’obtenir cette échelle par le moyen proposé, que je crois que la question préalable ne doit pas souffrir de difficultés. Je serais infini si je voulais vous dire toutes les bonnes raisons qui doivent vous engager à écarter la source éternelle des procès qui résulteraient des quatre premiers articles. J’insiste sur la question préalable. M. Le Chapelier. Il est impossible de déterminer un mode général d’évaluation qui puisse s’appliquer à toutes les circonstances et à toutes les localités; ie décret rendu par l’Assemblée le 1er décembre dernier contient la décision complète de la discussion qui partage actuellement les esprits et le fondement de ceite décision. J’insiste sur la question préalable invoquée par les préopinants. (La discussion est fermée.) M. le Président. Je mets aux voix la question préalable. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les quatre premiers articles du projet de décret.) M. le Président. Voici, Messieurs, une lettre du président de l'assemblée électorale du département du Bas-Rhin ; elle est ainsi conçue: « Monsieur le Président, je m’empresse de vous « annoncer que le corps des électeurs du népar-« tement du Bas-Rhin, assemblé pour l’élection « d’un évêque, a élu aujourd’hui, au premier « scrutin et à une très grande majorité, M. Bren-« del, prêtre, oocleur ei professeur en droit canon « en l’université de cette ville (Strasboui g). Les « mœurs, la doctrine et la pureté de sa conduite « lui avaient mérité dès longtemps l’estime de ses « concitoyens qui l’avaient choisi pour être un « des membres de la commune. Cette élection a « été reçue avec les plus vifs applaudissements. « Le peuple a marqué la plus grande satisfac-« tion et, par les témoignages multipliés de sa « joie, a rendu le premier hommage à la vertu « justement appréciée. Puisse le récit de cette « mémorable journée faire le désespoir des enne-« mis de la Constitution I... » ( Rires à droite.) M. le Président. J’espère, Messieurs, que personne ne peut s’y méprendre. « ... Puisse le récit de cette mémorable journée « faire le désespoir des ennemis de la Cons-« titution ! Puisse-t-il déconcerter les manœu-« vres perfides des aristocrates émigrés ( Applau - « dissements à gauche et au centre ), comme « il fera la consolation et la récompense de tous « les patriotes de ce dépai tement ! Nous de-« vous à MM. les commissaires les plus grands « éloges; leur sagesse, leur prudence et leur mo-« dération ont conquis bien dus cœurs à la loi » et à la liberté, les effets heureux des mesures « qu’ils ont prises commencent à se faire sentir, « avec un très grand succès, dans les campagnes, « et ils font espérer te plus prochain retour du « hou ordre et de la tranquillité. « Je suis avec respect, etc... « Strasbourg, le ..... » M. le Président. Messieurs, voici une autre lettre des administrateurs composant le directoire du département du Bas-Rhin. Elle contient à peu près les mômes faits, mais elle est très courte. J’en vais donner lecture à l’Assemblée. «Monsieur le Président, nous avons l’honneur de « vous annoncer que les électeurs du départe-« ment ou Bus-Rhin ont nommé hier, à l’évêché « de ce département, M. François-Antoine B en-« del, prêtre, docteur et professeur en thé Togie « et de droit canon en l’univeishé ne cette ville. « Le choix de ce citoyen, que ses vertus, ses « lumières avaient indiqué à l’opinion du peu-« pie et à la conscience des électeurs, prouve, « d’une manière non équivoque, les progrès que « l’esprit public a fait depuis quelque temps « dans cette contrée. L’enfer s’était armé contre « les bons prêtres et contre les bons citoyens ; « il n’a pu prévaloir ni contre la religion ni con-« tre la lui; le peuple, enivré d’une joie toute nou-« velle, bénit le doigt de la Providence, qui « relève les humbles et humilie les superbes. (Ap-« plaudissements.) Il a bénit surtout les clisposi-« lions de vos décrets, qui assurent aux citoyens « la liberté de leurs consciences et l’égalité" des « droits, dont le hasard ou la faveur ne pourront « plus disposer. « Nous sommes, etc... « Strasbourg, le ..... » En outre, le corps électoral envoie une lettre pour le roi, qu'il m’invite à lui faire remettre. M. de Broglie. L’Assemblée vient d’entendre les nouvelles heureuses qui lui arrivent du département du Bas-Rhin. Je profile avec empressement ne cette occasion pour v us informer de l’influence ulile que le zèle, l’activiie, l’éloquence et le patriotisme de MM. les commissaires du roi ont eue dans les departements du Haut et du Bas-Rhin, sur le maimiende la tranquillité, sur Rétablissement de l'esprit public, et en parti- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. )n mars 1791.] culier sur la nomination du nouvel évêque de Strasbourg. Après avoir rendu ce premier hommage à la vérité, je dois, au nom de la députation d’Alsace, démentir ici formellement les faits contenus dans un pamphlet qui se distribue aujourd’hui avec profusion dans Paris, par l’effet de je ne sais quelle intrigue, et que l’on vend même à la porte de cette Assemblée. Ce pamphlet annonce que depuis 5 jours la ville de Landau est prise par M. Condé, à la tête d’une armée de 8,000 hommes, et qu’elle n’u point opposé de résistance. Quoique bien persuadé que personne dans cette Assemblée n’ajoute aucune croyance à une nouvel le aussi absurde qu’invraisemblable, la députation a pensé qu’il était de son devoir de prévenir, par un désaveu formel, les effets dangereux que cette erreur pourrait produire sur l’esprit du peuple et d’attester ici publiquement que les nouvelles officiel les du 7 de ce mois annonçaient que la tranquillité la plus parfaite régnait à cette époque dans les départements du Rhin et que la sécurité qui naît de la force et du courage se faisait remarquer dans le maintien du peuple d’Alsace. Je dois ajouter que le roi vient de nommer M.Gelb, lieutenant général, distingué par des services brillants à la guerre, pour commander, dans les departements du Rhin qu’il a à ses ordres, 15,000 hommes de troupes de ligne, etque 50,000 gardes nationales, pleins de zèle et d’ardeur, n’aitendenl, pour agir de concert, qu’un signal et des armes. Telle est la situation de l’Alsace, et ses habitants n’ont pas oublié qu’en 1744 les ennemis qui eurent la témérité de passer le Rhin, trouvèrent dans le courage des Alsaciens une barrière qu’ils ne purent jamais franchir pour retourner dans leur pays. (Vifs applaudissements.) Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une lettre du procureur général syndic du département de l’Hérault, qui annonce que les électeurs dece département ont nommé pour évêque M. Ponderoux, curé de Saint-Pons, qui est arrivé le 3 mars à Montpellier et a été proclamé le même jour, aux acclamations de tous les citoyens. Sa presence lut a concilié tous les cœurs ; et on a vu des gens du peuple, qui, quelques jours auparavant, annonçaient des dispositions tumultueuses, donner des marques non équivoques de leur allégresse et de leur joie. La discussion du projet de décret relatif aux indemnités à payer aux propriétaires , à raison de la dîme, est reprise. M. Dauchy, rapporteur, donne lecture de l’article 5 du projet ue décret. M. Tronchet. Je demande également la question préalable sur cet article. Ce n’est pas seulement parce que cette disposition est une suite pour ainsi dire nécessaire des quatre premiers articles, mais encore parce que cet article suppose que l’indemnité, une fois fixée, serait la même pour toutes les années restantes du bail, ce qui ne peut se concevoir, à cause de la diversité de cultures et la variabilité des fruits, et ce qui d’ailleurs ferait renaître tous les ans des discussions sans nombre. Il est naturel de laisser les fermiers et les propriétaires s’arranger à l’amiable et fixer également Jes termes de leurs payements. On verra qu’il n’est pas possible de faire autrement, si l’on réfléchit que la dîme n’est pas due par le fonds, qu’elle est due par les fruits, et qu’il n’est pas possible qu’on établisse une règle fixe. (L’Assemblée, consultée, repousse la question préalable). M. Duport. Je propose, d’une part, que si les parties ne peuvent s’arranger à l’amiable, on ait recours à des experts, et qu’en conséquence on ajoute à l’article, après ces mois : la valeur de la dîme de chaque fermage étant fixée , ceux-ci : à l’amiable ou à dire d’experts. Je propose, d’autre part, que l’arrangement entre le maître et le colon se fasse la première année pour toutes les années restantes du bail ; cette mesure couperait racine à toute espèce de discussion ultérieure entre le propriétaire et le fermier. M. Delavigne. Le premier de ces deux amendements ne me paraît pas nécessaire, par la raison qu’il y a des cas où l’arrangement pourrait se faire quelquefois autrement que par experts, par exemple en vertu de la médiation des juges de paix. Quant à l’arrangement proposé dans le second amendement, je le trouve d’une exécution impraticable, à cause de la variation dans les revenus annuels des fonds; je crois préférable l’établissement chaque année de l’évaluation entre le maître et le colon. (L’Assemblée décrète les deux amendements de M. Duport.) M. Dauchy, rapporteur. Voici, avec les amendements, la rédaction de l’article: Art. 1er. (Art. 5 du projet.) « La valeur de la dîme de chaque fermage étant une fois fixée à l’amiable ou à dire d’experts, le fermier, jusqu’à l’expiration de son bail, en payera le montant chaque année au propriétaire, en argent, aux mêmes époques et dans la même proportion que le prix des fermages. » (Adopté.) M. Tronchet. Messieurs, l’article que vous avez décrété au mois de décembre a fait naître une question qui mérite, selon moi, uae longue discussion etque je ne vais vous proposer qu’afin que vous la renvoyiez au comité. Voici, Messieurs, la difficulté qui se présente; elle concerne le cas où il y a un propriétaire qui tient à cbampart, terrage ou autre redevance de cette nature. Vous savez que la dîme se payait communément avant le champart et le terrage, et que, par ce moyen, la répétition du champart et du terrage s’en trouvait délivrée. On a demandé si la suppression de la dîme, qui était un prélèvement de fruits qui doit se partager entre le propriétaire foncier et le propriétaire de champart et terrage, si cette suppression, dis-je, ne doit pas tourner au profit du propriétaire de champart et terrage comme au profit du propriétaire foncier. Je ne développerai pas dans ce moment-ci les raisons qui peuvent s’élever en faveur du colon et du propriétaire foncier; il convient de renvoyer au comité l’examen de cette question, pour qu’il vous présente, s’il y a lieu, un article. (L’Assemblée renvoie l’examen de cette question à ses comités féodal, d’aliénation, d’agriculture et de commerce réunis).