6g0 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (26 juillet 1791.1 pour eux ? Comment osent-ils se vanter d'avoir marché Les premiers dans la route que l'honneur leur indiquait, et prétendre néanmoins que l'honneur ne se trouve plus pour eux dans la route commune ? L’honneur peut-il indiquer 2 routes différentes? ne consiste-t-il pas, pour tous les hommes indistinctement, à remplir les engagements qu’ils ont contractés? Représentants infidèles, qu’ont attendu de vous les Français qui vous ont honorés, trop aveuglément, il est vrai, de leur confiance? que vous travailleriez au salut de l’Etat, que vous élèveriez votre voix pour la défense des droits de l’homme, que vous soutiendriez le trône, mais que vous abattriez le despotisme ; en un mot, c’est la cause des peuples opprimés qu’on vous a chargés de plaider, et l’on a surtout entendu que vous vous oublieriez vous-mêmes, pour ne voir que l’étendue et l’importance de vos obligations. « Et vous, lâches citoyens, égoïstes dangereux, qu’avez-vous fait ? Vous n’avez rêvé que privilège, exemptions, dignités, fortune pour vous-mêmes ; opprobre, avilissement, misère et servitude pour les autres. Vous vous êtes coalisés pour appesantir le joug dont vous deviez nous délivrer, et pour mieux remplir vos détestables vues, vous avez associé à votre ligne des hommes que l’expérience de leur état passé aurait dû rendre incorruptibles; mais qui, ne sachant pas résister à l’attrait de l’or, vous ont vendu leur réputation et l'estime de leurs concitoyens. Membres désormais inutiles de l’Assemblée nationale (Vifs applaudissements à gauche), en vous vouant à cette nullité dont vous nous menacez, recevrez-vous le salaire que la nation accorde à ceux qui la servent? ( Nouveaux applaudissements.) Après nous avoir fait payer une activité malheureusement trop funeste, exigerez-vous que nous payions aussi votre inaction, et joindrez-vous aussi l’injustice à la révolte? « Nous ne suivrons pas, Messieurs, les auteurs de la déclaration dans tous les détails que présente cette production si méprisable; nous n’examinerons point tous les reproches qu’ils ont prétendu vous faire; et qui sont, pour vous, autant de titres de gloire. « Oui, vous avez dû, et la raison, le bien public, l’expérience vous imposaient ce devoir, vous avez dû retirer l’héritier du trône des mains que le parjure avait souillées ; c’est l’enfant de la nation ; et puisqu’il doit être élevé pour elle, il fallait qu’elle l’adoptât. Au lieu de ne faire du roi et de la royautéqu’une seule choseindivisible,vousavez dû distinguer avec soin le trône du prince qui y est assis, le fonctionnaire de ses fonctions, l’homme de ses devoirs. « Vous avez dû veiller à la sûreté de l’Empire ; et lorsque le monarque fugitif abandonnait les rênes du gouvernement, vous avez dû vous en saisir. En un mot, tout ce que vous avez fait, vous l’avez dû faire. « Et ce peuple qu’on a l’insolente hardiesse d’accuser aveuglément, ce peuple à qui l’on reproche de recevoir vos principes sans examen, ce peuple ne vous a jamais vus plus grands que, lorsque environnés de difficultés qui semblaient insurmontables, vous avez de toutes parts fait tête à l’orage et éloigné de nous les maux incalculables de l'anarchie et de la guerre civile. « Recevez donc, Messieurs, le tribut de reconnaissance que nous vous devons. Les bons Français se plaisent à voir en vous leurs libérateurs. Ils n’oublieront jamais que, sans votre surveillance et vos soins, la France était destinée à s’engloutir pour jamais dans le gouffre dévorant du despotisme. Fiers d'être rendus à la liberté, nous sommes résolus de la défendre au prix de tout notre sang. « Nous renouvelons en vos mains le serment redoutable que nous avons fait de vivre libres ou mourir. Que les ennemis de la Constitution s’agitent autour de nous pour nous ravir la jouissance ries droits que nous avons recouvrés; qu’ils multiplient leurs efforts pour nous faire reprendre les chaînes honteuses que nous avons brisées; qu’ils protestent contre des lois bienfaisantes que nous chérissons ; rien n’ébranlera notre constance et notre fidélité. Que peuvent de vaines clameurs contre la volontéfortement prononcée d’un peuple immense! « Poursuivez donc votre ouvrage ; que votre âme soit inaccessible à la crainte. Pleins d’autant de confiance en votre sagesse que de mépris pour vos calomniateurs, nous déclarons que leurs sophismes ne sauraient faire aucune impression sur nous et que nous adhérons à tous vos décrets sans exception. Nous sommes loin de penser que les malveillants conservent sérieusement le fol espoir de bouleverser la France, et de faire rétrograder la Révolution; mais s’ils osaient le tenter, souvenez-vous que nos bras sont armés pour vous défendre et pour vous venger. ( Vifs applaudissements.) M. ülalouet. Je demande la parole. Plusieurs membres : A l’ordre du jour! M. Chabroud. Je crois que la pièce qui vient d’être lue ne doit être suivie d’aucune discussion. Plusieurs membres : L’impression ! M. ülalouet. Je m’oppose à ce que la pièce soit imprimée. Comment peut-on... (Tumulte.) M. Rewbell. Je fais la motion que les 290 membres qui ont signé la déclaration soient déclarés coupables et envoyés à Orléans pour y être jugés. (Murmures.) M. ülalouet. C’est une dénonciation ! (Murmures.) L’Assemblée ne peut pas... (Murmures .) (L’Assemblée passe à l’ordre du jour. — Les tribunes applaudissent.) M. ülalouet. C’est l’injustice la plus horrible l (Murmures.) Ce despotisme est insoutenable. Je déclare, Monsieur le Président... (Murmures prolongés.) M. Gaultier-Riauzat. L’Assemblée a passé à l’ordre du jour. Respectez le décret. M. ülalouet. Si nous sommes coupables, eh bien I faites-nous notre procès. Plusieurs membres : A l’ordre du jour ! M. ülalouet se retire. (Applaudissements dans les tribunes.) (Revenant dans la salle) Est-ce que nous venons ici pour être insubés? C’est abominable ! C’est une infamie ! (Il fait quelques pas vers la porte de la salle: les tribunes recommencent à applaudir. Il rentre en les fixant, elles se taisent. Il sort, elles applaudissent encore.) M. Rewbell. Je fais la motion, Monsieur le Président, que vous mettiez les tribunes à l’ordre. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 juillet 1791.] gg< M. d’Elbhecq. L’impression de l’adresse ! Plusieurs membres : On a passé à l’ordre du jour I M. le Président. M. Gossin a la parole. M. Gossin. Messieurs, les citoyens du département delà Meuse et le directoire de ce département m’ont chargé de faire part à l’Assemblée de l’effet pénible produit sur eux par une expression qui s’est glissée dans la rédaction du procès-verbal de la séance permanente du 23 juin. Permet-tez-moi, Messieurs, de vous donner lecture de l’arrêté pris par le directoire à ce sujet le 15 juillet dernier. « L’Assemblée étant formée, le procureur général syndic a dit : « Messieurs, « Le procès-verbal de la séance permanente de l’Assemblée nationale, sorti des presses de son imprimerie, renferme un passage qui ne peut pas être indifférent. On le lit dans le cahier intitulé 5e suite, page 11, à l’article du 23 juin, à 5 heures du soir : voici comme il est conçu : « Un membre a dit que les ennemis publics comptaient que le roi, en se retirant dans un département que l'on a peint comme contre-révolutionnaire , se verrait bientôt entouré d’une armée de mécontents. « C’est notre département seul, Messieurs, que l’auteur de cette observation a eu en vue, puisque l’arrestation du roi était connue, et qu’on savait ce qu’il dit alors, et ce qu’il a répété depuis, qu’il voulait se relirer à Montmédy, place forte de ce département, située à l’extrémité de la frontière. « G]est donc le département de la Meuse qui, d’après le texte du procès-verbal, était peint comme contre-révolutionnaire, et passait pour tel dans l’opinion publique. « Yous vous devez à vous-mêmes, Messieurs, vous devez aux administrés de ce département, de réclamer contre une assertion qui pourrait faire suspecter leur patriotisme et le vôtre. « Nous osons le croire et le dire : il serait difficile, et peut-être impossible, d’articuler un seul fait qui puisse justifier que le département de la Meuse a été peint comme contre-révolutionnaire ; mais il vous est facile à vous, Messieurs, de prouver qu’il n’a jamais mérité de passer pour tel. A votre égard, sans parler ici des témoignages de satisfaction et des éloges que l’Assemblée nationale a donnés dans différentes occasions à votre conduite, il doit vous suffire de rappeler le vœu qu’à la première nouvelle de l'évasion du roi, vous vous empressâtes de manifester à vos administrés. Il est consigné,’ ce vœu, dans l’arrêté que vous prîtes le 22 juin dernier, à neuf heures du matin, à l’arrivée du courrier, porteur du premier décret, qui annonçait cette funeste nouvelle, qui fut publiée sur-le-cbamp. Le voici : « Le directoire exhorte les corps administratifs, municipalités et gardes nationales, ainsi que tous les bons citoyens, à se rallier plus que jamais autour de la Constitution, et à redoubler d’efforts et de zèle pour déconcerter et rendre vains les projets de ses ennemis ; les avertit que dans ce moment critique, le salut de la chose publique dépend de l’union la plus intime entre les bons citoyens, et de l'attachement le plus inébranlable aux décrets de l’Assemblée nationale. « Et, sur le bruit qui se répandit ici vers les 10 heures du matin 22 juin, que la famile royale avait pris la route de Yarennes, vous envoyâtes sans délai un de vous dans le Clermontois pour prendre tous le3 renseignements à ce sujet, avec commission expresse, en cas d’arrestation de la personne du roi, de faire reconduire Sa Majesté à Paris, sous bonne et sûre garde ; et cette arrestation s’étant confirmée, vous envoyâtes 2 autres commissaires sur la frontière pour prendre connaissance de son état de défense et en rendre compte à l’Assemblée nationale. « Quant à vos administrés, Messieurs, le souvenir de ce qui s’est passé à Varennes, la fermeté, la prudence, le courage que tous les citoyens de cette ville ont déployés dans la circonstance la plus difticile, l’empressement des gardes nationales de tous les points du département à accourir à son secours, leur prompt rassemblement qui en a imposé aux ennemis publics, qui a déjoué leur combinaison perfide, sauvé la patrie : c’en est plus qu’il n’en faut, sans doute, pour dissiper tous les nuages, s’il était vrai qu’on eût jamais tenté d’en élever sur leur patriotisme. « C’est à l'appui de ces motifs que nous vous proposons, Messieurs, d'adresser à l’Assemblée nationale vos représentations sur le contenu au procès-verbal de sa séance permanente, en la suppliant de prendre, dans sa sagesse, les moyens qu’elle croira convenables pour dissiper le doute que les expressions de ce procès-verbal, ci-devant rapportées, pourraient élever sur le patriotisme et les principes constitutionnelsdu département de la Meuse. « La matière mise en délibération ; « Yu le passage du procès-verbal de la séance permanente de l’Assemblée nationale, cité dans l’exposé du procureur général syndic; « Le directoire remarque avec une douloureuse surprise que le département de la Meuse a été présenté à l’Assemblée nationale comme chargé par J’opinion publique du soupçon d’être contre-révolutionnaire, au moment même où les citoyens qui le composent venaient de donner la preuve la plus éclatante et la moins équivoque de leur dévouement à la Constitution. « Sensiblement affecté d’une imputation aussi peu méritée, et jaloux de conserver pour lui-même et pour les administrés de ce département, l’estime et la confiance de l’Assemblée nationale, et de tous les vrais amis de la Constitution et de la patrie, le directoire prie l’Assemblée nationale d’accueillir ses justes plaintes, et d’ordonner que la rédaction du procès-verbal de sa séance permanente à l’articledu23 juin, 5 heures du soir, sera rectifiée de manière à détruire les soupçons que cette rédaction a pu faire naître sur la réputation du civisme du département de la Meuse. « Arrêté qu’à cet effet expédition des présentes sera adressée à MM. les députés de ce département à l’Assemblée nationale, avec prière d’appuyer auprès d’elle la juste réclamation du directoire. « Fait et arrêté à Bar-le-Duc, en directoire, ledit jour 15 juillet 1791. » Comme il s’agit, Messieurs, d’un monument qui doit transmettre à la postérité uu événement si important à la liberté nationale, il est bien naturel que les habitants du département de la Meuse, qui y ont figuré avec tant d’honneur, ne paraissent pas dans le procès-verbal qui se transmettra, d’une manière qui puisse faire suspecter leur amour pour la Constitution, qu’ils ont signalé dans toutes les circonstances, et tout ré-