520 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juin 1790.] un autre à sa place et de faire une nomination de bas-officiers à leur choix; ils restèrent toute la nuit dehors. Le lendemain, de retour au quartier, MM. d’Iversav et de Chariot, présents un bourgeois entra et dit "au tambour, d’un ton impératif: Rappelez. Il fut ponctuellement obéi; le régiment se rassembla aussitôt et le bourgeois le mena courir la ville et les cabarets. On vit, dit-on, des habitants leur serrer affectueusement la main et les encourager au désordre par des applaudissements réitérés. Copie d'une adresse des bas-officiers du régiment de Touraine à la municipalité de Perpignan , remise le 11 juin 1190. A MM. les officiers municipaux de la ville de Perpignan. (Ce document a déjà été inséré dans la séance du 18 juin.) Copie de la réponse de la municipalité de Perpignan , à l'adresse des bas-officiers au régiment de Touraine. (Ce document a déjà été inséré dans la séance du 18 juin). Copie de la lettre écrite à M. le vicomte de Mirabeau par M . le chevalier d'iversay , lieutenant-colonel du régiment de Touraine. A Perpignan, le 22 mai 1790. Je suis on ne peut plus peiné de vous rendre compte de l’insurrection arrivée à votre régiment jeudi dernier. Mercredi au soir, à l’appel, MM. de Montalembert, de la Peyrouse et d’Urre, ces trois officiers étant au quartier, un tambour devant la porte battait la farandole pour faire danser les grenadiers et les bourgeois : comme cette batterie était défendue, Maréchal condamna ce tambour à quinze jours de prison et le mit à la salle de discipline, malgré que ces bourgeois l’avaient forcé à battre et lui demandaient de le faire sortir : voyant les grenadiers ivres, il n’aurait dû punir ce tambour que le lendemain matin ; mais malheureusement, c’est que cet adjudant était ivre lui-même, ce qui lui arrivait souvent. Ces officiers voulurent faire rentrer les grenadiers, et M. d'Urre leur reprocha de changer de chapeau avec les bourgeois, ce qui déplut aux uns et aux autres, et il mit l’épée à la main, en portant la pointe sur la poitrine d’un grenadier; les autres menacèrent de tirer la leur : ce n'était pas là le moment, étant ivres ; il fallait attendre le Lendemain pour les punir. Heureusement des bas-officiers retirèrent le grenadier et d’autres les officiers. J’arrivai un moment après pour voir faire l’appel; le roulement se faisait, je vis bien des bourgeois, je fis fermer la porte du quartier sans me douter de rien. Je vis M. de la Peyrouse, qui me dit en entrant au corps de garde : les grenadiers se conduisent bien mal, et M. de Montalembert, dans la cour dit : il faut de la fermeté, sans quoi on ne fera rien, tout le monde se trouva à l’appel, je n’y vis point M. d’Urre ; et les deux autres sortirent. Ces messieurs ne m’ont rendu compte de rien ; l’adjudant qui était ivre me dit qu'il avait puni le tambour qui avait battu la farandole; n’ayant point été instruit, je fus fort surpris le lendemain matin, jeudi, de voir entrer chez moi huit grenadiers pour me demander justice de ces trois officiers, dont deux n’avaient tiré leur épée qu’un peu du fourreau, et le troisième (M. d’Urre) l’avait portée sur la poitrine d’un grenadier. Ils me demandèrent la sortie du tambour, que je refusai; ils me dirent que puisque je ne le voulais pas, ils ne me la demanderaient plus, mais qu’ils espéraient justice des officiers; je leur dis que je la leur rendrais, que ne sachant pas l’affaire, j’allais m’en instruire ; et je fus pour ordonner les arrêts à M. d’Urre, que je ne trouvai pas. Ayant pris des informations, j’en fus rendre compte à M. de Chollet, qui me dit de mettre M. d’Urre en prison et les deux autres aux arrêts. Je fus le dire au maire, M. le marquis d’Aguilar, ayant su que des bourgeois et quelques grenadiers lui avaient porté des plaintes. Vers les dix heures, on vint me dire que les bourgeois et quelques grenadiers avaient engagé le sergent de garde, qui était le sieur Favier, d’ouvrir la porte de la salle de discipline, avaient pris le tambour et couraient la ville en battant la farandole; ils furent au quartier, arrachèrent l’épaulette de Maréchal, disant qu’ils ne voulaient plus le reconnaître, en ayant été maltraités ; et sans M. Patel, qui s’est bien conduit, qui se trouve au quartier, ils l’auraient assommé-; ils portèrent son épaulette au sieur Rochefort, sergent-major et bon sujet, le forcèrent de la prendre et le reçurent, assurant qu’il serait reçu dans la journée : excepté quelques caporaux et tous les bas-officiers, généralement toutvotre régiment, Monsieur le vicomte, y était. Ils furent faire sortir aussi tous les soldats de la salle de discipline de la citadelle : le commandant le permit ; ils vinrent tous me chercher chez moi ; ne m’y ayant pas trouvé, ils sont venus à mon auberge, et ne m’ont pas iaissé dîner; j’ai reçu deux députations pour recevoir tout de suite l’adjudant qu’ils ont choisi; je m’en suis débarrassé en leur assurant que j’allais vous le demander, ne pouvant rien faire sans vos ordres : ils sont venus une troisième fois, disant que les adjudants étaient à la nomination du commandant du corps; je voulais du moins écrire à M. le marquis de Ponsals, il me fut impossible de leur faire entendre raison : MM de Chariot, Baudreuille, de Bonne, Gourcy et Pre-chateau, qui se sont donnés beaucoup de peine aussi, n’ont pu y réussir; M. d’Espenan n’y a pas paru à cause de sa lettre des grenadiers, ils m’engagèrent à aller sur la place de la Loge parler au régiment qui y était assemblé : ils m’entourèrent, me serrant de fort près, m’assurant que je ne sortirais point que je n’eusse reçu Rochefort adjudant; je restai près d’une demi-heure à m’en défendre, assurant que je ne le pouvais pas sans un ordre de mes chefs; on parla de M. de Chollet, je leur dis que j’allais lui en rendre compte, espérant gagner du temps et qu’ils’ se disperseraient, mais ils n’ont jamais voulu me quitter; je suis cependant entré seul dans la chambre du général, qui m’a dit d’aller recevoir cet adjudant; j’ai exécuté ses ordres, ce qui a ramené le calme, et les trois officiers ayant appris les menaces de ces gens-là, qui, à ce qu’on dit, ont couru après eux, ils sont partis heureusement je ne sais où ils ont été; les grenadiers, chasseurs et soldats m’avaient promis que ce serait fini à la retraite, mais ils ont recommencé le lendemain vendredi; ayant appris qu’ils voulaient chasser Guyot, sergent de Courcy, je lui ai donné une permission; ils m’ont envoyé demander de remplacer Bertrand, sergent-major, qui est mort chez 521 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 juin I790.[ lui; ils ont fait recevoir Lubin, qui est bon sujet; il était fourrier. Autre députation : un sergent et un caporal sont venus me demander un sergent-major dans Garnpan; je leur ai répondu que n’ayant pas rentré dans l’ordre, le jeudi au soir, comme ils me l’avaient promis, je ne redonnerais plus d’ordres; ils sont revenus avec un sergent: j’ai tenu bon. J’ai été à midi faire défiler la garde, j’ai trouvé cette compagnie armée, baïonnette au fusil. Après la parade, ils sont venus m’entourer avec leurs armes, pour me demander toujours un sergent-major; ils m’ont dit qu’ils le voulaient; je leur ai répondu, M. Patel y étant pour la parade et moi : Messieurs, je ne le veux pas; et quelque chose que vous fassiez je vous donne ma parole que je n’y consentirai pas, j’y suis décidé, c’est mon dernier mot ; dites-le à vos camarades; il faut que le régiment rentre tout dans l’ordre ce soir, sans cela vous n’obtiendrez jamais rien de moi. Ils ont changé de ton et m’ont laissé sortir, et il n’a point été reçu. Les grenadiers, le vendredi, ne voulaient point sortir : les soldats les y ont forcés, disant que c’étaient eux qui étaient cause de tout cela et qu’ils voulaient qu’ils sortissent, voulant se divertir encore aujourd'hui. Les grenadiers y ont consenti à condition qu’on ne ferait aucun bruit dans la ville, plus de farandole, de laisser les caisses et de rentrer tous exactement à l’appel, ce qu’ils ont fait; que celui qui ferait quelque chose contre l’ordre ils se chargeraient de le bien punir. J’ai été à l'appel, Monsieur le vicomte, tout le monde y était et, quoique ivres, ils tenaient de bons propos et tout a été très tranquille. Ge matin, j’ai été encore au quartier : ils m’ont entouré pour me dire qu’ils étaient très fâchés de m’avoir donné tant de chagrin, que je ne méritais pas, mais qu’ils répareraient leurs torts par leur bonne conduite, qu’ils m’en donnaient leur parole. Je leur ai répondu que j’y comptais si fort, que tout était oublié pour tout le monde, que je ne demanderais de punition pour aucun, mais que ceux qui, dans la suite, se mettraient dans le cas, seraient punis sévèrement; ils ont été contents, car il y en avait beaucoup qui, pour éviter d’être punis, voulaient déserter, entre autres vingt-deux grenadiers; ils ont mené hier dîner avec eux MM. Patel, Serre, Martin et Château-Gaillard. J’espère, dans quelques jours, lorsque les esprits seront plus tranquilles, tâcher de les engager à me demander le rappel de ces trois officiers. Morel, fourrier, est sergent-major dans Garnpan ; La Raque, qui déplaît, a demandé son congé comme gentilhomme. J’ai fait partir Montpellier, musicien, qu’on voulait assommer, parcequ’il a prouvé que le sieur Mailhat, frère de celui qui a une compagnie ici, lui a offert une poignée (Vécus: il a été mandé à la municipalité. Le bruit court, et c’est très vraisemblable, que la monnaie ou associés avait ordre de donner de l’argent au régiment de Touraine, et la majeure partie ne tient pas à cet appas séducteur. Quelle position, Monsieur le vicomte ! je suis au désespoir et dans les transes de voir renouveler ces scènes qui m’affligent on ne peut davantage. Ges enragés ont dit qu’ils voulaient avoir la masse noire des morts, ils m’assassineront plutôt que de laisser enfoncer la caisse, on doit s’attendre à tout des gens gagnés et séduits pour le mal. On est persuadé qu’on a envoyé des gens et de l’argent, pour faire cette insurrection, à votre régiment, et Yermandois n’a pas bougé, mais il perd dans ce mois-ci plus de trente hommes de désertion : plût au ciel que les vôtres eussent préféré ce parti avant ce malheureux événement ! De Larché et Lestrade ont été faits sergent. M. de la Porte est sorti pour un mois ; j’ai reçu des congés pour MM. deVaubercey, de Montlezun et du Ghambon. Que je suis malheureux de me trouver au régiment dans une circonstance aussi désagréable 1 que faire, que devenir ? Il faut attendre du temps. MM. Patel et Garrot ont reçu de M. Bouzols l’avis que leur croix de Saint-Louis leur était accordée : du moins qu’il y ait quelques individus de contents si je ne le suis pas. J’ai l’honneur d’être, etc. Signé : le chevalier d’iversay. P. S. On m’a dit qu’ils écrivaient à l’Assemblée nationale. Lettre de M. le chevalier d'iversay, lieutenant-colonel du régiment de Touraine , à M. le vicomte de Mirabeau , écrite de Perpignan, en date du 26 mai. Monsieur, J’ai l’honneur de vous rendre compte qu’hier matin les deux adjudants et trois sergents-majors sont venus me dire que les grenadiers, chasseurs et soldats avaient signifié aux bas-officiers de signer une lettre qu’ils écrivaient à l’Assemblée nationale pour se justifier de leur insurrection, où il y a en tête : Nous, bas-officiers, grenadiers, chasseurs et soldats demandons que M. de Montalembert, de la Peyrouse et d’Urre, et le sieur Maréchal, adjudant, ne viennent plus au régiment. Je leur répondis qu’ils devaient voir le contenu de la lettre; qu’ils n’étaient point compris dans l’insurrection, ayant rendu compte à notre inspecteur et colonel que les bas-officiers, au contraire, s’étaient très bien conduits, ayant cherché à apaiser le désordre et que je mandais encore qu’ils n’y étaient pour rien. Ils me firent entendre que s'ils ne signaient, il arriverait encore une forte insurrection. Je leur dis : Le corps des bas-officiers du régiment étant bien composé, prudent et sage, ils doivent voir ce qu’ils ont à faire. J’en rendis compte à M. de Chollet, qui me dit que pour éviter un plus grand mal, s’ils étaient forcés à signer, on pourrait protester contre, c’est ce que ce général m’a dit qu’il ferait aujourd’hui en rendant compte au ministre. A deux heures après midi, Gheneaux et deux sergents-majors viennent à notre auberge, MM. de Chariot, Baudreille, de Bonne, de Gourcy, de Prechâteau y étaient avec moi ; ils nous dirent qu’ils voulaient absolument les forcer à signer une chose à laquelle ils n’avaient point participé et qu’ils n’y voulaient pas consentir. Notre avis fut que s’ils n’étaient contraints de céder à la force, on pouvait protester contre, et ce qui prouve qu’en effet, Monsieur le vicomte, les soldats en étaient prévenus, c’est qu’en sortant de l’auberge, je trouvai chez moi six Soldats (nos messieurs étaient avec moi) qui me demandèrent des permissions pour s’absenter, ne voulant point passer dans cette bagarre. Je les engageai à rester, ayant besoin de bons sujets pour donner le bon exemple et contenir les autres. Quelque temps après, Gheneaux vient chez moi, y trouve MM. de Chariot et de Bonne et nous dit que les bas-officiers avaient signé cette affreuse lettre; mais qu’il n’avait pas voulu la signer, qu’il ne la signerait jamais, qu’il avait entendu dire et qu’il était bien sûr qu’il serait assassiné, qu’il aimait