[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 1790.] « Art. 15. Ils placeront sur le même tableau le nombre des religieux, des religieuses et des cha-noinesses de leur ressort, en distinguant dans trois colonnes ceux qui sont âgés de moins de 50 ans et plus et ceux de 70 ans et au delà. » M. Coroller. Je demande qu’il soit fait une distinction de ceux mendiants et de ceux non-mendiants. Après quelques courtes observations, l’amendement est adopté et l’article se trouve ainsi rédigé : - « Art. 15. Ils placeront sur le même tableau le nombre des religieux, des religieuses et clianoi-ness'js de leur ressort, en distinguent les religieux seulement qui son! âgés de moins de cinquante ans, ceux de cinquante ans et plus, ceux de soixante-dix ans et au delà, et enfin ceux qui sont mendiants et ceux qui ne le sont pas, sous autant de colonnes que ces différentes distinctions pourront l’exiger. » M. Chasset, rapporteur, lit les articles suivants qui sont décrétés, sans modification jusques et y compris le 25e, ainsi qu’il suit : « Art. 16. Dans trois semaines après l’expiration du délai fixé pour les directoires de district, les directoires de département arrêteront et fixeront définitivement les traitements ou pensions dont le tableau leur aura été adressé; et, dans le même délai, ils enverront à l’Assemblee nationale un tableau général formé de ceux des districts. « Art. 17. A l’égard des traitements ou pensions qu’ils ne pourraient régler définitivement, ils les arrêteront provisoirement jusqu’à concurrence du minimum de chaque espèce de bénéfices, ou jusqu’à concurrence de ce qui ne fera point de difficulté; et, dans neuf mois, à compter de ce jour, ils régleront définitivement ce qui se trouvera en arrière. « Art. 18. Ils inscriront leurs décisions dans la forme prescrite pour les directoires de district, sur un registre qu’ils tiendront à cet effet ; et ils auront soin de ne donner, de même que les directoires de district, qu’un simple avis sur les demandes qui seront faites par les personnes mentionnées dans l’article 13 du décret du 24 juillet dernier, dont ils renverront la décision à l’Assemblée nationale, avec les motifs de leur avis. « Art. 19. Pour la plus prompte expédition, tant des travaux ci-devant expliqués, que de ceux dont ils sont ou seront chargés, les directoires de district et ceux de département pourront s’adjoindre pendant six mois ; savoir : les premiers, deux membres, et les seconds, quatre membres des ces administrations, lesquels auront voix délibérative : les directoires de district pourront, en outre, déléguer aux municipalités qu’ils désigneront, telle partie de leurs travaux qu’ils jugeront à propos. « Art. 20. Tous les ecclésiastiques séculiers et réguliers qui ont dû continuer la gestion de leurs biens, en rendront compte dans le courant de janvier 1791. « Art. 21. Les comptes seront présentés aux directoires de district qui, pour les débattre. prendront des municipalités les éclaircissements nécessaires, et ils seront arrêtés par les directoires de département. « Art. 22. Les directoires de district et de département, où seront portés ces comptes, seront les mêmes que ceux déterminés par les arti-645 clés, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du présent décret, concernant les operations relatives à la fixation des traitements, pensions ou gratifications. « Art. 23. Les comptables pourront porter dans la dépense de leur compte le montant de leurs traitements, pensions ou gratifications de la présente année, même les curés, ce qu’ils auront pavé à leurs vicaires. « Art. 2i. Si, par la recette que les comptables auront faite, ils ne sont pas remplis de leurs avances, ou de leurs traitements, pensions ou gratifications, ce qui s’en manquera leur sera payé incessamment, sans cependant avancer le payement des augmentations accordées aux curés et aux vicaires qui ne doivent leur être comptées que dans les six premiers mois de 1791 ; et si les comptables sont reliqu daires, ils pourront retenir sur leur reliquat le premier quartier de leurs traitements ou pensions de l’an née 1791 ; quant au restant, ils seront tenus de le verser dans la caisse du district, au directoire duquel ils auront rendu compte. « Art. 25. A l’égard de ceux dont les revenus étaient affermés, ils recevront sur les premiers deniers qui entreront en caisse, leurs traitements, pensions ou gratifications de la présente année des mains des receveurs des districts, aux directoires desquels ils auront adressé leurs états ou mémoires pour les faire liquider. » M. Chasset, rapporteur , donne lecture de l’article 26 en ces termes : « Art. 26. Il en sera de même pour tous les pensionnai s sur bénéfices non tombés aux économats; quant à ceux qui ont des pensions sur des bénéfices aux économats, ils les recevront, tant pour la présente année que pour celles à venir, d’abord des mains du receveur de cette administration, et ensuite du trésorier de la municipalité de Paris. » M. Martineau. Je demande que le mode adopté par cet article, pour la part de ceux qui ont des pensionssur des bénéfices aux économats, soit borné à l’année 1790. Divers membres appuient cet amendement. Après quelques courtes observations, l’amendement est adopté par le rapporteur et l’Assemblée décrète l’article, ainsi qu’il suit : « Art. 26. Il en sera de même pendant la présente année 1790, pour tous les pensionnaires sur bénéfices non tombés aux économats; quant à ceux qui ont des pensions sur des bénéfices aux économats, ils les recevront, la présente année, des mains du receveur de cette administration, ou du trésorier de la municipalité de Paris. » M. Chasset, rapporteur , lit l’article 27 ; « Art. 27. Les receveurs de district sont et demeurent chargés, à peine de responsabilité, de faire toutes diligences pour faire rentrer tous les fermages, loyers, arrérages et toutes autres dettes actives, de quelque nature qu’elles soient, qui se trouveront échues au moment de leur établissement, même avant le 1er janvier 1790 et qui écherront par la suite. » Plusieurs membres du côté droit demandent à combattre l’article. M. Chasset s'écrie : Vous avez contracté des engagements ; avec quoi les remplirez-vous ? (Ces mots occasionnent une grande rumeur.) 646 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 août 1790, M. Chasset. Pour agir prudemment, il faut que la nation s’empare de tous les biens ecclésiastiques ; c’est une disposition générale, mais il se présente une exception naturelle, c’est que l’on restituera à ceux qui auront payé leur dette, M. de Bonnal, évêque de Clermont. Votre loi ne peut avoir d’effet rétroactif : il faut donc en retrancher les mots : même avant le 1er janvier 1790. M. de Saint-Martin. Je demande la question préalable sur cet amendement. M. de Cazalès. Je prie M. de Saint-Martin de motiver la question préalable. Il ne produira pas une raison. (La question préalable est mise aux voix et rejetée.) M. Coroller. Je propose, par sous-amendement, de dire que les titulaires ne pourront recevoir leur revenu après vérification portant acquit de toutes leurs charges. Un membre y ajoute la quittance de la contribution patriotique. Après une discussion longue et confuse, l’article est décrété dans la teneur suivante : « Art. 27. Les receveurs de district sont et demeurent chargés, à peine de responsabilité, de faire toutes diligences pour faire rentrer tous les fermages, loyers, arrérages et toutes autres dettes actives, de quelque nature qu’elles soient, qui se trouveront actuellement échues, même avant le premier janvier 1790, et qui écherront par la suite; et néanmoins les titulaires particuliers dont les revenus forment nne mense individuelle, et les membres des corps qui avaient une bourse particulière, ou qui en partageaient les fruits, pourront toucher directement des fermiers et débiteurs les fermages et arrérages échus avant le premier janvier 1790, même ceux représentatifs des fruits crus en l’année 1789, et les précédentes à quelque époque qu’ils soient dus, en justifiant qu’ils ont acquitté le premier tiers de leurcon-tribution patriotique, ensemble toutes les charges bénéficiâtes, autres que les réparations à faire pour l’acquit desquelles ils n’ont reçu aucunes sommes de leurs prédécesseurs ; pourquoi ils seront tenus de déclarer dans quinzaine, à compter du présent décret, aux directoires de district, qu’ils entendent user de la faculté qui leur est présentement accordée, de requérir dans le mois et d’obtenir ensuite une ordonnance de vérification de l’acquit des obligations ci-dessus, du directoire du département dans le ressort duquel se trouve le chef-lieu du bénéfice, laquelle ordonnance sera rendue sur l’avis du directoire du district, » (La séance est levée à 10 heures et demie.) PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 6 AOUT 1790. Réflexions sur le code noir et dénonciation d'un crime affreux , commis à Saint-Domingue , adressées à l’Assemblée nationale, par Pétion, au nom de la Société des amis des noirs. Messieurs, vous ne le croirez pas, le crime affreux que nous venons vous dénoncer; il appartient aux siècles les plus barbares; il appartient à des cannibales; et cependant c’est par un homme libre, civilisé, par un Français, qu’il a été commis ! C’est l’aurore de la liberté, de la plus brillante révolution qu’il a déshonorée. — Mais à quel degré d’excès ne porte pas l’habitude du despotisme! Nous n’avons cessé de le répéter dans les divers ouvrages que la Société a publiés, l’esclavage a deux terribles conséquences : il avilit l’esclave, il rend le maître barbare. Mais la barbarie du maître surpasse encore la bassesse de l’opprimé; elle ne connaît point de frein, point de loi. L’affreux événement qu’il est si douloureux pour nous d’être obligés de vous retracer, vous en offre la preuve. Il s’est trouvé un homme assez inhumain, assez atroce, non pas pour excéder simplement de coups, non pas pour mutiler simplement ses esclaves, mais pour les rôtir à petit feu, mais pour porter lui-même et faire porter des fers rouges et des brandons sur les membres de ces malheureux 1 Mais pour les déchirer avec ses dentsl... Vous frémissez! Vous repoussez la lumière! Il vous semble qu’elle n’a pas éclairé un pareil forfait! Peut-être est-ce un récit faux, altéré; peut-être nos renseignements sont-ils incertains ! — Plût à Dieu qu’ils le fussent, nous n’aurions pas un monstre à vous dénoncer! — Mais, voici la sentence; elle constate elle-même tous ces crimes; elle déclare le nommé Mainguy, dûment atteint et convaincu d’avoir frappé ses esclaves à coups de bâton, de les avoir blessés avec des ciseaux et avec une arme vulgairement appelée manchette; de les avoir déchirés avec ses dents, et de leur avoir faitappliquer sur différentes parties de leurs corps soit des fers rouges, soit des charbons ardents. Un de ces esclaves n’a pu résister à ces tourments; la mort l’a délivré de son maître; cinq autres sont mutilés, et leurs mutilations sont irréparables. Peut-être jugerez-vous, Messieurs, qu’il n’y a pas eu de supplice assez cruel pour punir cet excès de barbarie. Vous croyez peut-être que la mort a délivré la terre de ce monstre? — Non; il vit, il est libre, il respire peut-être Pair pur de la France! — On lui a défendu de posséder des esclaves ; on l’a banni du lieu de son crime, comme s’il ne valait pas mieux le clouer aux lieux où les remords sont plus déchirants, plus pénétrants, parce que tous les objets en acèrent la pointe, comme s’il était permis d’emporter dans un autre pays un tigre aussi dangereux; enfin on le condamne à 10,000 livres d’amende envers le roi. — Et les martyrs de ces cruautés, et la famille infortunée de celui qu’il a immolé n’ont pas même une indemnité! Ohl qui peut considérer paisiblement cette iniquité monstrueuse, ce concert entre la justice