SÈME CHAUSSÉE 1)E CARCASSONNE. CAHIER Des plaintes et ctolédhces du clergé de la sénéchaussée de Carcassonne. Nota. Ce cahier manque aux Archives de l’Empire. Nous Je faisons rechercher à Carcassonne, et, afin dé ne pàs ihtëfrompre notre publication, nous le donnerons plus tard dans lé Supplément qui terminera le reciieil des cahiers. CAHIER De doléances de l'ordre de la noblesse de la sénéchaussée de CarcâSsonne. Du mois de mars 1789. La nation française soupirait depuis longtemps après ce jour heureux qui doit opérer la réunion des trois ordres de l’Etat auprès du souverain ; elle désirait de voir refleurir cette ancienne constitution, dans laquelle le pouvoir du prince et les droits de la nation étaient balancés par le plus juste équilibre. Tous les citoyens également protégés par la loi, et les divers ordres associés par le lien commun de l’intérêt général, conserveront désormais entre eux une telle pureté d’influence, qu’aucun ne pourra être ni opresseur ni opprimé. L’Etat calmera les craintes des créanciers du gouvernement en assurant leur payement ; l’indication des subsides, pour chaque objet, arrêtera la facilité des déprédations, et garantira nos descendants des malheurs qui ont menacé le royaume ; la tranquillité du citoyen sera sous l’égide de la loi, sa propriété sous la protection du corps entier de la nation, et les abus de tout genre seront réformés ; enfin la France deviendra, par son heureux gouvernement, l’objet de l’admiration de l’Europe. C’est pour parvenir à ce but que l’ordre de la noblesse de la sénéchaussée de Carcassonne demande qu’il soit statué sur les articles suivants. Art. 1er. On opinera par ordre et non par tête, si ce n’est en certain cas, et du consentement des trois ordres, donné par ordre. Motifs. La France est une monarchie dont la constitution admet trois ordres distinctifs, et leur unanimité est indispensable pour exprimer le vœu national ; le veto dévolu à chaque ordre garantissant à tous une égale influence, nul ne peut être opprimé par les deux autres réunis. L'ancien régime de voter par ordre est donc le plus avantageux, puisqu’il établit un équilibre parfait, et qu’aucun ordre ne peut être sacrifié aux prétentions, aux rivalités d’un autre, ni servir de moyen à l’autorité pour s’élever sur les ruines de tous. Art. 2. Les principes de la constitution française seront reconnus et assurés dans la forme la plus solennelle par un acte authentique et permanent. Motifs. Il est nécessaire de réunir et de fixer dans une charte les droits de la nation et la liberté de chaque individu fondée sur la propriété absolue des biens et la sûreté des personnes. De la propriété entière des biens résulte le droit entier et exclusif de chacun de consentir à l’impôt, qui ne doit être que la contribution personnelle aux besoins de la société : du droit de sûreté personnelle résulte celui de n’être jamais privé de sa liberté que par le vœu de la loi. Art. 3. On doit déclarer que la France est régie par un gouvernement monarchique, où les lois et le choix libre de la nation assurent la couronne aux aînés mâles de la famille régnante; exclusivement aux filles. Motifs. Le gouvernement monarchique est celui où un seul gouverne, mais par des lois fixes et établies; c’est donc à la nation qu’appartient le pouvoir législatif et au roi le pouvoir exécutif. Art. 4. Le pouvoir législatif doit appartenir aux Etats généraux, composés du Roi et des députés des trois ordres, librement et séparément élus par leurs pairs; le pouvoir exécutif doit appartenir au Roi dans toute sa plénitude. Art. 5. Les lois émanées des Etats généraux ainsi composés doivent obliger et le prince et les sujets. Art. 6. Aucune loi bursale, aucune loi générale et permanente quelconque ne doit être établie qu’au sein des Etats généraux, par ces mots : de l'avis et consentement des gens des trois Etats du royaume, elles seront, pendant la tenue même de l’assemblée nationale, envoyées au Parlement de Paris, les princes et les pairs y séant, et aux Parlements des provinces, pour y être inscrites sur leurs registres, et placées sous lu garde de ces cours souveraines, lesquelles ne pourront se permettre d’y faire aucune modification. Motifs. Les lois étant le titre commun des droits respectifs du prince et des sujets, il s’ensuit qu’elles sont obligatoires pour tous. Art. 7. ''Le retour périodique des Etats généraux sera fixé irrévocablement au terme de quatre ans au plus tard; ils seront convoqués par le Roi, et dans le cas où la convocation de rassemblée n’aurait pas lieu après le délai fixé par les Etats généraux, la levée des subsides cessera, et les cours souveraines seront tenues de poursuivre comme concussionnaires ceux qui voudraient en continuer la perception. Motifs. Rapprocher la tenue des Etats généraux est le seul moyen de ranimer le patriotisme, qui s’éteint de" jour en jour, et d’empêcher la nation française de perdre le souvernir de sa dignité, en mettant fréquemment sous ses yeux le spectacle de ces grandes assemblées où elle doit exercer tous les droits d’un peuple libre. Art. 8. Tous les règlements nécessaires pour 1)28 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCttlYËS PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Carcassonne.] convoquer et composer, à l’avenir, les Etats généraux, seront faits par eux ; les lettres de convocation seront adressées en l’ancienne forme, et Sa Majesté sera suppliée d’v insérer la promesse de maintenir et exécuter tout ce qui aura été déterminé entre elle et lesdits Etats. Art. 9. En cas de minorité, la reine sera régente de la personne du roi mineur, et le premier prince de la famille régnante régent du royaume; il sera tenu, en cette qualité, dé convoquer dans six semaines les Etats généraux. Art. 10. Les Etats généraux étant la nation elle-même, aucun individu, aucun corps n’aura le droit de leur dicter des lois. Motifs. Que seraient les Etats généraux si quelque corps ou quelque individu pouvaient enchaîner leur libre activité ? La nation pourrait-elle être liée par les délibérations auxquelles ses représentants n’auraient pas eu de part ? Conçoit-on que des esclaves soient les vrais représentants de la nation des Francs ? Et quel nom devrait-on donner à une assemblée à qui on ne laisserait d’autre pouvoir que le pouvoir de nuire ? Art. 11. Les députés des trois ordres auront, dans l’assemblée des Etats, la liberté la plus entière de parler, de proposer, d’observer, de consentir ou de refuser, selon leurs lumières et leur conscience; mais ils ne pourront s’écarter, dans aucun cas, des pouvoirs et des instructions qu’ils auront reçus ; les Etats seuls auront le droit de discipline sur tous les membres qui les composeront ; toutes les propositions faites dans l’assemblée des trois ordres, soit réunies, soit séparées, ne pourront être déterminées que le lendemain du jour ou elles auront été faites. Art. 12. La nation seule, représentée par les Etats généraux, a le droit de s’imposer, c’est-à-dire d’accorder ou de refuser les subsides, d’en régler l’étendue, la durée et la répartition, d’ouvrir les emprunts et d’en assigner l’emploi, en sorte que dans aucun cas, et sous quelque prétexte que ce soit, il ne puisse être levé la moindre somme d’argent, ou par imposition ou par emprunt, sans son consentement librement accordé; et que les subsides votés par elle ne puissent être détournés de l’usage qu’elle aura déterminé. Art. 13. Les provinces qui, lors de leur réunion à la couronne, obtinrent des privilèges fondés sur les conditions mêmes de leur capitulation, conserveront ceux qui tendent à maintenir leur liberté contre les entreprises du despotisme, et la constitution étendra aux autres provinces les mêmes privilèges, qui ne doivent plus être des exemptions, et qui deviendront le droit commun de la France ; mais le droit d’accorder des subsides, qu’ont exercé jusqu’ici les Etats particuliers de quelque pays, sera transporté et demeurera inhérent à l’assemblée des Etats généraux. Motifs. Si le prince pouvait, sur le refus des Etats généraux. et en leur absence, s’adresser aux Etats particuliers des diverses provinces ou aux assemblées d’un ordre seul (du clergé par exemple) pour en obtenir séparément les subsides nécessaires à l’exécution de ses vues, la liberté ne serait plus assurée, les concessions de l’imprudence ou de la faiblesse de quelques pays, de l’un des ordres, pourraient mettre dans les mains d’un ministre malintentionné des armes funestes à la sûreté générale : le droit incontestable de la nation d’accorder ou de refuser les impôts deviendrait conséquemment illusoire ; les assemblées mêmes des Etats généraux, désormais inutiles au souverain, seraient bientôt ou éloignées par degré, ou éludées sous de vains prétextes. Les provinces isolées perdraient cette énergie qui doit naître de leur réunion, et la France enfin ne formerait plus qu’un assemblage bizarre de parties incohérentes qui n’auraient de force que pour se nuire réciproquement; nous verrions bientôt reparaître tous les abus qui pèsent aujourd’hui sur nous, et dans cet enchaînement funeste de fautes et de revers, la leçon même du malheur serait perdue pour les Français. C’est donc en attaquant les causes de tant de maux qu’on les éloignera pour toujours. Et le droit d’accorder des impôts, exclusivement attaché aux Etats généraux, est le vrai palladium, de la liberté française. Art. 14. Le droit dont jouit le clergé d’octroyer ses contributions particulières sous le titre de don gratuit appartiendra désormais à l’assemblée des États généraux, exclusivement aux assemblées de cet ordre. Art. 15. Les députés des trois ordres doivent s’opposer à l’établissement d’une commission intermédiaire des Etats généraux. Motifs. Les Etats de 1576 rejetèrent avec force l’éta-tablissement d’une commission intermédiaire des Etats; ils virent que cette assemblée peu nombreuse, privée d’énergie ou forte seulement de ses intrigues, n’eût été bientôt qu’une réunion funeste de tyrans ou de traîtres. Art. 16. Toutes lettres closes, lettres d’exil et autres espèces d’ordres arbitraires émanés du prince ou de ses ministres, seront absolument proscrites, comme attentatoires à la sûreté personnelle du citoyen; les ministres, les seigneurs et les officiers publics qui oseraientles mettre à exécution, seront poursuivis extraordinairement par les procureurs généraux des cours souveraines, au nom de la nation outragée; nul citoyen, par conséquent, ne pourra être privé de sa liberté que par le vœu de la loi clairement énoncé, et en punition d’un attentat commis contre la propriété ou la sûreté d’un autre citoyen. Motifs. Les lettres de cachet ne sont utiles à personne, et nuisent à tous; les ministres seuls trouvent, dans ces ordres secrets, les moyens de servir leurs passions ou la vengeance des courtisans. Art. 17. Tout homme arrrêté par ordre du magistrat, seul organe de la loi, sera relâché sans délai s’il est innocent, et livré, s’il est coupable, à ses juges naturels, sans que l’ordre des tribunaux puisse jamais être interverti. Art. 18. L’établissement des commissaires nommés pour juger les particuliers, quel que soit leur rang, les évocations au conseil, et les attributions, à tous autres juges que ceux du domicile des parties, de tout procès pendant devant les tribunaux compétents, seront proscrits comme anticonstitutionnels ; nul privilège, nulle exemption ne pourront soustraire un criminel à la rigueur des lois. Art. 19. Chaque citoyen jouira de la liberté indéfinie de publier, par la voie de l’impression, et de répandre dans tout le royaume, les ouvrages qu’il aura composés, à la charge par les auteurs et imprimeurs de répondre personnellement de [Étals géa. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. tout ce que ces écrits pourraient contenir de contraire à la religion, à l’ordre général et à l'honneur des citoyens. Motifs. Les ouvrages de l’esprit sont la propriété des auteurs comme les terres sont la propriété des seigneurs. La liberté de la presse est donc un droit dont les auteurs doivent disposer à leur gré, avec les seules restrictions qu’exige la sûreté de chaque individu ; on ne doit point craindre que des principes dangereux se répandent avec les livres qui en seraient infectés. L’effet le plus sûr des prohibitions est de donner de la vogue aux ouvrages défendus, l’effet le plus sûr de la liberté de la presse est de rendre le public indifférent sur les ouvrages mauvais ou médiocres. La liberté de la presse produira encore l'avantage de rendre à la France une branche considérable de commerce dont nos voisins ce sont emparés. Art. 20. Les ministres du Roi, et surtout celui des finances, ainsi que tous administrateurs publics, seront responsables de leur administration aux Etats généraux ; en conséquence, les Etats auront le droit d’accuser et de traduire devant les cours tout ministre qui aurait formé des entreprises tendantes à renverser ou à ébranler la constitution, à détourner les deniers publics de l’usage assigné par les Etats, à abuser du nom et de l’autorité du souverain pour attenter à la sûreté du citoyen, à trahir la confiance du prince, et suggéreras actes contraires aux intérêts toujours inséparables du Roi et de la nation. Jusqu’ici tous les ministres ont eu tout à espérer et rien à craindre ; sont-ils coupables, leur seule punition est un exil, et les grâces du prince les suivent même quelquefois dans leurs retraites. Ah ! ce n’est point ainsi que l’on doit traiter les hommes coupables du crime de lèse-majesté nationale ; l’exemple du passé nous a mieux instruits sur cet objet que toutes les réflexions. Art. 21. Tous les corps civils et militaires seront aussi comptables envers les Etats généraux de l’exercice de leurs fonctions. Art. 22. Tous édits, ordonnances, déclarations, lettres patentes, émanés du prince, ne seront obligatoires qu’après la vérification libre et l’enregistrement des cours souveraines. Motifs. Une malheureuse expérience nous a prouvé les avantages de la vénalité des charges lorsque le despotisme corrompt tout ; l’indépendance que doitdonneràun magistrat une grandefortune, l’intérêt qu’il a de la conserver, sont deux obstacles à l’extension de l’autorité; et la vénalité des magistratures ne peut jamais introduire, dans les cours chargées de défendre la constitution, les abus désastreux que produirait l’influence d’un favori. Les magistrats doivent donc être inamovibles, c’est le vœu de la loi ; mais il importe de lier cette loi à la constitution ; il est également important que les officiers militaires jouissent d’un état assuré. Art. 23. Les Parlements ne seront plus une sorte d’Etat raccourci au petit pied, mais le corps de magistrature permanente, liés essentiellement à la constitution par les décrets de la nation assemblée, tenant du Roi leur pouvoir et leur compétence comme juges , tenant de la nation le droit de vérifier les lois nouvelles , de veiller au maintien de la constitution, et d’en rappeler les principes oubliés ou méconnus. lr* Série, T. IL [Sénéchaussée de Carcassonne.] 529 Art. 24. Les officiers des cours tant supérieures qu’inférieures seront inamovibles et ne pourront être destitués que pour forfaiture jugée. Leurs droits, sanctionnés par le vœu des Etats, les mettront dans tous les temps à l’abri des violences employées pour subjuguer leur opinion et forcer leur suffrage. Les officiers militaires ne pourront être privés de leur état, charges et emplois, qu’après un jugement légalement prononcé. Art. 25. Les villes seront reintégrées dans leurs privilèges, principalement en ce qui concerne la libre élection dos officiers municipaux, sauf les droits des seigneurs, et dans l’entière disposition des revenus des communes, lesquelles seront soumises à l’inspection des Etats de leur province respective, exclusivement aux commissaires départis et aux ministres du Roi. Motifs. On se plaint de toute part de l’extrême facilité et de l’extrême rigueur des commissaires départis, qui, par des moyens opposés, mais également funestes, tantôt ôtent aux communautés l’usage utile de leurs revenus, et tantôt autorisent de vaines dépenses. Les Etats seuls des provinces sont pour eux des juges que l’inattention ne détournera point, et qui joindront à la prudence des connaissances locales beaucoup plus étendues. Art. 26. Les ministres du Roi ne pourront assister à l’assemblée des trois ordres, soit réunis, soit séparés, qu’ils n’y soient appelés par les Etats, et ils ne pourront jamais être présents aux déIi-> bérations. Motifs . Lorsqu’aux Etats de Tours les trois ordres voulurent délibérer sur les objets les plus importants, ils exigèrent que les ministres du Roi se retirassent du lieu de leur assemblée, afin de laisser aux députés toute leur liberté. Les Etats de province ne doivent point avoir d’autorité législative, parce qu’elle doit être une et indivisible. Les Etats provinciaux pourraient élever, dans une monarchie qui doit être soumise à un régime uniforme, autant d’autorftés etde lois différentes qu’il y aurait de provinces. Il est cependant nécessaire qu’ils puissent s’imposer pour leurs dépenses particulières, comme travaux publics etc., et qu’ils aient en entier la disposition de cette imposition particulière, ainsi que de l’emploi. Art. 27. U sera établi, dans toutes les provinces des administrations libres et représentatives, économiques et non législatives, sous le titre d’Etats, lesquelles se tiendront tous les ans. Leurs fonctions seront de répartir les impôts consentis par les Etats généraux ; ilsauront une commission intermédiaire, toujours existante pendant le temps qu’ilsne seront pas assemblés, ainsi que des procureurs généraux synd ics , chaigés spécialement de mettreopposition, par-devant les cours, à l’enregistrement des lois locales et momentanées, émanées du prince, dans les intervalles' de la convocation de l’Assemblée nationale, lorsque ces lois pourront contenir des clauses contraires aux privilèges de leur province. Art. 28. Sa Majesté sera suppliée de rendre au Languedoc une constitution libre et élective des trois ordres de la province, et de permettre que, sous la vigilance des commissaires qu’il lui plaira de nommer, ladite province soit assemblée en un lieu convenable, par députés librement élus dans chaque ordre du diocèse; laquelle assemblée sera 34 530 [-Etats gén. 1789, Laniers.] �hCKlYRS PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Carcassonne.] autorisée à dresser le plan d’un régime représentatif et constitutionnel, lequel plan sera remis sous les yeux de Sa Majesté et des Etats généraux pour être autorisé. Motifs. Les peuples du Languedoc gémissent depuis longtemps sous le poids d’une administration inconstitutionnelle; le vœu, pour obtenir une organisation représentati ve, a été déjà manifesté partout, de diverses manières. Celte opinion publique et les réclamations qui se sont fait entendre de toute part ont fait proscrire la prétention des administrateurs actuels de la province, de pouvoir nommer, en tout ou en partie, les députés aux Etats généraux. La noblesse de la sénéchaussée, pénétrée des sentiments que plusieurs de ses membres ont déjà exprimés dans d’autres assemblées, espère que, bientôt, réunie à tous les ordres de la province, elle pourra s’occuper, de la manière la plus propre, à former un corps d’Etats composé de membres librement élus par leurs ordres. Tels sont les points préliminaires qui doivent être déterminés dans l’assemblée nationale, préalablement à toute autre délibération, avant surtout de voter pour les subsides, dont on ne pourra s’occuper que lorsque la constitution aura été fixée conformément aux articles ci-dessus. On demandera alors le tableau exact et détaillé de la situation des finances et la connaissance ap • profondie du montant du déficit et de sa véritable cause. La noblesse offrira alors généreusement des sacrifices pour acquitter la dette du gouvernement et soulager le peuple. La noblesse du Languedoc ne jouit d’aucune immunité personnelle dans la répartition des tailles, et tout ce qu’on a dit concernant les privilèges de la noblesse dans les autres provinces lui est étranger. Les biens-fonds du Languedoc sont nobles ou roturiers, et leur nature ne change point, dans quelques mains qu’ils se trouvent. Celte noblesse inhérente à certains fonds est aussi ancienne que le franc-alleu. Les droits seigneuriaux sont assis sur des fonds qui contribuent au payement de tous les subsides, et dès lors les cens ou les agriers, dont la redevance est établie sur ces fonds, ne doivent être assujettis à aucune imposition, puisqu’un les recevant de la main du seigneur, l’emphy-téote a accepté la condition d’en payer toutes lès charges. Ceite immunité des fonds nobles et des fiefs n’est point un privilège personnel,mais un droit réel, qui leur est attaché par des lois positives et par la possession ta plus ancienne. Les droits les plus sacrés, ceux de la propriété, entre les mains des citoyens, n’ont d’autre fondement qu’une possession semblable. L’exemption des subsides a fait partie du prix dans les ventes, dans les partages des familles et en a augmenté la valeur : tous ces actes ont été faits sous la foi publique et de l’aveu de toute la nation, qui ne peut exiger le sacrifice d’une propriété si bien caractérisée; cette augmentation de valeur en a produit une dans le payement des droits de fiefs, lors de leurs mutations; s’ils sont privés de leur exemption, il ne restera plus aux seigneurs que les charges du fief, qui deviendra dès lors d’une condition inférieure à l’alleu et au fonds roturier. On a déjà porté atteinte à l’immunité des fiefs et des fonds nobles, lorsque, en vertu de l’édit de 1749, on a assujetti les propriétaires à en déclarer le produit pour les imposer aux vingtièmes. Cet édit n’annonçait à la vérité qu’un subside passager, mais on l’a vu successivement s’accroître et se perpétuer. La noblesse a droit de réclamer contre cette perpétuité, qui grève d’un double subside les fonds qu’elle a donnés en emphytéose ; néanmoins, toujours prête à sacrifier sa fortune et sa vie pour l’avantage de l’Etat, elle offrira de contribuer proportionnellement à l’acquit de la dette du gouvernement, Tous les capitalistes devront être assujettis à un impôt proportionnel ; et pour cet effet, on exigera dans quinzaine le contrôle de tout acte privé, à peine de nullité et d'amende, lequel contrôle sera néanmoins fait gratis. La contribution des capitalistes présente à l’Etat un accroissement de subsides presque indéfini ; la noblesse offre, à cet égard, d’assujettir les propriétés mobilières en argent à un impôt proportionnel à celui des autres capitalistes du royaume. Un demandera ensuite : 1° La publication annuelle des états de recette et de dépense, à laquelle sera jointe la liste des pensions, avec l’énonciation des motifs qui les auront fait accorder. 2° La reddition publique des comptes par pièces justificatives , à chaque tenue d’Etats. 3° La fixation motivée des dépenses des divers départements. 4° Le reculement des douanes jusqu’aux frontières du royaume, 5° Le relus, à l’avenir, de l’obtention et du renouvellement de tous privilèges exclusifs , destructeurs du commerce et de l’industrie. 6° L’abolition des règlements relatifs au contrôle, et la confection d’un tarif simple, clair, qui puisse s’étendre à tous les cas et ne laisse rien à l’arbitraire. 7° La fixation des dîmes proportionnellement au produit des fonds, en sorte qu’elle n’excède jamais le dixième du revenu net des propriétés territoriales ; 8° La réforme des abus dans l’administration de la justice civile et criminelle et dans l’exercice de la police ; 9° Le prêt à jour avec l’intérêt au taux légal. L’utilité du prêt à jour est reconnue; le clergé, mieux instruit, a éclairé les doutes qu’on avait répandus sur cette matière, et l’opinion publique sollicite depuis longtemps une loi qui, en facilitant la circulation de l’argent, permettra aux propriétaires d’en retirer un juste intérêt, sans être obligés de renoncer pour toujours à leur capital. 10u La compétence des tribunaux et l’arrondissement des sénéchaussées doivent être irrévocablement fixés, et il faut réformer les abus qui régnent dans l’organisation intérieure des cours souveraines. 11° Les tribunaux d’exception ainsi que les chambres souveraines des fermes, telles que celles de valeur et autres, doivent être supprimés, en indemnisant les propriétaires des offices. 12° Il est également important pour les intérêts de tous les ordres que le nombre des charges qui confèrent la noblesse soit diminué par l’extinction et le remboursement des offices qui viendront à vaquer. 13° Les emplois inutiles et sans fonctions doivent être supprimés. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Carcassonne.] 531 Sa Majesté sera suppliée de nommer à ceux qui sont vacants, dont Futilité sera reconnue, sans les accumuler sur la même tête, la suspension actuelle de ces nominations ne pouvant qu’alarmer la délicatesse de la noblesse. Sa Majesté voudra bien aussi supprimer ces punitions humiliantes, contraires à l’esprit d’une nation libre et belliqueuse, dont le premier sentiment fut celui de l’bonneur. 14° Toutes les survivances doivent être généralement abolies. 15° On doit s’occuper des moyens d’abolir la mendicité et de fournir à la subsistance des vrais nécessiteux. Les députés consentiront à l’octroi des seuls subsides jugés absolument nécessaires au besoin réel et indispensable de l’Etat, et pour remplacer les impôts actuels qui devront être abolis en totalité par les Etats généraux; ils préféreront les taxes peu nombreuses d’une perception simple et facile, jamais indéfinie, et toujours limitée aux termes de la convocation de l’Assemblée nationale, en observant que les habitants des campagnes sont depuis longtemps surchargés par l’impôt, ainsi que par la forme de la perception, et qu’ils sont hors d’état de supporter de plus fortes taxes. Les députés consentiront aussi à l’aliénation des domaines utiles de la couronne, justices et droits corporels en dépendant; ils demanderont qu’on ne puisse jamais, sous aucun prétexte, en déposséder les acquéreurs. On demandera lu résidence rigoureuse des archevêques, évêques, abbés, dignitaires et autres bénéficiers , sous les peines portées par lessaiuts canons et les anciennes ordonnances ; Qu’un ecclésiastique ne puisse posséder plus d’un bénéfice, et que chaque bénéfice fournisse à une subsistance décente, suivant l’estimation commune ; Que les religieux soient réduits au nombre de maisons où. la régularité peut se maintenir, en leur attribuant le revenu de celles qu’ils seront forcés d'abaodonner; et que celles-ci soient vendues, ainsi que leurs aitenaiïces; Que les droits excessifs du fisc envers le cierge soient admis dès qu’il payera les charges royales et locales; en sorte qu’il puisse faire des constructions, des reconstructions et réparations nécessaires, sans se voir assujetti aux entraves lis-cales; Que les constructions, réparations, entretien des églises et des presbytères, ne soient plus à la charge des peuples, mais qu’il y soit pourvu sur le produit des dîmes ; Que les curés et vicaires étant, dans l’ordre dé la religion, les ministres les plus nécessaires, il leur soit accordé un entretien décent et convenable, dont les dîmes, si elles sont suffisantes, fourniront le moyen, et en cas d’insuffisance, qu’il y soit pourvu par voie de suppression et union des bénéfices simples; Que l’honoraire des vicaires soit pris sur la totalité des dîmes, et non sur la portion des curés seulement ; Que les fonctions curiales soient faites gratuitement, que le clergé soit tenu de payer ses dettes ; que, pour y parvenir, il puisse vendre ses biens, sans que par la suite il puisse y rentrer ni en acquérir de nouveaux; , Que la réformation soit confiée à des personnes bon intéressées, afin qu’elle ne devienne pas illusoire connue par le passé; La dépravation des moeurs étant souvent le présage de la chute des empires, Sa Majesté voudra bien employer toute son autorité à faire fleurir la religion, et à flétrir les mœurs publiquement dépravées. Une bonne éducation étant le principe et le développement des vertus, les députés demanderont qu’on s’occupe d’établir une éducation nationale. Que les pensions de retraite au-dessous de 3,000 livres accordées aux militaires, ne puissent être sujettes à aucune retenue. Que le tirage au sort pour le service des milices et des gardes-côtes soit supprimé. Que le droit de franc-alleu soit généralement maintenu dans toute la province du Languedoc , ainsi qu’elle a toujours dû en jouir. Sa Majesté sera suppliée d’accorder au Languedoc l’établissement de deux chapitres nobles pour les demoiselles de cette province, doüt là condition et la pauvreté seront reconnues. Elle sera égaièment suppliée de prendre en considération l’état du commerce de cette sénéchaussée, et de lui accorder tous les moyens propres à lui donner un nouveau lustre Les députés demanderont, qu’attendu que le diocèse et pays d’Albigeois ont leurs Etats particuliers, comme le Yivarais, le Gévaudan et le Velay, l’édit donné par Louis XIII en 1637, portant création d’une sénéchaussée pour le diocèse d’Alby, ait sa pleine et entière exécution. Que l’édit de 1710, portant établissement d’une juridiction consulaire dans la ville deNarboüne, soit également exécuté. Ils demanderont enfin la suspension actuelle de tous les travaux publics délibérés par les assises des diocèses de celte sénéchaussée, jusqu’à ce qu’une nouvelle administration-en ait déterminé l’utilité. Signé Le comte d’Encoutealm-Gazou, président; le marquis Du Parc de Radens, de Bonatlos de Latour, d’Abadie de Villeneuve, d’Aragon, Barthe de Labaslide, d’Andreossy, le marquis d’Aragon, Àirolles, Barthe de la Bastide, d’Àndreossy, Barthe de Marmorières, le comte de Boyer, le comte de Gaux, Gavailhes de Lasbordes, le chevalier de Chef deBieu,Rigaud de Corneille, Gurniesde Canciaude, de Rigaud, le chevalier de Corneille, du Gup de Saint-Ferriot, le chevalier du Cup Saint-Paul, le baron de Fabrezan, de Falcois de Saintray, le marquis de Grave, le chevalier de Fournas, De-gattet-Duplessis, le comte d’Haüt-Poul, le baron de La Brosse, Defabrezan, Lacger-Gamplong, le marquis de Lacet, Lavalette de Fabac, Cousin de la Vallière, Just de Montredon, le baron de Lorrnet, Portât de Laric, Montrédon, le marquis de Peîi-naulier, Portal-Demous, le baron de Poujol, Rivière, Rochegude, Rivais de Gincla, le chevalier do Rivière, Rolland-Fourtou, Rolland-Labastide, Laporterie de Roquecourbe, Roquefère, le baron de Saint-Ferriot, Brugairoce de Saint-Massal, de Saint-Martin, Brugairoce de Thezan, Devalette, de Veyes, le chevalier de Valette, le comte de Ver-noû-Desapte, le vicomte de Vernou, le chevalier de Vernou, de Rolland, Pellitier, Major, et Sifan, secrétaire. Collationné par nous, Raymond de Rolland, écuyer, conseiller du Roi, juge mage/ lieutenant général de la sénéchaussée de Carcassonne, président de l’assemblée des trois ordres de la sénéchaussée. Signé de Rolland. 532 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Carcassonne.] CAHIER. Des doléances, plaintes et remontrances de la sénéchaussée de Carcassonne, dressé par les commissaires nommés par V assemblée générale dutie7's-état , d’après les différents cahiers reçus par les communautés (1). Le tiers-état de la sénéchaussée de Carcassonne, voulant donner à un monarque chéri, et si digne de l’être, la preuve la plus authentique de son respect, de son amour, de sa reconnaissance et de sa fidélité, concourir, avec la nation entière, à réparer les malheurs successifs qui font accablée, et lui rendre son ancienne splendeur , Déclare qu’il fait dépendre son bonheur de celui de son Roi, de la stabilité de la monarchie, de la conservation des ordres qui la composent, des lois fondamentales qui la régissent. Considérant encore qu’un respect sacré pour la religion, lés mœurs, la liberté civile et les propriétés, un prompt retour aux vrais principes, un choix réfléchi et une juste mesure dans les impôts, une égalité proportionnelle dans leur répartition, une économie soutenue dans les dépenses, et des réformes indispensables dans toutes les parties de l’administration, sont les meilleurs et peut-être les seuls moyens d’en perpétuer la durée , Le tiers-état de la sénéchaussée de Carcassonne supplie très-humblement Sa Majesté de prendre en considération ces différents objets, de les peser dans sa sagesse, et de faire jouir au plus tôt ses peuples des nouveaux effets de la bonté qu’elle n’a cessé de leur manifester, et que son amour leur prépare. Et attendu qu’en exécution des ordres de Sa Majesté, les habitants composant le tiers-état de la sénéchaussée doivent déposer clans son sein paternel la cause des maux qui l’affligent et des moyens d’en procurer le soulagement, ils croient remplir les devoirs de sujets fidèles et de citoyens zélés, en soumettant à l’examen de la nation et aux sentiments de justice et d’affection de Sa Majesté pour ses peuples: 1° D’assurer à la seule religion catholique, apostolique et romaine, à l’exclusion de toute autre, le culte public, d’en favoriser la propagation, et de préparer les moyens les plus efficaces pour rétablir la discipline de l’Eglise et en rehausser l’éclat. 2° De confirmer néanmoins l’état civil des sujets du Roi non catholiques, et les admettre dans les places et emplois d’administration économique, sans que cet avantage, que la raison et l’humanité réclament pour eux, puisse, dans aucun cas, être étendu à l’exercice de la justice et de la police dans l’étendue du royaume, non plus qu’à l’enseignement public. 3° Que la nation doit aviser aux moyens d’abolir le droit d’annate et tous autres droits attribués au Saint-Siège, au préjudice de la réclamation générale de tous les Français. D’ordonner que les évêques et archevêques soient rétablis dans le droit d’accorder les dispenses de mariage à tous les degrés de parenté, en soulageant les sujets du Roi de l’obligation onéreuse de s’adresser en cour de Rome. 4° De faire revivre et exécuter les anciens règlements qui prohibent la pluralité des bénéfices et prescrivent l’obligation de la résidence. (Il Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. 5° D’ordonner de plus fort l’exécution des lois déjà portées, concernant la conventualité, et supprimer les maisons religieuses qui ne pourraient être pourvues d’un nombre suffisant de religieux, lesquels ne pourront d’ailleurs être admis à l’avenir à faire leurs vœnx qu’à l’âge de vingt-cinq ans révolus. 6° De demander la suppression ou réduction des fêtes, et en renvoyer la célébration au dimanche suivant. 7° De consacrer, comme autant de principes fondamentaux de la monarchie, les droits qui viennent d’être rendus à la nation, et en assurer la perpétuelle et inaltérable jouissance par une loi solennelle qui règle ceux du monarque et du peuple, de manière qu’il soit impossible de les enfreindre. 8° De distinguer particulièrement, parmi ces droits, celui que la nation ne puisse désormais être assujet tie qu’aux lois et aux impôts qu’elle •aura librement consentis. 9° Que le retour des États généraux du royaume soit fixé à des époques déterminées, et que les subsides jugés nécessaires aux besoins et au service de l’Etat ne soient votés que jusques et inclusivement à l’année à laquelle sera fixée la prochaine assemblée des Etats généraux. 10° Que, pour conserver au tiers-état l’influence que doivent lui donner le nombre d’individus dont il est composé, la mesure de ses contributions et les intérêts multipliés qu’il a à défendre ou à réclamer dans les assemblées nationales, les voix y soient prises et comptées par tête. Il0’ Qu’aucun ordre, aucun corps, aucun citoyenne puisseprétendre d’exemption pécuniaire; et’ qu’en conséquence, toutes les contributions royales, provinciales et municipales, soient réparties sous la môme dénomination sur toutes les personnes quelconques, dans la juste et exacte proportion de leurs facultés, et sur toutes les propriétés proportionnellement au produit dont elles sont susceptibles, sans distinction de la qualité du possesseur ni du fonds ; et qu’à cet effet, il y sera délibéré par la nation avant de passer à l’examen et à l’établissement d’aucun impôt. 12° D’abolir le droit de franc-fiçf et les règlements généraux ou particuliers qui excluent le tiers-état de certaines places, emplois, grades et offices attributifs de noblesse personnelle ou transmissible ; et porter une loi qui déclare les membres de cet ordre aptes à les remplir, toutes les fois que, par leur mérite personnel, ils seront jugés dignes d’en être pourvus. 13° Que la liberté individuelle, étant intimement liée à la liberté nationale, Sa Majesté soit très-humblement suppliée de ne pas permettre qu’il y soit porté atteinte par des ordres arbitraires ; et si des cas pressants et extraordinaires pouvaient jamais en ordonner impérieusement l’usage, assurer, par une loi, à tout individu, d’ordre du Roi, les moyens de faire entendre aussitôt, et dans le délai de vingt-quatre heures, sa justification et d’y faire statuer par les juges naturels et compétents. 14° D’accorder la liberté de la presse, et cependant la subordonner, par un règlement sévère, aux principes de la religion, des bonnes mœurs et de l’honnêteté publique. 15° De porter un œil attentif sur notre Code civil, et rendre, par des réformes salutaires, la distribution de la justice moins longue et moins coûteuse, de réformer principalement notre procédure criminelle, de Fixer et changer nos lois pénales, et par la mettre en sûreté les biens, le [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Carcassonne.] 333 repos, _ l’état et la vie des citoyens, l’honneur et la conscience des magistrats. 16° Déclarer les ministres responsables de* leur gestion ; et dans le cas de malversation ou déprédation des fonds publics, qu’ils soient traduits devant les tribunaux auxquels la compétence sera attribuée par la nation pour y être jugés suivant la rigueur des lois, et punis comme coupables de lèse nation. 17° De demander l’aliénation irrévocable des domaines de la couronne, pour faire face aux payements de la dette nationale -, et qu’il soit procédé à cette vente sur les lieux par des commissaires assistés de plusieurs membres des administrations provinciales et diocésaines , en admettant les communautés d’habitants au concours, pour opérer la consolidation des droits seigneuriaux. 18° D’enjoindre aux villes et communautés d’aliéner irrévocablement leurs biens patrimoniaux pour opérer leur libération. De substituer à la levée de la milice une taxe répartie sur chaque communauté et dont le produit sera rigoureusement employé par chacune d’elles à assurer à l’Etat le nombre d’hommes qui seront jugés nécessaires à sa défense comme milice nationale. 19° De déterminer une somme fixe pour obtenir les congés des soldats de Sa Majesté ; qu’il leur soit permis en tout temps de l’obtenir ; mais qu’en temps de guerre, ils ne le pourront qu’en se faisant remplacer par deux sujets agréables aux officiers de leur corps. 20° D’abroger au plutôt les peines humiliantes infligées aux soldats français pour de légères fautes, comme funestes au service du Roi, et capables d’éteindre les sentiments qui ont toujours fait la force et la gloire de l’Etat. 21° Que la multiplicité des règlements concernant la perception, des droits du contrôle en ayant fait un chaos presque impossible à débrouiller, Sa Majesté soit suppliée d’accorder une loi portant tarif de ce droit, de manière que chacun puisse connaître aisément l’impôt qu’il doit payer,- en passant un acte auquel il est soumis par une autre loi ; de lever ou éloigner les doutes auxquels la perception actuelle donne lieu ; prévenir la levée d’aucun droit qui ne serait pas légitimement dû, et en assurer au besoin une prompte restitution. Qu’en faisant ce tarif, on veuille bien envisager que les droits de contrôle et d’insinuation soient perçus sur la valeur de la convention et de la libéralité, et que la perception s’élève dans la môme progression, à quelque somme qu’elle se porte. En considération de ce que cette augmentation produira, supprimer les dix sols pour livre. 22° De supplier Sa Majesté de supprimer l’impôt des gabelles, qui pèse particulièrement sur l’agriculture et la classe la plus nombreuse et la plus indigente de l’Etat. Le sel est une denrée aussi utile à la fertilité des campagnes qu’à la propagation, conservation et perfection des bestiaux. Alors que l’agriculture est la mère nourrice de l’Etat, l’Etat doit lui laisser la jouissance d’une production que la nature nous prodigue, et que le fisc arrache de ses mains pour la transmettre avec une cruelle avarice. Cet impôt des gabelles, que Sa Majesté a déclaré être désastreux, doit être rejeté principalement sur les objets de luxe. 23° De supplier Sa Majesté d’abolir les droits sur les cuirs, papier et carton ; et permettre la cul ture du tabac. 24° Porter une loi qui déclare les prêts à jour susceptibles de produire intérêt suivant le taux fixé par les lois du royaume. 25° De supplier Sa Majesté de rapprocher lajustice souveraine de ses justiciables, suivant la promesse qu’elle en a faite à ses peuples, dont le bonheur est inséparable de ce rapprochement. 26° De prendre en considération les demandes particulières des villes de Narbonne et Albi concernant l’établissement d’une sénéchaussée présidiale dans chacune des villes, sans préjudice néanmoins d’un ressort suffisant à attribuer à celle de Carcassonne, la plus ancienne de la province, et sans préjudice des droits des officiers de la sénéchaussée de Carcassonne. 27° De supprimer les tribunaux d’exception et de privilège, dont la multiplicité permet à peine de connaître les noms, cause des conflits ruineux, sépare, pour ainsi dire, la justice d’elle-mème, et dont l’établissement et la confirmation, effets funestes de la vénalité, ont eu plutôt pour objet. des opérations de finances que Davantage réel des peuples. 28° De rendre aux sénéchaussées présidiales leur ancien lustre et leur véritable compétence, augmenter leur attribution en dernier ressort et leur assigner des arrondissements suffisants pour procurer aux magistrats un travail suivi, sans en être surchargés, et aux peuples des juges exercés qui leur rendent une bonne et prompte justice. 29° De régler, par une loi précise, la subordination des tribunaux inférieurs, sans préjudicier, en aucune manière, à la liberté individuelle des magistrats inférieurs, et de supprimer les juridictions bannerêtes. 30° Que personne ne sera pourvu d’aucun office de notaire ni autre, qu’après des examens rigoureux et des preuves de capacité relatives à sa profession, et que le nombre n’en soit déterminé que par district. 31° De donner un règlement général et uniforme sur la police qui fixe les rangs et fonctions des officiers municipaux, Détendue de leur juridiction, et qui les autorise à juger sommairement, sans frais et sans appel, les contestations non excédant les sommes arbitrées par la nation ; d’arrêter, dans le flagrant délit, toutes personnes qui pourraient troubler l’ordre et la sûreté publique, et qui leur enjoigne de dénoncer les crimes et les coupables , et de faire prêter main forte à l’exécution des décrets et des jugements , et d’accorder à toutes les classes des citoyens la faculté de concourir aux charges municipales. 32° Dé solliciter de nouveaux règlements au sujet des études et des universités, d’exiger rigoureusement le temps d’étude qui sera déterminé, et de remédier aux abus qui résultent de l’obteution des grades, sans avoir rempli ledit temps. 33° De protéger efficacement l’agriculture, comme la première base du commerce, de l'encourager par de nouvelles institutions utiles; de pourvoir au rétablissementdes lois, à laconservationetà l’augmentation des bestiaux de toute espèce, à l’amélioration des laines, et de soulager le cultivateur autant que les besoins de l’Etat pourront le permettre. 34° Que la rareté des bestiaux et la facilité accordée pour l’exportation des cuirs et des peaux chez l’étranger devant être regardées comme les principales causes de l’excessive augmentation de ces objets dans le royaume, de supplier Sa Majesté de rétracter, au moins pour un temps, la loi 5§4 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Carcassonne.] qui ordonne restitution sur les frontières d’une partie des droits perçus dans l’intérieur du royaume sur les cuirs et les peaux qui passent chez l 'étranger; règlemen t qui assujetti t les Français au payement d’un droit dont l’étranger est déchargé. 35° De solliciter un règlement général au sujet des dîmes, qui rende la perception de ce droit moins onéreuse au cultivateur et moins susceptible des discussions multipliées auxquelles elle a constamment donné lieu. 36° La dîme n’ayant été établie quepourpour-voir à l’entretien des ministres des autels, à celui des églises, maisons, presbytères, et au secours des pauvres, il paraît injuste que les agriculteurs, qui forment la classe la plus grevée de la société, supportent seuls cet impôt, tandis que les autres classes profitent des avantages du culte sans contribuer à ses charges. On obvierait à cet inconvénient par la suppression des dîmes, et en assignant sur les impôts qui, par leur nature, porteront sur tous les ordres de la société, les sommes nécessaires à l’entretien des ecclésiastiques. 37° Dans le cas où les dîmes en nature seraient conservées, et la perception réglée par telles lois auxquelles il sera t avisé, charger les décimateurs de tout entretien des églises, presbytères, fournitures d’ornements et vases sacrés. 38° D’observer qu’il paraît injuste de payer, dans la même année, la dîme de deux récoltes sur le même pied, savoir, celle en grains et celle des olives. 39° Déclarer exempt de dîmes lesfourrages destinés à la nourriture descabaux nécessaires à la culture, sauf dans les pays où le fourrage est un principal fruit; comme aussi déclarer exempt de dîmes les agneaux, les légumes et autres menues et vertes dîmes ; et demander que la dîme des grains qui seront soumis à cette contribution, ne soit perçue qu’au sol, distraction faite de la semence. la paille devant rester au propriétaire qui, le plus souvent, en manque pour les engrais et pour la nourriture de ses cabaux. 40° Et, dans tous les cas, supprimer toute espèce de droit casuel ecclésiastique. 41° Que les dîmes dépendant des églises champêtres tombées en vétusté, et où le service ne se fait plus, soient réunies aux paroisses les plus voisines pour mettre les curés à même de fournir une augmentation de service proportionné aux paroissiens dépendants de ces églises abandonnées. 42° Que les manufactures et le commerce étant les principales sources de la richesse nationale, on ne saurait rechercher et employer trop de moyens pour en procurer et en assurer la prospérité ; que, parmi ces moyens, un des plus efficaces est celui de leur rendre la liberté qui en est l’élément et la vie, et de les préserver de toutes les atteintes que l’esprit fiscal et réglementaire pourrait leur porter. 43° D’abroger, en conséquence, les règlements et bureaux d’inspection qui enchaînent les manufactures, comme tendant à réprimer l’essor du génie induslrieux, à lui enlever ses ressources, et à contrarier l'activité avec laquelle il doit suivre les goûts du consommateur et môme les provoquer. 44° D’établir la libre circulation dans l’intérieur du royaume par la suppression des leudes, péages droit de marché, cosse et autres droits de pareille nature, sous quelque dénomination qu’ils soient Œs, et par le reculement des douanes sur les . ères selon le projet si longtemps médité par l’administration, et amené enfin à son point de maturité par sa sagesse. 44°'(tns)De n’accorder des droits et privilèges exclusifs pour aucun établissement, tel que manufactures, verreries, glaceries, exploitation de mines de toute espèce, que pour un temps limité, et d’après le consentement des administrations provinciales et des Etats généraux. 45° Et comme il est également utile de conserver aux commerçants le droit d’être jugés par leurs pairs, et de leur épargner des déplacements onéreux et la perte d’un temps inappréciable, de solliciter de la bonté et de la justice de Sa Majesté l'établissement d’une juridiction consulaire dans les villes où il existe quelque manufacture importante, ou un commerce considérable en activité, et d’augmenter môme le dernier ressort de ces sortes de juridictions, selon que les vues de sagesse de 8a Majesté le lui inspireront. 46° De fixer, avec la plus scrupuleuse attention, l’état actuel des finances du royaume, et s’occuper aussitôt des moyens de rétablir la balance entre la recette et la dépense, 47° Que, pour remplir cet objet d’une manière moins onéreuse à la nation, il soit procédé à un nouvel examende tous les impôts actuellement existants, et particulièrement de ceux que la nation n’a pas solennellement consentis. 48° Que la forme des subsides qui seront conservés ou adoptés soit réglée de la manière la plus équitable, la plus simple et la moins sujette aux pertes qu’occasionnent les frais de perception, et aux suites funestes qu’elles entraînent pour la partie souffrante et toujours trop nombreuse des contribuables. 49° D’attribuer aux assemblées diocésaines légalement constituées le droit de répartir les som-im s qu’il plaira à Sa Majesté d’accorder à titre d’indemnité. 50° De fixer à une somme déterminée le montant des pensions et gratifications; que les richesses ne soient plus l’objet et le prix des services réels ou prétendus, et que la nation soit ramenée aux passions nobles, telle que l’estime du souverain, l’amour de la gloire et l’enthousiasme du patriotisme. De supprimer toute gratification et exemption pécun iaire accord ées j usq u’i ci aux mai très de poste. 51° Que les emplois ne soient plus réunis sur une même tête ; par une répartilion plus générale, la noblesse, ayant un espoir plus prochain à la récompense de” ses -services, sera moins empressée à solliciter des récompenses pécuniaires ou des pensions qui pèsent sur la nation. 52° Que la forme des subsides soit surtout fixe et exempte de tout arbitraire, soit dans l’assiette, soit dans la levée des impôts, et qu’elle assure une égale répartition sur tous les propriétaires capitalistes ou fonciers. 53° Que les objets qui méritent le moins de ménagement sont eeuxqui, ne tenant point à leur usagement de l’agriculture et du commerce, sont uniquement consacrés à un faste ruineux, à alimenter les passions et à renverser les fortunes. 54° Que. dans le nombre de ceux formant une branche de commerce utile à maintenir, il soit établi des règles dont la combinaison procure, en même temps, et leur contribution et leur prospérité. 5o" De supplier Sa Majesté d’agréer la plus vive reconnaissance de ses peuples au sujet des vues d’économie, d’ordre, et de soulagement qu’elle a daigné leur annoncer, et qu’elle a remplies en partie, [États gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Carcassonne.] 535 56° De lui représenter très-humblement que l’entière exécution de ce plan ne fut jamais plus nécessaire à ses peuples qui, pleins de confiance en sa justice et en sa bonté, implorent sa bienfaisance et son amour pour eux, afin qu’elle leur en assure les effets. 57° De regarder comme sacrée la dette de l’Etat contractée sous la foi publique, et dont l’honneur, qui a toujours distingué la nation, doit opérer la consolidation. 58° De supplier Sa Majesté de rendre la constitution de cette province libre, élective et représentative des ordres qui ta composent, et lui laisser la liberté de proposer un plan de régime qui embrasse celui des diocèses et des municipalités pour recevoir la sanction de Sa Majesté. 59° Le tiers-état de la même sénéchaussée, instruit que les députés des fabriques de draps du Languedoc, après s’être réunis à Narbonne, avaient fait remettre à l’ordre de la noblesse une copie de leur arrêté, contenant quatorze articles de demandes, dont le 9e, le 10e, le 11e et le 12e tendent à demander au Roi : 1° de défendre à tous propriétaires de laines de la vendre autrement qu’à toison ; 2° d’attribuer à la juridiction prévô-tale, et aux frais du Roi, la connaissance en dernier ressort de tous les vols de laines, lainage et de draps, de l’insubordination des ouvriers de fabrique, contestations entre tous les ouvriers avec les fabricants ; 3° qu’il soit accordé au commerce du Languedoc, spécialement à celui des fabricants de draps, et aux frais de la province, un député à Paris pris dans leur classe ; que le Roi sera humblement supplié de ne pas prendre en considération ces réclamations particulières des négociants fabricants de draps, ni toutes celles qu’ils pourraient faire dans le même genre,, comme étant contraires à la liberté dont les propriétaires doivent jouir, nuisibles à l’intérêt général, et onéreuses à l'universalité des contribuables. 60° Le tiers-état de la sénéchaussée de Carcassonne, s’en remettant, au surplus, au zèle, au patriotisme et au sentiment d’honneur et de probité de ses députés à l’Assemblée nationale sur tout ce qui pourra concourir aux vues bienfaisantes de Sa Majesté, au bien du royaume, à l’union des trois ordres et à la tranquillité publique.