[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4juiniT9l.] 739 tentant d’un certificat de bonne conduite pendant trois ans. Je demande la question préalable. M. lie Pelletier-Sain t-Fargeau, rapporteur. Une faut pas faire une loi dont on puisse éluder l’exécution : or, vous ne pouvez pas exiger de certificats d’un homme qui, après être sorti d’une maison de peine, ira pendant quelques années en pays étranger, qui s’y est bien conduit, et qui, s’il se conduit bien en France, est dans le cas de réhabilitation, puisque vous ne pouvez point demander d’attestation du temps qu’il a été absent du royaume. Tout homme qui ne voudra pas prendre la formalité que vous lui imposez ici, dira : « J’ai été en pays étranger » pet comment lui prouverez-vous qu’il n’y a pas été? M. Garat aîné. Je compte pour rien le temps qu’un homme aura passé dans les pays étrangers. Ce n’est que devant ses concitoyens qu’il doit chercher à regagner l’opinion nécessaire pour parvenir à la réhabilitation. Je demande qu’on ne puisse le réhabiliter que lorsqu’il aura demeuré assez longtemps dans le même lieu, pour pouvoir se procurer une attestation des officiers municipaux de ce lieu. Plusieurs membres : L’ordre du jour 1 (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. Le Pellctier-Saiat-Fargeau, rapporteur. Nous passons, Messieurs, au titre de la récidive ; voici les dispositions que nous vous proposons : Art. 1er. « Quiconque aura été repris de justice pour crime, s’il est convaincu d’avoir, postérieurement à la première condamnation, commis un second crime emportant l’une des peines de la chaîne, de la réclusion dans la maison de force, de la gêne, de la détention, de la dégradation civique ou du carcan, sera condamné à la peine prononcée par la loi contre ledit crime; et après l’avoir subie, il sera transféré pour le reste de sa vie au lieu fixé pour la déportation des malfaiteurs. » {Adopté.) Art. 2. * -, « Toutefois, si la première condamnation n’a emporté autre peine que celle de la dégradation civique ou du carcan, et que la même peine soit prononcée par la loi contre le second crime dont le condamné est trouvé convaincu, en ce cas le condamné ne sera pas déporté; mais, attendu la récidive, la peine de la dégradation civique ou du carcan sera convertie dans celle de 2 années de détention. » M. Duport. Je pense que, dans le cas prévu par cet article, il faut établir la déportation. En effet, quel est le principe de la déportation ? C’est lorsqu’une fois un homme a été repris et condamné, la société n’espérant plus de lui aucune espèce d’amendement, ne peut plus le laisser subsister parmi elle. Je vous prie de remarquer que la peine de récidive était, par la loi de 1724, presque toujours la mort. On était parti d’un bon principe, et on avait une application fausse. On avait dit : Toutes les fois qu’un homme est repris, la société doit s’en débarrasser, parce que s’il est repris une seconde fois, il ‘deviendra voleur. On avait donc établi un très bon principe, mais on en avait tiré une conséquence atroce qui est que par la récidive on devait nécessairement être condamné à mort. La peine de mort était appliquée, par loi de 1724, pour ceux qui avaient été condamnés aux galères à temps, et le principe de cette condamnation était qu’un homme que la société a déjà pris et condamné, était trop dangereux pour y rentrer. Mais la loi de 1724 est trop forte, parce qu’il ne faut pas condamner un homme à mort parce qu’il a été repris une seconde fois. Je pense qu’il doit être déporté ; et si, pour cette récidive, vous ne le condamnez qu’au carcan et qu’il rentre pour la troisième fois dans la société, vous êtes sûrs qu’il commettrait les mêmes désordres. Ainsi je pense que, pour que notre système soit adopté en entier, on ajoute la déportation à l’article. M. Fe Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Messieurs, il s’agit de savoir actuellement si le condamné, qui est repris de justice et qui mérite une peine infamante, c’est-à-dire la peine de la dégradation civique, sera déporté pour la récidive : c’est-à-dire s’il éprouvera une espèce de mort civile, ou bien si sa punition sera aggravée. Pour entendre la question, il faut savoir à quel crime s’applique la dégradation civique; elle s’applique à un très petit nombre de cas. Elle ne s’applique point aux violences, elle ne s’applique point au vol, elle s’applique à quelques actions de bassesse. L’homme qui viole le secret d’une lettre, par exemple, fait une infamie, et en conséquence il est dans le cas de la dégradation civique. Or, voulez-vous, Messieurs, que cet homme qui a commis ce délit, qui s’est flétri dans la société, lui voulez-vous imprimer la mort civile, voulez-vous arracher cet homme à son pays? {Oui ! oui !) Voici un autre cas, c’est celui qui insulte , d’une manière grave, un fonctionnaire public. Or, un homme, dans un instant d’emportement, aura manqué d’une manière grave à un fonctionnaire public, vous devez lui imprimer une note d’infamie; mais devez-vous encore une fois lui imprimer pour cela la mort civile ? Après cela, je persiste à demander que dans le cas où la récidive ne porterait que sur un délit peu important, la peine infamante soit, en raison de la récidive, convertie en 2 ans de détention. M. Prieur. Il faut bien saisir la question que nous avons à juger. Il ne s’agit pas de savoir si un homme qui aura commis une première fois ce que le rapporteur appelle une action basse, sera déporté; mais il s’agit de savoir si cet homme, après avoir été dégradé civilement, si cet homme, après avoir perdu tous ses droits de citoyen, et ne profitant pas de la correction que la société lui a donnée , retombe encore dans le crime; il s’agit, dis-je, de savoir si la société peut encore le recevoir dans son sein ; s’il s’agissait d’appliquer à la récidive toute peine de mort, il y aurait sans doute beaucoup à balancer; mais prenez garde ici qu’il ne s’agit que de la simple déportation, c’est-à-dire d’adopter une proposition qui tend à purger le corps social de voir les individus qui la déshonorent et la troublent sans cesse; je crois que cela ne peut pas faire de difficulté. M. Fegrand. Je demande que la récidive de la dégradation civique soit, dans tous les cas, punie de 2 ans de détention, et que la déportation 740 [Assemblée nationale.] ne puisse avoir lieu que pour les délits qui auraient éprouvé uue détention de 2 ans. Je propose donc pour amendement que la déportation ne puisse avoir lieu que pour la récidive après 2 ans de détention. M. Bouche. L’article que l’on vous propose me paraît très oiseux à décréter, et je désirerais qu’il fût utile. Vous avez supprimé toute marque extérieure pour découvrir le premier crime. Hier, on demanda au comité de Constitution quelles voies on pourrait employer pour reconnaître ceux qui avaient commis une première faute, il répondit qu’il n’y en avait point. Un homme se rendra coupable, par exemple, dans le département du Var, du crime qui méritera la peine de la récidive; il ira ensuite dans le département du Morbihan commettre le même crime, voilà certainement une récidive, mais où les preuves de la récidive se trouveront-elles ? Il s’en suivra de là que cet homme sera puni une seconde fois comme s’il n’était coupable que pour la première. Il serait important que votre comité de Constitution mît sous vos yeux un moyen quelconque de pouvoir reconnaître la récidive. (L’Assemblée nationale charge son comité de Constitution de lui proposer, sans délai, ses vues sur les moyens de reconnaître les coupables qui auraient récidive.) (L’article 2 est ensuite mis aux voix et adopté.) M. lie Pelletier-Saint-Fargean , rapporteur. Nous passons maintenant au titre relatif aux effets des condamnations ; voici l’article 1er : « Quiconque aura été condamné à l’une des peines de la chaîne, de la réclusion dans la maison de force, de la gêne, de la détention, de la dégradation civique ou du carcan, sera déchu de tous les droits attachés à la qualité de citoyen actif et rendu incapable de les acquérir; son témoignage et son affirmation ne seront point admis en justice. « Il ne pourra être rétabli dans ces droits ou rendu habile à les acquérir, que sous les conditions et dans les délais prescrits au titre de la réhabilitation. » M. legrand. Je ne voudrais pas que leur témoignage seul fut suffisant ; mais je ne voudrais pas qu’ils fussent exclus de témoigner. (L’amendement de M. Legrand est adopté.) En conséquence, l’article est mis aux voix, avec l’amendement, dans les termes suivants : Art. 1er. « Quiconque aura été condamné à l’une des peine de la chaîne de la réclusion dans la maison de force, de la gêne, de la détention, de la dégradation civique, ou du carcan, sera déchu de tous les droits attachés à la qualité de citoyen actif, et rendu incapable de les acquérir. « Il ne pourra être rétabli dans ces droits, ou rendu habile à les acquérir, que sous les conditions et dans les délais prescrits au titre de la la réhabilitation. » {Adopté.) M. le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur . Voici l’article 2 : « Quiconque aura été condamné à l’une des peines de la chaîne, de la réclusion dans la maison de force, de la gêne ou de la détention, indépendamment des déchéances portées en l’article précédent, sera inhabile, pendant la durée de sa peine, à l’exercice d’aucun droit civil. » U juin 1791.J M. Merlin. Voici la rédaction que je propose : Art. 2. « Quiconque aura été condamné à l’une des peines de la chaîne, de la réclusion dans la maison de force, de la gêne, ou de la détention, indépendamment des déchéances portées en l’article précédent, ne pourra, pendant la durée de sa peine, exercer par lui-même aucun droit civil; il sera, pendant ce temps, en état d’interdiction légale, et il lui sera nommé un curateur pour gérer et administrer ses biens. » M. Delavigne. Je demande la priorité pour la rédaction de M. Merlin. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix 1 (L’Assemblée, consultée, accorde la priorité à la rédaction de M. Merlin, qui est ensuite mise aux voix et adoptée.) M. le Pelletier-Saint-Fargean, rapporteur. Voici l’article 3 : o Ce curateur sera nommé par le président du tribunal criminel. » M. Oiabroud. Je ne vois pas pourquoi, par celte disposition particulière, on intervertirait toutes les règles. Dans tous les cas où un particulier ne peut pas exercer ses droits, administrer ses biens, on s’adresse à ceux qui ont un intérêt plus immédiat à ce que ses affaires soient bien gérées. L’interdit, le mineur sont renvoyés à leurs parents, qui leur donnent un curateur. Je ne vois pas de raison différente au cas actuel. M. le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. J’adopte l’observation et je propose la rédaction suivante : Art. 3.