436 [Assemblée nationale.l ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 119 juiHet 1791.| Constitution, où tous les citoyens jurent de mourir plutôt que de souffrir qu’il y soit porté la moindre atteinte. « Vous l’avez entendu ce cri de nos cœurs, il a pénétre jusqu’à vous au travers du tumulte qui environnait le sanctuaire des lois. Les foudres dudespotisme nevousavaient paseffrayés, lorsque vous jetiez les fondements de ce code de la raison et de l’humanité; les mouvements populaires vous trouvent encore inébranlables, lorsqu’il s’agit de le consacrer par un grand exemple; d’une main sûre vous pesez les destinées d’un grand peuple; vous découvrez cette foule de maux incalculables qu’une rigueur déplacée accumulerait sur nos têtes; guerre étrangère, guerre intestine, anéantissement du crédit, choc de factions qui se disputeraient les dépouilles du peuple, l’anarchie avec toutes les horreurs, et surtout l’édifice de cette Constitution que vous aviez élevée pour l’éternité, arrachée de ses fondements; la certitude de ne pouvoir la remplacer par une autre qui convienne également à la situation, aux rapports, aux mœurs et aux vœux de la nation. Tels sont les malheurs que vous éloignez de nous. Un seul article de vos lois immortelles dissipe tous les orages. L’ennemi voit ses projets déconcertés, l’ambitieux renonce à ses folles espérances, le factieux gémit de l’impuissance de ses manœuvres perfides, le vrai citoyen applaudit, la nation triomphe, la Constitution s’achève et vous avancez d’un pas tranquille et majestueux vers le terme de vos travaux, que tous nos vœux voudraient reculer. L’intérêt de l’Etat, votre unique passion, vous prescrit encore l’exercice de vos pénibles fonctions. Les circonstances exigeront encore longtemps l’expérience, laconlianceet tout le poids de l’Assemblée constituante. « Grâces vous soient rendues pour le nouveau bienfait que nous vous devons. Maintenir la Constitution contre les attaques de tant d’ennemis déchaînés contre elle, c’est nous la donner une seconde fois. « Ah! sans doute, le prince que l’on a si cruellement trompé sur l’opinion nationale, après avoir été témoin de cette uniformité de sentiments qui ne fait de tous les Français qu’un esprit et un cœur, repoussera désormais les conseils perfides et nous fera retrouver le monarque disposé à faire tous les sacrifices nécessaires au bonheur public. Puissent les événements qui viennent de se passer et qui ont constaté d’une manière aussi solennelle la volonté de la nation et son attachement à la Constitution, dessiller les yeux de nos concitoyens, qu’un exil volontaire tient éloignés de leur patrie. Puisse la voix de cette patrie, qui vient de se faire entendre d’une manière aussi imposante, leur faire abandonner de vains projets. Qu’ils viennent jouir avec nous du bonheur d’un gouvernement libre, ils y trouveront la sûreté, le respect des propriétés et toutes les douceurs que promet le règne des lois. Nous n’avons jamais cessé d’être leurs frères ; sans doute, ils vont devenir les nôtres. » (L’Assemblée applaudit la lecture de cette adresse et en ordonne l’impression.) M. Delavigne, secrétaire , fait lecture d’une adresse de la ville de Riom , qui dénonce M. Du fraisse-Duchey, membre de l’Assemblée nationale, pour y avoir fait parvenir une protestation de 290 membres de l’Assemblée contre lesquels les amis de la Constitution de ladite ville réclament. Suit la teneur de cette adresse : « Notre municipalité a reçu, sous le contreseing de l'Assemblée nationale, un exemplaire de la protestation de 290 membres de l’Assemblée, sur les décrets relatifs à la personne du roi : malgré l’anonvme qu’on a voulu garder, nous n’avons pu méconnaître la main qui nous l’a adressée. Le cachet de M. Dufraisse, son écriture très connue de beaucoup d’entre nous, tout nous persuade que nous devons à ce député l’envoi de cet écrit méprisable. « Qu’il s’est étrangement mépris sur la nature de nos sentiments, qu’une pareille séduction est loin de nous atteindre ; souvent nos adresses ont exprimé à l’Assemblée nationale notre soumission et notre confiance entière en ses travaux. Nous venons tous de jurer de nouveau de verser notre sang pour maintenir la liberté nationale. Ces serments, nous osons l’assurer, ne seront jamais violés. Mais ne violent-ils pas le leur, ces députés infractaires qui opposent leurs vœux corrompus et désordonnés au bien public et à l’opinion générale? ( Applaudissements ). Où les emporte une rage si aveugle et si impuissante? Peuvent-ils ignorer que tout ordre social n’est établi que sur la volonté du plus grand nombre; que leur liberté, cette liberté même, dont ils abusent si indignement, a pour base uniquement le vœu national qu’ils outragent par leurs protestations, quand les lois les plus sages viennent consoler la nation des égarements d’un roi, trop disposé à compter pour rien ses serments, le sang des Français et leur amour; quand tout commandait d’arrêter un pouvoir qui se montrait trop funeste à la patrie, comment a-t-il pu se montrer une volonté contraire aces mesures d’une haute prudence? Comment ces esprits iriquLds ne voyent-ils que des crimes, que le renversement des lois, dans les précautions qui nous ont sauvé des plus grands désordres? « La royauté est détruite, disent-ils, et nous avons jure de la maintenir; la personne du roi devait être inviolable, et on porte atteinte à sa liberté, on l’environne d’une garde qu’il ne commande pas. Discours artificieux, mais dont le motif est trop connu pour eu imposer. Ifs n’invoquent aujourd’hui la Constitution que pour la déchirer et la détruire. (Applaudissements .) La nation l’a déclaré solennellement, tous les pouvoirs émanent d’elle et pour elle. Lorsqu’elle a adopté d’abord le gouvernement monarchique, quand elle a consacré sur le trône les membres de la famille de Bourbon, elle a usé de son droit, elle a manifesté sa volonté souveraine; les choix qu’elle a faits, elle les a crus convenables, elle a droit de les changer s’ils deviennent funestes et dangereux, le roi, par sa fuite, nous a menacés des plus horribles malheurs, il a appelé sur nos têtes les plus grands fléaux. La source du mal était i’abus de l’autorité. Il a donc fallu ressaisir cette autorité qui devenait notre ennemi le plus redoutable. Voilà ce que vous avez fait, augustes représentants, et vous avez dû le faire. La France attendait de vous de grands bienfaits dans ces moment critiques, et vous avez rempli notre espérance. « Nous avons consenti que la personne du roi fût sacrée, mais ses serments ne le seront-ils jamais? Ne connaîtra-t-il envers nous aucun devoir? Serions-nous comme de vils troupeaux dont lui et ses courtisans pourront disposer à leur volonté? Eh! par bonheur, ils sont loin de nous ces jours de maximes barbares et tyranniques. Ce voile qui couvrait le contrat social a été arraché par des mains bienfaisantes. Tous les [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 437 il9 juillet 1791.] biens sont mutuels, toutes les obligations sont réciproques entre ceux qui obéissent. Voilà ce que nous avons juré de maintenir de toutes nos forces. Que pourront désormais ces protestations indécentes de quelques membres législateurs contre le torrent de l’opinion générale! Comme Français, il leur importe de se soumettre; ils le doivent encore plus comme représentants : en déchirant eux-mêmes les lois auxquelles nous aimerions à croire qu’ils ont contribué, en essayant de détruire l’ouvrage qu’ils ont dû former ils se rendent prévaricateurs, ils désertent leurs augustes fonctions, ils affaiblissent la confiance due à la loi et ils y substituent l’anarchie et le désordre. « De pareils délits, de jour en jour multipliés, blessent l’autorité nationale; ils sollicitent une vengeance, et le Code pénal que vous nous avez donné dans votre sagesse, mettrait le comble à notre reconnaissance, en déterminant une peine contre un attentat si préjudiciable. » (Applaudissements.) (, Suivent 6 pages de signatures.) M. d’André. Il est de principe fondamental que dans tout corps délibérant la majorité doit lier la minorité. C’est la base de toute association, de toute espèce de délibération. Il serait donc parfaitement injuste, il serait surtout souverainement anarchique que la minorité d’un corps délibérant put se permettre des protestations contre le vœu de la majorité. D’après ce principe, je pense que vous devez décréter, pour l’avenir, que tout membre du corps constituant, du Corps législatif, qui protesterait contre les délibérations prises par le Corps législatif ou par le corps constituant serait, par cela même, déchu de ses fonctions. Cette loi est d’autant plus juste, qu’elle est conforme à vos principes. Vous avez décrété que Je représentant héréditaire de la nation, que le roi qui protesterait contre la Constitution qu’il a acceptée, serait déchu ; à plus forte raison le représentant qui protesterait contre le vœu de la majorité, c’est-à-dire contre la loi, doit être déclaré déchu de ses fonctions. Plusieurs membres : Non pasl non pas ! M. d’André. On me dit: non pas! Je pense cependant que le décret que je propose est nécessaire et je ne propose pas de lui donner d’efïet rétroactif. Ainsi il ne s’agit que des protestations à venir. Or, je détie qu’en principe on puisse contester que la majorité lie la minorité, puisque s’il pouvait arriver dans une seule occasion qu’il fût permis à la minorité de protester contre la majorité, il résulterait qu’il n’y aurait plus de loi; il n’y aurait plus que confusion et anarchie. Si ce principe est une fois posé et reconnu, je demande ce que c’est qu’une protestation, si elle n’est pas une opposition formelle de la minorité contre la majorité, c’est-à-dire une résistance directe à une loi faite, une véritable rébellion. Or, qu’est-ce qu’une rébellion contre le Cor ps législatif? C’est une véritable forfaiture. Quelle est la peine d’une forfaiture? La déchéance. Donc il est incontestable que, dans toute la rigueur des principes, un homme ou plusieurs hommes qui protestent contre Je vœu de la majorité ont encouru la déchéance. Il faut nécessairement que vous la prononciez; car si vous ne la prononcez pas, vous vous trouverez toujours dans l’embarras où vous vous ôtes déjà trouvés-, vous verriez tous les jours éclore des protestations nouvelles: tantôt ce serait un parti, tantôt ce serait l’autre, et le parti qui succomberait ne cesserait jamais de protester. Ainsi les peuples seraient toujours agacés par la différence d’opinions. Ils verraient d’un côté la majorité, de l’autre côté des protestations de la minorté fondées quelquefois sur des raisons apparentes. Vous n’auriez donc jamais de stabilité. Je ne pense donc pas que les principes et conséquences puissent être contestés. Cependant, d’après une réflexion qui m’est suggérée par mon voisin, que nous sommes dans une séance du soir, que dans les séances du soir on ne traite pas d’objets constitutionnels, je demande moi-même le renvoi au comité de Constitution, mais en sollicitant expressément qu’il nous en soit fait le rapport incessamment. Je regarde une pareille loi comme manquant à l’organisation du Corps législatif que vous avez décrétée, et comme devant en faire la base et le lien, parce qu’elle doit constater quel est le terme où se borne la résistance au vœu de la majorité. Il est permis de s’opposer au vœu de la majorité, jusqu’au moment où ce vœu est exprimé par un décret, jusqu’alors il est libre, il est imposé par le Corps législatif à tous ses membres le devoir de s’opposer à une loi lorsqu’on la croit mauvaise: on leur doit jusqu’alors liberté d’opinions; mais quand le vœu de la majorité est prononcé, il est du devoir de tout le monde de s’y soumettre. Je demande donc, Monsieur le Président, le renvoi au comité de Constitution, lequel nous en fera son rapport incessamment. (L’Assemblée ordonne le renvoi de la proposition de M. d’André au comité de Constitution.) M. Blin. Je demande, Monsieur le Président, que le comité de Constitution présente une loi pour tous les cas de déchéance que l’Assemblée pourra prononcer contre ses membres. M. Girot-Ponzol. Je fais une proposition à l’Assemblée qui dérive des protestations des 290. Parmi le nombre des protestants, il y en a qui sont officiers généraux dans l’armée. Ceux qui sont employés ne l’ont pu l’être qu’en prêtant le serment décrété par l’Assemblée nationale: or, ce serment, ils en contestent la légitimité; ils l’ont violé, ils n’ont pu conserver leur commandement que d’après ce serment. Par conséquent ce serment est nul et les fonctions qu’ils ont obtenues doivent leur être ôtées. Je demande donc que les membres qui ont signé la déclaration des 290 soient déchus des commandemenls et fonctions militaires qu’ils ont obtenu dans l’armée sans avoir égard à leur serment du 22 juin qui est antérieur à ladite déclaration. ( Applaudissements .) (L’Assemblée ordonne le renvoi de la proposition de M. Girot-Pouzol au comité militaire pour présenter un projet de décret à cet égard.) M. Chevalier fait lecture d’une adresse de 300 hommes de la campagne , qui composent la garde nationale d' Argent euil. Cette adresse est ainsi conçue : « Messieurs, « Nous sommes 300 hommes de la campagne, qui composons la garde nationale d’Argenteuil. Voici ce que nous avons dit en la formant, le 16 août 1789, ce que nous répétons tous les jours, et surtout en ce moment :