[20 janvier 1791.] [Assemblée nationale.] ports m’a chargé de vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, relativement aux événements qui se sont succédé, depuis environ un mois, dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, et notamment l’effervescence qui s’est manifestée à Strasbourg, les 3, 15, 16 et 17 de ce mois ; « Décrète que son président se retirera dans le jour par devers le roi, à l’effet de supplier Sa Majesté d’envoyer incessamment trois commissaires dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, lesquels se rendront directement à Strasbourg, à l’effet de procurer, par tous les moyens de prudence et de persuasion, l’exécution des décrets de l’Assemblée nationale, acceptés et sanctionnés par le roi, de prévenir les peuples contre les erreurs dans lesquelles il paraît que des mal-iuteutioni és cherchent à les entraîner; à maintenir et rétablir, au besoin, la tranquillité publique; à requérir, à cet effet, le secours tant des troupes de ligne que des gardes nationales, même celles d< s départements voisins; à prendre tous les renseignements et éclaircissements qu’ils pourront se procurer, tant sur les mouvements qui ont eu lieu dans la ville de Strasbourg, les 3, 15, 16 et 17 de ce mois, que sur les circonstances qui ont pu les occasionner; enfin, de faire, s’ils le jugent convenable, toutes proclamations qu’ils croiront utiles au maintien, de la tranquillité publique. » M. Regnaud(de Saint-Jean-d'Angely). Je demande que M. le president se retire à l’instant même devers le roi, pour présenter ce décret à la sanction. (Le projet de décret est adopté.) L’ordre du jour est un rapport du comité de la marine sur les fonds de la marine et des colonies. M. de Curt, rapporteur (1). Messieurs, c’était un usage consacre dans le département de la marine d’établir, au mois d’octobre de chaque annee, le projet de dépenses de l’exercice suivant. Le ministre pr ésentait ce projet au Conseil d’Etat, et sur une simple décision du roi, le contrôleur général des finances faisait les fonds accordés, et les délivrait au trésor de la marine, aux époques déterminées par Sa Majesté. Lt s nouvelles lois de l’État ayant substitué à ces formes l’initiative du pouvoir exécutif et le consentement des représentants de la nation, voire comité avait décidé, dans l’ordre de sou travail, de vous proposer une nouvelle fixation des dépenses de la marine pour 1791, sur la proposition formelle du ministre de ce département. Il se flattait alors d’achever, avant le commencement de cet exercice, les grands changements que vous avez confiés à ses méditations et à ses recherches, et de poser, sur la nouvelle constitution de la marine, les bases immuables de l’ordre et de l’économie que vous avez promis à ia nation, et que la nation attend de vous. Malgré le zèle le plus confiant, et l’exactitude la plus suivie, votre comité n’a pu remplir la tâche qu’il s’était imposée. Trop souvent détourné de ses travaux ordinaires par des événements qui exigeaient des mesur s promptes il a donné beaucoup de temps à une foule de décrets de 353 circonstances qui entraînaient de longues discussions. Si vous considérez ensuite les rapports infinis qui lient le département de la marine, la différence des opinions sur la manière de l’organiser dans toutes ses parties, les difficultés qui se mul ti plient à mesure qu’on découvre mieux l'importance de l’ensemble et de tous les détails, vous ne serez pas étonnés, Messieurs, que l’exercice 1791 ait surpris votre comité au milieu des opérations qui doivent amener des économies, et servir d’échelle à toutes les dépenses. Dans une telle circonstance, votre comité a pensé qu’il lui convenait mieux de presser le terme de ses travaux, et d’accorder provisoirement les besoins du mois de janvier, que de combiner un projet de fonds sur des bases incertaines, et dont l’exécution instantanée eût infailliblement gêné la comptabilité. Pour se convaincre de la sagesse et des avantages de ce parti, il suffit d’envisager l’état actuel de marine et les changements prochains qui l’attendent. On a jusqu’à présent distingué, dans ce département, deux sortes de dépenses ordinaires: les unes fixes, les autres variables. Les premières, qui ont été portées pour 1790 à 13,476,158 livres, sont relatives aux individus de toute espèce, employés au service de la marine, et à des objets de diverse nature, dont les détails ont été mis sous vos yeux par le comité des finances. Les secondes, évaluées pour la même année à 16,523,843 livres, concernent les constructions, l’entretien des forces navales et les armements. Bientôt une nouvelle organisation exigera une fixation nouvelle de .dépenses, alors vous réforme' ez sans inconvénient tout ce que vous jugerez inutile, et vous serez d’auiant plus assurés de votre opération, que vous ne laisserez aucun intervalle entre l’ancien et le nouveau régime; ce qui est toujours la preuve d’un bon esprit, ce qui distingue dans tous les temps l’homme qui a des vues de l’homme qui n’a que des idées. En effet, Messieurs, il ne serait guère possible de porter utilement le flambeau de l’économie dans les dépenses de la marine, avant la promulgation des décrets qui doivent changer les institutions actuelles. Cette vérité est démontrée à tous ceux que l’étude et l’expérience ont familiarisés avec les principes d’une bonne administration. Il ne suffit pas d’ordonner que telle dépense sera réduite, il faut examiner si la réduction peut s’accorder avec le régime établi, si elle ne ralentit pas, si même elle ne suspend pas son action : car, Messieurs, les économies en administration dépendent beaucoup moins de ses agents que de son régime. Il n’est pas moins nécessaire, Messieurs, avant de faire aucun plan de dépenses, que vous déter-mini z le nombre de vaisseaux qu’il convient à la France d’entretenir dans ses ports, soit en paix, soit en guerre, l’approvisionnement des arsenaux, le nombre et la force des stations qu’exige la protection due à vos possessions éloignées, à vos côtes et à votre commerce. Ce n’est pas tout, Messieurs, vous avez encore à organiser constitutionnellement le ministère de la marine. Votre comité manque de bases pour assigner des fonds à l’entretien de l’ad * >inist ration supérieure. Il ignore si la marine et les colonies ne seront pas séparées ; ce nVst donc qu’a-près la décision de ces questions importantes, qu’il sera possible à votre comité de vous indiquer le terme de toutes les dépenses. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1) Le Moniteur ne donne que des extraits de ce rapport. 4“ SÉRIE. T. XXII. 23 354 �Assemblée nationale.] il conviendra cependant de faire précéder ce travail par un rapport sur la situation des finances ne la marine, depuis 1778 jusqu’à latin de 1790, inclusivement. Vous y verrez la dette constatée sur chaque exercice ; l’influence qu’elle a dû nécessanement avoir sur les entreprises et les fournitures. Vous reconnaîtrez les sources du ma!, et vous en ordonnerez le remède. Il consiste principalement à poser une ligne de démarcation entre les dépenses anciennes et les dépenses courantes, à ordonner le remboursement des premières et à soumettre les autres à des règles simples de comptabilité, dont l’exécution ' est toujours plus facile lorsqu’un ordonnateur reçoit exactement les fonds destinés à son administration. En attendant, Messieurs, que je puisse vous soumettre ce travail, qui ne m’a pas découragé, quoiqu’il soit obscur et pénible, je vais vous rendre compte des besoins ue la marine pour le mois de janvier, et en constater les détails. Les besoins de la marine, pour le mois de janvier, s’élèvent à la somme de 4,347,878 1.3 s. 4 d . 635,214 1. 16 s. 7 d. appartiennent à l’exercice de 1789. 3,017,708 1. 6 s. 9 d. à l’exercice de 1790, et 664,955 livres seulement à l’exercice de cette année. 11 convient de constater les articles de dépenses qui appartiennent à chaque exercice. Année 1789. Lettres de change des colonies, ci ............... 615,7341. 9 s. » d. Récépissés des colonies. 7,000 »> » Lettres de change des ports...... ............. 12,480 7 7 Année 1791. Pour journées d’ouvriers ......... 400,300 1. Bâtiments civils ................. 3,000 Solde des troupes et d’entretenus.. 247,280 Recrues ........................ . 12,000 Diverses dépenses ............... . 32,375 Total pour 1791 ........... 694.955 [20 janvier 1791.] Il peut paraître étonnant, sans doute, de ne trouver, sur les 4,347,878 1. 3 s. 4 d. demandés en 1791, qu’une somme de 694,955 livres, imputable sur cet exercice. L’éionnement même augmente, lorsqu’on se rappel le qn’il a été accordé, pour 1789, une somme de 49,187,186 livres, et, pour 1790, 48,823,554 livres, sans compter 15,933,502 1. 6 s. 8 d., décrétés pour les armements extraordinaires, faits en juin et septembre derniers. Tout cela, Messieurs, tient à des causes qui ne peuvent être détruites que par une nouvelle organisation de l’administration de la marine et des colonies, par la suppression absolue des enchevêtrements d’exercices, et par la loi expresse de l’emploi des fonds aux seuls objets auxquels ils seront assignés. Pour rendre ces réflexions plus sensibles par dts exemples, il suffira de vous rappeler ce que je vous disais au mois de septembre dernier. Il paraissait alors que sur 40,500 livres accordées pour les fonds ordinaires de 1790, 15,200 livres étaient imputables sur les dépenses de 1789. Aujourd’hui il paraît prouvé que sur les 48,823,554 livres que la marine a reçues pour cet exercice, 25, 885, 359 livres seulement ont été appliquées aux dépenses courantes, et le surplus, montant a 22,938,195 livres, a été employé à l’acquittement, taut dés lettres de change venant des colonies, des ports et de l’étranger, que des autres dépenses faites sur les exercices antérieurs, et que vos décrets avaient acceptées de l’arriéré. Vous pourrez, Messieurs, avant la fin du mois prochain, recevoir des détails plus satisfaisants sur l’emploi de ces fonds, et percer l’obscurité qui dérobe à vos yeux les dépenses qui appartiennent à chaque exercice. C’est à cette époque, qu’après avoir entendu Je rapport que j’ai été chargé d’entreprendre sur les finances de la marine, vous pourrez ordonner l’apurement des comptes, et éclairer les inquiétudes que les bous citoyens ont conçues de la situation de ce département. Alors, Messieurs, si, pour première opération, vous séparez de l’exetcice actuel toutes les dépenses qui appartiennent aux années antérieures ; si vous pressez la liquidation et le payement des dettes auciennes, qui porteront un caractère d’authenticité, vous rendrez au département de la marine un mouvement réglé dans toutes ses parties; vous lui donnerez, pour ainsi dire, une nouvelle vie, et vous serez assurés, par le crédit que vous attacherez à ses transactions, de tous les avantages d’une économie bien entendue. Eu attendant, Messieurs, cette époque heureuse, il convient de venir au secours des besoins ordinaires de la marine pour le mois de janvier 1791, et votre comité vous propose, par mou ministère, le projet de décret suivant : Projet de décret. « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de marine, décrète ; « Qu’il sera mis à la disposition du ministre de ce département ; « 1° La somme de 635,214 1. 16 s. 7 d. pour dépenses faites pendant l’année 1789; « 2° La somme de 3,017,708 1. 6 s. d. pour dépenses faites pendant l’année 1790 ; I« 3° La somme de 694,955 livres, imputable sur l’exercice courant de 1791. « Décrète que ces différentes sommes formant ARCHIVES PARLEMENTAIRES.