SÉANCE DU 4 THERMIDOR AN II (22 JUILLET 1794) - N° 7 409 7 Le citoyen Garren, président du tribunal criminel des Hautes-Pyrénées, envoie à la Convention nationale un exemplaire des discours qu’il a prononcés le 20 floréal devant la société populaire de Tarbes, présidée par le citoyen Monestier (du Puy-de-Dôme), représentant du peuple. Mention au procès-verbal, renvoyé au comité d’instruction publique (l). [Le C" Garren au Cn présid. de la Conv.; Tarbes, 22 prair. Il] [ 2). Citoyen président, j’écris depuis 5 ans pour la révolution et pour le peuple, et j’appuye, autant que le puis, mes prédications par mes oeuvres. La convention nationale, par son Bulletin du 17 oul8 7bre dernier (vieux Stile) accueillit avec bonté mon discours sur la république françoise, et mes dialogues sur les devoirs des juges de paix, et le criminel discrédit des assignats, je t’addresse, Citoyen président, deux exemplaires d’un discours patriotique prononcé par moi, Le 20 floréal, en présence du Citoyen monestier (du puy du Dôme), vrai montagnard et digne représentant du peuple dans le département des hautes pyrénées. je fus nommé président du tribunal criminel pour avoir eu le courage bien facile de deffendre la cause de la liberté, et de braver les poignards du giron-disme. j’ai neuf enfans. La liberté fera leur richesse et leur bonheur, je n’ambitionne pour eux, et pour moi, que l’estime du peuple et de ses representans. s. et f. Garren [Discours prononcé le 20 Flor. II par le C" Garren, présid. du Trib. crim. du départ 1 des Hautes-Pyrénées devant la Sté popul. de Tarbes, présidée par le Citoyen Monestier (du Puy-de-Dôme), Représentant du peuple] (3). La Liberté, debout sur la cime d’une montagne, a dit à toutes les nations de l’univers : connoissez enfin vos intérêts et vos droits : veuillez être libres, et vous le serez. Levez-vous... marchez... suivez-moi; et il n’y aura plus de tyrans sur la terre. Plusieurs peuples, plongés depuis des siècles dans l’ignorance et la superstition, n’ont point entendu ce divin langage. La France, seule attentive à cette sublime invitation, accablée sous le poids de 14 siècles d’abus et de sottises, esclave des rois et de leurs suppôts qui beûvoient son sang dans des coupes d’or, la France, dis-je, a gravi courageusement la montagne, pour aller se ranger sous les drapeaux de la liberté. (1) P.V., XLII, 110. (2) C 314, pl.1254, p. 4. (3) C 314, pl. 1254, p. 5. Mais un nombre innombrable d’orgueilleux, de fripons et de traîtres ont resté en arrière ; savoir, les royalistes, les fédéralistes, les désorganisateurs de tout genre, les égoïstes et les modérés; et il n’a pas tenu à eux que le char du nouveau gouvernement, ne fût mille fois jeté dans l’ornière. Tous les rois de l’Europe ont frémi en voyant l’élan de la grande majorité du peuple français vers la Liberté. Ils ont tenu conseil entr’eux, et se sont coalisés pour tâcher de rendre vains les droits éternels de la nature et de la raison. Ils se sont indignés contre une nouveauté contredite par leur orgueil, et par la corruption de leurs cœurs. Ils ont prétendu que les nations leur appartenoient, et que 27 millions d’individus n’avoient pas le droit de délibérer, quand un seul ne le vouloit pas. Ils ont appelé cela troubler la paix des empires, outrager le ciel, et s’opposer au bonheur des peuples. Cependant la royauté tremblante a embrassé le sacerdoce et lui a dit : mon règne dépend absolument du tien, et ma cause est aussi la tienne. Tu vois l’orage terrible qui s’élève sur ma tête; aide-moi à le dissiper . Employé l’arme antique et utile du fanatisme contre une nation qui peut tout ce qu’elle veut. Rends son illusion éternelle, et empê-che-la de se comprendre. Nous partagerons entre nous le gain de cette œuvre. Alors les prêtres, toujours dominateurs par orgueil et par intérêt, les prêtres, très-profonds dans l’art de faire servir la religion à consacrer leurs crimes, ont secoué en tous lieux les torches du fanatisme. Ils ont allumé des haines, excité des troubles, armé les citoyens contre les citoyens. Ils ont créé l’abominable Vendée, et prêché, au nom d’un Dieu de paix, les massacres, le pillage et l’incendie. O enfer ! Les prêtres disent que tu existes, et pourtant tu ne t’es pas entr’ouvert pour les engloutir. Mais enfin la force morale du peuple est développée; il est remonté par de grands événemens aux sources oubliées et éternelles de la nature et de la raison : le voile de toutes les superstitions est déchiré. Citoyens ! Vous ne voulez plus être esclaves de cette hypocrite et ambitieuse Rome qui vous ordon-noit si ridiculement de croire à son infaillibilité, qui multiplioit les péchés du peuple pour avoir l’occasion de lui vendre plus d’indulgence, et qui mettoit ainsi le paradis aux enchères. Vous n’entendrez plus de caffards à capuchon ou sans capuchon, des ergoteurs à calotte ou sans calotte, disputaillant longuement et fastidieusement sur le jansénisme ou le molinisme, ou sur quelque ligne d’une bulle du pape, damnant tous ceux qui n’étoient pas de leur avis, et agitant toute une nation par d’absurdes et d’interminables débats. Vous ne voulez plus croire à des charlatans qui prétendoient savoir positivement ce que Dieu a fait et voulu faire pendant 7 000 ans; qui, tout en prêchant, à grands cris, la pénitence, s’enfonçoient dans la molesse et dans la plus crapuleuse débauche ; qui, tout en vous disant que leur royaume étoit dans l’autre monde, mangeoient tous les jours votre bien dans celui-ci. Nous ne serons plus scandalisés des jongleries monachales de ces pieux fainéans, rayonnans de SÉANCE DU 4 THERMIDOR AN II (22 JUILLET 1794) - N° 7 409 7 Le citoyen Garren, président du tribunal criminel des Hautes-Pyrénées, envoie à la Convention nationale un exemplaire des discours qu’il a prononcés le 20 floréal devant la société populaire de Tarbes, présidée par le citoyen Monestier (du Puy-de-Dôme), représentant du peuple. Mention au procès-verbal, renvoyé au comité d’instruction publique (l). [Le C" Garren au Cn présid. de la Conv.; Tarbes, 22 prair. Il] [ 2). Citoyen président, j’écris depuis 5 ans pour la révolution et pour le peuple, et j’appuye, autant que le puis, mes prédications par mes oeuvres. La convention nationale, par son Bulletin du 17 oul8 7bre dernier (vieux Stile) accueillit avec bonté mon discours sur la république françoise, et mes dialogues sur les devoirs des juges de paix, et le criminel discrédit des assignats, je t’addresse, Citoyen président, deux exemplaires d’un discours patriotique prononcé par moi, Le 20 floréal, en présence du Citoyen monestier (du puy du Dôme), vrai montagnard et digne représentant du peuple dans le département des hautes pyrénées. je fus nommé président du tribunal criminel pour avoir eu le courage bien facile de deffendre la cause de la liberté, et de braver les poignards du giron-disme. j’ai neuf enfans. La liberté fera leur richesse et leur bonheur, je n’ambitionne pour eux, et pour moi, que l’estime du peuple et de ses representans. s. et f. Garren [Discours prononcé le 20 Flor. II par le C" Garren, présid. du Trib. crim. du départ 1 des Hautes-Pyrénées devant la Sté popul. de Tarbes, présidée par le Citoyen Monestier (du Puy-de-Dôme), Représentant du peuple] (3). La Liberté, debout sur la cime d’une montagne, a dit à toutes les nations de l’univers : connoissez enfin vos intérêts et vos droits : veuillez être libres, et vous le serez. Levez-vous... marchez... suivez-moi; et il n’y aura plus de tyrans sur la terre. Plusieurs peuples, plongés depuis des siècles dans l’ignorance et la superstition, n’ont point entendu ce divin langage. La France, seule attentive à cette sublime invitation, accablée sous le poids de 14 siècles d’abus et de sottises, esclave des rois et de leurs suppôts qui beûvoient son sang dans des coupes d’or, la France, dis-je, a gravi courageusement la montagne, pour aller se ranger sous les drapeaux de la liberté. (1) P.V., XLII, 110. (2) C 314, pl.1254, p. 4. (3) C 314, pl. 1254, p. 5. Mais un nombre innombrable d’orgueilleux, de fripons et de traîtres ont resté en arrière ; savoir, les royalistes, les fédéralistes, les désorganisateurs de tout genre, les égoïstes et les modérés; et il n’a pas tenu à eux que le char du nouveau gouvernement, ne fût mille fois jeté dans l’ornière. Tous les rois de l’Europe ont frémi en voyant l’élan de la grande majorité du peuple français vers la Liberté. Ils ont tenu conseil entr’eux, et se sont coalisés pour tâcher de rendre vains les droits éternels de la nature et de la raison. Ils se sont indignés contre une nouveauté contredite par leur orgueil, et par la corruption de leurs cœurs. Ils ont prétendu que les nations leur appartenoient, et que 27 millions d’individus n’avoient pas le droit de délibérer, quand un seul ne le vouloit pas. Ils ont appelé cela troubler la paix des empires, outrager le ciel, et s’opposer au bonheur des peuples. Cependant la royauté tremblante a embrassé le sacerdoce et lui a dit : mon règne dépend absolument du tien, et ma cause est aussi la tienne. Tu vois l’orage terrible qui s’élève sur ma tête; aide-moi à le dissiper . Employé l’arme antique et utile du fanatisme contre une nation qui peut tout ce qu’elle veut. Rends son illusion éternelle, et empê-che-la de se comprendre. Nous partagerons entre nous le gain de cette œuvre. Alors les prêtres, toujours dominateurs par orgueil et par intérêt, les prêtres, très-profonds dans l’art de faire servir la religion à consacrer leurs crimes, ont secoué en tous lieux les torches du fanatisme. Ils ont allumé des haines, excité des troubles, armé les citoyens contre les citoyens. Ils ont créé l’abominable Vendée, et prêché, au nom d’un Dieu de paix, les massacres, le pillage et l’incendie. O enfer ! Les prêtres disent que tu existes, et pourtant tu ne t’es pas entr’ouvert pour les engloutir. Mais enfin la force morale du peuple est développée; il est remonté par de grands événemens aux sources oubliées et éternelles de la nature et de la raison : le voile de toutes les superstitions est déchiré. Citoyens ! Vous ne voulez plus être esclaves de cette hypocrite et ambitieuse Rome qui vous ordon-noit si ridiculement de croire à son infaillibilité, qui multiplioit les péchés du peuple pour avoir l’occasion de lui vendre plus d’indulgence, et qui mettoit ainsi le paradis aux enchères. Vous n’entendrez plus de caffards à capuchon ou sans capuchon, des ergoteurs à calotte ou sans calotte, disputaillant longuement et fastidieusement sur le jansénisme ou le molinisme, ou sur quelque ligne d’une bulle du pape, damnant tous ceux qui n’étoient pas de leur avis, et agitant toute une nation par d’absurdes et d’interminables débats. Vous ne voulez plus croire à des charlatans qui prétendoient savoir positivement ce que Dieu a fait et voulu faire pendant 7 000 ans; qui, tout en prêchant, à grands cris, la pénitence, s’enfonçoient dans la molesse et dans la plus crapuleuse débauche ; qui, tout en vous disant que leur royaume étoit dans l’autre monde, mangeoient tous les jours votre bien dans celui-ci. Nous ne serons plus scandalisés des jongleries monachales de ces pieux fainéans, rayonnans de