50 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 juillet 1791.] M. Bureaux de Pusy, rapporteur. Quoique la sûreté de l’Etat demande depuis longtemps la construction de plusieurs places de guerre ou postes militaires, en différents points de nos frontières, particulièrement sur celle de l’est ; quoique la position de ces forteresses soit suffisamment indiquée par les débouchés et les communications qui ouvrent le royaume, et que par cette raison ilestindispensable d’occuper ; quoique ces travaux soient prévus et déjà préparés dans le silence du cabinet ; cependant on a pensé que des boulevards projetés ne devaient point être comptés au nombre des forces effectives de l’Etat, et qu’il ne devait point en être fait mention dans ce tableau. (L’état déclassement des places fortes et postes militaires présenté par M. Bureaux de Pusy est mis aux voix et adopté.) M. Fréleau-Saint-Just, au nom du comité diplomatique. L’ambassadeur de Portugal réclame la liberté de faire sortir du royaume des effets destinés à la reine de Portugal, et qui sont détaillés dans un passavant en bonne forme, pris à la douane de Paris, le 11 du mois dernier. Parmi ces effets, se trouve de la vaisselle au poinçon de Paris, marquée aux armes de la reine de Portugal, lesquels effets se trouvent arrêtés comme les autres objets de l’envoi, et sont retenus à Quillebœuf sur le navire qui en était chargé ; il paraît que la municipalité de Quillebœuf s’est refusée à faire décharger la totalité du navire. Messieurs, ce qui donne lieu à la réclamation de l’ambassadeur de Portugal est l'obscurité de votre décret du 24 juin 1791, que je vais relire : « L’Assemblée nationale décrète que la libre circulation des personnes et des choses dans l’intérieur du royaume et la marche des courriers et voyageurs ne pourront être arrêtées ni suspendues, mais devront être protégées par tous les corps administratifs et municipaux, ainsi que par la gendarmerie et les gardes nationales; que néanmoins, dans les cinq lieues de la frontière, les corps administratifs et municipaux surveilleront exactement, et feront vérifier la marche des courriers, voyageurs et les transports d’effets, pour em pêcher qu’il n’en passe à l’étranger, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné ; sans que, sous aucun prétexte, il puisse être apporté aucun obstacle à l’exécution des transactions ordinaires du commerce. » L’objet des transactions ordinaires du commerce est de faire passer des effets chez l’étranger ; ainsi la défense de laisser passer des effets chez l’étranger, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, paraît précisément en contradiction avec cette clause : « sans que sous aucun prétexte il puisse être apporté aucun obstacle à l’exécution des transactions ordinaires du commerce. Votre comité diplomatique m’a chargé de vous présenter ce projet de décret qui lèvera toutes les difficultés. « L’Assemblée nationale, ayant entendu le rapport de son comité diplomatique, voulant, conformément à son décret du 24 juin dernier, qu’il ne soit apporté aucun obstacle au cours ordinaire du commerce, déclare que les seuls effets dont elle entend prohiber, quant à présent, le transport à l’étranger, sont les armes et munitions de guerre, les matières d’or et d’argent en lingot, et les espèces monnayées qui ont cours dans le royaume; l’exportation des ouvrages de l’orfèvrerie et de joaillerie, poinçonnés de la marque actuellement existante, demeurant libre; n’entendant néanmoins l’Assemblée porter aucune atteinte aux prohibitions portées par les lois et règlements de commerce, lesquelles sont maintenues comme par le passé. » Un membre du comité des finances et un du comité d’agriculture vous proposent, pour plus de sûreté, et pour empêcher qu’on ne laisse sortir de vieilles vaisselles, qui ne seraient véritablement que des lingots, d’ajouter après les mots « ouvrages de l’orfèvrerie et de joaillerie » ceux-ci : « nouvellement fabriqués. » Plusieurs membres : Neufs. M. Fréteau-Saint-Just, rapporteur. Soit; le décret serait donc rédigé comme suit : « L’Assemblée nationale, ayant entendu le rapport de son comité diplomatique, voulant, conformément à son décret du 24 juin dernier, qu’il ne soit apporté aucun obstacle au cours ordinaire du commerce, déclare que les seuls effets dont elle entend prohiber, quant à présent, le transport à l’étranger, sont les armes et munitions de guerre, les matières d’or et d’argent en lingot, et les espèces monnayées, qui ont cours dans le royaume; l’exportation des ouvrages de l’orfèvrerie et de joaillerie neufs et poinçonnés de la marque actuellement existante demeurant libre; n’entendant néanmoins l’Assemblée porter aucune atteinte aux prohibitions portées par les lois et les règlements de commerce, lesquels sont maintenues comme par le passé. » (Ce décret est adopté.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre de 36 préposés de la régie centrale des douanes nationales à Paris , (1) qui est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Nos places sont infiniment modiques. Nous désirons concourir de tout notre pouvoir à la défense de la patrie; mais des vœux stériles ne sont pas des offres. « Nous vous supplions, Monsieur le Président, de recevoir notre soumission d’entretenir six gardes nationales tant que les circonstances exigeront que nos concitoyens quittent leurs foyers pour la défense de la patrie. « Nous vous prions de vouloir bien nous indiquer le lieu où nous pourrons déposer les contributions à laquelle nous nous soumettons et que nous payerons chaque mois. « Nous sommes, etc. « Signé : Les préposés de la régie centrale des douanes nationales. » (L’Assemblée décrète qu’il sera fait mention de cette lettre dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture d’une lettre de M. Vasselin , un des rédacteurs du journal logographique, qui ne pouvant aller lui-même sur les frontières offre d’entretenir à ses frais un soldat pour la défense de la patrie. (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention de cette lettre dans le procès-verbal.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur la police correctionnelle (2). (1) Le nombre des préposés de cette régie est de 42. (2) Voyez ci-dessus, séance du 7 juillet 1791. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. L8 juillet 1791.] 51 M. le Président. Messieurs, M. Démeunier, rapporteur, étant absent, M. Duport va prendre sa place à la tribune. M. Duport. Messieurs, forcé de prendre la place de i\J. Démeunier, pour que l’Assemblée nationale ne perde pas son temps, je vous prie de me permettre d’exprimer une opinion différente sur plusieurs des articles que je n’ai pas approuvés. L’article 17 du projetdu comité est ainsi conçu : « Ceux qui hors les cas de légitime défense, et sans excuse suffisante, auront blessé ou même frappé des citoyens, si le délit n’est pas de la nature de ceux qui sont punis des peines portées au Gode pénal, seront jugés par la police correctionn-lie, et, en cas de conviction, condamnés, selon la gravité des faits à une amende de 100 à 500 livres, et à un emprisonnement qui ne pourra excéder 6 mois. » Je propose de supprimer pour l'amende le chiffre minimum de 100 livres et pour l’empri-sonnemeut de supprimer le caraclère obligatoire de cette peine en ajoutant les mots : « s’il y a lieu. » L’article serait donc rédigé comme suit : Art. 17. « Ceux qui, hors les cas d’une légitime défense, et sans excuse suffisante, auront blessé ou même frappé des citoyens, si le délit n’est pas de la nature de ceux qui sont punis des peines portées au Code pénal, seront jugés parla police correctionnelle, et, en cas de conviction, condamnés, selon la gravité des faits, à une amende qui ne pourra excéder 500 livres, et, s’il y a lieu, à un emprisonnement qui ne pourra excéder 6 mois. » (Adopté.) M. Duport. L’article 18 du projet est ainsi conçu : « La peine sera double, si les violences ont été commises far l’agresseur; si elles ont été commises envers des femmes ou des personnes de 70 ans et au-dessus, ou des enfants de 16 ans et au-dessous; s’il y a eu effusion de sang; enfin dans le cas de récidive. » Je propose de le remplacer par la disposition suivante : Art. 18. « La peine sera plus forte si les violences ont été commises envers des femmes ou des personnes de 70 ans et au-dessus, ou des enfants de 16 ans et au-dessous; s’il y a eu effusion de sang; enfin, dans le cas de récidive; mais elle ne pourra excéder 1,000 livres d’amende, et un an d’emprisonnement. » (Adopté.) M. Duport. L’article 19 du projet est ainsi conçu : « La peine sera triple s’il y a une seconde récidive, et, à la troisième, les coupables seront déportés. » Cet article est inutile; je le passe et nous arrivons à l’article 20, ainsi conçu : « En cas d’homicide involontaire dénoncé comme tel, mais causé par une imprudence, l’auteur de l’homicide sera condamné à une amende du double de sa contribution mibilière, et à un emprisonnement de 6 mois à 1 an. » M. Buzot. Je demande que l’on retranche le mot emprisonnement, et que, dans le cas d’homicide involontaire, on ne soit condamné qu’à des dommages et intérêts. M. I�e Pelletier-Saint-Fargeau. Je crois qu’il faut supprimer de l’article les mots : « dénoncé comme tel » car il se peut liés bien qu’un homicide eût été dénoncé comme volontaire et que par l’effet de la procédure il soit établi qu’il n’était pas dans le cas d’une se ■ blable dénonciation. L’article porte ensuite : « mais causépar imprudence. t Je crois qu’il faut se servir des mêmes expressions que vous avez insérées dans le Gode pénal : « causé par imprudence ou la négligence de celui qui l’a commis. « Je fais à la fin de l’article une ob-ervation, c'est que cette amende, qui a pour base la contribution mobilière, n’empêche pas que le juge ne prononce les dommages intérêts aux profit de la malheureuse famille qui a été privée d’un de ses membres par le fait d’homicide. Ainsi il y a un article qui porte que toutes les amender seront prononcées sans préjudice des dommages et intérêts ; l’état des familles peut changer, peut nuancer, peut déterminer la quotité des dommages et intérêts ; mais, quant à l’amende, il faut nécessairement prendre pour base la fortune de l’homme qui a commis le délit; car, si vous mettez une somme fixe, vous faites une peine très inégale pour le pauvre et pour le riche. Aussi je propose de ne pas établir toujours que l’amende sera de deux fois le montant de la contribution mobilière, et d’adopter la rédaction de l’article précédent, c’est-à-dire que le coupable sera condamné en une amende qui ne pourra excéder le double de sa contribution mobilière, et que l’emprisonnement ne pourra excéder plus d’un an. Je ne suis pas de l’avis de ceux qui pensent qu'il faut retrancher l'emprisonnement. Je suppose qu’un homme aille à cheval à bride abattue, qu’il renverse une femme grosse qu’il fasse avorter, certainement dans ce cas la peine n’est pas trop forte. Je conclus d’après ces observations à vous proposer de retrancher ces mots : « dénoncé comme tel » et d ajouter ceux-ci : « causé par imprudence on par la négligence de celui qui l'a commis, » et de déterminer que l’amende ne pourra pas excéder le double de la contribution mobilière du coupable, et, s’il y a lieu, que l’emprisonnement ne pourra être porté à plus d’une année. M. Garat. J’adopte toutes les réflexions de M. Le Pelletier. La liberté est sûrement une bonne chose, mais sans la vie cela ne vaut rien. 11 me semble que les observations de M. Le Pelletier prévoient tout, et qu’elles ne laissent aux juges que la liberté d’être justes. M. Duport. En tenant compte des observations de M. Le Pelletier, voici la rédaction de l’article : Art. 20. « En cas d’homicide dénoncé comme involontaire, ou reconnu tel par la déclaration du juré, s’il est la suite de l’imprudence ou de la négligence de l’auteur de l’homicide, celui-ci sera cou-damné à une amende qui ne pourra excéder le double de sa contribution mobilière, et, s’il y a lieu, un emprisonnement qui ne pourra excéder un an. » (Adopté.) M. Duport donne lecture de l’article 21, ainsi .conçu :