672 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 décembre 1789.J cations de quinzaine en quinzaine, ainsi qu’il va être expliqué. 2° Les biens-fonds situés en campagne, autres que ceux exceptés ci -après pourront être affermés en ladite forme, pour un terme au-dessus de 9 ans, jusqu’à celui de 20 années, sans autre formalité, et sans donner ouverture à aucun droit de mutation de quelque nature qu’il puisse être. 3° Les biens de ville, tous les droits féodaux, les champarts, les rentes foncières ne pourront être affermées pour plus de trois ans, jusqu’à ce qu’il ait été autrement ordonné. 4° Pour les objets au-dessus de 100 livres de revenu, la publication du bail sera faite sans affiches, et seulement au prône des trois églises les plus voisines, et certifiée par les curés, sans frais. Pour les objets plus considérables, les publications seront faites aux trois principaux marchés voisins, avec afliches imprimées. 5° Les terres seront affermées par parcelles, multipliées autant que faire se pourra, sans diminution de valeur, et eu égard aux circonstances locales. 6° II ne sera exigé des adjudicataires aucun denier d’entrée (1) mais ils fourniront bonne caution, réséante et solvable, au jugement des directoires. 7° Seront soumis aux dispositions du présent décret, les biens en économat, ceux des ordres religieux supprimés et tous autres biens ecclésiastiques maintenant en régie séculière, les biens qui sont de patronage; même laïque, ou de collation laïque, ceux des maisons d’éducation ou de charité qui ne seraient pas régis par une municipalité, ceux des ordres de Malte et de Saint-Lazare, enfin ceux de toutes les confréries. L’Assemblée nationale n’entend rien innover par le présent décret dans le gouvernement des biens des fabriques, ni dans la faculté laissée jusqu’ici aux bénéficiers, aux gens de mainmorte de jouir par leurs mains de biens ecclésiastiques, en faisant les déclarations prescrites à cet égard par les règlements. 8° Les baux passés en la forme ci-dessus prescrite, obligeront les successeurs aux bénéfices, pourvu que les baux ne soient point infectés de fraude, ni antérieurs de plus de 18 mois à l’entrée en jouissance du nouveau fermier pour les biens de campagne, et de plus de 6 mois pour les biens de ville. Au surplus, il paraît que la question sur l’administration des biens ecclésiastiques doit être ainsi posée : Le clergé conservera-t-il en partie P administration des biens ecclésiastiques; oui ou non ? Notre comité aura l’honneur de vous proposer, avec tous les détails convenables, le projet de loi qui conviendra, suivant la décision de cette question préliminaire. (1) Les gros deniers d’entrée ne sont que des emprunts à gros intérêts ; d’ailleurs en les admettant, on ne peut connaître la vraie valeur des biens, 2e ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 18 décembre 1789. Opinion de M. le duc de La Rochefoucauld (1) sur les banques publiques (2). Messieurs, peu familier avec les matières de finances, je n’aurais point demandé la parole, si je n’avais été persuadé que, dans une délibération importante, et dont le résultat influera si puissamment sur le sort de la patrie, tout citoyen doit le tribut de ses idées, et même celui de ses doutes. Je n’entreprendrai donc pas la discussion du plan qui vous a été présenté par M. de Laborde : ce plan ingénieux et vaste, fondé sur de bons principes et développé avec beaucoup de méthode et de clarté, est accompagné d’un plan de comptabilité dont la liaison avec la banque n’est point essentielle. Quelle que soit donc votre décision sur le plan de banque, vous adopterez sans doute la forme de comptabilité pour le Trésor public : ainsi je me bornerai à l’examen de deux questions qui me paraissent nécessaires à résoudre avant de passer à celui d’aucun projet particulier, et je me demanderai d’abord : L'établissement d'une banque est-il utile, est-il indispensable ; car s’il était prouvé d’un côté que toute banque établie par l’Etat serait dangereuse, soit pour le commerce, soit pour la constitutif, et que, de l’autre, il fût possible de trouver un moyen simple, exempt de tout danger, et qui consistât à mettre en activité des valeurs mortes, ou à augmenter, par une activité plus grande, le prix de valeurs déjà existantes ; s’il était possible que ce moyen, employé sur-le-champ, remplît pour le moment actuel le but que l’on se propose par l’établissement d’une banque dont la durée deviendrait de jour en jour plus nuisible, si elle n’était pas utile, n’y aurait-il pas tout à gagner pour l’Etat? La liberté, que vous consacrez par toutes vos lois, doit s’étendre à tout, et ce ne sera pas sans doute contre le commerce que les législateurs de la France dérogeront aux principes salutaires qu’ils ont posés avec tant de sagesse et soutenus avec tant de courage ; la liberté est l’âme du commerce, et cette vérité reconnue, mais pas toujours pratiquée sous notre ancien gouvernement, recevra de vous l’application la plus étendue. Dans cette matière, comme dans toutes les autres, il ne doit y avoir d’exceptions que celles dont la nécessité serait évidemment prouvée : le commerce de l’argent n’a pas un caractère qui puisse le faire ranger dans une classe particulière à cet égard ; il est, comme tous les autres commerces, animé par la concurrence, découragé par le monopole, et le régime prohibitif est peut-être plus dangereux encore pour le commerce d’argent, (1) L’opinion de M. de La Rochefoucauld n’a pas été insérée au Moniteur. (2) J’avais préparé cette opinion pour le 9 de ce mois, jour auquel l’Assemblée devait entendre le rapport sur les projets de banques publiques ; l’affaire ayant changé de face, je n’ai point présenté mes réflexions à l’Assemblée dans la séance du 18 ; mais comme la question de banque à établir occupe maintenant beaucoup d’esprits, je prends la liberté de les offrira rues collègues et à mes concitoyens, ( Note de M. de La Rochefoucauld.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 décembre 1789.] 673 parce qu’étant le moyen de tous les autres, ils se trouveraient tous attaqués à la fois par les gênes qui seraient imposées à celui qui leur sert de lien commun. La banque doit être entièrement libre ; et les associations plus ou moins nombreuses qui se forment sous l’étendard de la liberté, ne sont point dangereuses, parce que la concurrence d’autres associations semblables viendrait abattre celle qui pourrait se rendre redoutable, et la faire rentrer dans les bornes utiles au bien du commerce et à celui de l’Etat. Cette doctrine, je le sais, n’est pas celle de quelques commerçants, mais quelques commerçants ne sont point le commerce, et l’intérêt particulier de quelques individus ne doit pas être favorisé aux dépens de l’intérêt de la nation entière. On vous a cité, Messieurs, à l’appui du projet qui vous est proposé, les établissements de banque faits en Ecosse depuis quelque temps, et qui ont à la vérité produits d’heureux effets; on vous a cité l’illustre Smith. Eh bien ! ce sera aussi le témoignage de l’illustre Smith que j’invoquerai, et il vous dira que ces effets heureux, produits par les banques d’Ecosse, sont le fruit de l’entière liberté établie dans ce pays que le régime fiscal, et prohibitif, trop souvent suivi en Angleterre, a négligé jusqu’à présent, peut-être comme trop auvre; il vous dira que tout établissement de anque exclusif est pernicieux pour les Etats qui l’adoptent, et que si le commerce d’Angleterre a fleuri, c’est plutôt malgré la banque que par la banque ; il vous dira que ces grands corps absorbent toutes les affaires particulières, qu’ils ruinent à leur gré les petits établissements, qui, plus multipliés, porteraient la vie dans les différentes parties de l’Etat, et qu’après avoir détruit les autres ressources, ils deviennent redoutables à l’Etat lui-même, qui se trouve dans l’impuissance de se refuser aux conditions onéreuses dont ils accompagnent, «leurs services. Telle sera un jour la situation de 1 Angleterre avec sa banque, et telle est dès aujourd’hui sa situation avec sa compagnie des Indes. Une banque privilégiée est donc nuisible au commerce, et toute banque établie par l’Etat est privilégiée de fait, lors même qu’elle ne le serait pas par la charte qu’elle recevrait, puisque : 1° sous le régime de la liberté, j amais il ne se formerai t une association aussi considérable, et 2° puisque les fonds qu’elle prête à l’Etat, et les services qu’elle a l’air de lui rendre, obligent le gouvernement à des égards qu’il n’aurait pas, et qu’il ne pourrait pas avoir pour des associations particulières dont les secours plus multipliées lui seraient cependant plus utiles. Mais si la banque, indépendamment des services qu’elle fera pour le gouvernement, est encore trésorière de ses revenus, tous les inconvénients augmenteront dans une proportion peu calculable peut-être; elle deviendra non-seulement le fléau du commerce par son monopole auquel rien ne pourra résister, mais encore elle deviendra la maîtresse absolue du mode des impositions, et le Corps législatif lui-même ne pourra pas améliorer, quand et comme il le voudra, cette branche de l’administration si importante, si intimement liée à la tranquillité, au bonheur de tous les citoyens, et dont la solidité même de la constitution est si dépendante. Si la législature veut, comme elle le voudra certainement, établir un système d’impôt fondé sur la justice, exempt de toutes les gênes, de toutes les inquisitions qui déshonorent presque tous les sytèmes fiscaux, la banque dont les directeurs ou les actionnaires seront person-lre Série, T. X. nellement intéressés au mauvais régime plus lucratif pour eux, s’y opposera, d’abord par des mémoires spécieux où des sophismes déjà réfutés se produiront sous des formes nouvelles, et si ces sophismes de nouveau combattus sont enfin détruits, l’argument irrésistible de la banqueroute arrêtera les opérations du Corps législatif qui, enchaîné parles liens que vous lui aurez forgés, ne pourra pas agir d’après les principes, dont, pourtant il reconnaîtra l’évidence. Il en sera de même des lois de commerce : toutes celles favorables à la liberté tendent nécessairement à diviser les profits en y faisant participer un plus grand nombre de concurrents; cet intérêt public ne sera pas celui de quelques gros commerçants ; ce ne sera pas même l’intérêt de quelques places de commerce dans lesquelles le régime prohibitif concentre les affaires ; il s’élèvera donc des réclamations puissantes. Ces intérêts particuliers se trouveront liés naturelle-avec celui de la banque, et l’annonce de la banqueroute apposera le veto fatal aux opérations salutaires de la législature. Ne croyez pas, Messieurs, que ce soient ici des assertions gratuites; elles sont fondées sur des principes susceptibles d’une démonstration rigoureuse, et l’illustre Smith l’a portée jusqu’à l’évidence; elles sont appuyées de grands exemples, et celui de l’Angleterre doit suffire pour nous convaincre. C’est l’esprit mercantile dont sa banque est la première source, qui soutient l’impôt désastreux de l’accise, les monopoles, les prohibitions, le régime fiscal ; enfin, c’est cet esprit combiné avec celui d’un ministère qui voulait accroître l’influence de la couronne pour augmenter sa propre autorité par un nombre plus grand d’emplois à distribuer, qui a causé la séparation de l’Amérique, et détaché de la métropole, par une secousse violente, un pays qui eût pu contribuer encore longtemps à faire fleurir son commerce, et à soutenir sa puissance maritime. Je puis, Messieurs, vous apporter sur cette matière un témoignage respectable, celui du célèbre Franklin qui m’a souvent développé la marche de cette grande révolution qu’il avait plusieurs fois prédite au ministère et au parlement britannique, et qui a eu le bonheur rare jusqu’alors de voir la naissance, les progrès et l'établissement complet de la liberté dans sa patrie. 11 me paraît donc démontré, Messieurs, que toute banque est nuisible au commerce, et que nuisible à l’Etat sous ce rapport important, elle l’est plus encore par les obstacles qu’elle apporterait à l'établissement de bonnes lois commerciales et fiscales ; mais son influence funeste à la constitution même, la rendra sans doute plus redoutable à vos yeux, et vous craindrez, en décrétant sa formation de décréter la ruine prochaine peut-être de l’édifice que vous élevez avec tant de sagesse. En effet, cette constitution, résultat heureux de vos utiles travaux, vous l’avez fondée sur les bases de la liberté et de l’égalité; vous avez combattu; vous avez détruit le despotisme et les aristocraties de tout genre ; vous avez anéanti ces distinctions iujurieuses à la dignité de l’homme, qui attribuaient au hasard de la naissance, l’exer cice de fonctions, la jouissance d’avantages qui doivent être l’apanage du mérite ou la récompense de services rendus à la société; vous avez voulu que tout citoyen pût parvenir à tous les emplois, obtenir toute les places, être revêtu de toutes les dignités, lorsque ses qualités person-43 674 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 décembre 1189.] nelles l’en rendront susceptible; vous n’avez dérogé que dans peu d’articles de votre constitution à ces principes vraiment libéraux, et peut-être même trouverez-vous dans la suite que vous y avez fait quelques exceptions de trop. Eh bien ! serait-ce donc en faveur des riches que l’on prétendrait vous y faire déroger d’une manière bien plus fatale encore? Est-il vraisemblable qu’après avoir surmonté tant d’obstacles, et remporté tant de victoires, vous vouliez élever dans l’Etat une corporation plus active et plus puissante que celles dont vous avez avec raison, proscrit l’existence incompatible avec la constitution que vous établissez? La création d’une banque produirait immanquablement cet effet funeste; l’agiotage, déjà trop commun parmi nous, deviendrait la passion dominante ; nos mœurs altérées par une honteuse avidité, loin de se régénérer avec la constitution nouvelle, loin de prendre ce beau caractère que la liberté doit imprimer, achèveraient de se perdre, tandis que les fortunes particulières se perdraient aussi dans le gouffre de la banque, et que la fortune publique lui serait asservie. Notre liberté politique serait même bientôt en péril; rappelez-vous, Messieurs, l’exemple de Robert Walpole : c’est lui qui le premier essaya dans le parlement britannique ce système de corruption dont ses successeurs ont encore plus profité quelui ; c’est par sesliaisons avecla banque, avec la compagnie des Indes, que le ministère an - glais exerce une influence souvent dangereuse : vous avez pris, je le sais, de sages précautions pour éviter ce malheur : la hiérarchie administrative, l’établissement des gardes nationales, et le degré intermédiaire dans les élections, seront un rempart puissant contre les entreprises des ministres ; mais nous ne l’éprouvons que trop, Messieurs, la gêne dans les finances est un ennemi plus puissant encore. Qu’un ministre habile et mauvais citoyen se ligue avec la banque ; qu’aidé de ses fonds et soutenu par son crédit, il propose aux législatures suivantes des marchés onéreux, des opérations désastreuses, ce seront des lois qu’il dictera, sa puissance s’accroîtra par ces opérations, l’influence de la banque et du ministère prendront chaque jour des forces nouvelles; et de cette combinaison d’intérêts, si elle se trouve aidée de quelques talents, et favorisée par des circonstances dont ce talent profite, résultera l’altération, et bientôt après peut-être le renversement entier d’une constitution qui devait faire le bonheur et l’admiration des races futures. Non, Messieurs, vous n’en ferez pas la périlleuse tentative, et vous ne risquerez pas de perdre pour vous et pour la nation, le fruit de son courage et de vos travaux, pour pourvoir au besoin du moment par des moyens funestes pour l’avenir. Mais comment faire, dira-t-on? Les besoins sont urgents et les ressources, sûres à la vérité. sont encore éloignées. L’Assemblée nationale a deux fois essayé d’ouvrir des emprunts, et la confiance ne les a pas remplis : elle a décrété une contribution patriotique, et le patriotisme semble hésiter. Oui, Messieurs; mais pourquoi les emprunts ont-ils manqué? parce que vous n’aviez point offert de gages? Pourquoi la contribution patriotique tarde-t-elle à verser ses fonds? parce que le besoin particulier que chacun croit avoir de son numéraire, ne permet pas au patriotisme même de s’en dessaisir? Examinons donc un moment notre situation présente, et cherchons les moyens de passer, si je puis m’exprimer ainsi, ce pénible défilé, au delà duquel nous trouverons à déployer toutes nos ressources. M. le premier ministre des finances nous demande 170 millions, dont 90 pour le déficit de cette année, et 80 pour celui de l’année prochaine. J’ignore si les plans économiques que vous adopterez, réduiront ou non ce déficit; mais je sais que la nouvelle division des provinces, l’établissement d’administrations nouvelles, apporteront au moins des retards dans la rentrée des revenus de 1790, et qu’ainsi les 80 millions au moins seront nécessaires. (Jn nouvel emprunt du genre de ceux que vous avez tentés, ne réussirait pas sans doute; mais si vous offrez des gages, et si ces gages joignent à la sûreté pour les prêteurs l’avantage de produire pour l’Etat des valeurs nouvelles, la confiance une fois ressuscitée rendra votre marche de plus en plus facile. Vous trouverez ces gages, Messieurs, dans les domaines de la Couronne et dans les biens ecclésiastiques : ceux actuellement aux économats, joints aux domaines et à quelques maisons religieuses, fourniraient aisément 200 millions; mais au lieu de les présenter pour hypothèque générale des billets avec lesquels vous opéreriez certains remboursements, je voudrais que ces billets portassent une hypothèque spéciale sur des portions déterminées de ces biens; cette forme serait plus satisfaisante, parce qu’elle mettrait, pour ainsi dire, en possession de la terre ou de la maison qui recevrait le billet. La circulation de ces effets serait assurée par l’intérêt qu’auraient beaucoup de citoyens des provinces autant que de la capitale, à faire cette spéculation, par la certitude de la vente des biens hypothéqués, dont le terme serait fixé, et par les formalités simples que vous prescririez pour ces sortes de ventes. Je n’abuserai pas de votre indulgente attention pour mettre dès à présent sous vos yeux les détails de cette opération que je regarde comme la seule qui puisse nous tirer de la crise actuelle, ils sont considérables dans un petit ouvrage qui vous a été distribué ces jours-ci, et qui a pour titre : plan d’un emprunt public avec des hypothèques spéciales. Son auteur, aussi bon citoyen que savant illustre, M. le marquis de Concordet , beaucoup plus versé que moi dans le genre de connaissances qu’exigent les matières de finance, perdrait peut-être, si je vous rendais ses idées dans des termes qui ne fussent pas les siens; je vous invite donc, Messieurs, à le lire vous-mêmes, et je suis persuadé que, frappés ainsi que moi de la bonté de ses principes et de la justice de ses raisonnements, vous adopterez un plan exempt de tous les inconvénients des banques publiques, propre à rétablir la confiance toujours effrayée des moyens compliqués, et tendant à enrichir l’Etat par une meilleure distribution de biens disponibles. Je ne vois à son exécution qu’un seul obstacle, celui que pourrait y mettre le peu de goût des capitalistes pour un genre d’affaires qui flatte moins la cupidité, et qui ne présente pas de ces gains excessifs que les opérations de finances faites sous les derniers ministres, leur procuraient. Mais d’abord, nous distinguerons, si vous le voulez bien, deux espèces de capitalistes: les uns qui désirent placer leurs capitaux en fonds solides, et ceux-là verront avec satisfaction l’opération proposée; les autres, occupés de spéculations sur les fonds publics, en seront moins contents, sans doute ; mais voudront-ils la faire manquer? Non, Messieurs; vous n’avez pas à le craindre. Pre- 67S [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 décembre 1789.} mièrement,il faudrait les supposer assez mauvais citoyens pour le vouloir, et je suis loin d’une pareille idée. Mais l’eussent-ils, cette idée, il dépend de vous de la faire avorter. S’ils vous voient bien déterminés à n’adopter aucune de ces méthodes ruineuses, qui ne faisant que pallier les maux, les aggravent sans les guérir; s’ils vous voient, établissant à la fois le plus grand ordre et la plus grande économie, vous refuser à ces systèmes séducteurs; pressés du besoin de prêter leur argent, plus encore peut-être que vous n’êtes de l’emprunt, ne trouvant dans aucun autre pays des placements aussi lucratifs que celui que vous leur proposerez, poussés même à l’accepter, par l’armée nombreuse de leurs bailleurs de fonds, qui ne partageant pas leurs anciens profits, désireront s’associer à ce nouveau genre d’affaires, bientôt ils s’y détermineront, et vous verrez reparaître le numéraire qui n’a pas émigré dans une proportion si effrayante; vous verrez le change diminuer, et le commerce reprendre une activité nouvelle sous l’auspice heureux de la liberté. Vous rembourserez à la caisse d’escompte les 90 millions qui lui seront dus le 31 de ce mois, avec des billets d’hypothèques spéciales, et vous remarquerez que ce remboursement est meilleur qu’aucun de ceux qui vous sont proposés; elle continuera son service encore pendant quelques mois, et vous continuerez, puisqu’il le faut, son arrêt de surséance jusqu’à l’époque du premier avril : délai qui paraît suffisant. Alors vous séparerez ses affaires de celles du gouvernement: et rendue à sa première destination, elle deviendra vraiment utile à l’Etat. Je me résume donc, Messieurs, et j’ai l’honneur de vous proposer : 1° De rejeter tout projet d’établissement ou de maintien de banque publique; 2° De charger votre comité de finances de vous présenter incessamment un plan de comptabilité, et un plan d’ordre, pour classer, d’après les titres de créance, ou par la voie du sort, les remboursements exigibles ; 3° De décréter la vente de biens du domaine de la Couronne, et de biens ecclésiastiques actuellement aux économats, jusqu’à la concurrence de 200 ou de 250 millions, selon qu’il sera jugé convenable ; 4° De créer pour une somme inférieure d’un dixième à celle des ventes décrétées, des billets portant hypothèques spéciales sur des portions de ces biens dont vous aurez décrété la vente ; 5° D’opérer avec ces billets les remboursements de la caisse d’escompte, et les autres remboursements les plus pressés ; 6° De nommer quatre commissaires pour concerter avec le premier ministre des finances et les administrateurs de la caisse d’escompte, l’époque très-prochaine à laquelle elle pourra reprendre ses payements à bureau ouvert. # ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. FRÉTEAU DE SAINT-JUST. Séance du samedi 19 décembre 1789 (1). „ M. le Président ouvre la séance et dit : M. le garde des sceaux a informé le président de l’Assemblée nationale, par un billet en date du 17 décembre au soir : 1° Que le Roi a donné ses ordres à un de ses secrétaires d’Etat, pour aviser à la composition d’une nouvelle chambre des vacations en Bretagne en s’assurant du nom des magistrats susceptibles d’être choisis ; 2° que le décret sur la conservation des bois a été sanctionné et l’expédition envoyée ; 3° que le décret sur les municipalités a été accepté et l’instruction sur cet objet approuvée par le Roi. M. Mougins de Roquefort. Je propose de rendre un décret pour fixer le moment où les nouvelles municipalités s’assembleront. Mais comme la séance d’aujourd’hui est consacrée à l’examen du plan de finances, proposé par le comité des dix, je demande que la discussion de ma motion soit fixée à lundi prochain 21 décembre. M. Démeunier. Un semblable décret doit être concerté avec le pouvoir exécutif auquel appartient le droit de convoquer. M. llougins de Roquefort. L’Assemblée nationale n’a point encore déterminé les noms que porteront les membres des municipalités. Il est nécessaire de faire un règlement sur cet objet. (Ces diverses propositions sont ajournées à lundi.) M. le President. J’exprime à l’Assemblée toute ma reconnaissance pour les témoignages d’intérêt que j’ai reçu d’elle dans les circonstances douloureuses où je me suis trouvé. Si quelque chose était capable d adoucir mes peines et mes inquiétudes, c’est assurément la sensibilité dont l’Assemblée nationale a bien voulu me donner des preuves aussi flatteuses. Les députés du bourg de Ris , près Essonne, se présentent à la barre pour offrir un don patriotique. La séance leur est accordée, ainsi qu’à M. le baron de Gormeré auteur d’un plan de finances dont l’Assemblée a ordonné l’impression. M. le Président. J’ai reçu de M. le comte de La Tour-du-Pin, ministre et secrétaire d’Etat au département de la guerre, le lettre suivante : « Monsieur le Président, « L’hôtel des Invalides est dans une situation de détresse dont j’ai cru devoir rendre compte au Roi ; Sa Majesté a reconnu qu’en s’occupant du rétablissement de l’ordre primitif, on procurerait à cette maison les seuls et véritables secours que permettent ou qu’exigent les circonstances ; elle a en conséquence fait choix de trois officiers généraux et de deux personnes au fait des affaires d’administration et de finances, qu’elle a chargés d’examiner sa composition et son administration civile et militaire actuelle, en quoi elles se sont éloignées de leur origine, et des moyens de les y ramener. « Mais Sa Majesté, dans la disposition où elle est de concerter avec l’Assemblée nationale les opérations générales et particulières qu’elle médite elle-même de soncôté, dans sa sagesse etdans son amour pour son peuple, m’a chargé d’informer M. le président qu’elle désire que l’Assemblée veuille nommer deux de ses membres pour assister, autant que leurs occupations pourront (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.