[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juillet 1790. ) 105 influence ne pouvait atteindre. Enorgueillies de leur fondation, et fières d’un titre qui devait les rendre humbles et modestes, fortes de la faiblesse d’un gouvernement où des corps intermédiaires avaient des droits prétendus légitimes, que l’on se croyait forcé de respecter, les administrations d’hôpitaux alléguaient hautement leur indépendance. A toute démarche pour ramener l’ordre et prendre connaissance de la situation de leurs finances, elles opposaient leurs titres de fondation, la qualité des personnes qui administraient, et l’autorité fléchissait devant cette extraordinaire résistance. Ainsi, nulle puissance ne veillait sur ces établissements, qui s’étaient tous éloignés, plus ou moins, de l’esprit et de la loi de leur institution. Delà des emprunts viagers ou perpétuels, faits par les hôpitaux au delà de leurs forces : delàdes constructions magnifiques etjdes dépenses infinies avaient absorbé, dans le plus grand nombre, le patrimoine du pauvre, qui, toujours sacrifié dans ces asiles, n’y était plus regardé que comme l’accessoire. Ainsi, tandis que d’un côté les torts et la dureté du gouvernement envers le peuple multipliaient les sources de la misère, que par les erreurs non moins funestes de sa part, d'une bienfaisance mal entendue, qui multipliait les secours pour un mal qu’on aurait dû prévenir, il encourageait l’imprévoyance, source encore plus féconde de misère que toutes les autres; de l’autre côté mille abus, sans cesse renaissants, dévoraient ces secours mêmes offerts à la détresse et à l’infortune. Ainsi se multipliait et se produisait incessamment une génération imprévoyante et factice de pauvres, l’ouvrage même du gouvernement: ainsi croissait incessamment un mal, dont les progrès surpassaient toujours et devançaient ses efforts. Tels étaient les résultats nécessaires d’une admr nistration qui, agissant sans loi générale, sans plan unique, par des règlements particuliers et d’après des circonstances du moment, n’avait et ne pouvait avoir qu’une marche incertaine. Si le système entier des secours à donner à la classe de la société, qui a droit de les réclamer; si le moyen de prévenir l’indigence, de soulager la pauvreté, de réprimer la mendicité, ne sont pas les conséquences d’un même principe; si la bienfaisance et la sévérité de la législation des pauvres ne s’élèvent pas sur les bases communes de la politique et de la justice, cette législation ne peut être qu’imparfaite et dangereuse. Voilà la tâche que nous avons à remplir; elle est pénible sans doute; les difficultés se rencontrent à chaque pas dans cette importante carrière; mais la grandeur, la beauté du motif en feront triompher l’Assemblée, qui voit, dans une utile et équitable assistance des malheureux, son plus précieux devoir. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 15 JUILLET 1790. Troisième rapport du Comité de mendicité sur les bases de répartition des secours dam les différents départements , districts et municipalités , de leur administration et du système général qui lie cette branche de législation et d’administration à la Constitution (1), par M. de La Rochefoucauld-Liancourt , député dti département de l’Oise (2). Messieurs, la législation qui, ayant pour objet l’extinction de la mendicité, veut porter des secours à la véritable indigence, doit poser sur la base commune de la Constitution, et employer les moyens d’administration indiqués par elle pour l’a"dministration de toutes ses autres parties. Cette manière d’envisager l’important et honorable travail que l’Assemblée nationale a chargé le comité de lui préparer, semble donner la solution de la première question qu’il devait examiner; celle sur la manière de répartir les fonds dans toutes les parties du royaume, dans une juste proportion des besoins. Nous n’hésitons pas à penser, Messieurs, que tous les fonds, appartenant aux hôpitaux, au maisons de charité, doivent être réunis, en une masse commune, dans les mains de la nation. Sans doute, si la nation, en voulant répartir les secours avec égalité dans les différents départements, avait le projet de ne donner que des secours insuffisants, les villes pourvues d’hôpitaux pourraient réclamer, avec raison, contre un ordre de choses qui augmenterait à leurs dépens les ressources des autres : mais si la nation prétend répandre partout des secours complets, et de la manière la plus utile aux différentes classes qu’elle doit pourvoir, quels intérêts auraient les villes de réclamer contre cette réunion? quel droit en ont-elles? La plupart des revenus des hôpitaux, fondés sur des octrois, sont perçus par les villes, mais payés, le plus souvent, par les campagnes, qui ne profitent pas de leurs secours. Serait-ce à l’époque actuelle qu’une aussi injuste disposition pourrait être niaintenue? D’ailleurs, le système nouveau de répartition des secours devant s’éteindre sur toutes les parties du royaume, rendra le besoin des villes moins grand, et quel qu’il soit, il y sera satisfait. Nous ignorons si un grand nombre d’hôpitaux ou de maisons de charité portent, dans leur fondation, une clause assez précise pour mettre quelque embarras dans cette réunion ; s’il en existe, ils seront soigneusement examinés dans leurs titres, et le résultat le moins avantageux au plan général, tel que nous le concevons, serait que ces hôpitaux ne reçussent pas d’autres secours, ou n’en reçussent qu’au delà leur fondation, s'ils n’étaient pas suffisamment dotés pour les nouvelles attributions qui leur seraient données, et ce résultat ne contrarierait pas l’unité de notre système. Il faut donc poser, pour principe, que les biens des hôpitaux serout réunis en une masse commune, soit que les fonds soient administrés par les départements, soit, ce qui nous semble incontestablement préférable, qu’ils soient aliénés. Il s’agira, par la suite, d’examiner quel genre d’aliénation pourra présenter plus d’avantages; mais, quand l’Assemblée a|mis en commun les biens ecclésiastiques, on ne peut penser qu’elle puisse être un instant arrêtée dans la réunion de ces biens d’hôpitaux, lorsque surtout un beaucoup meilleur ordre de choses en fera l’objet et le résultat. Il est facile de sentir que cette aliénation des (I) Le comité de Constitution et les commissaires du comité d’imposition, auxquels ce rapport a été communiqué, en ont entièrement admis les principes, et ont autorisé le comité de mendicité à faire connaître leur adhésion à l’Assemblée. (2) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur 106 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juillet 1790.] biens des hôpitaux, ayant le grand avantage d’augmenter les revenus des pauvres, diminué par la nature des biens-fonds, par les frais énormes des réparations auxquelles ils sont sujets, et par les vices plus multipliés encore des administrations des biens de mainmorte, donnera à la nation le seul moyen qu’elle puisse avoir de répartir les secours, selon les besoins. Cet avantage en augmentera encore si, comme il est à désirer, les biens-fonds, appartenant aux hôpitaux, sont vendus pour acheter des titres de créance onéreuse aux finances de l’Etat et dont les arrérages seraient versés dans la caisse de secours. Alors le profit résultant de la vente de ces biens en doublera au sensible avantage des pauvres, et par conséquent à la diminution réelle des charges de la nation. Si, dans la plupart ries parties du royaume, les moyens de secours sont insuffisants, dans d’autres, ils excèdent les vrais besoins ; alors ils en font naître, car il faut les distribuer. Ainsi là, il y a des paresseux, des fainéants, créés tels par l’aumône; tandis qu’ailleurs la pauvreté malade et infirme est sans ressource. Si vous laissez les hôpitaux actuels rentés comme ils le sont, et que vous veuillez cependant remplir vos vues sages et justes, quelles réclamations n’éprouverez-vous pas de ceux qui verront ainsi positivement, ce qu’ils appellent leur bien, devenir la propriété d’un autre établissement? quelles réclamations n’éprouverez-vous pas dans la distribution que vous déterminerez des lieux, leur population et l’esprit général qui déterminera vos décrets, sur les secours ? Dussiez-vous, même, n’apporter aucun changement dans la répartition des hôpitaux et dans la distribution des secours, l’Assemblée devrait encore, par des vues de sagesse et de politique, aliéner les biens-fonds qu’ils régissent. Leurs produits seront augmentés, en remettant dans la société, en abandonnant à l’activité des véritables propriétaires, des biens que l’insouciance d’administrateurs éphémères, occupés d’ailleurs du soin des pauvres dont rien ne doit les distraire, ne peut jamais porter à leur véritable valeur. Toutes les considérations se réunissent donc en foule pour déterminer celte aliénation; car, si l’on prétendait la combattre par le motif, qu’ainsi les ressources des pauvres, sans doute augmentées de valeur dans le moment, en diminueraient promptement par la diminution progressive, mais certaine du numéraire auquel elles seraient réduites; on répondra victorieusement que le numéraire ne pouvant baisser de valeur que par l’augmentation de la valeur des fonds, les moyens de contribution augmenteront sans que les sources, qui les fourniront, éprouvent de dommage proportionnel, et qu’ainsi les ressources des pauvres n’en souffriront pas d’altération. La nation doit assigner un fonds destiné au soulagement des pauvres. Ce fonds, composé des revenus des hôpitaux, des charités fondées, des biens de toute nature, originairement appliqués au soulagement des pauvres et dont la destination aurait pu être altérée, et d’une partie des revenus jadis ecclésiastiques, doit être un, appartenant à la nation, pour être reversé par elle là où elle le jugera nécessaire. Ce fonds que nous proposerions d’appeler fonds de secours, pour que la nation, qui reconnaît le droit du pauvre, n’emploie plus celui de charité ou d'aumône , doit avoir pour objet de soulager la classe indigente, dans l’intention que l’Assemblée paraît avoir adoptée : travail aux valides, secours plus ou moins complets, aux enfants, aux malades, aux infirmes et aux vieillards; enfin répression et punition des mendiants valides. Ces fonds doivent être suffisants pour remplir tous ces objets, bien entendu cependant qu’il faut y comprendre la partie des revenus que doit procurer le travail des pauvres dont le produit sera vendu. Ils pourvoiront donc aux soins des enfants, à ceux des malades, des hôpitaux, des hospices, des travaux qui ne sont pas ceux des grandes routes, ou vulgairement appelés d 'établissements publics, aux maisons de correction, aux frais de transportation, si l’Assemblée croyait devoir admettre ce genre de punition ou plutôt de sûreté publique. Il serait attribué, d’une manière fixe, une partie de ces fonds à chaque département, de façon cependant que cette partie fût au-dessous de ses besoins : le reste demeurerait à la disposition de l’Assemblée nationale. A chaque nouvelle législature, et sur la pétition des départements, l’Assemblée nationale voterait, avec la sanction royale, l’addition de fonds que les besoins connus pourraient exiger, de telle manière que, donnant à chaque département ce qui lui est nécessaire, elle réserverait dans un centre commun une somme disponible pour être versée dans tel ou tel département et selon les besoins et dans le cas de malheurs extraordinaires. Les pétitions des départements pour cet excédant de besoins seraient faites d’après les demandes à eux adressées par les districts qui connaîtraient les besoins des diverses municipalités. Chaque législature faisant une nouvelle répartition de fonds, le détail en varierait dans les départements qui ne seraient pas tous traités de même, parce que tous ne seraient pas dans une égale situation de besoins; mais Userait donné à chacun un fonds plus que suffisant à ses besoins réels, pour qu’il puisse conserver à sa disposition une somme disponible pour telle ou telle municipalité ou district de son ressort. La même proportion serait observée des départements pour les districts. Comme nous supposons que les barrières, ou une partie de l’imposition générale servirait à la confection et à l’entretien des grandes routes, le fonds de secours aiderait les contributions particulières des municipalités, pour faire les communications ou autres travaux utiles à la communauté ; il ferait ensuite face aux autres objets de dépenses relatifs aux pauvres, et dont il a été parlé. Ce qui resterait de ce3 fonds serait employé ; 1° A ce à quoi était employé le moins imposé, au soulagement des malheurs partiels arrivés, ou par l’intempérie des saisons, ou par les incendies ; 2° A ouvrir des canaux, faire des dessèchements, des défrichements, objet essentiel qui ne peut trop tôt fixer l’attention de l’Assemblée, etc; le tout avec le consentement du département; ou bien les sommes mises en réserve pour Tannée d’après, seraient en déduction de celles à recevoir. Il se pourrait encore que les sommes à la disposition des départements fussent employées en prêt pour l’amélioration de l’agriculture, en établissements de bon exemple, comme maisons de prévoyance, maisons de santé pour les moins pauvres, et cette idée n’est pas à négliger ; car un des caractères principaux delà bienfaisance politique est d’appeler, par tous les moyens, l’industrie et la prévoyance des hommes qu’elle secourt, et de les animer par leur intérêt et leur amour-propre à désirer de ne pas être à charge à l’Etat. (Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1S juillet 1790.] Il faut ajouter que les quêteg d’église si on les laisse subsister, les produits des aumônes publiques, seraient à la disposition, ou du curé, ou des municipalités. De ce genre seraient encore les dotations, les souscriptions, les dons enfin de particuliers, qui .devraient être administrés au gré des donateurs, si leur disposition n’est pas contraire aux lois de l’Etat, et pendant seulement le nombre de cinquante années. Nous avons cru devoir vous proposer de borner à ce terme le droit des fondations, parce que cette révolution d’années est l’époque la plus éloignée de la probabilité de la vie du fondateur, parce que, cette époque fixée lui donnera la confiance de l’exécution entière de sa volonté pendant tout ce temps, et parce qu’enfin l’intention de la fondation soumise après ce terme à la révision générale, recevra, si elle est maintenue, sa. nouvelle existence de la connaissance réfléchie de son utilité, ou sera tournée à l'avantagecommun plus véritablement reconnu. L’acte de dotation, portant le nom des donateurs, resterait à jamais affiché dans le lieu principal de l’établissement. Telle est l’idée que s’est formée le comité d’une répartition de deniers qui, suffisante à tous les besoins, répandrait les secours dans la proportion de ces besoins et dans une sorte d’ampleur qui, n’éteignant pas la nécessité du travail, tournerait évidemment à la prompte prospérité du royaume, porterait avec connaissance les secours jusque dans la plus obscure chaumière, et qui enfin est entièrement conforme à l’esprit de la Constitution. 11 ne resterait qu’à parer à l’inconvénient qui naîtrait pour les municipalités, districts et départements de la certitude d’avoir des fonds suffisants ; inconvénient d’où il pourrait résulter que, n’ayant aucun intérêt à ménager leurs fonds, ils seraient peu soigneux dans les économies de toute espèce qu’ils devraient faire, sans lesquelles les fonds les plus abondants ne suffiraient pas, et que l’intérêt personnel peut seul opérer. Il s'agirait donc de le mettre en jeu. Ce problème serait résolu sans difficulté, et peut-être sans inconvénient, en faisant contribuer dans une proportion quelconque les départements, et par eux les districts et les municipalités, à l’addition de fondsde secours volés, sur leur demande, par l’Assemblée nationale. Cette manière, d’autant plus juste que les premiers fonds affectés à demeure aux départements seraient plus justement répartis, semble devoir parer à l’insouciance des administrations, à la faiblesse avec laquelle ils assisteraient les familles qui pourraient se passer de secours, ou en donneraient au delà du nécessaire. Parmi les différents moyens de subvenir à la dépense des secours dus à la classe indigente de la société, celui d’une taxe imposée pour cet effet est trop connu pour que le comité ne doive pas compte à l’Assemblée, des motifs qui l’ont déterminé à la rejeter. Le premier et celui qui seul en aurait détourné le comité, est la déclaration faite par l’Assemblée elle-même, en rétablissant la nation dans la jouissance des biens appelés ecclésiast ques, qu’elle devait se charger de l’assistance des pauvres, que ces biens avaient originairement pour objet principal ; la partie de ces biens nécessaire au secours de l’indigent étant donc réellement le bien des pauvres, vous avez, Messieurs, par cette authentique, généreuse, mais juste déclaration, prescrit à votre comité d’y chercher le supplément nécessaire aux secours fournis par les biens d’hôpi-107 taux et de charité. L’économie sans laquelle cette distribution serait un vire moral, comme contraire au bon ordre des finances, est la seule borne que vous lui avez dû prescrire, et il ne s’en écartera pas. Mais le projet des taxes particulièrement appliquées aux pauvres, ayant des partisans, etpouvant être reproduit sous des formes différentes, le comité a dû en combattre même la possibilité par des raisons que l’examen qu’il a fait de cette question, lui ont fait juger péremptoires. L’admission de cette taxe condamnée par l’expérience des nations qui l’on adoptée, est, s’il est possible de le dire, combattue plus victorieusement encore par les principes qui doivent diriger toutes les opérations d’un bon gouvernement, qui doivent particulièrement dicter les lois d’une constitution libre; la justice, la saine politique et la morale. Il ne faut qu’avoir réfléchi un instant à l’administration d’un Etat, pour être assuré que, pour peu qu’il ait quelqu’étendue, les besoins ne sont pas partout les mêmes; ils différent entre les campagnes et les villes’, et entre les villes de différentes forces, selon qu’elles ont ou qu’elles n’ont pas d’industrie, qu’elles sont manufacturières ou simples dépôts de commerce, et dans ces mêmes classes ils différent encore par une multitude de causes ou permamentes ou accidentelles. La taxe qui aurait pour objet de secourir les besoins serait ou également ou inégalement répartie dans tous les départements, districts et municipalités. Une inégalité de répartition dans tout le royaume, rendrait ainsi évidemment les campagnes tributaires des besoins des villes; les pays d’industrie, de la paresse on de l’incurie de ceux qui, par leur négligence, laisseraient augmenter leurs besoins. L’activité des manufactures est sans doute un principe de richesses pour les pays où elles sont établies. Mais ces manufactures sont aussi une cause de pauvreté au moins accidentelle : les circonstances multipliées qui rallentis-sent le travail jettent dans le besoin beaucoup d’ouvriers, qui, arrivés de toutes les parties du royaume, n’ont d’autres moyens de subsister que leurs bras. Peut-on cependant, sans injustice, imposer les pays de culture, les villes non manufac-tières, les districts et départements éloignés pour des besoins qui n’ont jamais été pour eux la source d’aucun avantage? La différence des besoins pour les différents lieux du royaume, aura encore pour cause la plus au moins grande intelligence ou facilité des administrateurs; car on sent que si la législation générale est, dans ce point comme dans tous les autres, la môme pour toutes les parties du royaume, les administrations dépendant nécessairement de mille circonstances différentes, ne peuvent être les mêmes, et recevront toujours un grand effet des soins et de l’habileté des administrateurs, Sans doute, puisqu’ils seront choisis par le peuple ; le peuple dont le choix a dû être éclairé, doit en quelque sorte être responsable de ses conséquences; mais si cette propositions est absolument vraie pour les municipalités, districts et départements qui ont contribué au choixde tel ou tel administrateur, est-elle admissible d’une ville ou d’un département à un autre, quand l’augmentation des taxes porterait sur un grand nombre de pays qui n’aurait eu aucune part au choix des administrateurs auxquels l'augmentation de taxe pourrait être imputée? L’égalité de répartition pour cette taxe, con- 108 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juillet 1790.] traire en ce point au vœu de la Constitution, serait donc d’ailleurs réellement injuste. Si elle est inégale dans tous les lieux, selon les besoins particuliers, elle est sans doute particulièrement plus juste : mais elle est impolitique; elle rendra inégale la valeur des propriétés; car, grâce au ciel, on ne peut plus supposer qu’à l’avenir aucune imposition soit personnelle; cette augmentation de charges sur les propriétés, ne ferait pas augmenter, en proportion, la valeur des propriétés, comme on pourrait le dire si elle était égale dans tout le royaume : ainsi les propriétaires, sans avoir l’espérance d’augmenter leur revenu, courraient le danger de voir leur fonds tomber de valeur; et la conséquence de cet ordre de choses serait ruineuse pour l’Etat et pour les pauvres; car les propriétaires, au lieu de chercher à tirer et à favoriser l’industrie pour améliorer la propriété, s’entendraient au contraire pour la repousser, par 'e qu’ils la regarderaient comme une cause de charge pour eux : ainsi le principe de toute amélioration se tarirait dans sa source et l’accroissement considérable des charges dont le propriétaire craindrait d’être grevé, repousserait fortement la tendance au travail que la liberté favoriserait en vain. Cette inégalité de taxe, impalitique pour le bien du royaume, peut donc encore être dite généralement injuste; mais elle aurait de plus le vice moral de porter un grand obstacle à l’établissement des secours que l’Assemblée nationale projette pour les pauvres. Les propriétaires, les domiciliés, les fermiers qui, par la nature de l’irrégularité de la taxe, se trouveraient exposés à des augmentations qu’ils n’auraient pas pu calculer, se refuseraient autant qu’ils pourraient, à la contribution de ces secours, auxquels cependant la loi les obligerait; tous les moyens de ruse, de force, seraient employés par les divers départements pour se renvoyer réciproquement les familles qu’ils devraient secourir, ou auxquelles ils prévoieraient devoir un jour donner des secours. Cette dureté pour le malheureux, vice presque contre nature, ou au moins contre toute société, serait cependant, en quelque sorte, excusable par la prodigieuse inégalité des secours à leur donner; et cependant, elle ne diminuerait pas les charges; car il est de la nature de toute taxe individuelle, et dont le secours des pauvres est l’objet, de s’augmenter même malgré l’opposition des contribuables. En vain, ceux qui payeront la taxe se raidiront-ils de concert avec les administrateurs eux-mêmes contre son augmentation, il n’en résultera qu’une lutte perpétuelle, qu’une plus grande incurie sur l’emploi de la taxe et peu de soulagement profitable : mais la taxe augmentera : le besoin, l importunité, l’intérêt personnel des pauvres, seront toujours plus forts que ne pourrait jamais l’être la constance des administrateurs à refuser. Des ambitieux, des intrigants, disposés à flatter la multitude et à gagner une popularité du moment, détermineront cette augmentation que les administrations suivantes n’oseront baisser, et qui, peut-être, s’étendront jusque sur les districts voisins; et c’est encore ici que l’exemple de l’Angleterre est une grande leçon. La taxe des pauvres n’y était portée, au commencement du siècle, qu’à quinze millions, elle excède aujourd’hui soixante; et les contribuables, luttant sans cesse contre son poids énorme, sentent l’impossibilité de la diminuer, et se bornent aujourd’hui à chercher à l’empêcher de s’étendre davantage, sans oser espérer pouvoir s’opposer efficacement à son accroissement. Tous ces inconvénients, dont le comité a reconnu la réalité, lui ont fait rejeter toute idée, même éloignée, de taxe pour les pauvres : aucun d’eux ne se trouve dans le projet qu’il propose pour la répartition des fonds applicables aux secours. D’abord, ces fonds ne sont pas une imposition. Vainement dirait-on que, faisant partie des biens nationaux, la part destinée aux secours, employée à une autre intention, soulagerait d’autant les impositions, et qu’ainsi appliquée au soulagement des pauvres, elle grève, dans cette proportion, les contribuables. Il sera facile de démontrer d’abord que la partie des biens nationaux distraite pour celte intention sera peu considérable, les biens des hôpitaux, de charité, des maladreries, etc., aujourd’hui existants, devant remplir une grande partie des besoins; mais cette partie des besoins fût-elle plus forte, elle ne peut jamais être considérée comme une distraction faite aux autres obligations nationales : c’est l’emploi de devoir et reconnu tel de ces deniers; c’est leur destination unique, tellement que la nation n’eût pu, sans la remplir, rentrer en possession de celte nature de biens. La nation est, à cet égard, comme recevant un héritage grevé, pour une partie, d’une délégation positive et par conséquent sacrée ; elle hérite de tous les biens domaniaux ecclésiastiques, moins les charges dont ils sont affectés. Ces fonds de secours n’étant pas une imposition, l’égalité proportionnelle de répartition' dans tous les départements, qui fait son mode principal, n’est donc pas une injustice. La partie de ces secours qui est inégale, et qui exige pour être obtenue une contribution des municipalités, districts ou départements qui la sollicitent, n’a pas non plus, comme la taxe, l’impolitique inconvénient de mettre une grande inégalité dans la valeur des fonds : car la contribution exigée ne sera jamais forte, puisqu’elle ne sera qu’une proportion dans ce secours additionnel. Elle sera suffisante pour éveiller l’attention des contribuables, pour les tenir en garde contre une injuste admission sur la liste des pauvres. Mais la différence de cette partie de contribution d’un département à un autre, ne pourra jamais établir une grande différence dans l’estimation des propriétés. D’ailleurs , cette contribution particulièrement attachée à la part des secours destinée aux travaux, recevra elle-même un grand profit des ouvrages utiles qu’elle fera faire par les ouvriers qu’elle soulagera, et elle répandra ainsi à l’avantage commun les sommes provenues de la contribution commune; elle en haussera la valeur des propriétés. Ainsi un accroissement à cette contribution ne serait que d’un léger inconvénient pour le contribuable; mais il n’aura lieu que dans le cas toujours déterminant de la nécessité, parce que les contribuables, déjà mis en garde par leur propre intérêt, seront préservés encore de la trop grande facilité de cette augmentation, par les districts, départements, et enfin par le Corps législatif dont, en dernier ressort, l’approbation sera toujours indispensable. L’administration des fonds de secours, et des secours eux-mêmes donnés à la classe indigente de la société, faisant partie de la Constitution, doit être conduite d’après les mêmes principes que toutes les autres branches d’administration qui ressortent de cette Constitution. Il ne peut y avoir deux bases, deux principes dans une unité, et encore une fois la Constitution doit être une. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juillet 1790.J 409 Si quelqu’une de se9 parties pouvait s’en détacher sans nuire à l’ensemble, cet ensemble serait imparfait. Toute la partie de l’administration étant sous la direction des assemblées de départements, de districts et des municipalités , l’administration des secours doit avoir la même marche. Il n’est pas question ici de bureaux de charité, c’était bon pour l’aumône ; ils pourraient avoir lieu encore pour les souscriptions volontaires, pour les charités libres que feront les individus; l’administration des secours donnés par l’Etat, dans des vues générales de bien public, dans celles de la Constitution, ne peut appartenir qu’à ceux en qui la nation a confiance et qu’elle a choisis pour remplir ses vues. Mais comme cette administration, très variée dans ses branches, exige des soins, une activité, une surveillance continuelle, et que les assemblées administratives , surchargées d’affaires de toute espèce, manqueraient de temps pour se livrer à ces détails avec suite, nous avons pensé que cette administration nécessite une agence particulière qui, dépendant du grand corps administratif, porterait une attention de tous les moments sur ces détails. Cette agence serait placée auprès des départements et auprès des districts. Elle serait composée, aux départements , de quatre citoyens choisis parmi les électeurs, et formerait le conseil et le moyen d’inspection des départements dan s cette branche d’administration. 11 est nécessaire que le choix du peuple, pour remplir utilement les fonctions de cette agence, porte sur des hommes véritablement amis de l’humanité; qui, guidés par une morale sévère et une sensibilité profonde et réfléchie, bravent tous les sacrifices d’amour-propre , toutes les contrariétés que leur bonne intention pourra quelquefois trouver dans son exécution pour faire du bien aux hommes, et qui, peu soucieux des succès du moment, sachent attendre du temps, avec patience et courage, la justice due à leurs soîds, à leur activité et à leur sagesse. Il serait utile qu’il se trouvât dans cette agence un médecin, puisque le soin des malades et des enfants est du ressort de l’administration des secours, et parce qu’encore il serait bon que les chirurgiens et sages-femmes répandus dans les campagnes pussent être surveillés, dans l’ensemble de leur traitement, par un homme de l’art. Il serait utile encore qu’il s’y trouvât un homme qui apportât quelques connaissances dans la fabrication et le commerce des ouvrages susceptibles d’être fabriqués, ou dans les maisons de correction , ou dans les maisons des pauvres, auxquelles il serait fourni de l’ouvrage; toutes ces convenances seront prises en considération par les électeurs. Les agences de districts pourraient n’être composées que de deux citoyens, qui surveilleraient tous les établissements faits dans leur district. Ils feraient encore partie d’un comité que nous croyons devoir être utilement formé pour régir supérieurement les maisons de correction, les hospices, pour connaître des fautes ou de la bonne conduite de ceux qui y sont détenus; prononcer sur les punitions ou sur les grâces de quelque importance qu’ils peuvent mériter; enfin, soustraire, dans les cas intéressants, les pauvres et les détenus de l’arbitraire toujours dangereux des agents subalternes. Le juge de paix du canton, où se trouverait chacun de ces établissements, devrait être membre et peut-être président de ce petit comité. Ses fonctions et la confiance du peuple l’y appellent avec nécessité. Les municipalités nommeraient ou un de leurs membres ou un citoyen de leur commune, pour surveiller la distribution et l’emploi des secours dans leur étendue. Telle est l’idée que s’est faite le comité de cette grande administration, qui, conduite d’après les lois générales prononcées par le Corps législatif, ou par des lois particulières approuvées par lui, et faisant partie de l’administration générale du royaume, devrait être, comme toutes les autres, supérieurement inspectée par le roi, en sa qualité de chef du pouvoir exécutif, afin que, chargé de leur exécution, il puisse les rendre conformes aux lois, en rappeler toutes les branches à un centre commun de surveillance et maintenir, dans ce rapport d’exécution comme dans tous les autres, l’unité et l’ensemble de la monarchie. Mais les besoins n’étant pas les mêmes dans les divers départements, les secours doivent être différents. Une sage législation doit prévoir et se prémunir contre la facilité si naturelle des administrateurs, qui chargeraient le rôle des pauvres, de familles qui ne devraient pas espérer de secours, et qui, par cette trop grande facilité, donneraient un exemple bientôt suivi généralement, et dont les bornes se reculeraient sans cesse. L’assistance accordée par l’Etat doit se borner aux vrais besoins. N’oublions pas que toute extension qui lui est donnée au delà de la nécessité est à la fois une sorte d’encouragement à la paresse et à l’imprévoyance et une injustice à la société, puisque les sommes inutilement données pourraient être plus utilement employées. Il faut donc poser des pr incipes qui servent de bases aux secours que l’Assemblée nationale doit répandre dans les divers départements, et ces bases doivent encore être celles données par la Constitution. Ainsi la population, la contribution et l’étendue qui servent de base à la représentation de chaque département en serviront encore pour l’assistance à laquelle ils doivent prétendre de la nation, et aucune base ne peut être plus équitable. En effet, on ne peut nier qu’entre deux départements d’une étendue pareille et d’une égale population, celui qui versera dans le Trésor public moins de contributions sera dans une moins bonne situation de richesse; celui-là aura moins de besoins, qui, avec plus de contributions, sera d’une étendue moins grande et renfermera une plus petite population : celui qui, avec plus d’étendue, plus de population, fournira moins de contributions, aura plus besoin de secours. Celui-là sera le plus riche de tous, qui, avec moins de population , paiera plus de contributions dans une moindre étendue; bien entendu, toutefois, que chaque département paiera l’impôt dans la même proportion de ses richesses. Enfin, il semble que cette base acquerrait toute la perfection dont elle serait susceptible, si on lui ajoutait pour nouvel élément la proportion des citoyens actifs avec la population. Cette mesure équitable de la richesse et de la pauvreté le sera encore de tous les besoins qu’il faut assister; car, à quelques légères différences près, tenant à des causes particulières qu’il est facile de connaître, la même masse d’hommes indigents amène la même quantité d’enfants à secourir, de malades à traiter, de vieillards et d’infirmes à 410 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |15 juillet 1790.] assister , de fainéants et de mendiants à réprimer. La première partie de la répartition, faite à chaque département des fonds destinés aux secours, aurait pour objet ces diverses espèces d’assistances, et serait augmentée du produit du travail qu’il serait possible d’exiger de ces classes différentes d’hommes à secourir. La seconde partie, faite pour ajouter à ce que le calcul général pourrait avoir d’imparfait par des causes locales, aurait pour but particulier de donner du travail, d’augmenter les secours au delà delà proportion commune. C’est cette partie à laquelle il a paru que les départements devaient contribuer dans une proportion quelconque, afin que l’intérêt de chacun d’eux, et de chacune de leurs parties, contînt les demandes dans leurs justes bornes, et ne mît pas bientôt à la charge de la nation un grand nombre de familles et d’hommes qui n’ont pas besoin d’être secourus. Quelque sévère que puisse paraître à quelques personnes cette nécessité imposée aux départements, districts et municipalités, de contribuer aux secours qu’ils requièrent pour leurs familles indigentes, il n’est pas douteux que l’extension indéfinie de secours, qui résulterait nécessairement de l’assistance gratuite et facile, accordée à toutes les demandes, est le plus grand mal à éviter; qu’il ne peut s’éviter autrement qu’en intéressant les départi ments par une part de contribution pour les secourir au delà du nécessaire, reconnu et ordinaire; qu’enfin, les départements, qui seront par là déchargés de la part de l’impôt, qui faisait le fonds des ateliers de charité et du moins imposé, n’en recevraient pas une surcharge qui puisse les appauvrir, quand surtout cette part, à l’augmentation de secours, sera destinée à faire des ouvrages utiles aux cantons, aux districts, aux départements; il serait même nécessaire, pour donner à cette idée toute la perfection dont elle est susceptible, de graduer la part de contribution des départements et districts demandants, de manière qu’elle soit d’une moindre proportion, selon que les secours demandés sont moins considérables. Il semble alors que ce système de répartition répond à toutes les objections qui pourraient être faites d’une abondance trop grande ou d’une trop grande parcimonie de secours. D’ailleurs, c’est ici le cas de rappeler qu’un fonds de réserve restera, et dans chaque département, et dans une caisse commune, pour secourir les malheurs accidentels, tels que les dégâts causés ou par un incendie, ou par l’intempérie des saisons, et que les fonds distribués aux vrais malheurs, le seront gratuitement et sans part de contribution. Pour terminer l’ensemble des principes généraux, qui doivent guider l’administration des secours, il ne s’agit plus que d’indiquer quelles règles doivent être suivies pour l’admission sur le rôle des secours. Il ne faut pas oublier que nous avons admis, pour principe incontestable, que les pauvres valides doivent être seulement aidés parles moyens de travail, et que les distributions gratuites, soit d’argent, soit de nourriture, seraient autant réduites qu’il serait possible. Les pauvres valides ne sont donc autre chose que des journaliers sans propriétés. Ouvrez des travaux, ouvrez des ateliers, facilitez pour la main-d’œuvre les débouchés de la vente; ceux qui, avec le besoin du travail, ne profiteront pas de ces facilités, ne reconnaissent pas apparemment ce besoin; s’ils mendient, ils seront réprimés ; s’ils ne mendient pas, ils trouveront sans doute ailleurs des moyens de vivre; et c’est bien ce que doit désirer l’administration; elle doit encourager dans cette vue et par tous les moyens si puissants sur cette nation, d’honneur et d’éloges publics, les hommes qui feront travailler à leurs propres frais, le plus grand nombre d’hommes; car celui-là est vraiment, et sous plusieurs rapports, le plus utile à la patrie; mais les hommes, capables de travail, n’auront droit aux secours qu’en maladie et dans leur vieillesse; encore il semble que comme les mœurs publiques et l'économie nationale sont également intéressées à exciter l’homme dans toutes les classes, à prévoir l’avenir, et préparer le moyen qui peut les dispenser de recourir à l’assistance de la société : il appartient au gouvernement d’exciter ces sentiments généreux et utiles à la société. On pourra, par exemple, utilement placer non loin des hospices que l’on destinerait pour asiles gratuits des vieillards, des maisons où ceux qui fourniraient une somme qu’une suite de calculs démontrera pouvoir être très modique, seraient traités mieux, pour la nourriture, le logement, les commodités, que dans les asiles gratuits. Sans doute, ainsi qu’il a déjà été dit dans un des précédents rapports, il ne faudrait pas que, pour cela, le traitement des vieillards secourus fût insuffisant, et que le nécessaire ne leur fût pas complètement donné; mais il serait utile que la maison de retraite, réunissant plus de commodités, plus d’avantages, l’ouvrier fût occupé toute sa vie du soin de pouvoir s’y ménager les moyens d’y être admis. On dira peut-être qu’ainsi la pauvreté absolue recevrait .une injuste humiliation de cette comparaison de traitement; mais il serait plus vrai de dire que cette humiliation, si on peut l’appeler ainsi, serait bien plus pour l'imprévoyance que pour la pauvreté; car, si cette idée peut se réaliser, la classe qui peuplerait les deux maisons, serait la même, et sans doute la satisfaction de l’homme qui ne devrait l’aisance de sa vieillesse qu’à son économie, qu’à ses soins, qu’à lui-même, et celle de sa famille encouragerait beaucoup d’autres à se préparer une ressource pareille. 11 ne faut pas croire que le sentiment d’énergie qui fait désirer à l’homme pensant ne devoir qu’à lui son bien-être, ne devienne pas beaucoup plus commun, même dans la plus inférieure classe des habitants de la campagne, qu’elle ne l’est aujourd’hui. La Constitution nouvelle, qui répandra plus d’instruction dans toutes les parties de la société, qui appelle tous les citoyens à la participation de l’administration et de la législation, donnera à' chacun une idée de son existence, que dans l’ancienne Constitution il ne pouvait pus avoir, et par laquelle ses sentiments seront et plus élevés et plus énergiques. La législation doit encourager, doit hâter cette révolution nécessaire; et il est évident que ce moyen est un de ceux qui doivent y contribuer plus puissamment. Le comité vous soumettra, Messieurs, cette idée avec plus de développement, quand vous vous occuperez des détails du pian qui a pour objet de secourir les pauvres. Tout homme ne payant aucune contribution serait mis sur le rôle des secours. Cette mesure semble être la plus juste; elle est d’ailleurs d’autant plus certaine, que tous les contribuables d’une commune, ayant intérêt à augmenter le nombre des imposés, il n’est pas à craindre que le rôle des secours soit porté au delà de ce qu’il doit être. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juillet 1790.1 Hi Un autre rôle comprendrait ceux qui ne payant, pour contribution, qu’une ou deux journées d’ouvriers, touchent à l’indigence absolue, et peuvent y être réduits au moins accidentellement et par diverses circonstances : ceux-là ne devront pas être habituellement secourus; mais des accidents imprévus, un grand nombre d’enfants, de longues maladies leur donneraient droit à des secours. Les règles précises de cette assistance sont plus faciles à sentir qu’à expliquer positivement, dans tous les cas qu’elles peuvent embrasser. Elles seront sûrement connues et suivies par la justice et l’expérience des administrateurs, auxquels l’exécution appartient ; et nous vous proposerons, à cet égard, des vues dans le développement des détails de votre travail. Ici, Messieurs, nous bornons ce rapport que vous pouvez considérer comme l’ensemble des principes qui doivent tixer votre législation sur les secours que la nation doit à l’indigence ; et nous avons, en conséquence, l’honneur de, vous proposer de les déterminer par le décret suivant : 1° Les biens dont les revenus sont aujourd’hui destinés à l’entretien des hôpitaux, maisons de charité, ceux régis par les ordres hospitaliers, pèlerins ; les fonds affectés aux maiadreries et autres établissements du même genre, sous quelque dénomination que ce puisse être, sont déclarés biens nationaux, et toutes les dispositions des lois, relatives auxdits biens, leur seront communes ; 2° Les octrois perçus à l’entrée des villes, au profit des hôpitaux, continueront à l’être, et les revenus, dans la proportion qui en appartient aux pauvres, seront versés dans la caisse du département, en déduction des sommes auxquelles ils auront droit de prétendre pour la distribution des secours; 3° L’Assemblée nationale déclare qu’elle met au rang de ses obligations les plus sacrées, l’assistance des pauvres dans tous les âges et dans toutes les circonstances de la vie ; et qu’il y sera pourvu, ainsi qu’aux dépenses pour l’extinction de la mendicité, sur les revenus publics, dans l’étendue qui sera jugée nécessaire ; 4° Il sera accordé, en conséquence, à chaque département les sommes nécessaires pour les objets indiqués dans le présent article ; 5° La base générale des secours à accorder aux départements, districts et municipalités, seront les trois bases de la représentation nationale, la population, contribution et étendue, et la proportion du nombre des citoyens actifs avec le nombre de ceux qui ne le sont pas ; 6° Ces fonds auront pour objet les secours à donner aux enfants abandonnés, aux malades, aux vieillards, aux infirmes, le travail à offrir aux valides, les maisons de correction, etc.; 7° La répartition de ces fonds sera faite de la manière suivante. Une partie qui aura pour objet l’entretien des établissements permanents, sera donnée aux départements, sans que ceux-ci payent, à cet effet, aucune contribution particulière, n’au-tre, qui aura pour objet le travail à fournir et le supplément de secours, sera augmentée d’une contribution, payée par les départements, en proportion des sommes qu’ils recevront; 8° Indépendamment de ces secours, accordés à chaque département, il sera fait un fonds de réserve pour subvenir aux malheurs imprévus, occasionnés par des circonstances extraordinaires, dans quelque partie du royaume que ce soit et pour les dépenses communes à tous les départements; 9° Les dotations, souscriptions et fondations, qui se feront à l’avenir au profit des pauvres, et qui ne contrarieront pas les lois du royaume, seront suivies dans toute leur intention, pendant l’espace de cinquante années. Le nom des souscripteurs ou donataires sera gravé sur une des murailles du principal établissement ; 10° Après la révolution des cinquante années, sur la réquisition des districts les départements présenteront une pétition à l’Assemblée nationale, pour suivre ou changer l’intention de ces fondations, bien entendu toutefois qu’aucun des souscripteurs, fondateurs ou donataires n’existerait plus, aucun changement ne devant être opéré pendant leur vie ; il0 L’administration des fonds de secours appartiendra, comme toutes les autres, aux destricts des départements ; 12° Il sera formé dans chaque département, une agence au conseil de secours, qui sera chargé par le département, et sous ses ordres, des soins et détails de cette administration ; 13° L’agence ou conseil des secours sera, dans les déparlements, composé de quatre personnes choisies par les électeurs ; 14° Elle sera composée de deux seulement dans les districts, et choisie de même; 15° Indépendamment de ces agences, il sera formé un comité de surveillance pour le régime et la police intérieure des maisons de correction et hospices. Ce comité, composé de quatre personnes, dont deux de l’agence du district et deux domiciliés dans le canton, sera présidé par le juge de paix du canton ; de manière que si, dans le même district, mais dans des cantons différents, il se trouvait deux établissements de cette espèce, les deux mêmes membres de l’agence du district pourraient être du comité de surveillance pour les deux; tandis que ceux qui ne seraient pas de cette agence ne pourraient être attachés qu’à celui de leur canton ; 16° Les conditions pour être inscrit sur le rôle des secours, c’est-à-dire pour avoir droit aux secours gratuits dans les temps de maladies, d’in-lirmiiés et de vieillesse, seront de ne payer aucune taxe d’imposition; 17° Il sera fait un second rôle de secours où seront inscrits ceux qui ne payent qu’une, en deux et même trois journées d’ouvriers; ceux-ci, dans des cas particuliers et accidentels, auraient droit aux secours publics. TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE du 15 juillet 1790. Rapport fait au nom du comité de mendicité, des visites faites dans divers hôpitaux, hospices et maisons de charité de Paris , par M . de La Rochefoucauld-Liancourt, député du département de l’Oise (1). (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) L’Assemblée nationale, en comprenant dans le (1) Ce document n'a pas été inséré au Moniteur.