545 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* les accessoires, soit par les impôts des corvéps, d’aides, droits d’imposition et tous les autres qui ne sont qu’onéreux et surchargeants? Venez, braves citoyens, illustre noblesse, venez, respectable clergé, mesurer vos charges avec les nôtres; occupez-vous d’après cela à contribuer au bonheur de l’Etat; vos privilèges ne doivent pas vos faire oublier que nous sommes vos frères, que nous sommes des êtres comme vous qui ne méritent pas d’être écrasés par la masse des impôts, pendant que vous jouissez paisiblement de tout sans rien payer; vous avez, dites-vous, de tout temps, sacrifié vos personnes et vos corps pour la défense de la patrie, et nous, nous avons sacrifié des hommes, nos fortunes, et des familles entières sont restées les victimes malheureuses de ce sacrifice. Rien donc de plus légal, de plus conforme à la raison et à la justice que de répartir sur vous, comme sur nous, l’impôt en parfaite égalité, et chacun en proportion de ses possessions. Ouvrez les yeux, Messieurs, sur cette remontrance que nous vous faisons avec bien d’autres, et occupez-vous à donnera la nation, sur ces objets, une complète satisfaction. Nous est-il permis de parler de ces abbayes les plus riches, qui renferment des gens oisifs qui ne contribuent à aucune charge ? Quelle fut leur institution ? L’ignorance des siècles passés. A quel titre en ont-ils la possession? Des ignorants fondateurs qui leur ont abandonné le fruit, sous l’acquit d’une légère fondation, qui peut-être ne s’exécute point. Ne doit-il pas entrer dans vos vues d’approfondir ces propriétés. Et si, comme on le présume, elles proviennent de faveurs ou d’usurpations abusives, ne doivent-elles pas être sacrifiées aux besoins présents de l’Etat et venir au secours de la patrie? Vous devez aussi obtenir de la bienfaisance du monarque la diminution sur le prix du sel, qu’il a promise lui-mêmedans différents édits émanés de son conseil. Ce sera un grand soulagement, surtout pour la classe la plus indigente de l’Etat. Comment a-t-on pu imperceptiblement faire monter le prix de cet aliment, sans se récrier sur une condition aussi dure ? Vous devez demander à remplacer la levée de milice et la corvée, nom qui devrait être proscrit parmi nous, par un modique impôt réparti sur chaque province, et par suite, sur chaque paroisse en proportion; cet impôt, modique en lui-mème, ne surchargerait personne et éviterait bien des désolations dans des familles sur qui tombe le sort ; avec l’impôt on trouverait de quoi payer des hommes braves dévoués au service de la patrie. Vous devez encore jeter les yeux sur les tribunaux en général, en réprimer les abus et la lenteur; quoi de plus désirable que d’obtenir des jugements légaux et accélérants par des juges sages et éclairés, qui ne permettent point de transformer les lois, et qui ne protègent pas le retour de la chicane ! Dans ces campagnes le timide juge d’un seigneur opulent sacrifie la fortune du malheureux, par déférence à celui dont il craint le ressentiment. Dans les justices plus élevées, on y soutient par les détours rusés de la chicane, par les sollicitations des grands et l’appui des gens en place, les vices les plus signalés; on protège les banqueroutes de certains commerçants qui ne respirent que le bien d’autrui, et l’on confond, par des jugements contraires à l’équité, les fortunes d’honnêtes citoyens qui sont les dupes de leur confiance. [Paris hors les murs.] Enfin, vous ne pouvez vous dispenser de vous occuper du soin de la répartition de l’impôt, mis dans une parfaite égalité sur tous les ordres. Cette répartition doit être confiée à la province, qui chargera des élus pour en faire le recouvrement, et par eux le dépôt de la contribution versé au Trésor; alors on n’aura plus besoin de gouverneurs et d’intendants qui dépensent beaucoup en frais ; c’est peut-être le vrai moyen de parvenir à la diminution des impôts ; ce sera au moins un grand soulagement dans l’imposition d’un chacun. Qu’il soit pourvu très-incessamment, et par une ordonnance précise, aux dommages que les voituriers nommés thiérachiens, commettent dans les campagnes. Voilà, Messieurs, le tableau de nos réclamations qu’il convient que vous examiniez avec attention, que vous protégiez et que vous fassiez valoir ; nous vous le rendons avec confiance, dans la pureté de notre cœur, espérant en vos lumières quelques succès; s’il est juste de consentir que chacun partage les impôts en proportion de ses facultés et tenures, il doit vous paraître raisonnable d’alléger différents fardeaux dont sont spécialement chargées nos campagnes. Nous vous avons démontré les principaux : celui du champart, des dîmes, des chasses qui désolent ordinairement les classes laborieuses et nourricières du royaume; en obtenant la suppression, ou au moins une modération répartie égale dans les provinces, ce poids onéreux diminue fortement de sa pesanteur. Le laboureur à qui on n’emportera pas la dixième partie de sa paille, sera soulagé; peut-être même que cette administration ramènerait l’abondance et pourvoirait aux événements tristes et malheureux qui révoltent dès ce jour les citoyens. Puissiez-vous, avec les autres ordres, obtenir pour le bien général cette suppression et de graves modérations sur les impôts dont un ministre aveugle nous a surchargés ! Puissiez-vous obtenir la paix, l’union que cette grande affaire exige par elle-même, ce que l’ensemble du royaume aspire depuis longtemps ! Puissent aussi nos remontrances être favorablement accueillies du monarque bienfaisant qui veut bien nous entendre et éterniser sa gloire par ce dernier trait de sa magnanimité ! Fait et arrêté, en l’assemblée générale des habitants de la paroisse de Favières, le 12 avril 1789. Signé Bullu, syndic; Hébert; Bailly; Gallois; Delamotte; Geauti; Jovart Gottin; Bouin. CAHIER Des plaintes et doléances du tiers-état de la paroisse de Ferrières en Brie (I). L’assemblée des habitants de la paroisse de Ferrières a ordonné et indiqué à ses députés ce qui suit : CONSTITUTION. Art. 1er. Renouveler l’adhésion solennelle de tous les Français à la constitution monarchique. Art. 2. Travailler à une charte qui renferme inviolablement les droits de tous. Art. 3. Etablir les principes d’une bonne représentation nationale. Art. 4. Consacrer le droit inaliénable et exclusif (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit de* Archives de l’Empire. lr* Série, T. IV. 35 546 [États gén. 1789., Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] ;de la nation, d’établir des subsides, de les modifier, de les limiter, de les révoquer et d’eu régler l’emploi. Art. 5- Créer promptement et mettre en activité, dans toutes les parties du royaume, des assemblées provinciales ou des Etats provinciaux, et organiser eu même temps les autres assemblées graduelles et élémentaires. Art. 6. Demander que toutes les impositions soient également réparties et que l’on fasse disparaître les dénominations flétrissantes de quelques impôts; que la milice, la corvée, logement des gens de guerre soient convertis en impositions pécuniaires dont personne ne puisse être exempt. Art. 7. Que les droits de propriété et de liberté entrent essentiellement dans la constitution. Art. 8 Que les Etats généraux ordonnent la réforme des lois civiles et criminelles, et qu’ils prononcent l’égalité des peines. Art. 9. Demander la suppression des loteries comme d’institution odieuse. Art. 10. La suppression des privilèges exclusifs ainsi que des arrêts de surséance, deux fléaux de l’industrie et du commerce. Art. 11. Que toutes violations du secret de la poste soient sévèrement proscrites. Art. 12. Que la liberté de la presse soit aussi peu gênée que celle de la parole. Art. 13. Lesdits députés de Ferrières porteront le vœu formel de la délibération par tête aux Etats généraux. . Art. 14. Les Etats généraux ayant établi la constitution sur des bases solides et in violables, et, par conséquent, ayant assuré leur retour périodique en supposant qu’il ne leur paraisse pas convenable de se rendre perpétuels, Art. 15. L’assemblée des habitants de Ferrières ordonne à ses députés de faire prendre en consi ¬ dération les articles suivants : AGRICULTURE. Art. 1er. Que la liberté du commerce des grains soit accordée comme le seul préservatif de la disette. Art. 2. Que l’on soit libre de détruire sur sa propriété toute sorte de gibier, ainsique les pigeons. Art. 3. Que la dime soit supprimée par des moyens qui pourront assurer aux curés et aux vicaires une subsistance honnête. Ai t. 4. Que la suppression des droits d’échange ait lieu dans toutes les seigneuries pour faciliter l’exploitation des terres en grande culture, et qu’il soit voté pour la diminution des droits de centième denier, insinuations et autres relatifs aux-dits échanges. Art. 5. Q ue les baux de gens de mainmorte, ainsi que ceux de tous propriétaires et même des mineurs s’achèvent selon la teneur des actes, lors des changements, soit par mort ou autrement. Art. U. Que l’on supprime les lois qui fixent la longueur des baux. COMMERCE. Art. 1er. Demander la suppression des traites et le reculement des barrières aux confins du royaume. Art. 2. La suppression des aides et gabelles. JUSTICES SEIGNEURIALES. Art.. 1er. Que les justices seigneuriales soient supprimées, leurs officiers étant regardés comme e fléau des campagnes. Art. 2. Soient aussi supprimés les droits de voirie, qui appartiennent à la commune au lieu d'appartenir aux domaines ou aux seigneurs. Fait et arreté en l’assemblée du tiers-état à Ferrières, ce 14. avril 1783. Signé Picard ; Bourdon, prieur, curé de Ferrières; Porte, ancien curé de la paroisse de Gouverné ; Caille ; Servais de Coste, syndic ; André-Hubert Dumoutier ; Mongrolle ; C. Vernet ; J.-F. Rascard ; de Mareilly. CAHIER Des plaintes et doléances et représentations de la paroisse de Férolles, au bailliage du châtelet de Paris (1). Les habitants de Férolles, pénétrés de reconnaissance pour la disposition où est le Roi de communiquer avec les peuples, et d'entendre les plaintes et réclamations de ses sujets, supplient Sa Majesté de vouloir bien ordonner : Art. 1er. Qu’ils soient maintenus dans la propriété possession et jouissance de leurs communes, bois et us, elles qui sont leur unique ressource. Art. 2. La suppression des tailles, gabelles , aides, industrie et corvées, et qu’il soit suppléé à ces impositions par un subside plus simple qui soit réparti sur tous les membres de la société, sans distinction, proportionnellement à la valeur des propriétés de chacun. Art. 3. La suppression des capitaineries et des garennes forcées, à cause des grands dommages qu’elles occasionnent nécessairement aux cultivateurs. Art. 4. Une augmentation de maréchaussée à Brie-Gomte-Robert, ou l'établissement d’une brigade à Boissy-Saint-Léger, pour sûreté du passage à travers les bois de Notre-Dame et environs. Art. 5. Que le chemin de communication anciennement commencé du château des Pipes aux paroisses de Lesigny, Férolles, Antilly et Thierry, soit enfin achevé pour donner des débouchés à ces quatre communautés qui, dans l’état actuel de ce euernin, ne peuvent tirer parti de leurs denrées, ni les porter aux marchés de Brie et de Paris pendant au moins six mois de l’année. Art. 6. Une entière liberté aux cultivateurs de faire faucher les foins et autres herbages dès qu’ils sont en maturité, sans qu’ils puissent être assujettis à aucun délai, sous le prétexte de la conservation du gibier. Qu’il en soit de même pour faire sarcler et échardonner les grains lorsque cela est nécessaire : n’entendent néanmoins pas, lesdits habitants, qu’ilsoitpour cela porté atteinte au droit de chasse, dans la propriété duquel il est juste que les seigneurs soient maintenus. Art. 7. Que les présidiaux connaissent en dernier ressort de leur arrondissement respectif jusqu’à la concurrence de 6,ÛU0 livres. Art. 8. La suppression des intendants des provinces et la simplification de l’administration provinciale, dont la complication entraîne de la lenteur et doit multiplier les fVais. Art. 9. Qu’il soit défendu1 aux ministres, conseillers d’Elat, maîtres des requêtes et à leurs commis de prendre connaissance des affaires conteutieuses des paroisses en matière ordinaire ou d’impositions, lesquelles doivent regarder les juges naturels des paroisses. Art. 10. Que le droit de contrôle soit !pérçu à (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire.