490 [Assemblée nationale.] « Voilà, sans cloute, le grand art des législateurs ; voilà le but que vous avez atteint. « Recevez donc, Messieurs, les témoignages de notre admiration et de notre reconnaissance, dans un moment où ils ne peuvent pas être suspects, puisque bientôt vous serez dépouillés du caractère auguste dont vous vous êtes montrés si dignes : recevez, dans ce dernier moment, le serment que nous renouvelons de vivre libres ou de mourir, et de verser notre sang pour la défense de la Constitution que vous nous avez donnée, si de mauvais citoyens voulaient y porter atteinte. « Puissent vos successeurs marcher fidèlement sur vos traces, et ne s’en écarter jamais ! Puissent-ils ne jamais oublier qu’ils n’auraieut pas notre aveu, s’ils entreprenaient de détruire votre ouvrage : puissent-ils vous valoir! Voilà le vœu de nos cœurs. « Fait à Gannat, par les citoyens des 10 paroisses réunies en assemblée primaire le 19 juia 1791. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette adresse dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une adresse des citoyens de la ville de Saint-Denis, ainsi conçue : « Messieurs, « Les citoyens de la ville de Saint-Denis, soussignés, fortement attachés à la Constitution qu’ils ont fait serment de maintenir de tout leur pouvoir, considérant que, dans les circonstances présentes, le Français qui a pris la devise : Vivre libre ou mourir , ne peut mieux faire que de se rallier auprès de la loi, qui seule peut empêcher l’esclavage dont le menacent les ennemis de la patrie, que l’Assemblée nationale, depuis l’instant où elle a appris l’enlèvement du roi et de la famille royale, ne cesse de s’occuper, avec une ardeur digne de la nation qu’elle représente, des moyens de remédier aux malheurs qui pourraient être les suites de cet enlèvement, supplient l’Assemblée nationale de recevoir le serment qu’ils lui font et renouvellent d’obéir à tous les décrets qui sont émanés et qui émaneront d’elle, tant qu’elle croira nécessaire au bonheur public de continuer ses augusies fonctions ; déclarent, les soussignés, que regardant l’Assemblée nationale constituante comme le centre de toutes les autorités, ils ne cesseront de lui obéir, et de faire tout ce qui dépendra d’eux pour le maintien du bon ordre et de la tranquillité publique, et pour déconcerter les projets des ennemis du peuple français. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette adresse dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture d’une délibération de l'assemblée générale de la section de l'Isle, ainsi conçue : Le 23 juin 1791. « L’Assemblée générale de la section de l’Isle, légalement convoquée, sur la pétition de plus de 50 citoyens actifs, a jugé que dans la circonstance actuelle, il était de son devoir de déclarer qu’elle s’empressera toujours d’exécuter, avec la plus parfaite soumission, tous les décrets de l’Assemblée nationale constituante, quoique non acceptés ni sanctionnés par le roi; et a nommé MM. Vincendon, Mouehel, Doré et Déguaigné (24 juin 1791.) pour porter la présente déclaration à l’Assemblée nationale. « Pour extrait : « Signé ; GREVEL, secrétaire greffier. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette délibération dans le procès-verbal.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une délibération de l'as-semblée générale de la section de la Halle aux blés, ainsi conçue : « Mercredi, 22 juin 1791, 8 heures du soir. « La section de la Halle aux blés, pénétrée d’un sentiment pénible, mais qui ne saurait la décourager, a vu, non seulement la nécessité de redoubler de zèle et de vigilance pour la chose publique, mais encore de témoigner de nouveau à l’Assemblée nationale, que son attachement à la Constitution, son respect pour ses décrets, et son inaltérable dévouement à tout ce qui peut coopérer au maintien de l’ordre, seront toujours sacrés pour tous les citoyens qui la composent, et qu’elle renouvelle le serment d’être ti tèle à la nation, à la loi, et à tout ce qui pourra émaner du pouvoir constituant. <* L’Assemblée a nommé, pour porter le présent arrêté, MM. Latapy, Avice, l’abbé Duvernay et Royer. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette délibération dans le procès-verbal.) M. le Président. Voici une lettre de M. d’Af-fry , que je reçois : « Monsieur le Président, « Gomme il est indispensable que mes aides de camp puissent porter mes ordres avec sûreté, je vous prie d’accorder à M. Berthier le cadet un passeport de l’Assemblée nationale, qui le mette à même de passer librement et de porter, sans obstacl*1, aux troupes de ligne, les ordres qu’il est chargé de leur transmettre. Je suis, etc... Signé : d’Affry. (L’Assemblée ordonne que le passeport demandé sera délivré.) M. le Président. Voici une lettre de vos commissaires, MM. Pétion , Latour-Maubourg et Bar-nave : « Dormans, le 24 juin 1791, 3 heures 1/4 du matin. « Monsieur le Président, « Nous avons joint le roi à peu de distance d’Epernay; il était dans une voiture avec la reine, le dauphin, Madame Royale, Madame Elisabeth et Madame de Tourzel; 'trois domesti-tiques étaient sur le siège, deux femmes suivaient dans un cabriolet. Un peuple immense et en armes était sur la route. Nous nous sommes approchés de la personne du roi; nous lui avons fait part de notre mission, et nous lui avons donné lecture du décret de l’Assemblée nationale; nous en avons également fait lecture aux braves citoyens qui lui servaient do cortège. Nous avons' institué M. Dumas leur commandant, et nous nous sommes rendus en bon ordre à Dormans, où nous passons la nuit. Demain nous nous rendrons à Meaux, et après demain à Paris. Ce qui ralentit notre marche, c’est l’af-ARGHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juin 1791.] fluence de? gardes nationales, qui se rendent, de toute part, sur le passage du roi pour l’escorter, et dont nous devons louer le zèle et la conduite prudente et généreuse. « Nous sommes, avec respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « Signé : PÉTION, LATOUR-MAUBOURG, Barnave, Dumas. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette lettre dans le procès-verbal.) M. le Président. Messieurs, vous avez ordonné ce matin que quatre commissaires iraient chez M. de Montmorin relativement au passeport donné à Mme de Korff. Les commissaires ont fait tout à l’heure leur rapport à l’Assemblée; comme il y avait très peu de monde, ils vont le répéter à présent que l’Assemblée est plus nombreuse. M. Rœderer, l'un des commissaires , prend la parole et dit : « Messieurs, nous nous sommes fait représenter le registre où l’on inscrit les passeports. « Nous y avons vu que le 5 juin il a été délivré, sous le nom de Mme la baronne de Korff, un passeport tel que celui dont il s’agit. <• Il est annoté dans une colonne du registre destinée à contenir les motifs des demandes, que ce passeport a été demandé par M. de Simolin, ministre de Russie, à qui M. de Montmorin ne pouvait le refuser. « Nous avons requis la représentation de la demande de M. de Simolin. Elle nous a été produite à l’instant, revêtue de la signature de ce ministre étranger; nous Pavons rapportée pour la présenter à l’Assemblée nationale, et nous la mettons sur son bureau. « Dans le carton qui contenait cette demande, s’est trouvée une seconde lettre de M. de Simolin à M. de Montmorin, et dans cette lettre, un billet de MMe la baronne de Korff à une tierce personne, dent le nom ne se trouve point dans la lettre, et qui sans doute Pa fait passer à M. de Simolin. « Par ce billet, Mme de Korff dit qu’elle a brûlé, par mégarde, le passeport qui lui a été délivré le 5 juin; elle prie la personne à qui elle écrit, d’obtenir, de M. de Simolin qu’il en demande un nouveau à M. de Montmorin. « M. de Simolin, en adressant le billet de Mme de Korff à M. de Montmorin, lui demande un second passeport. « Conséquemment, il a été délivré un duplicata de celui du 5 juin. « Nous apportons et mettons aussi sur le bureau de l’Assemblée les 2 pièces, dont nous ve-nous de parler. « Le compte que nous venons de rendre explique comment et pourquoi le roi a été pourvu do passeport qu’il portait. Ce compte nous paraît ne laisser aucun nuage sur la conduite de M. de Montmorin. » M. Legrand. Les explications données par M. Rœderer me paraissent satisfaisantes, et cela en deux maniérés : la première, c’est que M. de Montmorin a été trompé ; et la seconde que M. de Montmorin n'a pas pu refuser, à la demande de M. de Simolin, le premier passeport et le duplicata qui lui étaient demandés. M. Trellliard. Il est si important d’envi-491 ronner de la confiance publique un ministre qui n’a pas mérité de la perdre, que je pense qu’il est convenable d’ordonner l’impression et l’affiche de ce rapport. ( Oui ! oui !) M. Legrand. Cela ne suffit pas; je demande qu’il soit donné ordre à la municipalité de le proclamer à son de trompe. Plusieurs membres ; C’est fait! c’est fait! (L’Assemblée, consultée, décrète l’impression et l’affichage du rapport de M. Rœderer). M. d’AiguilIon. Les commissaires que vous avez envoyés sont encore dans la maison de M. de Montmorin. J’en viens. Tout y est tranquille : Il ne se manifeste aucune intention d’exercer des violences. Beaucoup de monde est sur la route; mais la contenance de tous est telle qu’elle doit être, c’est-à-dire tranquille. La lecture du décret que vous avez rendu a été faite par les commissaires à un groupe très considérable qui l’a écouté avec silence et l’a vivement applaudi. M. Treilhard, ex-président , prend place au fauteuil. M. Dupont, au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, je viens vous donner connaissance du projet d'adresse aux Français sur les nouvelles impositions, que vous avez chargé votre comité des contributions publiques de rédiger; le voici (1) : L'Assemblée nationale aux Français , relativement aux contributions publiques. « Citoyens, « Après le devoir de vous donner une Constitution libre, la plus importante obligation que vous ayez imposée à vos représentants était de pourvoir à vos besoins publics avec la moindre dépense et la moindre gêne qu’il serait possible. « En effet, chacun de vous a l’intérêt, le droit et la volonté de trouver, dans le bon emploi de la force commune, et dans un système de finances sage, humain, clair, économique, peu susceptible d’abus, une suffisante, une puissante garantie pour la liberfé de ses actions, pour la sûreté de sa personne, pour la propriété de ses biens, et des moyeus abondants pour l’amélioration des propriétés nationales indivises, telles que les routes, les forteresses, les ports, et pour l’institution et la conservation de tous les établissements d’une utilité générale. « Considérées sous cet aspect, et dirigées vers ce but salutaire, les contributions publiques, loin de vous être onéreuses, sont le moyen le plus efficace de ménager votre temps et vos richesses, le seul qui puisse vous assurer le loisir, la faculté de vous livrer en paix et avec succès au travail, à l’administration rie vos biens, à la direction de vos affaires, à l’augmentation de votre fortune. « Sans elles, vous ne pourriez tirer aucun revenu de vos terres, aucun profit de vos manufactures ni de votre commerce ; car il n’y aurait aucune sûreté pour vos propriétés, aucune force à l’appui de la justice et de la raison, pour faire respecter la Constitution et les lois. Nous n’au-(1) Ce document n’est pas inséré au Moniteur .