[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mars 1791.] M. Roussillon, rapporteur, donne lecture de l’article 3 du projet de décret. M. Moreau de Saint-Méry. Le comité vous propose de mettre sur les sucres, le café et le cacao, un droit de 3 0/0 de leur valeur effective en France; il dit que ce droit portera sur les consommateurs; et moi, je dis que cela est vrai sous un rapport, et faux sous un autre; que c'est une vérité relative et non pas ab-olue. Tout droit sur les consommations éloigne les con-om-mateurs, et porte par conséquent préj u i ice au commerce. L’impôt sur les denrées coloniales est donc un véritable impôt sur les colonies. Je demande que, si cet impôt est décrété, il le soit fait d’une manière très réglementaire, alin d’en indiquer, pour ainsi dire, la réforme aux législatures suivantes... Indépendamment de ce droit de 3 0/0, le comité propose un droit additionnel de 15 sous par quintal de sucre brut, et de 25 sous par quintal pour le sucre tête et terré. Je demande que le sucre terré ne paye pas plus que le sucre brut; caries étrangers achèteraient alors plutôt du sucre brut que du sucre terré, ce qui vous ferait perdre la main d'œuvre, et ce qui augmenterait le fret du commerce étranger. D’ailleurs l’homme qui fait le sucre terré n’est pas celui qui fait le sucre brut; il se-rait injuste d’avantager l’un et de grever l’autre. Il est infiniment important qu’aucune classe de vos manufacturiers nationaux ne soit lésée. Je demande, par amendement, que le droit additionnel de 15 francs par quintal de sucre brut soit le même sur toutes les autres espèces de sucre. M. Roussillon, rapporteur. La réduction que propose le préopinant en opérerait une de 500,000 livres dans les recettes, dans un moment où les planteurs gagneront déjà infiniment par le nouveau tarif. La différence que nous proposons ne sera pas une injustice pour les fabricants ues sucres terrés; car, puisque réellementils ont un bien plus grand avantage que ceux qui ne peuvent pas terrer le sucre, il en résulte qu’ils doivent payer quelque chose de plus. L’injustice existerait donc si l’un faisait payer ie sucre brut absolument autant nue l’autre. Mais des considérations plus puissantes nous ont déterminés, celles de l’intérêt général. Il importe de favoriser les raffineries nationales; il importe d’augmenter le fret de notre marine par le transport des sucres bruts. Quant à ce que M. Moreau vous a dit sur les inconvénients d’un droit trop considérable sur les denrées coloniales, je réponds que ces droits qui indemnisent la France des dépenses qu’elle fait pour la sûreté des colonies, ne peuvent être supprimés; mais que nous en diminuons le poids autant qu’il est possible, puisque le droit sur l’indigo est diminué des trois quarts, puisque le coton est entièrement supprimé, puisque mus avez supprimé une perception de 400,000 livres qui se faisait sur les sucreries aux frontières de la Bretagne, etc. M. Regonen. Je demande à proposer un amendement; c’est que le droit additionnel sur les sucres terres et têtes soit de 20 francs, et de 25 francs sur le café et le cacao. Un membre propose de supprimer le droit additionnel sur les sucres et de porter en remplacement, à 4 0/0, le droit décrété par le 1er article. 187 Plusieurs membres demandent la question préalable sur les amendements. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les divers amendements.) M. le Président. Je mets aux voix l’article 3 qui est ainsi conçu : Art. 3. « Indépendamment du droit ci-dessus fixé, les sucres bruts, têtes et terrés, les cafés et le cacao acquitte ont encore au poids net. à leur arrivée, soit qu’ils soient destinés pour l’étranger ou pour la consommation du royaume, un druit additionnel de 15 sous par quintal de sucre brut, et de 15 francs par quintal de sucre tête et terré, de café et de cacao. » {Adopté.) Art, 4, « Les sucres têtes et terrés desdites colonies pourront être mis en entrepôt à leur arrivée en France, après avoir acquitté le droit de 3 0/0 et celui de 25 francs par quintal; et s’ils sont retirés dudit entrepôt pour passera l’étranger, soit par terre, soit par mer, ils ne payeront pas de nouveau droit. S’ils entrent dans la consommation du royaume, ils acquitteront un droit de 6 livres par quintal poids brut. » {Adopté.) Art. 5. « Les tafias desdites colonies pourront également être reçus en entrepôt et être réexportés à l’étranger, en exemption de tous droits; mais s’ils sont destinésàlaconsommation du royaume, ils seront sujets à un droit unique de 12 livres par muid. » M. Rillon. Je demande la question préalable sur cet article. Je n’entends pas comment Messieurs du comité d’agriculture et de commerce peuvent proposer à un pays aussi abondant en eau-de-vie que la France d’y importer des tafias des colonies. Je crois que tous ceux qui font de l’eau-de-vie seront parfaitement de mon avis. M. Regnaud {de Saint-Jean-d' Angêly). Messieurs, je suis d’un pays où se fait beaucoup d’eau-dè-vie. Je n’adoptê point l’amendement de M. Dillon ; je demande seulement que le droit soit augmenté afin de ne point nuire au commerce des eaux-de-vie et de porter le droit à 24 livres. M. d’André. L’article 5 tend à détruire le commerce français des eaux-de-vie. Plusieurs membres : Oh ! oh ! M. d’André. Oui, Messieurs; et en effet, les tafias peuvent servir au même usage que les eaux-de-vie ; on les préfère même dans beaucoup d’endroits. En conséquence, j’appuie l’amendement de M. Regnaud. M. üairac. Je réponds à M. d’André que depuis dix ans les tafias sont permis en France; cependant le négociant n’a pas cru devoir en faire venir. D’après cela, la permission d’introduire des tafias en Fiance n’est pas une permission dangereuse. M. de Rf chier. Par quelle bizarrerie singulière voudriez-vous défendre l’introduction des eaux-de-vie anglaises au même prix pour recevoir celles d’Espagne? Je demande donc que l’avis du comité soit mis aux voix.