150 [Assemblée national#! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [If mars 4790.] de Montesquiouet ajourneladiacussion à demain.) M-Guillaume, l'un de MM. les secrétaires , donne lecture du mémoire de M. Necker pour l'établissement d'un bureau de trésorerie. Il est ainsi conçu : MÉMOIRE DU PREMIER MINISTRE DES FINANCES (1), Messieurs, je crois l’établissement d’un bureau de trésorerie destiné à diriger, sous les ordres du roi, tout ce qui tient au Trésor public, si utile en tous les temps, si nécessaire dans les circonstances particulières où nous nous trouvons, que l’Assemblée nationale me permettra, j’espère, d’ajouter quelques réflexions à celles déjà pré** sentées dans mon dernier mémoire. J’entends dire que l’Assemblée, en approuvant l’idée de l’établissement d’un bureau de trésorerie, ne paraît pas disposée à consentir qu’aucune des personnes dont Sa Majesté composerait ce bureau, fût choisie dans l’Assemblée nationale. Il est de mon devoir de la prévenir qu’une telle condition mettrait absolument obstacle à l’exécution des intentions paternelles du roi ; et pour appuyer cette proposition, je dois d’abord faire observer que la principale utilité de ce bureau serait perdue, si aucun de ses membres ne pouvait être en même temps député à l’Assemblée nationale : car il importe, et surtout aujourd’hui, qu’il existe une communication de tous les jours et de tous lesinstants, entre le corps législatif et l’administration des finances, il ne peut suffire que celte communication soit établie par de simples mémoires, qu’on hésite, qu’on diffère de donner, qui font toujours événement, et qu’on ne peut ni expliquer ni défendre, à moins d’être présent habituellement à votre assemblée. Ge n'est pas d’ailleurs seulement aux époques éparses d’une discussion par mémoire, que les intérêts du Trésor public doivent être manifestés et soutenus, car, à chaque instant, il existe un rapport entre ces intérêts et vos délibérations, et personne ne peut avoir toujours présent à l’esprit ce qu’exige le soin du Trésor public ; personne ne peut s’en occuper avec prévoyance, s’il n’est pas associé de quelque manière à son administration, et s’il n’est pas rappelé aux soins de celte partie de la chose publique, par tous les motifs d honneur et de devoir qui agissent sans interruption sur les hommes. Je dois vous présenter une seconde considération, c’est qu’il serait impossible aujourd’hui de former convenablement un bureau de trésorerie, si on voulait le composer en entier de personnes étrangères à l'Assemblée nationale. Qui voudrait s’immiscer dans l'administration du Trésor de l'Etat en des moments si difficiles ? Qui voudrait s’exposer et aux faux jugements du public, et aux chances d’une censure journalière de la part d’une assemblée nombreuse où l’on n’est jamais présent, et où l’on n’est pas sûr de trouver constamment des préjugés favorables ? C’est librement qu’on se dévoue à l’administration ; ainsi il faut être attiré par de la considération, quand on ne peut plus attendre des récompenses de fortune. J’ai senti souvent dans mes travaux ie (1) Ce mémoire est l’objet d'une simple mention au Moniteur. besoin d’être soutenu par votre estimé êt par la confiance de la nation, et ce sentiment, celui quelquefois de mon long dévouement à la chose publique, m’ont rendu votre empire fort doux; mais les membres nouveaux d’un bureau de trésorerie n’auraient, en commençant, aucune de ces compensations; il est donc nécessaire qu’ils réunissent au mérite de leurs fonctions, l’honneur de faire partie de votre assemblée, afin qu’ils aient à ce double titre l’autorité de détail et l’ascendant nécessaire pour diriger convenablement l’administration dont ils seront chargés. Chacun voit aujourd’hui si bien que les chefs de département ne peuvent faire ni bien ni mal à personne, qu’ils éprouvent les résistances les plus minutieuses de la part même de ceux qui se trouvent dans leur dépendance naturelle. 11 n’y a donc plus aucun genre d’attrait pour se livrer aux pénibles travaux de l’administration, et de toutes parts chacun n’aspire qu’à se placer aux bancs des juges. Les comités que vous avez établis pour examiner différentes parties de finances et pour vous rendre compte, ne peuvent pas non plus suppléer à l'établissement d’un bureau actif de trésorerie; chacun de ces comités est uniquement occupé dé la mission particulière dont il est chargé; ils visent tous à mériter dans leur partie, et de justes éloges et de prompts applaudissements; et pour y parvenir, aucun, même le comité général des finances, n’a besoin de concilier le résultat de ses travaux avec la situation instantanée du Trésor public, et avec les inquiétudes prochaines de l’administration qui le régit. Il faut un peu d’espace, un peu de large pour les règlements généraux; ainsi ceux qui doivent les préparer, ont souvent besoin de se détacher des combinaisons particulières à l’administration des finances, à cette pénible régie qui, dans des temps difficiles se trouve contrainte de combattre sur un terrain resserré, et qui ne peut et ne doit s’étendre que par degrés. Aussi tous ceux qui sont placés extérieurement à l’administration, même avec les meilleures intentions, ne revêtissent jamais qu’imparfaitement son esprit. Les intérêts de cetteadministrationnepeuventdone être bien confiés qu’à elle-même, et rarement elle pourra tirer une assistance réelle et constante d’un comité latéral qui voit les choses sous d’autres rapports, et qui peut trouver aussi bien son compte de gloire dans une idée brillante, mais désassortie au moment, que dans l’aplanissement des difficultés de tous les jours, et dans la conciliation laborieuse de l’avenir avec le présent. Cependant, puisqu’il est naturel que vous désiriez tout connaître par l’entremise des personnes qui composent votre assemblée, pourquoi n’adopteriez-vous pas un moyen qui, en satisfaisant ce vœu raisonnable, laisserait à l’administration toute la force et toute l’unité dont elle a besoin pour lutteravec avantage contre les difficultés dont nous sommes environnés? de double but serait parfaitement rempli par l’établissement d’un bureau de trésorerie dont le roi choisirait presque tous les membres parmi les députés à votre assemblée ; ils n’auront pas conduit pendant un mois le Trésor public, que vous éprouverez ce que je fais par expérience ; c’est que leurs avis, leurs avertissements, leurs éveils seront d’une grande utilité, ne fût-ce que pour diriger ou pour ramener votre réflexion vers les objets qui intéressent le Trésor public d’une manière instante; ne fût-ce que pour vous faire part d’une multitude de connaissances et d’observations qui ne viennent qu’à 151 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 mars 1790.] l'administration, à ce centre du mouyementgêné-ral; ne fût-ce enfin que pour vous indiquer les rapports continuels de certaines parties de vos délibérations avec la situation présente des affaires. Une seule idée , une st3Ule décision générale ne peuvent suffire pour nous affranchir des grandes difficultés de cette année; il faut donc ue vous soyez informés presque journellement es différentes déviations, des différents changements de route que l’inconstance du crédit et la succession des événements pourront rendre nécessaires. Ces assujettissements dans la suite n’existeront plus, il faut du moins l'espérer : un ordre constant et durable rendra l’administration simple et facile; mais il faut jusque-là adapter vos dispositions aux choses présentes, en même temps Jue vous préparerez celles qui suffiront à l’avenir. e ne connais rien de plus propre à ranimer la confiance, que l’établissement d’un bureau de trésorerie essentiellement composé de députés à l’Assemblée nationale; il sera considéré comme le point de réunion entre l’administration et la législation des finances, et un tel accord est si nécessaire, que dans les pays étrangers on s’étonne qu’à la suite de nos événements, la machine des finances puisse marcher encore, lorsque son administration est absolument séparée de l’Assemblée où l’on fixe, où l’on détermine toutes les délibérations qui l'intéressent. Et l’on comprendra plus difficilement encore, comment le ministre qui régit la finance est celui qui, pour le bien public, sollicite l’abdication d’une partie essentielle de son pouvoir, et la perte de la considération qui s’y réunit, tandis que l’Assemblée nationale refuserait de participer à cette concession par l’admission de ses députés dans le bureau de trésorerie. On oppose un de vos décrets précédents à l’établissement de ce bureau, aux conditions que j’ai désignées; mais ce décret est votre propre ouvrage, il était applicable à d’autres circonstances, à d’autres idées ; ainsi vous ne devez vous faire aucun scrupule d’y apporter une modification, lorsque vous y serez conduits par le môme motif qui doit être le principe de toutes les lois, le désir véritable du bien de l’Etat. C’est pour mettre les députés à l’Assemblée nationale à l’abri de toute séduction, de tout ascendant de la part du gouvernement, que vous les avez astreints à n’accepter aucune place à sa nomination; mais je l'ai déjà fait remarquer dans mon dernier mémoire, le bureau de trésorerie dont il est question, n’offre qu’une commission difficile, qu’une charge pénible. J’ajouterai qu’on pourrait, si on le jugeait convenable, n’y attribuer pour un temps aucun appointement; on pourrait encore, mais toujours selon moi, par un esprit de défiance, dénué de fondement, on pourrait exiger que pendant la durée de la présente session, aucun membre du bureau de trésorerie n’accepterait de place dans le conseil du roi. Il vous est donc aisé, Messieurs, de calmer vos inquiétudes, et il me semble qu’indéçendamment des sentiments de confiance que méritent de vous les ministres actuels, vous pourriez encore être tranquilles en remarquant simplement les bornes étroites de leur influence. Par quelle singularité donc continueriez-vous à les considérer comme des séducteurs dont on ne peut s’approcher sans péril ? Eh 1 quoi, tout est changé, et vous partiriez encore des anciennes idées! 11 n’y a plus de danger pour la vertu civique que dans ses applications exagérées; la juste mesure des idées sera toujours le véritable soutien des sentiments honnêtes, puisqu’ils ont besoin de cette association pour paraître réels, et pour recevoir la récompense d’opinion qui leur sert d’encouragement. Vous ne négligerez donc pas le bien de l’Etal et ce qu’il exige, pour une simple renommée de sacrifices qui n’ont plus d'existence, et sûrement vous n’imiterez jamais ce petit nombre de personnes qui prononcent encore les mots imposants de despotisme ministériel, pour se ménager l’honneur apparent de le braver; un courage, si à J’abri de toute espèce d’inconvénients, ne serait pas digne de vous. C’est bien plutôt à seconder franchement les mesures sages du gouvernement qu’il y a du mérite et de l’honneur, puisqu’on risque encore de perdre quelque chose par cet exercice d’une vertu simple mais réelle. Je reviens à l’élablisement d’un bureau de trésorerie; ma santé qui s’affaiblit, me fait sentir de plus en plus qu'un homme seul ne peut répondre à une administration sur laquelle le crédit repose en partie. 11 faut toujours sans doute conserver l’unité d’action ; mais il faut y réunir cette permanence, cette invariabilité dont un bureau de trésorerie, composé de plusieurs personnes, peut seul être le garant. Aujourd’hui l’on voit tout le contraire, car à toutes les incertitudes de durée qui accompagnent l’administration d’un seul vous avez encore joint une diversité d’action, par l’établissement de plusieurs comités qui ont chacun leur système, leurs idées et leurs opinions. On dit qu’un de vos motifs d’éloignement pour l’établissement d’un bureau de trésorerie, c’eat que vous préférez, comme plus simple, une responsabilité individuelle, à une responsabilité collective; mais une telle responsabilité n’a pas été instituée pour en faire un objet de prise, et pour se ménager le plaisir d’exercer un droit de vindicte; elle a pour unique principe, l’utilité d’une garantie contre les abus : mais si toutes les garanties de ce genre, une administration collective est la meilleure, ce qu’une telle administration offre d’un peu plus composé pour l’application des lois de responsabilité, serait plus que compensé par la certitude morale de n’avoir jamais besoin d’une pareille caution. Je dépose donc ici de nouveau mon opinion sur l’importance, en tous temps, sur la nécessité absolue en ces circonstances, de l’établissement d’un bureau de trésorerie, aux conditions que j'ai désignées. Vous allez décider ou d’un très grand bien, ou d’un très grand mal; et si je pouvais mêler un vœu particulier à l’intérêt public qui m’occupe essentiellement, ce serait que vous voulussiez bien vous souvenir en tous les temps de l’ardeur soutenue que j’ai mise à ma sollicitation. 11 est peu de dispositions dans les affaires publiques qui satisfassent à tout sans inconvénients ; mais si vous adoptez celle dont je vous entretiens ; si, considérant les commissaires du bureau de trésorerie, non pas comme vos rivaux, mais comme vos alliés, vous les écoutez avec intérêt, avec confiance, et les assistez de vos forces, toutes les personnes qui réfléchissent et qui voient encore au delà des idées qu’on se permet de présenter, applaudiront à votre détermination, et en augmentant de reconnaissance envers le roi, elles acquerront chaque jour un nouveau degré d’espérance. (La lecture du mémoire de M. Neckerne donne lieu à aucune discussion.) M. Goupil de Préfeln. J’ai à faire une motion qui a pour but d'augmenter le produit de la contribution patriotique. Je propose ae charger le