ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1739.] 351 [Assemblée nationale.] trouvé plus commode sans doute de placer ces mousquetons dans ma voiture, que de les porter eux-mêmes. Deux d’entre eux l’ont accompagnée. Cette voiture, arrivée dans une cour du château, a été arrêtée et visitée par la milice bourgeoise. Cette voiture est connue dans Versailles depuis longtemps. Mon cocher était vêtu de ma livrée. Il était deux heures et demie après midi. Ce fait évident ne mériterait peut-être pas, Messieurs, de vous être présenté ; mais j’espère que vous ne blâmerez pas le sentiment de délicatesse qui me porte à vous en instruire, et à en laisser sur le bureau ma déclaration signée ce 5 août 1789. Signé : Bailli de Crussol. II�l été donné acte à M. le bailli de Crussol de la déclaration qu’il a laissée par écrit sur le bureau. Le comité des rapports demande un moment d’audience pour proposer les moyens de prévenir le danger qui résulterait des difficultés continuelles que les villes elles-mêmes apportent à la communication des denrées. j Un membre observe que cet objet doit être renvoyé à la séance du soir ; que celle du matin est consacrée à la constitution. On répond que cette séance est précisément la suite de celle accordée hier soir au comité des rapports. Le comité obtient en conséquence la parole. M. d’Antraîgucs, au nom du comité des rap-Sorts. Paris a établi, sur la route de cette ville au avre, quatre commissaires, pour faciliter la circulation des grains et l’approvisionnement, de la capitale. Malgré ces précautions, les convois sont > fort souvent arrêtés. Des bateaux de grains, escortés par la milice bourgeoise d’Elbeuf, descendaient à Louviers ; ils étaient destinés pour Paris ; un des chefs de la milice, revêtu de son uniforme, était sur un des bateaux. La milice bourgeoise de Louviers a rencontré ce convoi et l’a arrêté ; le peuple s’est rassemblé; le chef de la milice, qui était sur un des bateaux, a été mis aux fers et jeté dans les cachots, pour le dérober à la fureur du peuple, et les grains ont été conduits dans Louviers. L’Assemblée a été frappée des inconvénients qui résultaient de ces obstacles dans la circulation des denrées, et des malheurs affreux qui seraient la suite de ces violences. Le comité propose, pour faire cesser ces désordres, le projet d’arrêté suivant : « L’Assemblée nationale, occupée constamment de la constitution, et affligée des excès auxquels I se livrent les différentes villes, etc., autorise la milice bourgeoise et les tribunaux à se servir de toute leur autorité pour s’opposer à toutes voies de fait, etc. » Cet arrêté n’est pas approuvé. On y ajoute l'amendement suivant : « Que les juges, baillis, sénéchaux, etc., seront autorisés à requérir la force militaire. » Un membre propose de faire deux arrêtés our Louviers et Elbeuf, et un troisième pour aris ; l'Assemblée ne juge pas à propos de multiplier ainsi ses décrets. M. Dupont. De tous côtés on se plaint d’entreprises faites contre les personnes et les propriétés par des brigands qui courent les provinces, et des obstacles qu’on oppose partout à la libre circulation des subsistances. ‘Je crois donc devoir reproduire la motion que j’avais faite hier, tendant à rendre au pouvoir exécutif et aux tribunaux toute leur énergie. Cette proposition n’a pas de suite. Il s’élève quelques débats pour fixer la manière dont la force publique sera employée, savoir : si l’on emploiera les troupes réglées à la réquisition des municipalités, ou si l’on ne se servira que des milices bourgeoises actuellement armées, pour repousser les violences et rétablir l’ordre dans les provinces. Après quelques difficultés, les esprits se réunissent en faveur d’un projet de proclamation qui est arrêtée ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, constamment occupée de procurer à la France un bonheur général quinepeut être assuré que par une sage constitution, apprend à chaque instant, avec une nouvelle douleur, les violences et voies de fait dont on use en différents lieux contre les propriétés et les personnes de divers citoyens, et particu-lièment contre des convois de grains et farines destinés à l’approvisionnement de différentes villes du royaume. «Elle déclare en conséquence qu’il est du devoir des municipalités et milices bourgeoises de s’opposer à de telles entreprises. Elle inviteenmême temps le gouvernement à prêtera l’autorité municipale l’assistance de la force militaire dans le cas de nécessité, et lorsqu’il en aura été requis, pour rétablir la sécurité des citoyens, la liberté du commerce et le bon ordre universel. » « Le comité de vérification a annoncé que M. l’abbé de Pannat, député du bailliage de Chaumont en Vexin, a donné sa démission; que M. Delettre, curé de Berny-Rivière, député du Soissonnais, a rapporté le procès-verbal de son élection ; que les pouvoirs de M. le baron de Luppé, député de la sénéchaussée d’Auch; de M. Lemoine de Belle-lsle, député du bailliage de Chaumont en Vexin ; deM. le marquis d’Angosse, député de la sénéchaussée d’ Armagnac; ceux de MM. de Sassenay et de Yarennes, députés du bailliage de Châlon-sur-Saône; de MM. le duc de Caylus, baron d’Aurillac et baron de Rochebrune, députés du bailliage de Saint-Flour, sont en règle ; que M. le comte d’Escars, député de la sénéchaussée de Limoges, ayant donné sa démission, a été remplacé par M. le comte de Roys, dont les pouvoirs sont également en règle, ainsi que ceux de M. le marquis Du Hart, député par la noblesse du bailliage de Soûles, qui a rapporté le procès-verbal de son élection, faite avec celle des députés des communes; qu’enlin les pouvoirs de MM. de Chaillouet et marquis de Vrigny ont été vérifiés le 1er juillet, et que c’est par erreur qu’il n’en a pas été fait mention jusqu’ici. En conséquence de ce rapport, l’Assemblée nationale a admis et reconnu pour députés vérifiés MM. De-lettre, curé de Berny-Rivière, le baron de Luppé, Lemoine de Belle-lsle, le marquis d’Angosse, de Sassenay, de Yarennes, le duc de Caylus, le baron d’Aurillac, le baron de Rochebrune, le comte de Roys, le marquis du Hart, de Chaillouet, et le marquis de Vrigny. Ces deux derniers ont représenté une ampliation de pouvoirs qui leur a été [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. donnée le 29 juillet par plusieurs gentilshommes des bailliages d’Ëxmes et u Argentan, secondaires du bailliage d’Alençon. Il a été donné lecture du projet de rédaction du procès-verbal de la séance d’hier soir, qui sera représenté à l’Assemblée avant d’être imprimé. MM. les députés du clergé et de la noblesse d’Alsace ont dit, par l’organe deM. leprïnce de Brogiie, que s’étant trouvés hier en trop petit nombre à l'Assemblée pour se permettre de prendre une résolution définitive, et s’étant réunis ce matin, ils déclaraient adhérer à ce qui a ôté décidé hier par la pluralité des provinces; qu’ils se faisaient honneur d’adopter les sentiments patriotiques dont plusieurs avaient eu l’avantage d’énoncer le vœu les premiers, et qu’ils allaient rendre compte à leurs commettants de l’engagement qu’ils prenaient pour eux, et sous leur ratification. 11 a été donné acte à MM. les députés du clergé et de la noblesse d’Alsace de leur déclaration, qu’ils ont remise signée d’eux, sur le bureau. MM. les députés des communes et des villes impériales d’Alsace, par l’organe de MM. Rew-bell et Bernard, ont fait la môme déclaration pour leurs commettants respectifs. MM. les députés de la noblesse de Touraine ont remis sur le bureau une déclaration signée d’eux, portant que, quoiqu’ils eussent adhéré avec empressement aux abandons et sacrifices qu’a exigés l’extinction du régime féodal, consentis par tous les représentants de la noblesse des autres provinces, ces abandons et sacrifices excédant leurs pouvoirs, ils ne les ont pu ni dû faire que sous la réserve de l’adhésion que leurs commettants s’empresseront sûrement de donner, et qu’ils notifieront avec la plus grande satisfaction à l’Assemblée nationale, dès qu’ils l’auront reçue. M. l’abbé Saurine, député du clergé de Béarn, a aussi déposé sur le bureau une déclaration signée de lui, portant « qu’ayant des pouvoirs illimités de ses commettants pour concourir au plus grand bien général, il adhère, en leur nom, à tous les arrêtés et délibérations pris jusqu’à ce jour par l’Assemblée nationale, et à tous les; arrêtés et délibérations qu’elle prendra à l’avenir, ses commettants étant disposés à faire en conséquence tous les sacrifices, et n’ayant rien de plus à cœur que de manifester, en toute occasion, le patriotisme le plus pur et le plus étendu. » M. le marquis de Clermont-Mont-Saint-Jean, député du bailliage de Belley en Bugey, a déclaré, au nom de ses commettants, par un écrit qu’il a signé et déposé sur le bureau, que s’étant trouvé absent de la séance du 4 au 5, il se réunit aux députés des deux autres ordres de ce bailliage, pour tous les abandons et sacrifices qu’ils ont faits pour le bien public. M. le vicomte dcBroves etM. le comte de Juigné, députés de la noblesse de la sénéchaussée de Draguignan, en adhérant à tout ce qui a été arrêté dans la soirée d’hier 4 de ce mois, ont déelarô que par la nature de leur mandat, n’ayant pu donner sur beaucoup d’articles que leur vœu personnel, ils réservent expressément à cet effet l’adhésion particulière de leurs commettants, et croient pouvoir assurer d’avance qu’ils ne le céderont point en générosité aux gentilshommes les plus patriotes du royaume. ils ont demandé que cette déclaration, signée [5 août 1788.] d’eux, fût insérée dans Je procès-verbal de cetfe séance. M. le comte de Montmorency donne lecture de l’arrêté pris dans la séance d’hier, tel qu’il a été libellé par le comité de rédaction. projet d’arrêté. L’Assemblée nationale considérant: 1° Que dans un Etat libre, les propriétés doivent être aussi libres que les personnes; 2° Que la force de l’Empire ne peut résulter que de la réunion parfaite de toutes les parties, de l’égalité des droits et des charges; 3° Que tous les membres privilégiés, et les représentants des provinces et des villes se sont empressés de faire, comme à l’envi, au nom de leurs commettants, entre les mains de la nation, la renonciation solennelle à leurs droits particuliers et à tous leurs privilèges ; Arrête et décrète ce qui suit: Art. 1er. Les mainmortes, mortes-tailles, corvées, droits de feu, guet et garde, et toutes autres servitudes féodales, sous quelque dénomination que ce soit, même les redevances et prestations pécuniaires établies en remplacement d’aucuns de ces droits, sont abolis à jamais sans aucune indemnité. Art. 2. Les droits de banalité, quels qu’ils soient, et tous droits seigneuriaux, tels que cens, rentes, redevances, droits de mutations, cham-parts, terrages, droits de minage, mesurage et autres, sous quelque dénomination que ce soit, seront rachetables à la volonté des redevables, au prix qui sera fixé, soit de gré à gré, soit selon les proportions qui seront réglées par l’Assemblée nationale. Art. 3. Le droit exclusif de colombier est aboli à jamais. Les fuies et colombiers sont supprimés. Art. 4. Le droit exclusif de la chasse et de la pêche est pareillement aboli, et tout propriétaire est autorisé à pêcher et à faire pécher dans les ruisseaux et rivières qui coulent le long de sa terre, à détruire et faire détruire, seulement sur son héritage, toute espèce de gibier. Art. 5. Le droit de garenne est également aboli. Art. 6. Les justices seigneuriales sont supprimées sans indemnités, et néanmoins les officiers de ces justices continueront leurs fonctions jusqu’à ce qu’il ait été pourvu par l’Assemblée aux moyens de rapprocher la justice royale des justiciables. Art. 7. Les dîmes en nature, ecclésiastiques, laïques et inféodées pourront être converties en redevances pécuniaires, et rachetables à la volonté des redevables, selon la proportion qui sera réglée, soit de gré à gré, soit par la loi, sauf leur remploi à faire par les décimateurs. Art. 8. Toutes les rentes foncières, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce qu’elles soient, seront rachetables. Art. 9. Il sera pourvu incessamment à l’établissement de la justice gratuite, et à la suppression de la vénalité des offices de judicature. � Art. 10. Les droits casuels des curés de campagne sont supprimés; il sera pourvu à l’augmentation des portions congrues et à la dotation des vicaires, et il sera fait un règlement pour fixer le sort des curés des villes. Art. 11. Tous privilèges pécuniaires, personnels ou réels, en matière de subsides, sont abolis à jamais ; la perception s’en fera sur fous les