(Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] 391 auprès de l’Assemblée; il demande à lui exprimer ses sentiments. (Oui! oui!) M. de Rochambeau est introduit à la barre. M. le Président. L’Assemblée nationale, désirant connaître les sentiments dans lesquels vous vous trouviez, a voulu savoir si les événements dont vous avez eu connaissance avaient pu changer quelque chose dans les sentiments patriotiques que vous avez toujours manifestés. Elle vous prie de donner votre avis sur le décret qui a été rendu ce matin, par lequel il est ordonné au ministre de la guerre de faire partir sur-le-champ M. de Rochambeau avec des ordres nécessaires pour mettre les frontières de l’Empire en état de défense, et poursuivre ceux qui se sont rendus coupables de l’enlèvement du roi. M. de Rochambeau. Je viens de prendre connaissance du décret rendu ce matin par l’Assemblée nationale qui ordonne au ministre de la guerre de m’expédier l’ordre de partir pour veiller à la sûreté des frontières et les mettre en état de défense. Ces nouvelles dispositions, prises à mon égard, m’honorent en augmentant l’étendue du commandement qui m’a été confié; mais les facultés morales et physiques d’un homme de 68 ans ne peuvent pas lui permettre de se charger d’une tâche aussi importante : aussi je viens vous prier de modifier votre décret. Au reste, je prie l’Assemblée de recevoir les nouvelles assurances de mon zèle et de ma fidélité; et je prends avec vous l’engagement d’être soumis à ces décrets et de verser mon sang pour la défense de la patrie. ( Vifs applaudissements.) M. le Président. L’Assemblée nationale n’a jamais douté de votre patriotisme dont vous avez donné des preuves dans tant de circonstances : elle en reçoit les assurances avec intérêt et plaisir. J’imagine que peut-être les ordres du ministère de la guerre vous nécessiteront, pour ne pas faire attendre, de passer à la chancellerie, où les ministres sont réunis. MM. de Crillon aîné , de La Fayette, de Rostaing et d’Elbhecq se présentent à la barre. M. de Crillon aîné ( parlant en leur nom). Officiers généraux employés également pour le service de la nation, nous nous sommes empressés de nous réunir et nous venons sous les auspices de M. de Rochambeau témoigner à la nation notre même zèle et notre même dévouement. ( Applaudissements .) M. de Montegqniou. J’ai l’honneur d’être employé dans l’armée. Je n’avais pas besoin des exemples que j’ai sous les yeux. Mais ce n’est pas au moment où je les reçois que je serai le dernier à jurer à l’Assemblée la même fidélité et le même zèle dont elle vient de recevoir l’expression. (Applaudissements . ) MM. d’ Aiguillon, de Menou, Charles de Cameth, de Clermont d’AmboIse, d’Arem-berg de La Marck, de Custine se réunissent devant la barre. M. d’Aiguillon. Je demande que tous les colonels qui sont dans l’Assemblée nationale se joignent à nous. M. de La Tour-Maubourg. Je demande la parole pour cela. M. de Tracy. Je demande la parole comme colonel, pour assurer l’Assemblée que je suis pénétré de l’exemple que nous donnent les officiers présents, et je le suivrai de tout mon cœur. M. de La Tour-Maubourg. MM. de Praslin, de Tracy et moi, qui avons l’honneur de commander des régiments, nous n’attendions que la fin du discours de M. de Montesquiou pour nous unir à lui. J’observerai toutefois que le serment que vous avez décrété ne peut plus convenir dans les circonstances actuelles. Je demande donc qu’il soit enjoint au comité militaire d’en faire et d’en présenter demain à l’Assemblée une nouvelle formule, pour que tous les officiers qui sont présents puissent le prêter et qu’il soit envoyé à l’armée. ( Applaudissements .) (Les officiers généraux gui étaient à la barre sortent au milieu des applaudissements.) M. Charles de Cameth. Je me joins à ceux de mes collègues qui ont l’honneur de commander des régiments de la nation et je jure, dans le sein de cette Assemblée, de mourir pour la défense de la patrie et de la Constitution que ses représentants ont décrétée. Je me joins également au vœu de M. de La Tour-Maubourg pour que demain il soit présenté un nouveau serment, un serment libellé d’une nouvelle manière, puisque celui que l’Assemblée a décrété ne peut plus convenir dans les circonstances malheureuses où nous nous trouvons, et je demande à ajouter un mot. Il y a ici des officiers employés dans d’autres gradés que celui de colonel. Je prie l’Assemblée de décider l’opinion qu’il faudra prendre de ceux qui garderaient le silence et qui ne s’engageraient pas dans la journée de demain; car les circonstances sont extrêmes et il n’y a pas à reculer ici. Ou l’on aime la nation et la Constitution, et il faut le dire; ou l’on est opposé à l’une et l’on trahit l’autre et il faut encore qu’on le sache. Il ne convient plus de prendre des moyens dilatoires. Dans 24 heures, le royaume peut être en feu, nous pouvons avoir l’ennemi sur les bras et il faut que ceux qui aiment la Constitution, que ceux qui aiment la nation, que ceux qui s’honorent d’en faire partie soient prêts à le prononcer. Je demande donc que ceux des membres de cette Assemblée qui ont des emplois quelconques dans l’armée et qui ne se seraient pas empressés d’offrir leurs services à la nation et de prêter le serment avant même que la formule en soit décrétée, soient déchus de leur grade. (Vifs applaudissements.) M. de Toulongeon. Nous ne désemparerons pas et on lira probablement pendant la nuit le procès-verbal de cette journée. Afin que tout ce qui est relatif aux événements actuels y soit compris, je demande que la formule du serment soit rédigée et décrétée sur-le-champ, et que le serment soit prêté à l’instant. M. de Custine. La profession de foi civique qui a été faite dans cette Assemblée par M. de Lameth sera, je n’en doute pas, celle de tous les officiers de l’armée. Sans doute, les généraux qui sont destinés à les commander doivent donner les premiers l’exemple; iis le donneront. Il