§06 [Assemblée n�tjpnale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 septembre 1790.] parties aux regards 4e la nation que vop repré-sentez, La majorité, on pour mieux dire, ]a presque totalité des négociants du royaume pense que ces papiers ne doivent point avoir un poprs forcé, qu’ils doivent être admis, de préférence à toute autre valeur, dans l’acquisition des biens natio-naux; que c’est un moyen sûr de faire reparaître le numéraire et de ranimer l’mdysfrie. Votre comité ne répétera point ici les motifs de cette opinion ; il vous en a déjà rendu compte ; mais il vous rappellera qu’en dernier résultat, l’avis des négociants est, qu’qn nouveau papier-monnaie ruinerait entièrement le commerce et les manufactures, et que le projet seul y a répandu l’alarme la plus vive. Une grande partie des places de commerce, fidèles au principe avoué, de tout temps, par l’économie politique, qu’un papier n’est l’équivalent de la somme qu’il représente, que le jour même où on peut l’échanger contre des espèces, ont Grq que, pour ne rien faire perdre aux créanciers de l’Etat, il fallait accorder à ce papier, un intérêt quelconque, mais qu’en même temps, pour accélérer la vente des 'biens nationaux, attacher à la Révolution les nombreux ennemis qu’elle peut conserver parmi les créanciers de l’Etat, et ne pas grever le Trésor public d’intérêts, que l’antipatriotisme pourrait faire payer longtemps. 11 convenait que cet intérêt n’existât que pendant un temps limité, et qu’il fût sujet au décroissement. Ce principe, Messieurs, est en même tempe celui de la justice et de l’amour du bien public, et il ne peut vous être étranger. La plupart des places de commerce, de quelque opinion qu’elles soient, pensent encore que, pour faciliter les payements par petites sommes qui se font journellement dans les ateliers publics, les fabriques et manufactures, il est nécessaire d’émettre une quantité de monnaie-billon, proportionnée au besoin des différents départe-: ments. Cette opinion n’a besoin que d’être indiquée, pour être accueillie; mais l’Assemblée ayant nommé un comité particulier pour les monnaies, le comité de commerce q’a pas cru devoir s’occuper de cet objet. Il Groit avoir pleinement rempli, Messieurs, la mission que vous lui avez confiée, en vous éclaU rant, comme vous l’avez désiré, sur le vœu des différentes places de commerce ; mais il a cru devoir y ajouter ce qui n’avait été prévu ni calculé par elles; il a cru qu’il était important de connaître au juste la quotité de la dette réellement exigible, et de subvenir aux besoins les plus pressants de l’Etat ; il sait que le retard du payement des impôts et de la contributiop patriotique, ainsi que le non-remplacement du pro-duit de la gabelle, occasionnent dans le Trésor publiG un vide qu’il est impprtant de remplir, et que la dette actuellement exigible n’est pas aussi considérable qu’on l’a évaluée. Satisfait d’avoir pu préparer, par ses observations, la décision importante que vous prendrez dans votre sagesse, il ose se permettre de la prévenir par ses idées particulières. Cependant, Messieurs, si vous pensiez que votre comité d’agriculture et de commerce dût vous offrir le résultat de ses réflexions dans un projet de décret, il est prêt à vous le soumettre. M. Anson. L’Assemblée nationale a rpndu un, décret par lequel elle a ordonné aux seetions d§ la ville de Paris.de remettre au comité des finances leur vœu, si elles en émettaient qp, sur fa question des assignats. Le commerce de Paris, représenté par les grands gardes de six qprp3, a pris une délibération importante et détaillée en faveqr des assignats. Ç’est aussi Je vqep des manufacturiers, et enfin de la Piajorité des sections, qui p’est déjà expliquée unanipiemqpt. M. Briofs de Bemimptz (1), Messieurs, l'Assemblée nationale, après avoir péniblement démêlé le chaos de la dette publique, connaît enfin la nature et Pétep’dpe des engagements qu’el|e a mis sous la sauvegarde de Phonneur et de la loyauté française. Vous avez, Messieurs, présents à l’esprit les trois chapitres de l’état de Ja dette pubùqpe que votre comité des finances a fait imprimer et vous vous rappelez comment M en a classé Jes objets, La nation attend de vous, en ce mpmenf, qpe vous accomplissiez la promesse soiennellequifut, dans votre bouche, la première et digne expression de sa volonté. Mais ce devoir n’est pas le seul que vous ayez à remplir. Dans la démolition de l’antique édifice des abus, Ja proyidence nous ayait ménagé Ja découverte dmn trésor correspondant à qps besoins, La nation est rentrée dans de vastes domaines; mgis pour qu’ils accroissent efficacement sa richesse, pour qn’ijs ne dépérissent pas, poqr qu’ils ne disparaissent pas, pour qu’ils augmentent bientôt le npmbre des citoyens propriétaires, iifaut qu’ils soient promptement vendus, et yen-dus avantageusement. Il ie faut, afin dé consolider Ja dépossession des usufruitiers, conformément à la Constitution* 11 le faut, pour effacer promptement jusqu'aux plus faibles traces de faut espoir de retour sur ces propriétés; chimérique espoir* qui be sert qu’ à prolonger des aigreurs, et à nourrir des méfiances, Il le faut, afin d’éviter des non-valeqrs dans les revenus, des embarras dans les comptabilités, des tentations corruptrices aq milieu d’un système régénérateur. Il le faqt, enfin, pour être juste envers les départements qqi renferment un plus grand n.quu bre de propriétés devenues nationales; car jusqu’au moment où vos domaines serppt yeqdus, les revenus en seront exportés, pour se yerser dans Ja caisse des dépenses publique�, et ie§ fruits se consommeront loiq du giRon qui jes a produits. Le besoin de vendre nos domaines est donc presque aussi pressant que celpi de payer poq dettes. Si la bonne foi nous prescrit de payer, là bonne administration nous ordonne 4e vendre: il ne s’agit pas d’examiner ce que bous popr* rions faire dans d’aqtres circonstances; les yen* tes peuvent seples aujourd’hui ranimer Ja circulation, faire reparaître le numéraire ef metfre lq dernier sceau à la Révolution. Je ne me reproche pas, Messieurs, je temps que j’emploie à insister sur ce prinpipp; fj mq parait essentiel de s’eu bien pénétrer, pop seule*? ment pour l’opposer à ceux qui pourraient, sblpï-gner du système de vendre, par des moRfs que vous ne pouvez pas approuver, mais encore ppqr répondre aux inquiétudes des calculateurs R11! (1) Le discours de M. de Beaumetz est incomplet aq Moniteur. [Assemblé? nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (24 septembre 1790.) 207 ont reproché à votre comité des finances de s’être occupé trop tôt de certains remboursements dont plusieurs ont encore des termes à courir. Yoüs avez ouvert un vaste marché de terres d’une extrémité du royaume à l’autre; vous ayez besoin d’y appeler une foule d'acquéreurs. Vous deyez donc moins vous occuper de rechercher quels payements vous pouvez différer encore, que d’examiner quelles dettes vous pouvez déjà éteindre, en l’absorbant dans vos domaines vendus. Ce fut trop longtemps la science funeste de nos administrateurs, de gagner du temps, de prolonger des payements, d’arriérer des dettes et d’augmenter sans scrupule la masse de nos charges, pourvu que les embarras du jour fussent rejetés sur le lendemain. La pénurie pouvait excuser ces mesures dilatoires; aujourd’hui tout est changé; la nation veut et peut payer ses créanciers; elle leur offre ses domaines, non pas comme un gage, mais comme un payement actuel et effectif; son intérêt est de se libérer promptement du plus grand nombre de créances possible. Des remboursements écherraient d’année en année, et à chaque échéance de nouveaux embarras ; toujours cette distinction de dépenses ordinaires et de dépenses extraordinaires qui enchevêtre, enchérit vos comptes, qui vous oblige à chercher des ressources, à retomber dans les emprunts, ou à imaginer des impôts. Ne yaut-il pas mieux, pour nous, prévenir ces échéances et gagner des escomptes, que de laisser exister plus longtemps cette foule d’effets circulants à titres différents, à intérêts inégaux, à termes successifs, aliments funestes d’agiotage, et monuments honteux du besoin que nous eûmes si longtemps d’emprunts usuraires, et du talent de les déguiser? Justifierai-je encore le comité des finances contre M. Necker, pour avoir nommé exigible la dette du clergé; pour avoir appliqué aux devoirs d’une nation qui s’acquitte, les lois qui régisr sent les fortunes particulières; que n’eût-il pas eu, au contraire, a nous reprocher, si, oubliant les principes qu’il se plaisait à répéter dans ses discours, nous avions pu, une seule fois, séparer Jes conseils de la morale, des calculs de la finance ! J’ai dû défendre le comité des finances contre ceux qui l’accusent d’embrasser à la fois trop de remboursements; je dois combattre un système opposé, système ingénieux, fondé sur des combinaisons très profondes dans la science du crédit public, et que recommandent de puissantes autorités. On vous a proposé d’offrir une concurrence indéfinie à tous les créanciers de l’Etat, sans en excepter les propriétaires des rentes viagères ou constituées. Un de vos comités a appuyé Ge système, qui appelle environ quatre milliards“et demi de créances, à se disputer leur emploi, sur des fonds dont nous n’estimons la valeur que trois milliards. Cette concurrence promet une grande chaleur dans les enchères et un débit avantageux des domaines. Mais de fortes objections attaquent ce système. Ou les trois milliards de domaines s’échangeront contre les quatre milliards et demi de papiers, ou il survivra des papiers à ia veptç des terres, Si tous les papiers s’échangent, les terres ont été portées aq delà de Ipur prix, et les papiers au-(jessous de leur valeur, et il y a pne grande injustice commise envers les porteurs de papiers. Si tous les papiers ne sont pas absorbés, hors retombons dans HP embarras qui ngps conduit à une autre injustice; car il est vraisemblable qn§ ce seront les créances constituées qui se serônt absorbées les premières ; elles perdent aujourd’hui de 25 à 30 0/0 sur la place, Acquises à vil prix, on peut les donner avec plus de prodigalité en payement des domaines, contre lesquels elles s’échangeront au pair; mais quand eues se seront toutes échangées, quand, avec elles, les dPp-plaines seront sortis de nos m&ius, les créances exigibles resteront ; on nous pressera de payer, et nops n’aurons plus que l’expédient dp ponst;-! tuer, c’est-à-dire d’être injustes; et après avoir remboursé des contrats, nous laisserons protester sur nous des engagements échus. Le) comité des finances paraît donc avoir sajpi une juste mesure, en vous proposant d’ouvrir dès à présent la liquidation de toute la dette comprise dans les deux derniers chapitres des états qu’il vous a soumis, et de borner là votre liquidation actuelle. L'ensemble de ces deux chapitres monte à 1902 millions; vous avez déjà délégué 400 millions d’assignats sur vos domaines ; pes capitaux suffiront pour animer les ventes qu’il vous importe d’effectuer bientôt. L’examen des moyens à prendre pour échanger vos domaines contre ces 1902 millions doit actuellement nous occuper. Deux partis yoqg sont offerts ? l’un consiste à délivrer à chaque créancier des reconnaissances du montant de sa’ créance, et lui promettre i’in-térêt de son capitaL Ce système, qui a été différ rem nient modifié par plusieurs opinants', est connu dans cette discussion sons le nom dé système des quittances de finance ; pp s’accorde à convenir qu’elles seraient admises comme paye-ment des domaines nationaux. L’autre système consiste à considérer les domaines nationaux en bloc, comme dès à présent transmis à l’uniyersalité des créanciers dé la dette exigible, étales en investir, non par une simple hypothèque, mais par un envoi actuel ou PQS-> session ; et afin que chacun puisse particulariser cette délégation générale dans le lieu qui est le mieux à sa convenance, on propose de donner au signe de l’envoi en possession toutes les qualités d’un véritable signe d’échanges, d’une moqnaiq de l’Etat. C’est ce qu’on nomme le système de§ assignats. Tout ce qui a été proposé se réduit à l’un dé ces deux moyens ou à leurs modifications, e| la nature des choses n’admet pas d’autres expédients ; car lorsqu’on s’est nue fois constitué dér biteur, il faut consentir à devoir, jusqu’à cp qu’on ait consenti à payer. Payer, en métaux monnayés, 1900 millions est une supposition absurde. Il faut donc se résoudre ou à rester débiteurs, comme par les quittances de finance, ou à s’acquitter en créant des signes comme paF les assignats. C’est donc examiner la question sous son point de vue le plus simple, que de comparer Tun à l’antre ces deux systèmes, et de balancer Jeprs avantages et leurs inconvénients. Lorsque j’ai voulu me rendre raison des avau-tages des quittances de finance, et que j’ai cherché à m’en pénétrer, soit dans les écrits de leurs partisans, soit dans mes propres méditations, j’ai été frappé de ne leur en trouyer aucun. Lé plus grand éloge qu'en aient foi1 leurs zéla-, tenrs, ç’egt qu’ils Ips trouvent exemptes dé grands défauts. Quels seraient en effet les avantages df ces quittances ? 2()8 [Assemblée nationale.] Oq ne dira pas qu’elles acquittent la dette, puisque constituer est précisément le contraire de payer. On ne dira pas qu’elles animent la circulation, puisqu’elles sont de leur nature, mortes et intransmissibles; qu’elles relèvent le crédit? puisqu’une masse de dettes s’affaisse nécessairement quand on ajoute son poids. Faciliteront-elles, amélioreront-elles la vente des domaines nationaux ? Mais si elles portent l’intérêt légal , c’est-à-dire l’intérêt ordinaire attaché à de semblables obligations, elles tueront les ventes au lieu de les hâter. Cinq pour cent d’intérêt acquittés par une nation désormais fidèle jusqu’au scrupule, n’engageront pas à acquérir des terres qui ne procurent que 3 0/0 de revenu. Sous le rapport de leurs inconvénients les quittances de finance n’offrent pas un champ si stérile à l’imagination. Elles sont d’abord, et c’est à mes yeux le plus grand de tous les maux, elles sont d’une souveraine injustice. Je l'ai déjà dit, une quittance de finance est une constitution ; constituer forcément ce qu’on devrait payer, c’est enfreindre toutes les lois de la propriété. Le contrat de constitution, comme tout autre contrat, doit être l’ouvrage de la volonté libre des parties contractantes. La force n’a pas le droit de l’imposer comme une loi à la faiblesse qui le refuse. Si tous se réunissent contre un seul pour lui faire signer ce marché malgré lui, le despotisme a pris la place des lois, et la sauvegarde de l’honneur français est violée. Une si manifeste injustice sera toujours, Messieurs, impossible à votre probité; elle ne répugnera pas moins à votre sensibilité, quand vous jetterez les yeux sur le sort des victimes d’une si cruelle opération. La plupart de vos créanciers ont eux-mêmes des engagements personnels à acquitter. Si leur capital, dont ils attendaient la rentrée pour leur propre libération, se fixe tout à coup dans vos mains, et s’y consolide malgré eux, réduits à manquer à leurs engagements, ils n’ont plus qu’à périr de désespoir ; ils avaient besoin de capitaux liquides pour s’acquitter, et un fatal parchemin que vous les avez forcé de prendre, et qu’ils ne peuvent transmettre, ne les sauve, ni des frais d’une demande judiciaire, ni de la honte d’une exécution, ni des horreurs d’une prison destinée auxdébileursinfidèles. Invoqueront-ils les lois, asile des opprimés ? mais pour eux il n’est point d’asile puisqu’ils sont opprimés par la loi. La loi a consolidé malgré eux leurs créances; ils demandaient un payement à l’Etat, et la loide l’Etat leur donne un contrat. Mais cette loi versatile et cruelle leur défend de s’acquitter comme on s’est acquitté avec eux, exige d’eux ce qu’elle leur a refusé et les écrase sans défense entre l’infidélité de leur débiteur et les poursuites légitimes de leurs créanciers. Voyez dès lors un nombre infini de ces porteurs de quittances se presser à la Bourse pour les y vendre à perte. Des effets semblables existent déjà pour sept cents millions ; ils perdent 15 0/0 ; triplez cette masse et calculez la perte qu’elle éprouvera. Pendant que ces papiers malheureux s’avilissent ainsi dans les mains de leurs possesseurs, ils épuisent l’Etat d’intérêts et aggravent le poids de ses contributions. S’ils sont à 5 0/0, c’est 95 millions d’intérêts à payer par année ; c’est 38 millions à lever sur le peuple, à ajouter aux [24 septembre 1790.] autres impôts, en supposant que le revenu desdomaines n’éprouve ni retards ni non-valeurs. Si vous réduisez l’intérêt des quittances à 3 0/0, comme on l’a proposé, on peut espérer que le revenu des biens acquittera cet intérêt; mais je ne crains pas de le dire, dans un arrangement forcé, que vous contraignez votre créancier à souscrire, établir un intérêt de 2 0/0 au-dessous de l’intérêt courant et ordinaire, c’est arithmétiquement la même chose que de faire banqueroute de 40 0/0 sur le capital. Dans un contrat libre, le vœu mutuel des parties stipulantes fait leur unique loi. Mais quand la volonté générale prescrit des conditions qu’on ne peut pas refuser, elle doit prendre pour mesure le taux habituel des transactions libres, et tout ce qui est au-dessous est infidélité. Ainsi, pour ne pas ajouter à l’injustice d’un contrat forcé celle d’un contrat inégal, il faudrait accroître de 35 à 40 millions la somme des impositions annuelles ; il faudrait encore, comme je vais le prouver, condamner pour longtemps la France à l’inertie et à la longueur causées par le mauvais emploi de ses capitaux. Un gouvernement immoral etdissipateur, pressé sans cesse par des besoins renaissants, n’a cessé d’emprunter ce qu’il ne pouvait pas rendre, et de vendre ce qui ne pouvait pas être commercé. L’élévation des intérêts, le perfide appât des chances, la stérile et mensongère richesse des revenus viagers, tout a été mis en usage pour remplacer le véritable crédit qui s’appuie sur l’ordre et sur la solvabilité ; mais ce n’est pas à la cupidité seule que nos ministres ont su tendre des pièges ; toutes les fonctions publiques sont devenues vénales entre leurs mains ; la cour, les finances, les armées, les tribunaux ont été fermés à tous ceux qui n’en achetaient pas l’entrée par des placements sur l’Etat. C’est ainsi que toutes les fortunes particulières sont venues se fondre et s’absorber dans les emprunts et dans l’acquisition des offices publics; c’est ainsi que quatre milliards et demi de capitaux enlevés à l’agriculture, au commerce, à l’industrie, sont venus se fixer, se paralyser dans un emploi stérile, qui n’ajoute rien à la richesse générale ; les quittances de finance prolongeront encore longtemps cet abus ; les placements infructueux auront changé de nom, mais non pas d’objet ; la même somme restera toujours destinée à épuiser l’Etat d’un intérêt de 5 0/0, sans animer aucun genre d’industrie ; l’avilissement de ces effets accoutumant le capitaliste à obtenir de forts intérêts pour son capital, sans autre talent que celui d’acheter à perte des quittances encombrées sur la place, l’intérêt de l’argent sera haussé par la prolongation de cet abus, et l’inertie récompensée éteindra toute émulation productrice. Voilà le dernier effet des quittances imposées comme loi inévitable aux créanciers de l’Etat. Je ne fais, Messieurs, que vous indiquer ces idées; votre sagacité vous en fournira les développements. J’examine maintenant les assignats; comme valeur , je vois en eux l’envoi actuel en possession des immeubles nationaux, réalisables au choix de l’acquéreur. Comme signes, je les suppose revêtus du titre de monnaie, c’est-à-dire associés, par la loi, au privilège de représenter toutes les valeurs. Dès l’instant de leur émission, non seulement les anciens usufruitiers sont dépossédés des domaines nationaux, mais la nation elle-même en ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 septembre 1790.] 209 est dessaisie au profit de ses créanciers, et ne continue à les administrer pour eux et en leur nom, que jusqu’au moment où ils se les feront répartir entre eux, au gré de leurs convenances réciproques, et suivant la mesure de leurs droits. Dès que la nation s’est acquittée en assignats, je ne vois plus les domaines nationaux que comme une vaste banque, dont les fonds appartiennent aux créanciers ainsi remboursés ; ils les transfèrent, ils les revirent, ils les transmettent, jusqu’au moment où chacun d'eux, par lui-même ou par ceux qu’il a subrogés à ses droits, vient retirer de la banque indivise la propriété particulière, en remettant, en éteignant le titre qui constatait sa copropriété. Les avantages d’une semblable libération s’offrent en foule : elle est rapide, elle est instantanée ; c’est un véritable payement qui éteint le capital et qui efface les intérêts. Votre créancier est-il débiteur lui-même, il s’acquitte à son tour, et la même loi qu’il a reçue de vous le protège dans sa libération personnelle. On a présenté comme une grande objection contre les assignats cette suite de payements ré-trogradées qui doit, à leur émission, parcourir toute l'échelle des débiteurs aux créanciers; et cette liquidation progressive est un de leurs plus grands avantages. Qu’on réfléchisse sur les miracles du crédit et de la circulation, et on sera frappé des suites bienfaisantes d’une opération qui règle tous les comptes et qui acquitte toutes les dettes. Un seul remboursement en assignats, versé par l’Etat entre les mains de son créancier, acquitte successivement vingt débiteurs, éteint les intérêts dont ils étaient accablés, fait cesser des poursuites ruineuses et crée partout sur son passage, avec la libération, l’incalculable puissance du crédit. N’est-ce pas le crédit qui commande le travail et vivifie la circulation ? N’est-ce pas le crédit qui décuple les richesses ? Et où est le crédit, où est la circulation chez un peuple qui, après avoir enchaîné tous les capitaux dans une dette amoncelée pendant deux siècles, tient en quelque façon toutes les fortunes particulières courbées sous le poids d’une créance mutuelle, qui ne peut être soldée tant que l’Etat ne soldera pas ses dettes ? L’apparition des assignats est le signal de la libération universelle; cmst aussi le véhicule d’un grand empressement d’acquérir les domaines nationaux. A Dieu ne plaise, qu’au lieu de fonder cet empressement sur des motifs légitimes, je lui donne pour stimulant la peur, et que je transforme l’Etat en un joueur à la baisse, comme un ministre des finances n’a pas craint de le supposer. J’ai peine à expliquer ces paniques terreurs, qui semblent avoir tourmenté les derniers instants de ce ministère; mais, certes, elles ne doivent pas s’appliquer à la solidité des assignats nationaux. Et s’il y eut jamais une délégation d’une valeur incontestable, c’est celle que la nation française peut offrir à ses créanciers, comme distribution anticipée des riches domaines qu’elle a à sa disposition. Ces engagements ne sont-ils pas inébranlables, comme la Constitution, sacrés comme notre serment civique, inviolables comme le pacte fédératif que les Français ont juré à la face de la terre et du ciel ? Quelle force pourrait donc abîmer tout à coup trois milliards de valeurs immobilières, qui existent sous nos yeux, ou les arracher des mains d’une nation qui a déclaré qu’elle voulait et qu’elle pouvait en disposer? Non, ce ne sera pas la crainte, mais ce sera un lr6 SÉRIE. T. XIX. légitime intérêt qui précipitera les assignats vers les ventes. Cette dette de 1,900 millions, je l’ai déjà observé, est un rassemblement de capitaux prêtés à l'Etat, et tout propriétaire de capitaux veut qu’ils lui produisent des revenus. Il faut donc leur chercher un emploi, et c’est au moment où 1,900 millions de capitaux, successivement reversés sur toutes les parties de l’Empire, attendent et sollicitent un emploi, que vous ouvrez l’immense marché de vos domaines. Ah ! que cette mesure est à craindre pour ceux qui redoutent de voir ces domaines vendus ! Le besoin de placements que vous faites naître parmi vos créanciers, en les remboursant, ne porte avec lui aucun caractère d’injustice. C’est le droit, comme l’intérêt du débiteur, de s'acquitter ; c’est au créancier remboursé à se procurer un placement prompt et avantageux; vous lui offrez un débouché utile pour ses capitaux ; tous les intérêts d’accord, conseillent donc cette opération: l’intérêt de l’Etat, celui de ses créanciers, celui de tous les proprétaires; car si vous ne précipitez pas les ventes des nouvelles propriétés foncières que vous remettez dans le commerce; si vous ne répandez pas des moyens d’acquérir, égaux à leur valeur, et qui tendent, par leur nature, à s’échanger contre elles, vous avilissez toutes les propriétés existantes, déjà partout offertes et partout trop peu recherchées. Le luxe, la forme arbitraire du gouvernement, la mauvaise assiette de l’impôt, le haut prix des emprunts, toutes ces causes ont conspiré depuis longtemps contre les propriétés territoriales. Il en est mille à vendre qui sollicitent vainement des acheteurs ; faites qu’on ait intérêt d’acheter, qu’on soit pressé de replacer ses capitaux pour ne pas perdre ses revenus, et vous rehaussez toutes les valeurs dans les mains des propriétaires, et vous sauvez, malgré eux, ceux qui dans leur aveuglement s’opposent à la seule mesure qu’ils devraient ardemment invoquer. Les assignats n’ont-ils donc pas d’inconvénients, et leurs avantages reconnus ne peuvent-ils pas être balancés par des craintes ? Il est peu de mesures, par ni les plus utiles, auxquelles on ne puisse opposer quelques appréhensions. Mais celles qu’on a si soigneusement accumulées, si péniblement exagérées contre les assignats, me paraissent dépourvues de solidité. On peut ranger toutes les objections contre les assignats en deux classes, qui portent sur deux hypothèses absolument opposées. Les uns avancent que les assignats, quoique déclarés monnaie, ne se soutiendront pas au pair avec les métaux monnayés, et raisonnent dans cette supposition. Les autres supposent que les assignats se maintiennent au pair, et ils argumentent dans cette hypothèse. Cette division bien établie entre deux systèmes d’attaque, qu’on a trop confondus, abrégera beaucoup l’examen des objections. Si les assignats perdent sensiblement, c’est-à-dire si leur valeur, toujours au pair quand on agit sous l’empire de la loi, quand on fait des offres réelles, ou quand on acquitte une condamnation, n’est pas reçue sur le même pied dans les transactions libres ; de cette différence entre les actes légaux et le8 actes volontaires, il résultera quelques injustices qu’on ne saurait nier; mais je suis autorisé à rejeter cette supposition. J’iuvoqueà mon appui l’expérience et les principes. L’expérience; oui, Messieurs, j’ose l’invoquer, 14 �0 [Assemblée fïationale.I Quoiqu’il faille, je le sais, faire quelque sacrifice, pour échanger un assignat contre de l’argent monnayé, il ne s’ensuit pas que l’assignat éprou ve un décri qui constate sa non-valeur. La commodité de l’argent, sa divisibilité, son application plus facile à de petites dépenses journalières, voilà les causes de cette prime qu’on sacrifie |iour obtenir de l’argent; elle est plus forte qu’elle ne devrait l’être, si les échanges de l’argent contre les assignats if étaient pas inquiétés par les mouvements du peuple; si le rétablissement de l’ordre public, dans toutes les parties de l’administration, n’offrait plus de prétextes à l’inquiétude; si une multitude de petites sollicitudes particulières ne faisaient resserrer à chacun pour son usage de modiques sommes, dont la suppression forme un grand engorgement; si les ventes étaient en pleine activité; enfin, si la Constitution que vous vous hâtez de terminer, était entièrement, et lorsque tant d’obstacles s’opposent encore au succès des assignats, je tes vois ne s’échanger qu’à 5 0/0 de perte contre l’argent ; et s’échanger au pair, contre toutes les valeurs qui n’exigent pas des payements trop minutieux. Je n’en veux qu’un exemple, il est sans réplique. Depuis le jour où vous avez déclaré que la nation avait le droit de disposer des biens ci-devant possédés par les ecclésiastiques, il n’est rien survenu qui ait pu changer l’état de la dette publique. À cette époque, il n’y avait pas u’assi-gnats. Vous en avez ordonné depuis 400 milllions ; ils sont presque tous distribués ou représentés par des billets de caisse, équivalents. Interrogez les cotes de la bourse; les fonds publics y sont aujourd’hui à vendre contredes assignats� même prix que le 15 novembre, ils étaient a vendre contre des écus ; voilà une marchandise, dont les prix sont notoires, dont les prix n’ont pas changé ; elle juge la question. L’argent resserré par mille causes secondaires, est devenu plus rare; mais les assignats n’ont pas éprouvé de baisse; puisqu’ils sont échangeables contre les effets publics, au même prix que l’argent s’ëchangeaitcontreeux, il y a dix mois. J’ai donc l’expérience pour moi, quand je dis que les assignats ne perdront point. J’ai encore la théorie. Vous pouvez soutenir les assignats au pair par des moyens artificiels, vous pouvez même les élever au-dessus de la valeur des métaux monnayés. Vous le pouvez par des sacrifices d’argent, comme si vous accordiez des primes distribuées par tirages, qui ajouteraient aux assignats des valeurs éventuelles, des chances de loterie, toujours évaluées par le public au-dessus de leur véritable avantage. Vous le pourriez, en privant les écus du droit politique de représenter les valeurs, du privilège d’être monnaie, et d’acquitter les payements juridiques, pour concentrer cet avantage dans les assignats. Je ne vous propose pas, Messieurs, de mettre ces moyens en usage. Je ne le crois pas nécessaire ; il me suffit de vous les avoir indiqués, pour repousser la supposition de la perte à subir par les assignats. Avec ciUte supposition s’évanouissent toutes les objections dont elle est le principe. Tout ce qu’on a dit sur l’augmentation des valeurs nominales, surl’établissement de deux prix, sur l’iniquité des remboursements en papier de bas aloi ; tout ce qu’on a calculé sur la variation des changes et sur les engagements à terme du commerce ne porte que sur la perte imaginaire des assignats. Mais ces deux dernières objections méritent une réfutation particulière. On a dit : « tout le commerce n’est appuyé que [24 septembre 1790.] « sur les spéculations du crédit. Tout s’achète et « s’y revend à terme. Mais quand une nouvelle « monnaie s’introduit tout à coup dans les af-« faires, et est sujette à des variations qui changent « les valeurs nominales, et dérangent les rap-« ports entre les mots et les choses, il est im-« possible de prendre aucun engagement à terme; « car on ne sait de quelle expression se servir « pour s’entendre, et pour que la convention « s’exécute à l’échéance, comme elle a été conçue <• lors de l’engagement. Or, les monnaies en pa-« pier étant plus sujettes aux variations que les « monnaies en métaux, le commerce n’a plus de « bases dans un état qui admet du papier mon-« naie. » Je réponds à cette objection, qu’il existe déjà des assignats. Il en existe 400 millions, et comme la circulation en �st fort active, comme ils sont employés déjà à représenter toutes les valeurs qui s’échangent, et à solder tous les engagements du commerce, tout ce qu’on paraît craindre des assignats existerait aujourd’hui, si ces appréhensions étaient fondées sur quelque réaiité. Il est déjà certain pour tout négociant qui promet de payer, ou qui s’engage à recevoir une somme à une époque déterminée, que le payement sera faiten assignat?; c’est assez pour que le mal existe, si quelque mal devait en résulter; c’est assez pour se guérir de cette frayeur, si elle est purement imaginaire, comme la bonté intrinsèque de l’assignat permet de le penser. Un effet ne peut tomber au-dessous du pair, quand il y a un bureau d’échange où on offre de le prendre au pair; et vous ouvrez à la fois 547 bureaux d’échanges, toujours prêts à réaliser au pair la délégation primilive de l’assignat, sa valeur intrinsèque en domaines nationaux. J’écarte, parle même raisonnement, les menaces faites à nos changes. L’effet de 40 millions d’assignats est le même sur eux que celui de 2 milliards de cette monnaie. Il a suffi, pour produire cet effet, qu’il y eût possibilité de payer une lettre de change en assignats. Une plus grande émission n’augmenterait pas la différence qui se trouve déjà entre le cours des assignats et celui des métaux monnayés, parce que cette différence ne résulte pas, comme je l’ai prouvé, du discrédit des assignats, qui est impossible, mais de l’incommodité pour les petits achats, d’une pièce de monnaie de 1000, de 300 ou de 200 livres. Qu’on augmente les assignats à volonté, dès qu’ils n’excèdent pas la valeur en terre qu’ils représentent, ils ne perdront jamais, qu’à raison de cette incommodité qui n’est pas plus grande, soit qu’on en ait émis peu ou beaucoup ; car il n’y aura pas pour cela plus de petits achats à faire, plus de petites sommes à transporter, et ce besoin de petites sommes reste la seule cause, comme la seule mesure de leur déchet. Mais quand les assignats perdraient davantage, la situation de nos changes n’en serait pas altérée, la cote seule du change changerait d’expression. Les mots seraient différents; les choses resteraient dans le même état, c’est ce qu’il est facile de prouver. Entre deux nations qui commencent ensemble, lorsqu’une des deux a plus acheté qu’elle n’a vendu, il faut qu’elle solde en métaux; je dis en métaux et non pas em monnaie métallique, car les métaux monnayés ne sont considérés de nation à nation que comme lingots. La soulte qu’une nation doit à l’autre après tous les échanges balancés, est donc la vraie base des variations du change. Le change est en faveur de Londres contre Paris; si Londres a vendu à Paris ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 septembre 1790.] [Assemblée nationale.] 4es marchandises équivalentes à 100 marcs d'argent, et si Paris n’a vendu à Londres que pour 00 marcs, Paris doit en ce cas tenir compte à Londres des frais de transport des 10 marcs à solder. Que Paris se serve d’une monnaie de papier plus ou moins décriée, cette différence ne change rien à l’état de la balance, entre les deux places, puisqu’elle ne change pas la valeur de leurs envois respectifs ; si la livre tournois s’est avilie en France de 25 0/0, l’aune d’étoffe anglaise qu’on se procurait avec 24 livres tournois, coûtera 30 livres tournois; mais aussi on soldera 30 livres tournois avec 4 gros écus comme par le passé. Les expressions seules auront varié; la situation restera la même. La cote du change, c’est-à-dire les termes pour s’entendre subiront un changement conventionnel; le change qui résulte de la souïte à acquitter, ne dépendra jamais que de la balance des envois mutuels. Mais c’est trop longtemps supposer le décri des assignats. Raisonnons dans la seule hypothèse admissible, leur concurrence au pair avec ses métaux monnaies. « L’augmentation subite du numéraire, « fera, dit-on, monter tous les prix, surhausser « toutes les valeurs rompre toutes les proportions « entre le prix du travail et celui des denrées; « cette augmentation pèsera sur le pauvre, parce « que la progression du prix de ses journées sera « plus lente que l’évaluation du prix des mar-« chandises ; elle pèsera sur tous les fonction-« naires salariés, parce que leurs salaires de-« meureront fixes, quand tous les prix auront varié; enfin, elle pèsera sur le gouvernement, « parce qu’il recevra les impôts sur l’ancien pied, « et payera ses dépenses sur le pied des valeurs « nouvelles. » Ou a grand tort de se persuader que 1,900 millions de capitaux remboursés à ceux qui les possédaient, soient prêts à entrer à l’instant dans la circulation. Par quel esprit de vertige tous les pères de famille seraient-ils précipités tout à coup à consommer leur capitaux. Quand onspé cule sur la circulation, il ne faut compter ni sur les prodigues ni sur les avares; l’économie des uns remplace la dissipation des autres. On doit croire que des capitaux ne seront pas dénaturés ; qu’ils ne seront pas foüemment lancés dans la circulation, mais qu’ils conserveront leur nature, et qu’après avoir successivement libéré tous ceux qui auront eu des remboursements à faire, ils s’échangeront contre les domaines qu’ils représentent, à moins qu’ils ne soient absolument retenus par les besoins urgents delà circulation, et si c’est la nécessité qui les appelle dans la circulation, loin d’y former engorgement, ils n’y porteront qu’une aisance salutaire, une abondance désirée. Les Euopéens qui découvrirent l’Amérique, et qui spolièrent ses trésors, augmentèrent en Europe le prix de toutes les denrées, moins par la masse de l’or et l’argent qu’ils y versèrent, que par la manière dont ils répandirent sans mesure ce qu’ils avaient acquis sans travail par leurs brigandages et leurs cruautés. Ce fut ainsi que, lors du système, les profusions du régent excitaient les prodigalités de ses favoris. Mais des capitaux payés à des créanciers légitimes ne deviennent pas dans leurs mains une surcharge pour la circulation. L’économie qui les avait amassés, les conserve jusqu’à ce qu’un placement les attire et les absorbe de nouveau. 211 L’Angleterre a plus de signes que nous, relativement à sa population et à son étendue; il e3t faux que les denrées de première nécessité y soient plus chères. Le pain, la viande, les étoffes dont s’habille le peuple, y sont à meilleur marché qu’en France ; la journée des ouvriers s’y paye beaucoup plus cher, parce qu’il y a plus de capitaux productifs; que les capitaux commandent beaucoup de travail ; qu’ainsi les ouvriers ne donnent pas leur peine au rabais, pressés par le besoin de vivre et réduits par la concurrence. Malgré cette différence dans le prix de la main-d’œuvre, tous les objets manufacturés qui n'exigent pas un fini recherché, y sont à plus bas prix qu’en France, parce qu’où il y a beaucoup de travail commandé, on peut établir une très grande division de travail et cette division est tout le secret du bas prix des manufactures. Sans doute, Messieurs, c’est accomplir un vœn bien cher à vos cœurs, que d’établir un ordre de choses qui, sans augmenter Je prix des objets nécessaires à la vie, rende meilleur le sort de l’homme qui travaille, le soustraie à l’avarice qui calcule ses besoins pour appesantir les lois qu’elle lui impose; un ordre de choses qui le rapproche, par un peu d’aisance, de la fierté qui convient à un peuple libre, et de la conscience de ses droits et de ses devoirs, qui doit être un des fruits de la Constitution. J’épuise toutes les objections inventées contre les assignats. On me demande (et c’est là contre eux le grand argument) ce qu’ils deviendront dans les mains de l’homme qui ne doit rien à personne, qui reçoit un remboursement en assignats, et que sa convenance ou sa fantaisie détournent d’acquérir des domaines nationaux; car pour celui qui veut en acquérir, tous les signes d’échange sont également bons ; pour celui" qui a des engagements à solder, les assignats font fonction de monnaie : il a donc fallu pour trouver une position défavorable aux assignats, supposer un homme exempt de toute dette passive, et déterminé à ne pas concourir aux achats que nous lui présentons. Cet homme existe-t-il? Il existe ! Et s’il existe véritablement, est-ce pour lui, M'ssieurg, est-ce en sa faveur que nous devons combiner nos institutions politiques ! Mais je me prête encore à cette dernière supposition. La France est couverte de propriétaires solvables qui sollicitent des emprunts et qui se disputeront ces assignats. Tous ceux qui spéculeront sur les ventes, tous ceux qui ont des affaires à liquider, des entreprises de commerce et d’industrie à vivifier, n’atlendent-ils pas depuis longtemps des capilaux et les laisseront-ils en stagnation dans les mains qui s’en croiraient surchargées? Vous avez donné l’essor à la liberté française; vous donnerez aussi le mouvement à son industrie; vous appellerez les arts utiles, vous encouragerez les découvertes intéressantes, les entreprises productives, les compagnies d’assurance ; vous soutiendrez, par des privilèges bien entendus, les inventions de tout genre, les communications nouvelles, les canaux, les défrichements ; et tandis que la nation, livrée, par votre impulsion, à cette fermentation universelle réparera ses pertes et commencera sa prospérité, les capitaux trouveront partout un emploi avantageux, et les assignats qui ne seront pas attirés par le tourbillon des ventes, seront entraînés par une autre circulation plus active et serviront à la vivifier. {Ce discours est fort applaudi). ARCHIVES PARLEMENTAIRES.