AKUhim PARLEMENTAIRES. i 3 nivôse sn II { 23 décembre 17H3 IL 232 [Convention üationale.j PIÈCES ET DOCUMENTS NON MENTIONNÉS AU PROCÈS-VERBAL, MAIS QUI SE RAP¬ PORTENT OU QUI PARAISSENT SE RAP¬ PORTER A LA SÉANCE DU 3 NIVOSE AN II (LUNDI 23 DÉCEMBRE 1793). I. Lettres des représentants Godefroy et Morisson, détachés aux papeteries de COURTAEIN ET DU MARAIS, POUR ANNONCER QUE LES MOUVEMENTS RÉVOLUTIONNAIRES QUI SE SONT PRODUITS DANS LE DÉPARTE¬ MENT DE SEINE-ET-MARNE SONT APAISÉS (1). Compte rendu du Journal de la Montagne (2). Les représentants Godefroy et Morisson écri¬ vent de Meaux que le calme est rétabli dans le département de Seine-et-Marne. Plusieurs déta¬ chements de l’armée révolutionnaire sont sta¬ tionnés dans les lieux où la rébellion s’est mani¬ festée, et des mesures sont prises pour que le libre exercice des cultes ne serve pas de pré¬ texte ou de masque à des mouvements contre-révolutionnaires. (1) Ces lettres ne sont pas mentionnées au procès-verbal de la séance du 3 nivôse an II; mais la pre¬ mière figure par extrait, dans les comptes rendus publiés par les journaux de l’époque. Nous avons cru devoir insérer les autres, parce qu’elles ont éga¬ lement pour objet la répression des troubles en Seine-et-Marne et parce qu’elles éclairent l'analyse incomplète et fragmentée que les journaux ont donnée de la première. (2) Journal de la Montagne [n° 41 du 4 nivôse an II (mardi 24 décembre 1793), p. 327, col. 2], D’autre part, le Mercure universel [4 nivôse an II (mardi 24 décembre 1793), p. 63, col. 2] et le Jour¬ nal de Perlel [n° 458 du 4 nivôse an II (mardi 24 décembre 1793,/, p. 185] rendent compte de cetto lettre de Godefroy et Morisson, dans les termes suivants : I. Compte rendu du Mercure universel. Lettre de Morisson et Godefroy, représenianls, à Coulommiers, 29 frimaire. C’est un plaisir pour nous de vous apprendre que le calme est rétabli dans le département de Seine-et-Marne. Les habitants des districts de Meaux et de La Ferté sont disposés à marcher contre les rebelles : les progrès de la raison et du patriotisme se manifestent; les troupes se sont rassemblées sur la place publique. Nous ne pouvons que nous louer de leur zèle, et l’accolade fraternelle a été donnée à tous les républicains. Si nous restons unis, nous serons invincibles. Salut et vive la République. II. Compte rendu du Journal de Perlel. Le calme est rétabli dans le département de Seine-et-Marne. Morisson, représentant du peuple, écrit que les districts de Meaux et La Ferté-Gaucher sont prêts à marcher contre les rebelles de Coulom¬ miers, dans le cas où ils oseraient reparaître. Plu¬ sieurs communes leur ont apporté des vivres en abondance. Insertion au Bulletin. Le représentant à la papeterie du Marais, en Seine-et-Marne, au President de la Conven¬ tion nationale (1). « Coulommiers, 28 frimaire an II (18 décembre 1793). « Citoyen collègue, « La Convention, nationale a été instruite des mouvements contre-révolutionnaires qui ont eu lieu dans le département de Seine-et-Marne (2), et qui, existant à la fois dans plus de 50 commîmes, auraient formé une seconde Ven¬ dée, si le remède n’eût pas été aussi prompt que le mal. « Tout est fini dans ce moment; la liberté triomphe, les patriotes sont contents, et nos ennemis, dans cette partie de la République, réduits encore une fois à l’impuissance de nous nuire. « Voici le détail des événements dont j’ai été le témoin : « A peine arrivé à la manufacture du Marais, où je fus obligé d’exercer des actes de rigueur qui me réussirent, il se forma une insurrection générale dont Jouy, commune la plus voisine de la manufacture, était un point principal. « La nuit du 23 au 24, je fus éveillé à une heure après minuit par l’annonce que le tocsin sonnait dans toutes les communes cir-convoisines; je fis prendre des renseignements, et j’appris que la religion était le prétexte de ce mouvement. g? « A 7 heures, il se présenta dans la cour de la manufacture une centaine d’hommes armés de fusils, de piques, de fourches et de faux. Au moment où ils entrèrent, j’allai au-devant d’eux, et leur demandai ce qu’ils voulaient; ils me répondirent qu’ils voulaient la religion catho¬ lique et qu’il n’y eût plus de Jacobins; qu’ils venaient chercher les ouvriers de la manufac¬ ture, et qu’il fallait que je marchasse à leur tête. Je leur parlai froidement le langage des principes et de la raison sur tous les objets de leur demande. Quant à leur dessein de m’em¬ mener avec eux, je leur dis qu’ils pouvaient me massacrer, s’ils le voulaient, mais qu’ils étaient incapables de me faire faire un seul pas contre mon devoir. « Dans cet instant, il entra une seconde troupe, composée d’environ 500 hommes, armés comme les premiers; ils me dirent également qu’ils voulaient m’emmener avec eux, et qu’il faudrait bien que je marchasse à leur tête. Je leur fis la même réponse qu’aux premiers, et, comme les esprits s’échauffaient, qu’ils m’eurent entouré, je leur dis avec fermeté : « Il n’en est « aucun de vous qui soit assez hardi pour mettre « la main sur un représentant du peuple; votre « vie à tous, vos propriétés en répondent à la « nation entière. » Ce discours les étonna, et ils se décidèrent à me laisser. « Au même instant, je vis au milieu d’une autre troupe le commissaire national et le pro-(1; Archives nationales, AFii, n° 152. Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 484. (2) Voy. Archives parlementaires, Ve série, t. LXXXI, séance du 27 frimaire an II (mardi 17 décembre 1793), p. 582, col. 2, la lettre de Gode¬ froy. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ) SéctmbT 1793 -33 priétaire de la manufacture, qu’ils emmenaient par foroe; ils avaient pris ce dernier dans son lit, où il était malade, et ayant une médecine dans le corps. , « Je restai seul avec sa femme, et jusqu’à 3 heures et demie je n’eus aucune nouvelle. A cette heure, j’appris par le commissaire natio¬ nal et le propriétaire de la manufacture, qui s’étaient sauvés, que les rebelles s’étaient por¬ tés sur la Ferté-Gaucher, qu’ils avaient pris les ornements et vases de leur église, qu’ils détrui¬ saient avec fureur le local des séances de la Société populaire, qu’ils en avaient pris les registres pour en connaître les membres, qu’ils les menaçaient de leur couper les cheveux, de les massacrer, que tous les patriotes étaient dispersés et dans la plus grande consternation,- et qu’il en était même quelques-uns d’entre eux de blessés. « Alors, sans m’inquiéter de ma responsabi¬ lité, parce que ma tête est à ma patrie quand je croirai pouvoir la servir, je pris un cheval, je passai au grand galop au milieu de plus de 150 rebelles en différents groupes qui se trou¬ vaient sur ma route, et me rendis à Coulom-miers pour avoir de la force armée. « J’appris, à mon arrivée, qu’il y avait eu insurrection pareille à Mauperthuis, qu’il y avait eu une expédition de faite, et que le len¬ demain la force armée devait retourner dans le même canton; je fis valoir toutes les raisons qui avaient motivé ma demande, et je déter¬ minai mon collègue et l’Administration à faire marcher la force armée de mon côté. « Nous aurions mis sans doute un commis¬ saire de la Convention à la tête de la force armée; mais elle le demanda; ce fut une raison de plus pour nous y décider. « Il fallait aussi un commissaire pour parer aux événements qui pouvaient arriver aux envi¬ rons de Coulommiers. Il fut décidé que nous par¬ tagerions, et je fus nommé pour être à la tête de la force armée. « Je commençai mon opération par faire désarmer les communes suspectes ou coupables qui se trouvèrent sur mon passage; je m’y pris de manière à ne pas ralentir notre marche et à ne courir aucun risque. « Je me rendis ensuite à la Ferté, où il y avait un commencement de rassemblement, qui faisait présager les suites les plus fâcheuses, mais qui se dissipa à l’approche de notre arri¬ vée. Notre avant-garde a entendu le tocsin dans plusieurs endroits. Je me décidai à y faire repo¬ ser la troupe, parce que nous étions à l’approche de la nuit, et que c’eût été l’exposer que de faire dans cet instant une entreprise importante. « Les patriotes nous reçurent comme des libérateurs, et nous versâmes respectivement des larmes d’attendrissement. Je profitai des circonstances pour rétabhr la Société popu¬ laire, et nous allâmes tenir la séance la plus inté¬ ressante qu’il soit possible de voir, sur les dé¬ combres mêmes de l’ancien local. « Dès le matin nous partîmes pour Jouy. Nous l’entourâmes. Nous entrâmes avec la cavalerie et un détachement d’infanterie, et nous fîmes prisonniers presque tous les hommes qui y étaient, après nous être emparés de toutes les armes que nous trouvâmes dans la commune. Nous fîmes la même opération à Choisy. Nous en avons fait hier encore plusieurs autres, et nous avons emmené au total environ 600 pri¬ sonniers. « Maintenant, tout est dans le plus grand calme. Pour sûreté, je laisse 280 hommes à la Ferté-Gaucher. « Je ne saurais trop faire l’éloge des adminis¬ trateurs du district de Eozoy, qui m’ont accom¬ pagné dans toutes mes opérations ; des autorités constituées de Coulommiers et de la Ferté-Gau¬ cher; de la force armée, de ses officiers; du citoyen Chevré, commandant la force armée de Meaux; du citoyen Barré, qui commandait celle de Coulommiers; du citoyen Thomé, lieute¬ nant de gendarmerie, qui nous a donné les preuves d’un zèle infatigable; du citoyen Du-hem, frère de notre collègue, qui commandait les chasseurs, et qui nous a donné les plus grandes preuves de fermeté, de prudence et de talents militaires. « P. 8. ■ — J’ai eu à ma disposition plus de 20,000 hommes, dont je n’ai pas fait usage. Nous n’avons manqué de rien. La commune de Meaux, ses magistrats, ont tenu à notre égard une con¬ duite digne des plus grands éloges. L’armée révo¬ lutionnaire est arrivée ici hier soir. Nous allons prendre des mesures ultérieures. « Salut et fraternité, « Morisson, « représentant du peuple. HL Les représentants aux papeteries de Courtalin et du Marais au comité de Salut public (1). « Coulommiers, 29 frimaire an II (19 décembre 1793). « Citoyens nos collègues, « Nous pouvons vous assurer, comme nous l’avons dit à la Convention, que le calme est parfaitement rétabli dans la partie de ce dépar¬ tement qui a été en insurrection. « La révolte serait devenue générale dans ce département, et peut-être dans ceux qui l’envi¬ ronnent, si on ne l’eût pas arrêtée dès son prin¬ cipe; l’activité des administrateurs du district de Eozoy et la promptitude de nos mesures ont pu seules en arrêter les progrès. « L’observation que nous avons faite, que l’insurrection existait le même jour, sur diffé¬ rents points éloignés les uns des autres, nous a démontré qu’il existait de grands conspirateurs qui, cachés derrière la toile, conduisaient les diverses ramifications des mouvements que nous avons éprouvés. « Ils ont profité de l’excès du zèle de quelques autorités constituées subalternes et de quelques citoyens patriotes relativement au culte catho¬ lique. Nous ne pouvons vous le cacher, on a exercé ici une espèce de persécution en faisant publier un arrêté du département de la Nièvre, absolument contraire au principe de la liberté des cultes, et quelques citoyens en ont pressé trop vivement l’exécution. « Parmi les remèdes, nous avons employé surtout l’instruction, et nous nous disposions à faire une proclamation, lorsque nous avons eu connaissance de l’adresse que le Conseil exé¬ cutif a faite sur ces objets et qui nous a paru devoir suffire. La lumière et le zèle des admi¬ nistrateurs et surtout du commissaire national S3(l) Archives nationales, AFii, n° 152. Aulard : Becueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 521. 234 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \ J }\'n, du district de Rozoy feront le reste pour foutes les mesures que pourront exiger les circons¬ tances ultérieures. Il y a ici deux contraires à éviter : le modéran¬ tisme et la persécution. Les événements passés exigent la plus grande surveillance pour décou¬ vrir les principaux coupables et la plus grande sévérité à cet égard; mais, d’un autre côté, s’il a fallu pour un instant répandre la terreur, il faut rendre le calme aux habitants de la cam¬ pagne; c’est un devoir essentiel du gouverne¬ ment et à l’égard des individus et relativement à la prospérité publique. « Nous avons 7 à 800 prisonniers; il y a de grands coupables parmi eux, et le plus grand nombre a été égaré. Il faut faire justice à tous; pour cela, le parti qui nous a paru le plus avan¬ tageux est de faire transporter à Coulommiers le tribunal criminel du département et de l’au¬ toriser à juger révolutionnairement et sans ap¬ pel. Mais, pour cela, il faut un décret. Vous en déciderez dans votre sagesse. « Quant à nous, nous croyons que la mission que notre zèle pour la chose publique nous a fait prendre' sous notre responsabilité est finie, et nous nous retirons dès aujourd’hui à nos pape¬ teries respectives. « Nous avons, de concert avec les adminis¬ trateurs, disposé l’armée révolutionnaire sur les divers points où nous l’avons cru utile, et nous avons rendu à l’ordre général les volontaires de la première réquisition dont nous avions dis¬ posé : « Si vous jugiez, nos collègues, que nous pou¬ vions vous être utiles dans l’exécution de quelques-unes de vos déterminations, vous pouvez compter sur notre zèle et notre acti¬ vité. « Les mesures à prendre relativement à nos prisonniers sont extrêmement pressées, peut-être même pour atteindre les plus grands cou¬ pables. « Salut et fraternité. « Godefroy, Morisson. » IV. Le représentant à la papeterie de Courtalin au comité de Salut public (1). « Coulommiers, 2 nivôse an II (22 décembre 1793). « Citoyens nos collègues, « Des bruits confus, et qui se sont trouvés . sans fondement, m’avaient déterminé à revenir de Courtalin à Coulommiers. Il s’agissait de rassemblements du côté de Montmirail; ces bruits se sont trouvés heureusement faux. « Ces circonstances m’ayant ramené à Cou¬ lommiers, où j’étais bien aise de voir comment prendrait l’armée révolutionnaire, j’y reçois un courrier qui annonce que le garde-magasin de Château-Thierry a besoin de convois pour le transport des subsistances à l’armée. En consé¬ quence, je vous donne avis que je me rends sur-le-champ à Meaux, pour, de concert avec radmi-nistration du district et autorités constituées, (1) Archives nationales, AFn, n° 153. Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public , t. 9, p. 586, mettre à la disposition de ce garde-magasin, conformément à la demande pressée du citoyen Voiart, régisseur général des subsistances, les convois dont il aura besoin. Si ces mesures con¬ trariaient quelques arrêtés que vous auriez pu prendre, je vous prie de m’en instruire sur-le-champ. « Je crois l’instant favorable pour la suppres¬ sion des frais du culte. « Pesez cet avis dans votre sagesse. « Je le fonde sur ce que plusieurs communes sont divisées ; les unes veulent des messes et des cérémonies, les autres n’en veulent pas. Je crois donc que le moyen de les accorder est de faire payer ceux qui tiennent aux céré¬ monies. « La seule considération qui pourrait arrêter, serait celle de savoir si, pour l’exemple à donner aux nations, il conviendrait qu’une grande na¬ tion supprimât les frais de son culte. « Mais je crois que la Déclaration des droits de l’homme et la Constitution seront un bel exemple de morale à offrir aux nations. « Je vous prie, citoyens mes collègues, de vous rappeler que parmi le grand nombre de prison¬ niers faits dans ces jours d’émeute, il y a beau¬ coup de gens égarés et entraînés. Beaucoup de cultivateurs, s’ils' sont jugés innocents, seront précieux à la culture des terres. Nous vous avons demandé l’établissement d’une Commission; si vous le jugez nécessaire, nous vous prions d’en presser la création, ou de nous indiquer toute autre marche que vous croiriez plus prompte et plus propre à reconnaître les cou¬ pables. « Il est facile de voir que des ennemis de la patrie figuraient dans cette rébellion, et que, si on ne l’eût pas arrêtée dans sa source, les suites en eussent été funestes. « Mais une chose qui doit militer en faveur de plusieurs, c’est qu’au milieu de ces désordres on a respecté les propriétés nationales, et qu’on n’a point cherché à faire évader les hommes arrêtés ou détenus comme suspects ou contre-révolutionnaires. Peut-être, en cas de succès, en fût-on venu là; cependant aucune des dénonciations n’en fait mention. « Salut et fraternité. « Votre collègue, « Godefroy. » II. Rapport par le citoyen Henri Pré ge ville DE L’AFFAIRE DU 23 FRIMAIRE, AUX AVANT-POSTES DE LA DROITE DE L’ARMÉE DES Pyrénées-Occidentales (1). Compte rendu du Bulletin de la Convention (2). Les Espagnols s’étant portés le matin en nombre assez considérable sur le poste occupé (1) Le rapport du citoyen Henri Fr ege ville n’est as mentionné au procès-verbal de la séance du nivôse an II; mais il est inséré en entier dans le Bulletin de la Convention de cette séance. (2) Bulletin ae la Convention du 3e jour de la lre décade du 4e mois de l’an II (lundi 23 dé¬ cembre 1793).