*54 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 janvier 1790.] danger de laisser exister un pareil système. Vous désirerez sans doute trouver les moyens de remédier aux maux dont nous sommes menacés; je les avais indiqués à l’Assemblée nationale. Je vais les soumettre de nouveau à vos lumières et à la justesse de votre esprit. I. 11 faut détruire toutes les causes d’agiotage, en convertissant en contrats de rentes, tant foncières que viagères, tous les effets qui circulent à la Bourse, résultant des différents emprunts, sous quelque dénomination qu’ils soient, même les anciennes actions de la Compagnie des Indes. II. Que l’Assemblée nationale décrète : qu’aucune action de la Caisse d’escompte, de la nouvelle Compagnie des Indes, des eaux de Perrier, d’assurance contrôles incendies, et autres actions de compagnies (de quelque genre qu’elles soient), ne pourront être concédées ou transportées que )ar acte passé par devant notaire, sous les )eines qu’il plaira à l’Assemblée nationale d’in-liger. III. La Caisse d’escompte n’ayant point fourni la valeur numéraire des billets' qu’elle a créés pour être transmis au Trésor royal, et l’Assemblée nationale ayant fourni une portion de la valeur de ces billets, pour le numéraire frappé à la monnaie, et pour les dons patriotiques, elle doit se faire remettre pour pareille somme de ces billets, qui seront déchirés et retirés de la circulation , et à mesure des sommes qui seront fournies à la Caisse d’escompte, éteindre pour pareille somme de ses billets. Car si l’Assemblée nationale en usait autrement, elle paierait à la Caisse d’escompte quatre-vingt-dix millions , dont la valeur appartiendrait toujours aux porteurs de ces billets restant en circulation, et elle fournirait à cette caisse un supplément de fond qui serait réellement volé à la nation, en faveur des actionnaires ou des administrateurs de la Caisse d’escompte. IV. Nommer des commissaires de l’Assemblée nationale pour faire (dans le bureau établi rue de Vendôme) un appel de tous les billets de Caisse d’escompte, tant en lettres de change qu’en numéraire, et les sommes dues par le gouvernement, pour, par cette balance, reconnaître si elle est en état de faire face à ses engagements. V. Acquitter en assignats à terme sur le Trésor national le montant des rentes arriérées de l’année mil sept cent quatre-vingt-neuf, portant intérêts à 5 0/0, .jusqu’à leur parfait et entier remboursement, et laisser suivre les paiements de cimes arrivées pour l’année 1788. L’objet le plus pressant, dans le moment de crise actuelle, est de détruire tout ce qui est susceptible d’ancien agiotage , en sorte qu’il ne reste d’autre nourriture aux financiers et gens à argent, que les assignats consentis par l’Assemblée nationale sur le Trésor public, et les lettres de changes du commerce ; alors la nation verra renaître l’abondante circulation du numéraire, et si l’Assemblée nationale acquittait, en pareils assignats, le montant des billets de caisse dont elle reste redevable, et qu’elle éteignît les quatre-vingt-dix millions de billets prêtés au Trésor royal, elle pourait obliger la Caisse d’escompte, de payer à bureau ouvert, soit en argent comptant soit en assignats, au gré des porteurs de billets. II me semble, Monsieur, que vous seul pouvez sauver le royaume, et essentiellement Paris, des malheurs dont ils sont menacés. Les ennemis de la patrie et de l’ Assemblé nationale n’ont pu les détruire par la famine. Ils cherchent aujourd’hui à porter le peuple à la révolte (qu’ils n’ont cessé de susciter), en accaparant tout le numéraire circulant dans le royaume, et cette voie est plus certaine que toutes celles qu’ils ont employées ; car avec du numéraire on a du pain, à quelque prix qu’il soit, mais sans argent il faut mourir de faim, voilà le but des ennemis de la patrie. Ils y parviendront si on n’y porte le plus prompt obstacle en rétablissant la circulation. Je suis avec un respect mêlé de la plus grande vénération, Monsieur, votre très humble serviteur. Boileux de Beaulieu. 25 janvier 1790. ASSEMBLÉE NATIONALE. présidence de m. démeunier, ex-président. Séance du jeudi 28 janvier 1790 (1). M. Démeunfcr, avant-dernier président, ouvre la séance en annonçant que la santé de M. le président ne lui permet pas delà tenir, et que celle de M. l’abbé de Montesquiou ne lui permettant pas de le remplacer, il se trouve chargé, par le réglement, de cette honorable fonction. M. le vicomte de Noaillcs, l'un de MM. les secrétaires, fait lecture du procès-verbal de la dernière séance. M. d’Estourmel. M.le duc de Biron ayant été nommé dans le procès-verbal du 26, pour le sacrifice qu’il a fait de sa place de commandant de l’île de Corse, il convient que M. Le Couteuix de Canteleu soit aussi nommé dans le procès-verbal d’hier, dans l’endroit où il est fait iqention de sa renonciation généreuse à la place de trésorier général de la caisse de l’extraordinaire. M. l’abbé Latyl. Je réclame la même exactitude au sujet de M. Naurissart, qni a renoncé à l’intérêt que le gouvernement lui avait accordé sur l’entreprise des vivres et fourrages de l’armée. Ces propositions sont adoptées. M. Anson, membre du comité des finances, lit la rédaction du décret sur les octrois, qui lui (1) Cette séance est incomplète au Moniteur . 355 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 janvier 1790.] a été renvoyé par une délibération du 25 janvier. M. liouehotte. Je propose d’ajouter à la disposition du décret sur les exemptions de droits d’octrois et aides sur les boissons une exception en faveur des Suisses, qui en ont toujours joui d’après les conventions faites avec leurs cantons M. d’Estourmel. Je pense que ce n’est pas le moment de délibérer sur cet objet, je demande la question préalable. M. Lanjulnais appuie cette observation. Il est décrété qu’il n’y a pas lieu à délibérer, quant à présent. On va aux voix sur la rédaction du décret, qui e adoptée dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète que tous les octrois, droits d’aides de toute nature, et autres droits y réunis, sous quelque dénomination qu’ils soient connus dans lesvi'" -- --- ■- J-royaume où ils sont étab les et autres lieux du is, continueront d’être perçus dans la même forme et sous le même régime précédemment établi, jusqu’à ce qu’il ait été statué autrement par l’Assemblée nationale, néanmoins sans aucun privilège, exemption, ni distinction personnelle quelconque; n’entendant rien innover, quant à présent, aux usages concernant les consommations des troupes françaises et étrangères, ainsi que des hôpitaux. « Les fermiers ou régisseurs des droits appartenant aux villes seront tenus d’exhiber J es registres de leurs perceptions aux officiers municipaux sur leur simple réquisition; et les sommes provenantes de l’augmentation résultant de la suppression des exemptions et privilèges, seront versées dans les caisses du receveur des municipalités, sans préjudice de la partie de ces droits qui peut appartenir au Trésor public-« L’Assemblée ordonne que ce décret sera porté incessamment à la sanction du Roi. » L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements du royaume. M. Gfossin. Je prie l’Assemblée de m’accorder une attention nouvelle, dont j’ai d’autant plus besoin que ma santé est altérée par le travail continuel des rapports. M. le Président invite l’Assemblée à seconder le zèle constant de l’honorable membre. M. Oossin rend compte de plusieurs difficultés relatives au département méridional de la Champagne et propose un projet de décret. M. Drevon parle au nom de la députation de Langres, pour rendre cette ville chef-lieu d’administration préférablement à Chaumont. Il demande le provisoire pour Langres, ou au moins que l’assemblée du département, qui décidera de la fixation du chef-lieu, soit tenue dans une ville neutre. Il dit que c’est au centre de la population, et non de la surface, que l’administration doit être placée ; et il assure qu’en ce sens Langres est le centre du département. L’opinant propose de faire tenir cette première assemblée à Bourbonne-les-Bains. M. liougeotte de Vignes (1). Messieurs, la (1) Je n’avais point écrit lorsque j’ai repoussé, dans l’Assemblée nationale, les efforts des défenseurs de fixation des chefs-lieux de département et de district est entièrement subordonnée à des convenances que les députés des anciennes provinces peuvent seuls apprécier, et quand ils ont fait connaître leur vœu, quand ils en ont démontré les avantages daus le comité des divisions que �Assemblée a établi pour constater les localités, quSnd les membres de ce comité rendent eux-mêpies le premier hommage à l’avis préparatoire de fit province, il paraît toujours étonnant d’entendre des réclamations que l’on est forcé d’appuver sur d’autres résultats, réclamations qui ne peuvent que favoriser les coupables projets des ennemis de la Constitution, en éloignant le momeit où le plus bel empire va reprendre le mouvement et la vie; car, après bien des débats inutiles, il faut toujours, en dernière analyse, revenir aux faits dont l’exactitude a été reconnue dans les discussions contradictoires ; et ne vaudrait-il pas mieux sacrifier quelques prétentions qui ne sont plus défendues que par l'ambition et l’intérêt particulier, que de retarder un seul instant la fin de cette constitution qui doit assurer la liberté et le bonheur du peuple? C’est toujours sur lui, c’est principalement ùr cette classe nombreuse qui n’a d’existence que par des travaux journaliers et son industrie que des législateurs doivent porter sans cesse 1ers regards; et je ne détournerai pas l’Assemblée d’un devoir aussi sacré en réfutant les prétentions élevées au nom de la ville de Langres, puisque je démontrerai qu’elles sont contraires à l’intérêt des la ville de Langres ; mais la réfutation qne j’ai faite de leurs moyens étant calquée sur des principes, sur des faits que j’ai exposés souvent dans les discussions particulières, et que j’ai établis dans les différents mémoires que j’ai remis à Messieurs du comité de constitution, elle est encore assez présente à mon esprit pour m’en rappeler non-seulement la substance et les principales divisions, mais encore pour livrer à l’impression les mêmes développements, sans aucune différence sensible. C’est avec peine que je me suis déterminé à prendre ce parti, malgré l’exemple qu’on m’en avait donné, parce qu’il faut taire au publiic les discussions qui peuvent déceler des intérêts particuliers qui doivent être étrangers aux représentants de la nation ; mais on s’est tellement écarté des bornes de la modération dans les débats qui ont eu lieu, on a mis tant d’affectation à déprimer ma ville et tous les bons citoyens qui l’habitent, que je regarde maintenant comme un devoir sacré ce qui n’aurait pu, quelque temps auparavant, que satisfaire un excès d’amour-propre, que je n’ai point, ou me donner des avantages dont je n’avais pas besoin, Quelques autres motifs se réunissent encore pour en démontrer la nécessité : je dois compte à tous mes commettants des moyens que j’ai mis en usage pour répondre à la confiance dont ils m’ont honoré ; c’est leur intérêt que j’ai servi, c’est même celui d’uue partie des autres administrés qui n’ont pas concouru à ma députation que j’ai consultés, en les rapprochant de l'administration. Je dois aussi les prévenir contre les petits motifs que l’on pourrait employer pour les induire en erreur, et j’ajouterai à ma réfutation faite dans la séance du 28 janvier quelques notions sur de semblables précautions que l’on a déjà mises en usage, et des observations sur plusieurs inexactitudes qui ont échappé aux défenseurs de la ville de Langres, inexactitudes que je n’ai point relevées dans l’Assemblée parce qu’elles étaient attestées par les détails consignés dans Je rapport du comité de constitution, et qu’en général c’est abuser des moments do l’Assemblée, que de fournir des principes pour répondre aux déclamations. Je terminerai cet écrit par quelques réflexions sur une difficulté nouvelle dont le jugement a été renvoyé, par décret du 13 février, à l’Assemblée de département; elle a pour objet la démarcation des limites du district de Bourmont