155 JAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 février 1791.] que l’importation du tabac fabriqué soit prohibée, ou bien qu’il soit soumis à un triple droit, et en outre une amende du décuple à la charge des contrevenants qui pourront la payer. C’est le seul et unique moyen d’assurer la perception d’un impôt juste et utile, puisque, de cette façon, il n’exigera point de frais de gardes extraordinaires. Les habitants des frontières seront eux-mêmes les premiers intéressés à surveiller la fraude, s’il pouvait y en avoir, comme faisant tort à leurs cultures. On pourrait encore les y engager davantage, en assignant une part dans les captures au profit de la communauté, dont le garde aura fait ou concouru à faire l’arrestation. Et pourquoi ces citoyens s’y refuseraient-ils, puisque désormais la" contrebande ne pourra être envisagée que comme un crime, un vol fait à la patrie, une spoliation des revenus publics, contre laquelle tous les particuliers ne pourront qu’être vivement animés et toujours prêts à l’empêcher? ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. RIQUETTI DE MIRABEAU L’AÎNÉ. Séance du dimanche 13 février 1791 (1). La séance est ouverte à onze heures et demie du matin. M. le Président. M. Monneron, que vous avez admis h i < r comme député de l’ile de France et des Indes orientales, en remplacement de M. Colin, décédé, demande à prêter le serment. M. Monneron monte à la tribune, prête le serment et dit : Messieurs, quelques lettres jetées sur le bord de la mer, lors du naufrage de l'Amphitrite , ont confirmé les dispositions tranquilles que les habitants de l’Ile de France vous ont manifestées dans l’adresse dont j’ai eu l’honneur de vous faire part. Leur respect pour les lois qui ne sont pas abrogées, un attachement inviolable aux décrets de l’Assemblée nationale sanctionnés parle roi, voilà leur catéchisme et leurs lois. Vous jetterez sans doute les yeux sur ce qui sYst passé avant la réception de la loi du 8 mars sur le régime des colonies. Alors la liberté naissante était aux prises avec les abus que vous avez frappés d’une mort éternelle; les doux partis étaient prêts à se déchirer, lorsque cette loi leur est parvenue et les a réunis sous les mêmes drapeaux. S’il m’était permis de vous exprimer leurs sentiments, vous les entendriez jurer par mon organe, à la France libre, un attachement éternel. J’arrive, Messieurs, au milieu de vous, sans avoir reçu aucune instruction de la colonie que je représente; mais je n’en suis pas moins fort, puisque vous n’êtes ici que pour le bien commun et que vous avez juré de ne point vous séparer peut compter sur encore 10 écus. Voilà donc 20 écus sur chaque 100 livres de tabac fraudé, et encore de très mauvais tabac, dit-on ; d’où je conclus qu’on peut m< tire au moins un droit de 50 livres par quintal de tabac étranger. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. sans avoir assuré à toutes les parties de l’Empire les bienfaits de la Constitution que vous avez créée. Je finis, Messieurs, en priant l’Assemblée de décréter que tous les papiers échappés an naufrage de l'Amphitrite et concernant la députation de l’I le de France seront remis au comité colonial, et en demandant à être personnellement autorisé à les prendre en communication. (Cette motion est décrétée.) Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. M. Eofttcial, au nom du comité de judicature présente le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de judicature, « Décrète que les officiers municipaux supprimés, qui sont dans le cas de faire liquider la finance de leurs offices, seront incessamment payés de leurs gages et autres émoluments arriérés, jusques et y compris le 31 décembre 1790 inclusivement, comme par le passé, par les caisses qui étaient ci-devant chargées de les payer. » (Ce décret est adopté). M. Rabaud-Saint-Ellenne, au nom des comités de Constitution et militaire. Messieurs, j’ai rhonneurde vous proposer un projet de décret qui ne doit pas entraîner une longue discussion, mais qui devient extrêmement instant par les circonstances. Vous avie z décrété dans le titre 4 du décret du traitement de la gendarmerie nationale � , que les traitements et appointements de la gendarmerie nationale seront fixés et payés mois par mois par le mmistrede l’intérieur chargé désormais de payer ce traitement; par l’article 12 du titre 7, vous avez dit que les officiers, sous-officiers et cavaliers de la gendarmerie nationale continueront à être payés, du 1er janvier 1791, suivant la nouvelle division des compagnies, sur le pied fixé par Je décret du 23 septembre dernier; en conséquence de ces décrets, MM. les commis de l’ancienne administration de la guerre dans les provinces, ont remis des ordres de ne plus rien payer à la cavalerie de maréchaussée, à compter du 1er janvier 1791, conformé lient à l’organisation du corps de la gendarmerie nationale. Si les divisions de cette troupe ne sont pas encore faites dans les départements et qu’il faille trois ou quatre mois pour y parvenir, il en résulterait, Messieurs, que de trois ou quatre mois les officiers et gendarmes ne seraient pas payés. Ce corps souffrirait prodigieusement et tomberait incontestablement en dissolution. C’est en conséquence de ces réflexions que j'ai l’honneur de vous proposer le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que l’article 4 du titre IV et l’article 12 du titre VI des décrets rendus les 23 décembre et 16 janvier derniers, par rapport à l'organisation du corps de la gendarmerie nationale, ne recevront leur exécution que lorsque les divisions des ci-devant compagnies de maréchaussée, même des compagnies supprimées, seront faites par département; et jusqu’à ce, les officiers, grefliers, sous-officiers, cavaliers et trompettes seront payés, de mois en mois, dans les ILmx actuels de leurs différentes résidences, de tous leurs traitements et �ratifications, sous quelque dénomination qu’ils soient affectés à leurs différentes places, t par les mêmes mains et sur le même pied quq 156 [Assemblée nationale.} par le passé, en observant les formes qui ont eu lieu jusqu’à présent. « Les loyers de casernement qui ne sont pas fournis en nature seront également acquittés comme par le passé. » (Ce décret est adopté.) M. le Président fait lecture de deux lettres de M. le maire de Paris qui annonce que la municipalité de cette ville a fait avant-hier et hier l’adjudication de six maisons nationales et qui informe l’Assemblée du résultat de ces ventes. M. le Président. M. de Beauchamp, député de Saiut-Jean-d’Angély, m’a adressé hier une lettre par laquelle il demande à �Assemblée de lui accorder un congé de cinq semaines. (Ce congé est accordé.) Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une adresse des officiers municipaux de Saint-Valéry-en-Caux, qui informent l’Assemblée que le cure, ses cinq vicaires et l’aumônier de la garde nationale de cette ville ont prêté, dimanche, dernier, le serment prescrit par le décret du 27 novembre dernier, aux acclamations des citoyens. M. Audier-Massillon, au nom des comités de judicature, des finances, de l’extraordinaire et de direction de la liquidation. Messieurs, vous avez ordonné, par votre décret du 30 octobre, que les gages des officiers supprimés seront incessamment acquittés en la forme ordinaire jusques et y compris le 30 décembre 1790. Depuis lors votre comité de judicature n’a cessé de presser l’exécution de ce décret et n’a été arrêté que par le temps nécessaire pour dresser les états d’après lesquels les payements doivent être faits. Par un décret du 6 février vous avez ordonné que les états seront remis sans délai au commissaire du roi; et que les parties plaignantes remettront leurs mémoires, pour ledit commissaire en rendre compte au comité de liquidation, lequel en fera son rapport à l’Assemblée. Ce décret. nécessaire pour les arrérages d’appointements et pour les appointements des differents départements, et pour tous les objets susceptibles de liquidation, a alarmé les propriétaires d’offices; ils ont craint d’être compris dans la disposition générale de ce décret et que chaque titulaire fût obligé d’envoyer ses mémoires, de fournir les pièces justificatives et de poursuivre la liquidation et le recouvrement à Paris pour des gages très modiques dont souvent la valeur n’égalerait pas les dépenses qu’il y aurait à faite. Votre comité de judicature a pensé qu’après que les étals auront été réglés et arrêtés comme à l’ordinaire, qu’ils auront été remis au commissaire du roi, directeur de la liquidation en vertu de votre décret du 6 février, par lui vérifiés de nouveau, examinés par vos comités et définitivement arrêtés par nos décrets, rien ne devait plus suspendre l exécution du décret du 30 octobre, et que les anciens titulaires d’offices devaient être payés comme par le passé et sans être assujettis à aucunes formalités. C’est d’après ces principes que vos comités de liquidation, des finances, de l’extraordinaire et de direction de la liquidation m’ont chargé de vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités de judicature, des finances, de l’extraordinaire et de direction de la liquidation, décrète ce qui suit : [13 février 1791.) « Lorsque les états des gages d’offices, pour les années échues jusques et y compris 1790, auront été vérifiés par le commissaire du roi, directeur général des liquidations, et décrétés par l’As— semblé nationale, sur b* rapport qui lui en sera fait par le comité de judicature, l’administrateur provisoire de la Caisse de l’extraordinaire se concertera avec l’ordonnateur du Trésor public, pour faire effectuer le payement dans les villes, conformément à l’article 1er du décret du 30 octobre dernier. » M. de Croix. J’observe à M. le rapporteur que le projet qu’il propose est absolument contraire à un décret rendu, il y a peu de jours. J’observe à l’Assemblée qu’il serait à désirer que M. le rapporteur, avant de décréter le projet qu’il propose, voulût bien se concerter avec quelques membres du comité où la question qu’il présente a été singulièrement examinée et où on a reconnu beaucoup de dangers et beaucoup d’inconvénients à adopter la forme qu’il propose. En voici une raison : ci-devant, c’étaient les receveurs généraux des finances qui étaient chargés de faire les payements des gages actuellement existants. Dans ce moment-ci, la compagnie de la recette générale des finances étant supprimée, le comité de la liquidation avait voulu se charger de payer encore dans les provinces; mais il a réfléchi que ce serait retarder pour longtemps la solde de ces comptes et s’engager à conserver des commis et des employés; quoique leurs fonctions fussent infiniment peu considérables. Ce sont ces motifs, et d’autres dont je ne me rappelle pas, qui ont déterminé le comité à solliciter le décret du 6 février. Je demande donc l’ajournement de celui qui vous est proposé et son renvoi au comité des finances. M. Aiïdier-Massillon, rapporteur. Ce que M. de Croix demande a été fait hier. Le comité général de la liquidation, dans lequel se trouvaient des membres de tous les comités qui concourent à la liquidation, a de nouveau examiné le décret du 6 février dont M. de Croix parle. Il a pesé les inconvénients qu’il y aurait de faire payer par les anciens receveurs généraux des finances ; mais il a également considéré l'inconvénient majeur qu’il y aurait d’obliger chaque propriétaire de gages modiques de venir pour cet objet poursuivre une liquidation particulière et un payement à Paris. C’est après avoir balancé ces inconvénients qu’il s’est décidé à vous proposer, non pas de faire faire le payement par les receveurs géuéraux des finances qui n’ont véritablement plus aucune fonction, mais bien par le Trésor royal, de concert avec l’ordonnateur de la caisse de l’extraordinaire. Le comité a pensé que le décret du 6 février ne pouvait pas être appliqué aux gages des offices. Il a pensé qu’il y avait un décret du 30 octobre précédent qui' était absolument contraire au décret du 6 février dernier, et qui ordonnait que le payement des gages des offices serait fait en province comme à l’ordinaire. C’est pour concilier ces deux décrets que votre comité général de la liquidation m’a chargé de vous proposer le projet de décret dont j’ai eu l’nonneur de vous faire lecture. Plusieurs membres : Aux voix ! ARCHIVES PARLEMENTAIRES.