[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 octobre 1790.J 51g Art. 17. « L’adjudicataire ne pourra prétendre aucune indemnité ou diminution du prix de son bail en aucun cas, même pour stérilité, inondation, grêle, gelée ou tous autres cas fortuits. Art. 18. « Le fermier ou locataire sera tenu, outre le prix de son bail, d’acquitter toutes les charges annuelles, dont il sera joint un tableau à celui des conditions; il sera tenu encore de toutes les réparations locatives et de payer les frais d’adjudication. Art. 19. « L’adjudicataire sera tenu de fournir une caution solvable et domiciliée dans l’étendue du département, dont il rapportera la soumission par acte authentique, si elle n’est pas faite au secrétariat, dans la huitaine après l’adjudication; à défaut de quoi il sera procédé à un nouveau bail à sa folle enchère. Art. 20. « Les directoires de district donneront tous leurs soins pour que la culture des fonds soit répandue dans le plus de mains possible; en conséquence, ils seront particulièrement assujettis aux règles suivantes. Art. 21. « Il sera passé des baux des bâtiments, maisons et fonds de terre, séparément de ceux des droits fonciers, tels que les cham parts, et les droits ci-devant féodaux, seigneuriaux, censuels et autres de même nature. S’il était plus avantageux de comprendre ces deux genres de biens dans un même bail, le prix de chaque bail sera distinct et séparé. Art. 22. « Les baux des droits fonciers comprendront les droits ordinaires et les droits casuels, tant ceux échus qui n’auraient pas été arrêtés avec les débiteurs, ou dont la liquidation serait incertaine et susceptible d’estimation ou ventilation, que ceux à échoir. En cas de rachat, le prix des uns et des autres sera versé directement dans la caisse du district, sans que le fermier puisse prétendre d’autre indemnité qu’une diminution du prix de son bail, proportionnée seulement au produit des droits ordinaires, d’après la fixation qui en sera faite pour le rachat. Art. 23. « 11 sera pareillement passé des baux distincts et séparés des biens dépendant ci-devant de chaque bénéfice, de chaque corps, maisons, communautés ou établissements, pour les parties situées dans l’arrondissement de différents districts, ainsi que pour les corps des domaines, métairies, ou pour les masses particulières et distinctes des lre Série. T. XIX. autres domaines nationaux situés dans l’arrondissement de plusieurs districts. Art. 24. « S’il arrive que les bâtiments nécessaires à l’exploitation d’une ferme ou d’un corps de domaine soient situés dans un district, et les fonds en dépendant dans un ou plusieurs autres districts, l’administration appartiendra au district dans l’arrondissement duquel les bâtiments seront situés. Art. 25. « L’adjudication des bois taillis qui tomberont en coupe, qui n’auront pas été compris dans les baux, se fera dans la même forme que ceux-ci, quand le cas le réquerra. Art. 26. « Les dispositions des articles 2, 3 et 4 du présent titre, concernant les baux à ferme, auront lieu à l’égard des baux à moitié ou à tiers-fruits. Mais pendant leur durée, les directoires de district mettront en adjudication la portion des fruits et tous les autres produits revenant aux propriétaires. Après leur expiration, ils mettront en ferme la totalité de la même mauière que les autres biens. » M. l’abbé Gouttes. Dans l’article qui suit, je propose, par amendement, de faire raison aux curés ci-devant réguliers, comme aux bénéficiers séculiers, de ce qu’ils justifieront avoir avancé pour les semences, bestiaux et instruments d’agriculture. (Cet amendement est adopté.) Les articles 27 et 28 sont ensuite décrétés en ces termes : Art. 27. « Les directoires de district se feront représenter, soit par les preneurs à moitié ou à tiers-fruits les baux et les actes de chetel, pour vérifier : 1° si à leur entrée, les terres étaient ensemencées, et si elles devaient l’être à leur sortie.; 2° si les bestiaux sont dans le même nombre et la même valeur; pour ensuite faire remplir aux preneurs leurs obligations sur ces deux objets, sauf à faire raison aux bénéficiers-séculiers ainsi qu’aux curés ci-devant réguliers, de ce qu’ils justifieraient avoir avancé pour les semences, les bestiaux et les instruments d’agriculture. Art. 28. « Lors de la vente des corps des domaines ou métairies, si elle se fait en gros, les bestiaux, ainsi que les harnais et instruments aratoires seront vendus avec les domaines et métairies; mais, si elle se fait en détail, ces derniers seront vendus séparément. » M. de Broglie, au nom des comités de Constitution et des rapports, fait un rapport relativement aux arrêtés du parlement ae Toulouse des 2 à et 27 septembre dernier. Messieurs, jamais les fonctions que vous avez 33 È14 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [g octobre 1T9Ü.] confiées à votre comité des rapports ne lui parais-sent plus pénibles que lorsqu’elles lui imposent l’obligation de provoquer votre juste sévérité contre des citoyens. Mais la considération impérieuse de l’intérêt public, l’importance des circonstances qui nous environnent, Cette multitude de projets funestes, toujours prévenus, et cependant toujours renouvelés, enfin la voix puissante du devoir, tout se réunit, tout concourt, pour nous interdire, en ce inotneht, d’user d’indulgence. Le salut du peuple, Inachèvement de la Constitution, le maintien de l’ordre et de la tranquillité publique, la punition sévère de ceux qui les troublent et qui désobéissent aux lois : tels sont les objets confiés parle peuple français à la surveillance de ses représentants. Telles sont leurs obligations de tous les jours, de tous les moments. Pénétré de cette idée, votre comité a examiné avec attention, les deux arrêtés du parlement de Toulouse des 25 et 27 septembre ; il y a facilement reconnu deux délits très distincts. Le premier est qualifié par la contravention formelle à l’article second du décret du 5 novembre 1789. Gel article porte : que toute cour , meme en vacations, tribunal , municipalité et corps administratifs, qui n'auront pas inscrit sur leurs registres dans les trois jours après la, réception, et fait publier, dans la huitaine, les lois faites par les repré - sentants de la nation, sanctionnés ou acceptés par le roi, seront poursuivis comme prévaricateurs dans leurs fonctions et coupables de forfaiture. L’arrêté du parlement de Toulouse, du 27 septembre dernier, refuse formellement la transcription, sur les registres, des lettres patentes et proclamation du roi relatives à l'organisation du nouvel ordre judiciaire, et portant suppression de toutes les cours et tribunaux de justice du royaume. G est d’après un réquisitoire motivé du procureur général de Cette cour, que cette transcription est refusée : le décret du 5 novembre 1789, était connu de ce procureur général, ainsi que de tous les membres du parlement de Toulouse. C’est donc volontairement et avec connaissance de cause que le procureur général, et les membres du parlement de Toulouse, se sont rendus coupables de forfaiture ; leur rébellion à la loi est avérée ; l’envoi de leur arrêté au roi Constate leur prévarication, le délit est flagrant, la poursuite extraordinaire doit en être la suite. Ici, Messieurs, je ne me permettrai qu’une seule réflexion. Si le délit dont je viens de vous rendre compte était le seul dont les membres du parlement de Toulouse se fussent rendus coupables, s’il était possible de n’attribuer leur désobéissance à la loi du 5 novembre 1789, qu’à l’effet de l’égarement et à des regards inquiets jetés en arrière sur des prérogatives usurpées prêtes à leur échapper; sans prétendre excuser leur conduite, j’essayerais de vous porter à oublier des fautes dont les auteurs, maintenant isolés, ne peuvent plus être considérés comme des ennemis dangereux pour la chose publique. Abandonner au mépris leurs efforts désormais impuissants, les livrer à leurs regrets, à leurs remords, ne leur infliger d’autre peine que celle que fait éprouver à de mauvais citoyens le spectacle de la prospérité publique : telles seraient, Messieurs, les conclusions que j’aurais voulu pouvoir vous proposer de prendre. Mais un délit plus grave sollicite votre attention ; je dois vous le faire connaître daDS ses détails. Il s’agit de venger les lois outragées, et de les venger contre ceux mêmes qui étaient chargés de les conserver et de les défendre. Souffrez, Messieurs, que je vous donne une nouvelle lecture de l’arrêté du 25 septembre. (M. de Broglie donne lecture des arrêtés du parlement de Toulouse. — Voy. ce document annexé à la séance, p. 516.) Chef-d’œuvre, à la fois, d’égarement et de perfidie, cet arrêté est au-dessus de toute qualification; il excite une indignation égale soit qii’on en parcoure les détails, c’est le tocsin de la rébellion sonné par ceux mêmes dont les fonctions augustes et bienfaisantes ne doivent tendre qu’à la paix et à la tranquillité. Attaquer la Constitution dans sa base; Contester aux représentants du peuple les pouvoirs que le peuple leur a confiés ; Réveiller, si j’ose m’exprimer ainsi, les prétentions éteintes des ordres qui n’existent plus ; Provoquer le fanatisme; Abuser du nom sacré de la religion ; Qualifier d’adhésions partielles aux décrets àja mais mémorables de la Consiitution, ce concours unanime de volontés si manifestement exprimé par tous les citoyens français, si saintement, si énergiquement confirmé par le serment civique, et par ces confédérations jusque-là sans exemple ; Présenter comme un hommage à notre monarque, le vœu coupable du retour de l’ancien ordre de choses, l’inviter à violer lui-même cps serments qui le lient à jamais à la Constitution que nous avons tous juré, oser lui proposer ainsi l’obscurcissement de sa gloire ; Protester contre les lois émanées de la volonté souveraine du peuple ; Pousser enfin l’étrange raffinement de la désobéissance, jusqu’à retraire, pour ainsi parler, dans le passé, la soumission manifestée pour la loi, par des enregistrements antérieurs : Tels sont les caractères principaux qui distinguent l’arrêté du 25 septembre dernier. L'énormité du délit, les circonstances dans lesquelles il a été commis, l’immensité de l’offense, les suites dangereuses qu’elle pourrait avoir, si elle demeurait impunie, tout sollicite un jugement solennel. Mais par qui doit-il être prononcé? Vous l’avez déjà décide, Messieurs, le jour même que cet arrêté vous a été dénoncé, en ordonnant que, dans le délai de huit jours, votre comité de Constitution vous présenterait le projet d’organisation de la haute cour nationale. C'est donc à ce tribunal qu’appartiendra l’instruction et le jugement des magistrats du parlement de Toulouse. Vous avez épargné à votre comité la nécessité de vous rappeler les raisons graves qui n’auraient pas permis de charger le Châtelet de cette procédure fameuse. Votre comité, ne pouvant méconnaître votre intention à cet égard, se borne à vous soumettre les motifs d’une disposition préliminaire, qu’il croit indispensable d’adopter. Elle est sévère sans doute, puisqu’elle consiste à supplier le roi de donner des ordres nécessaires pour s’assurer de la personne de membres du parlement de Toulouse, qui ont concouru à la rédaction des arrêtés des 25 et 27 septembre dernier. Prévenus des crimes de forfaiture et de rébellion aux décrets de l’Assemblée nationale, ac- [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 octobre 1790.} deptés et sanctionnés par le roi, leur liberté est Un scandale pour les citoyens fidèles, leur évasion serait un malheur public, il faut les prévenir. C’est au nom de la patrie en danger, c’est pour épargner à ses ennemis de nouveaux crimes, aux citoyens de nouvelles erreurs, à la Constitution de nouvelles secousses, que votre comité vous propose de frapper enfin les regards du peuple par l’appareil d’un grand exemple. Les membres du parlement de Toulouse ont j osé dire que cet arrêté séditieux et coupable était un monument qu'ils consacraient au roi et à la nation. Leur audace vous prescrit votre devoir. Que la punition sévère de cet arrêté soit l’éternel monument de la vindicte publique et de la puissance formidable des lois. Le comité propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités des rapports et de Constitution, décrète que les membres de la ci-devant chambre des vacations du parlement de Toulouse, qui ont pris les arrêtés des 25 et 27 septembre dernier, et le procureur général de cette cour, seront traduits devant le tribunal qui sera incessamment formé pour juger les crimes de lèse-natiou, pour y être procédé contre eux sur l’accusation de rébellion et de forfaiture, ainsi qu’il appartiendra ; « Décrète, en outre, qu’attendu la nature de l’accusation, le roi sera supplié de donner des ordres pour s’assurer de leurs personnes, ainsi que tous autres ordres nécessaires pour l’exécution du présent décret. » M. l’abbé Maury. Comme les moments de l’Assemblée sont précieux, je demande que la discussion soit fermée. M. Alexandre de Lametli. Vous avez entendu la lecture de l’arrêté du parlement de Toulouse, il est de nature à éviter la peine de prouver combien il est coupable. Deux moyens vous ont été présentés pour punir ce délit : d’en livrer les auteurs à la vengeance de l’opinion ou à celle des lois ; d’appeler sur eux le ridicule ou le châtiment: le second parti est le seul que vous puissiez adopter. Vous n’avez pas oublie qu’il y a peu de jours, lorsqu’un membre de cette Assemblée a proféré la contre-révolution et nous a fait part de son projet à cet égard, j’ai été le premier à invoquer votre indulgence, mais la mesure que vous avez prise, relativement à cet individu, serait peu convenable, lorsqu’il s’agit d’une assemblée délibérante; et quand cette assemblée est un parlement, un de ces corps qui, depuis plus de huit siècles, ont apporté sans cesse des obstacles au progrès de la liberté en s’en disant les défenseurs ; un de ces corps qui, dans ce moment, rallient encore les espérances des mécontents; votre indulgence serait taxée de faiblesse et vous feriez commettre de nouveaux attentats, si vous négligiez de punir celui qui vous e.�t dénoncé. Nous sommes arrivés à une époque de la Révolution, où de grandes difficultés, de grands obstacles exigent tous vos soins et toute votre fermeté; vous avez détruit les anciennes institutions; vous en avez créé de nouvelles, pour le bonheur du peuple ; mais il faut maintenant mettre en mouvement ces institutions, il faut faire exécuter, dans tous les points, ce que vous avez décrété : ce moment, qui va assurer le succès de la Constitution et détruire l’espoir de ses ennemis, est celui où ils réunissent tous leurs 515 efforts ; ils seront morcelés par ceux qui ont suivi les événements, qui les ont même favorisés, en croyant que la Révolution servirait leur fortune particulière; par ceux qui ont cherché dans la Révolution autre chose que la liberté, comme si la liberté et le bonheur qu’elle promet à la nation n’étaient pas le seul but et la seule récompense de nos travaux. C’est contre les efforts impuissants, sans doute, que l’on va op-| poser à l’établissement définitif de la Constitution, que je vous engage de prendre des mesures fermes et énergiques : celle qui vous est proposée par votre comité des rapports est de ce genre; elle convient seule à la circonstance actuelle, la sévérité est pour vous un devoir, et je demande que l’avis du comité soit adopté. M. Roger sollicite l’indulgence de l’Assemblée. M. Madier de Montjau. Je demande la parole pour très peu de temps, et sans autre objet que de rappeler des principes incontestables. Qu’étaient les parlements ? les dépositaires de l’ancienne Constitution. Ils l’avaient reçue des mains du roi; ils ont juré de la maintenir; ils ont dû, en la déposant, faire, non, comme l’a dit M. le rapporteur, une protestation , mais une déclaration. (0 n rit et Von murmure.) Si une nouvelle législature renversait ce que vous avez fait, et que les nouveaux juges protestassent, serait-il juste de les renvoyer devant la haute cour nationale? La comparaison est parfaite. (Différentes parties de l'Assemblée applaudissent, rient et murmurent.) (1). M. Duval (ci-devant d'Eprêmesnil). L’acte du parlement de Toulouse est une protestation et non une déclaration : il est important que l’Assemblée ne s’y méprenne pas... Duval est interrompu.) (La discussion est fermée.) M. le Président. M. Madier demande la question préalable sur le rapport. M. de Mirabeau. Je demande que le nom de ce membre soit connu et inscrit sur le procès-verbal. M. l’abbé Lasmartres. Fort de ma conscience et de mon droit, je persiste avec M. Madier à demander la question préalable, quoi qu’en puisse penser M. de Mirabeau. M. de Menou. Pour bien prouver que les opinions sont libres, je demande qu’on mette aux voix la question préalable. La question préalable est rejetée. Le projet de décret présenté par M. Broglie est adopté. La séance est levée à dix heures et renvoyée à demain 11 heures. (1) Voy. aux Annexes p. 517, l’opinion de M. Madier de Montjau, concluant au rejet du projet de décret et demandant la question préalable.